Cette rencontre avec cette jeune femme et son organisation avait comme enclenché un déclic dans ma tête. Même si ces dernières années j’étais restée loin des tumultes de ce monde, il m’était apparu qu’il fallait que je me remette à intervenir dans cette énorme machine en ébullition constante.
J’ai désormais une motivation, mon fils ! Même s’il ne s’en rend pas forcément compte avec l’entrainement que je lui ai fait subir, et qui est, je dois bien l’admettre, d’une difficulté disproportionnée par rapport à son âge, il est la seule et dernière chose qui me fait me mouvoir sur cette terre. Je l’aime comme jamais je n’ai aimé personne et je fais tout ce qui me semble le mieux pour lui. Ainsi, même s’il me fut très dur de me séparer de lui, je sais pertinemment que les décisions que je prends en ce moment et ce qui se passera dans le mois à venir, pourront le mettre en danger. Personne ne doit connaitre son existence, ni cette Saibogu, ni la raison de ma présence ici : Yamada Kioshi.

Il m’est arrivé aux oreilles il y a quelques jours qu’un commanditaire sunajin voulait sa tête, ou bien son corps, ou bien des parties de son corps dans plein de paquets différents avec un beau ruban rose dessus. Peu d’informations sur l’homme, mais largement suffisantes, vu qu’il n’est autre que l’ancien Kazekage, qu’il a la trentaine et qu’il ne possède plus qu’un bras. Tout ceci en main il ne me restait plus qu’à le retrouver, non pas pour lui faire la peau, mais pour un petit échange, mes bons et loyaux services contre un autre service ultérieur dont je n’ai pas encore en tête la substance.
Si je veux revenir dans ce monde, il me faudra forcément de l’aide à un moment ou un autre et ce genre de service peut souvent se présenter comme un investissement non regrettable.

Yuki no nuki est en pleine agitation, la fin de l’hiver annonce pour beaucoup de commerçants le dégel des grandes routes commerciales passant par la banquise et menant à la ville portuaire de dhartsedo. Gyamda, au centre de l’île, devient alors le poumon économique de celle-ci, premier relais depuis le port, elle est la plaque tournante des marchandises, et sa grande foire aux fourrures est l’une des plus prisée du monde shinobi, là où je me retrouve en ce beau mais frais jour de printemps. Me promenant dans les rues au milieu de l’agitation qui s’installe, je ne peux qu’admirer ce balai de couleurs et d’objets en tout genre. Il ne me fait cependant pas perdre de vue mon objectif et ma présence ici. Recherchée, il a deux endroits qui s’offriraient à moi, soit les montagnes et leur isolation qui offre un refuge idéal si l’on veut se voir disparaitre pendant quelques temps, soit si l’on veut rester actif, les grandes villes et en particulier celles comme celle-ci, en pleine effervescence, sont les lieus idéaux pour passer inaperçu.
Je m’arrête un moment pour jeter un rapide coup d’œil aux étals de fourrures, qui sont posées à même de grandes tables alignées, triées par animal et couleurs. Mon regard se pose sur celle d’un magnifique renard des neiges, je l’empoigne pour toucher le poil et le sentir glisser sous mes doigts. A son contact un léger frisson de plaisir me parcours et je la tiens ainsi quelques secondes le regard dans le vide, puis je la repose délicatement là où je l’ai prise, me rappelant malheureusement que je n’ai même presque plus d’argent pour dormir ce soir. Je vois le vendeur, un homme à la barbe dont la taille n'a à envier que celle de son ventre, qui tente de s’approcher de moi pour me persuader que c’est l’unique qui m’ira à ravir et que son prix est le meilleur de toute la place. Mais voyant le wakizachi à ma taille, il fronce les sourcils et rengaine son sourire vendeur pour l’échanger contre une tête patibulaire.
Je me retourne alors rapidement pour sortir de cet endroit où je ne pourrais guère m’acheter de chose si ce n’est la haine et la défiance des commerçants. Dans mon geste je me heurte alors à un homme qui fait bien une tête de plus que moi, le regard sur le sol je ne remarque pas immédiatement qu’il est pied nu, je lève juste les yeux pour voir à qui j’ai affaire, puis je reprends ma route en lâchant du bout des lèvres des excuses.
Continuant mes recherches, un sentiment étrange s’empare de moi, comme si quelque chose ne tournait pas rond. Soudain c’est le déclic, l’homme que je viens de bousculer était pieds nu et peu vêtu, les habitants de la région ne s’habillent jamais ainsi, même les plus endurcis. Je m’arrête brusquement et fait volt face pour le rattraper…

hrp:

Intérieurement je fulmine, m’en voulant de ne pas avoir reconnu de suite l’individu. Mais qu’elle imbécile de m’être laissée emportée par la fièvre dépensière qui règne ici…
Heureusement ma cible elle ne s’est pas doutée de ma présence ou du moins ne l’a pas perçue comme celle d’une menace, elle est donc rentrée là où j’étais peu de temps avant. Revenant sur mes pas je rentre à nouveau dans l’enseigne où je le vois en train de discuter avec le même vendeur que moi il y a cinq minutes.
Je m’approche alors avec délicatesse jusqu’à ses côté, regarde l’échange entre les deux hommes pendant quelques secondes jusqu’à ce que le marchand ne me lance à nouveau un regard peu aimable, reprenant dans la seconde, tout miel avec son interlocuteur :

-Un Yamada à la recherche d’une fourrure, ce n’est pas commun. Ce pays vous en demanderait-il trop Rokudaime ?

Une petite pique lancée, juste de quoi attiser sa curiosité, mais pas trop tout de même. Je n’ai pas envie que ce dernier ne se sente menacé au point de lancer un combat dans cette échoppe, même si une part de moi en rêverai juste pour à la fin récupérer cette fourrure que j’avais vu. Je jette un rapide coup d’œil vers l’homme barbu qui semble choqué par ce que je viens de dire, il reste là, à nous fixer, la bouche demi ouverte. N’y faisant plus attention, je prends alors le temps d’expliquer mon irruption, faisant une petite courbette de présentation, moindre des respects pour un individu qui a atteint le poste le plus important d’un village caché :

-Excusez ma grossièreté, Je me présente Azuko, je suis une shinobi errante, je vous cherche depuis quelques temps déjà. J’ai cru comprendre que vous étiez recherché ? Alors intéressé comme je suis, je me suis dit qu’il y avait toujours moyen d’avoir quelque chose en échange de mon aide au cas où. Mais ne restons pas ici à discuter, que diriez-vous d’un verre ? Je connais un petit bar sympa qui sert un très bon sake.

A peine notre petit échange fini, nous quittons alors le magasin, sous les yeux médusés et confus de son propriétaire pour nous diriger vers ce fameux bar, situé quelques rues en contrebas. Caché entre un bordel à la devanture peu rassurante et un tanneur dont l’odeur de cuir embaume toute la rue, ce bar est selon Azuko l’un des plus fameux de la ville, que ce soit pour ses sakés, surtout chaud, ou bien son vin chaud dont la recette reste jalousement gardée depuis trois générations. Il n’y filtre pas énormément de lumière à l’intérieur, l’ambiance y est pourtant chaude avec un feu qui grésille dans un coin où quelques brochettes finissent de cuire sous l’œil alcoolisé mais non moins attentif de leur propriétaire. Au comptoir se trouvent adossés deux individus dont le dos courbés et les têtes repliées sur leur verres ne laissent que peu entrevoir leurs visages bouffis aux couleurs griottes. Nous nous installons dans un coin où je commande deux sakés chaud, l’un pour mon invité de marque et l’autre pour moi :

-Kampaï, dis-je avant d’humecter mes lèvres du breuvage qui me réchauffe dès la première gorgée.

S’il est une chose que j’ai appris à apprécier avec l’âge c’est bien l’alcool, pas de manière quotidienne, non, mais plus après une mission éreintante ou bien quand le poids de la vie devient un peu plus léger pour pouvoir en apprécier pleinement la saveur. Mais trêve de rêverie, j’en reviens à cet ancien kage et à ma proposition :

-Alors qu’en dites vous ? Mon sabre et mes techniques pour vous assister en cas de besoin contre un service ultérieur dont j’aurais éventuellement besoin ?

L’ex sunajin n’est pas ce que l’on pourrait appeler un être chaleureux, et ce malgré ses origine et son clan. Froid, à la limite du méprisant et son tutoiement qu’il utilise depuis le début n’en font pas un être très sympathique de prime à bord. Mais je n’en n’ai cure, je ne suis pas là pour sympathiser, seulement trouver une épaule sur laquelle je pourrais éventuellement m’appuyer en cas de besoin.
J’écoute religieusement ses propositions, tout en observant avec amusement son petit manège avec nos verres. Peut-être que si j’avais été à sa place j’en aurais fait de même ou même je n’aurais pas accepté cette invitation. Je tique en remarquant qu’il a deux bras, mes informations étaient donc fausses ou bien trop vieille, à croire que mon réseau d’information s’était rouillé pendant ma période de calme ces dernières années, voilà une chose qu’il me faudra régler à l’avenir, et quelques doigts risquent de tomber. Oui moi je ne coupe pas des bras comme cette coutume qui semble tenir à cœur à mon interlocuteur.
Une fois qu’il en a fini, je prends son verre qu’il n’a pas touché et l’avale cul sec, sentant très rapidement les vapeurs me monter à la tête, ce sera mon dernier verre de la journée. Tant pis pour lui et les bonnes manières, après tout il a commencé en ne touchant pas à mon présent :

-Que vaudraient mes paroles comme curriculum vitae si ce n’est du vent ? Me croiriez-vous si je vous disais que j’ai combattu Gobi et que j’ai survécu à cet affrontement ? Non. Me croiriez-vous si je vous disais que j’ai croisé le fer avec des senins à leur apogée et que je leur ai survécu ? Non. Que j’ai combattu au côté de Makka ? Non. Et vous auriez raison de vous méfier car il n’y a qu’un idiot pour croire un nukenin à la lettre et si vous n’avez pas touché à ce verre, si vous avez été kazekage c’est que vous êtes loin d’être idiot, alors maintenant ce qui me turlupine c’est qu’attendiez-vous de votre question ?

Je me pose un instant, jetant un regard aux alentours, prêtant une oreille distraite aux bruits dans la ruelle, reprends une inspiration, pour calmer cette couperose qui commence à me monter aux joues, conséquence sine qua non de ces deux verres pris coups sur coups. Je reprends calmement ancrant alors mon regard dans celui du yamada :

-Je cherche seulement un contact. Sans relations un shinobi isolé ne peut s’en sortir, si je vous rends service peut être pourrez-vous me rendre la pareille plus tard qui sait ? C’est un investissement si vous voyez ce que je veux dire et si vous me faites faux bon peut être deviendrais-je alors un peu plus regardante sur le nombre de zéro qui s’alignent derrière le premier chiffre de votre rançon…
Tout ce que vous me proposez là me semble assez risqué pour un gallop d’essai, j’aurais quoi en échange ? Je ne vous aiderais pas si vous ne faites pas un pas en avant aussi. Je veux bien participer aux batailles si vous m'expliquez ce qu'elles impliquent exactement et si une récompense proportionnelle s'y trouve à chaque fois, mais je ne chasserai ou tuerai qu’une seule de vos proies. Une vie contre une vie c’est le deal. Je protège la vôtre au détriment de l’une des leurs

Je me retourne alors, regarde les trois ivrognes de la salle, les deux aux comptoirs et celui près du feu, tous avec le verre vide. Une idée me vient à l’esprit alors :

-Celui au coin du feu sera pour cette oniri, l’homme de gauche au comptoir pour Yusei et celui de droite, au kimono taché, pour kira. Le premier qui se resserre à boire parmi ces trois hommes désignera ma cible.

Un sourire en coin j’attends alors de voir qui le sort désignera.

hrp:

Finalement, je ne pensais pas qu’il réagirait à ce que j’ai bien pu dire, surtout makka, qui ne prouve en rien la force et l’expérience que j’ai pu avoir. Sa réaction ne semble cependant pas être pourtant des plus enthousiaste à cette annonce, même si la femme de feu était morte il y a longtemps et que Haï n’était plus que la simple de cendre qu’elle aurait toujours du rester, à croire que les plaies que cette femme a pu ouvrir ne s’étaient jamais véritablement cicatrisées :

-Makka ? Une erreur de jeunesse peut-être… Une époque où je pouvais encore être trop idéaliste et croire qu’une femme, un groupe, seraient capables de renverser le cours des choses et du monde et ce dans le plus grand mépris de toute vie humaine...

Je sais que je prends le risque de voir notre échange se stopper net en confirmant cet élément de mon passé, mais je ne veux pas non plus laisser planer le doute sur le fait que je sois encore une folle imbécile prête à vouloir renverser les grands villages shinobis dans une mer de sang.
Notre échange se continue cependant dans le calme, alors que dehors l’activité de la ville semble battre son plein, que l’on entend les marchands crier et les gloussements des jeunes geishas du bordel mitoyen à notre bar. Si j’ai choisi ce lieu c’est certainement parce qu’à cette époque de l’année, il arrive à s’extraire de la folie qui s’empare de la ville :

-Bien, je comprends tout à fait cette réserve quant aux détails des batailles, après tout, vous n’êtes pas à l’abri que mes idéaux prennent le pas sur notre marché et ce malgré l’attrait que vous venez de lui donner à l’instant. J’accepte votre offre du coup, je vous aurais bien offert un verre pour fêter cela mais vu que votre méfiance vous en empêche…

Il ‘est vrai que de par sa nature le Yamada n’a pas rendu très animé cet échange, mais cela n’est pas très grave, du moment que tout se déroule bien et que cette discussion ne finit pas dans un bain de sang, je peux la considérer comme réussie.
La cible toute désignée par le hasard et l’alcoolisme plus franc de l’individu qui s’est resservi, mon interlocuteur me donne plus ample description quant à elle. Puis sa dernière question venant, je laisse échapper un grand éclat de rire qui fait sursauter l’homme qui venait de se resservir, renversant un peu de son breuvage pour tacher encore plus son kimono pour finalement laisser échapper un grognement vindicatif :

-Les rêves de grandeurs sont pour la fougue de la jeunesse, quand l’on croit encore que l’on peut changer le monde d’un claquement de doigt et que l’on n’a pas encore goûté à l’amertume que peuvent engendrer nos limites. Non le deal restera pour moi une vie contre une vie, pas forcément la mienne, mais vous n’avez pas besoin d’en savoir plus pour le moment, chacun de nous doit garder ses intérêts en sureté après tout.

Je lui lance un petit sourire tandis que je fais rouler l’un des deux verres sous mes doigts, confortablement adossée au dossier de ma chaise :

-Si tout est dit, je ne pense pas qu’un pacte de sang ne soit nécessaire pour sceller un tel accord, après tout c’est son côté informel qui en fait tout l’attrait. Si vous avez besoin de me contacter pour ces fameuses batailles, vous pouvez toujours envoyer une lettre à ce bar, le patron saura quoi en faire, et n’essayez pas de lui extorquer des informations sur moi, il est muet. Je reste à votre disposition bien sûr si l’envie vous en fait sentir le besoin, que ce soit pour une mission, boire un verre, ou qui sait plus encore…

Je me redresse, sors mes derniers ryos de ma poche et les lance en direction du comptoir où le patron les rattrape à la volée avec un petit signe de remerciement. Ça y est je n’ai plus de quoi dormir convenablement ce soir…

hrp: