Itabei était recouverte de son voile d'aube. Le soleil commençait à percer entre les montagnes qui longeaient la ville, déversant un flot de lumière matinale sur les habitations. La plupart des riverains étaient déjà au travail, dans les champs. Eux se levaient très tôt, pour entretenir leurs exploitations. Les autres, les commerçants et les citadins, pouvaient se permettre quelques moments de sommeil en plus. Leurs tâches exigeaient une moindre condition physique. C'était cette ville-là, sa ville, que Seito regardait émerger des bras de Morphée. Perché au sommet de sa tour, symbole de l'autorité du Shuhan comme dirigeant de la ville, il veillait sur ses habitants comme l'aigle surveille son nid.
Lui était déjà levé depuis longtemps. Il avait voulu profiter des derniers moments de la nuit pour observer le ciel étoilé. Il s'était pris, très récemment, d'une passion soudaine pour l'astronomie. Il pouvait passer des heures nocturnes à étudier les cartes du ciel qu'il rangeait précieusement dans un tiroir de son bureau, au milieu des formulaires et des papiers administratifs. Les étoiles, les constellations, tous ces corps stellaires qui ne demandaient qu'à être observés, avec le décalage de milliers, voir de millions d'années lumières depuis la Terre fascinaient Seito. Il se demandait souvent s'il aurait jamais la possibilité de voyager parmi ces taches de lumière. Il ne doutait pas que l'Homme le ferait un jour -le progrès était si rapide. Mais serait-il encore en vie pour le voir, ou même le vivre ? Il n'en savait rien, et préférait ne pas se torturer l'esprit par des regrets. Après tout, le mystère était aussi tout à fait attrayant.
Il replia la lunette qu'il utilisait, et la rangea dans son écrin. Il jeta un dernier coup d'oeil à sa ville qui s'éveillait.
"Faisons en sorte que la journée soit fructueuse, hum ?"
Et il descendit jusqu'à l'étage inférieur, son bureau.
Ses conseillers n'étaient pas encore arrivés, chose normale. Ils n'étaient généralement pas à la Tour avant neuf heures, ce qui lui laissait encore une ou deux heures de répit. Il se laissa tomber sur son fauteuil, derrière son bureau, et poussa un long soupir. Un gobelet de thé avait été laissé à sa disposition -très récemment, puisqu'il en émanait encore une fumée odorante- et on avait également apporté les ordres du jour. Réclamations, papiers à signer, approbations à donner ... Autant de menues corvées qui étaient rapides à exécuter, prises séparément, mais qui devenaient vite chronophages sous le poids du nombre. Sans trop de joie, Seito s'attela à la tâche. Il trempa machinalement sa plume dans un encrier, et apposa une première signature.
Il passa environ une heure à parapher des documents, avant qu'un messager n'apparaisse subitement dans la pièce circulaire.
"Shuhan. Une femme et une enfant se sont présentées, et demandent à vous parler. Elles disent vous connaître. Mamoru Kaya et Mamoru Mihoko."
Seito, qui s'était d'abord étonné de constater que Kaya venait lui rendre visite, avait froncé les sourcils quand il avait entendu le nom de Mamoru Mihoko. Il n'avait absolument aucune idée de qui il pouvait s'agir, sinon d'une enfant, selon les paroles du messager. Interloqué, il répondit:
"Faites-les monter, ce sont des amies."
Il eut juste le temps d'enfiler le manteau vert émeraude des Shuhan d'Itabei avant que les deux visiteuses ne fassent leur apparition. Il considéra d'un coup d'oeil la fillette qui accompagnait sa coéquipière, sans vouloir paraître indiscret.
"Bienvenue à Itabei. Qu'est-ce que vous faites ici ? Et à qui ai-je l'honneur ?"
Il avait posé cette dernière question à l'intention de Mamoru Mihoko sur un ton sympathique, le sourire aux lèvres. Après tout, c'était une enfant. Il se refusait à avoir l'air suspicieux devant une enfant.
Des rizières à perte de vue sous un soleil encore timide. Puis au loin les montagnes resplendissant d'une teinte violacée due à la culture de fleurs. Le tout accompagné du chant régulier et apaisant de la rivière Hogara. Le cadre offert par Itabei et ses environs est digne d'une carte postale. C'est l'une des régions de Taki que Kaya apprécie tout particulièrement. Et nul doute qu'elle est promise à un avenir radieux sous l'égide de Seito-san. Le faire Shuhan était une bonne décision. La Mamoru en est convaincue. Pourtant ce n'est pas le futur de la ville qui l'intéresse aujourd'hui mais bien la noiraude qui se trouve avec elle.
Dans un monde parfait le rôle de tutrice relèverait de la formalité. Mais dans la réalité... S'occuper d'une pré-adolescente n'est pas une chose facile. C'est à se demander si les conflits sont inévitables. La relation entre les deux Mamoru pourrait sûrement être meilleure. Mais l'aînée se rassure en se disant qu'elle pourrait aussi être pire... Toujours est-il qu'elle redoute un peu la réaction de Mihoko lorsqu'elle sera en présence de Seito. Refusera-t'elle de suivre son entraînement? Se sentira-t'elle abandonnée?
"Je viendrai te voir à chaque fois que j'aurai du temps libre!" promet-elle. "Et puis Seito-san vient régulièrement au Temple pour s'entraîner avec le reste de l'équipe Kogane. On se verra pratiquement tout le temps!"
Elle tente un sourire à l'intention sa cadette. Mais dans le fond elle ne sait pas vraiment ce que pense Mihoko. Peut-être même qu'elle est contente d'être débarrassée d'elle. Il faudra du temps. Du temps et de la patience... Finalement elles parviennent aux portes de la ville et pénètrent en son sein non sans un rapide échange avec les gardes. Puis le duo fait un arrêt dans un restaurant aux alentours de la tour centrale. Mihoko a besoin de prendre des forces avant ce qui l'attend. Et de manière générale on conseille trois repas par jour pour les enfants alors bon...
Seito ne sait pas que les deux Mamoru arrivent. Et il ne sait pas davantage que Kaya aimerait faire de lui le senseï attitré de sa cousine. Le choix a été facile à faire: elle ne confiera pas l'enfant au clan dans le contexte actuel. Les anciens l'utiliseraient comme moyen de pression si les choses venaient à mal tourner. Le soucis c'est que les gens à qui Kaya accorde sa confiance se comptent sur les doigts d'une main. Hoheinheim est déjà fort occupé et Takoyaki risquerait de bouffer Mihoko. Le Yôgan est la seule option viable. Pourtant il n'est pas un second choix, loin de là. Il sera sûrement excellent dans son rôle. Pour peu qu'il l'accepte.
"Kaya et Mihoko, du clan Mamoru." indique-t'elle aux gardes de la tour un peu plus tard. "Seito-san n'est pas au courant de notre arrivée mais il trouvera certainement un instant pour nous recevoir!"
Ce qui ressemble à une hypothèse est en réalité une suggestion pressante. Les regards sceptiques des gardes - et celui, haineux, de l'un d'eux - ne lui a pas échappé. L'habitude a remplacé le frustration. Mais la rancoeur reste bien présente, elle. La noiraude pose le regard sur l'enfant et se demande comment elle s’accommode du comportement des gens avec les Mamoru à Taki, vu son passé. On ne peut pas dire qu'elle ait elle épargnée. Même ses parents se sont détournés d'elle...
Finalement elles sont introduites dans le grand édifice puis dans le bureau de son coéquipier. Elle hausse ensuite un sourcil amusé lorsqu'elle le voit vêtu de son manteau vert émeraude. Il faut reconnaître qu'il a la classe. Mais ça fait tout de même bizarre de le voir ainsi. Il faut dire que c'est la première fois qu'elle vient lui rendre visite dans son fief depuis qu'il a été nommé. Ce qui l'ennuie c'est que c'est pour lui demander une faveur. De là à la considérer comme une profiteuse... Mais elle croit que le nouveau Shuhan la connait assez pour savoir que ce n'est pas le cas.
"Salut Seito!" elle accompagne ses mots d'un signe de la tête. "Merci pour l'accueil! Je te présente Mihoko, ma cousine."
Kaya hésite ensuite à demander à parler en privé au jeune homme. Mais elle balance bien vite cette idée aux oubliettes. Elle l'a promis à Mihoko: pas de secrets. Il faudra qu'elle s'habitue à agir en conséquence. Mais la chose n'est guère aisée considérant son amour pour le mystère...
"Elle est têtue. Et parfois capricieuse." s'amuse-t'elle. "Mais elle est remarquablement douée et vive d'esprit. Je lui enseigne les arts Mamoru mais je ne peux pas lui dispenser un entraînement aussi complet que je le voudrais. Et il se peut que je ne sois pas toujours objective lorsqu'il s'agit de juger ses performances."
En fait c'est même certain. L'affection altère son impartialité. Et ce n'est pas dans l'intérêt de Mihoko. À ce stade Seito a sans doute compris où elle voulait en venir. Alors elle s'empresse de reprendre la parole avant qu'il ait la moindre occasion de refuser. Si toutefois c'est dans son intention.
"Tout juste! J'aimerais que tu deviennes son senseï!" confirme-t'elle. "S'il-te-plaît!"
Cela faisait maintenant plusieurs mois que Kaya avait arraché l’enfant de son havre de paix illusoire. Entre les tensions qui régnaient entre les deux femmes, il y avait également un échange, un enseignement de la part de la plus âgée. Ainsi, Miho avait appris la vraie nature de ses « dons » et qu’il y avait possibilité de s’en servir en combat. Le Temple Ao, lui avait aussi offert un cadre idéal pour apprendre les bases des guerriers : l’utilisation du chakra, les techniques basiques, etc.
Mais apparemment, tout cela ne suffisait pas à Kaya qui parlait depuis quelque temps de la confier à l’une de ses connaissances. L’enfant l’avait suivi dans un long silence jusqu’à Itabei. C’était donc ici qu’elle devait rencontrer ce « sensei ». Kaya tentait de s’auto-consolée en lui faisant des promesses qui ne seront, finalement, certainement pas tenues. Elle lui jeta un regard, observant son sourire légèrement forcé avant de l’ignorer en se contentant d’observer les environs d’un air pensif.
Arrivée en ville, vêtue d'un de ses kimono, Miho se rapprocha un peu plus de sa cousine, certainement pas habituées à être dans un lieu aussi vivant. En effet, la petite avait vécu une bonne partie de sa vie dans une maisonnette reculée en montagne en compagnie de sa grand-mère et de nombreux esprits en tout genre. Autant dire que les seules personnes qu'elle y avait rencontré étaient des esprits morts depuis longtemps... Quant à ces derniers mois, elle avait vécue dans le Temple Ao, autant dire qu'elle restait également isolée du reste du monde vivant. Ce fut donc l'une des nombreuses raisons pour laquelle Miho n'arriva pas à manger son repas. On pouvait le voir, toute cette agitation la perturbait et l'intriguait.
Finalement, les deux femmes arrivèrent devant un bâtiment plus imposant entouré de garde. L’enfant, ne prêta aucune attention à l'attitude des hommes à leur égard. On pouvait même se demandait si elle avait remarqué leur présence, cette dernière étant focalisée sur un jeu de ficelle entre ses mains. Puis, on l'amena enfin à rencontrer l'homme dont lui avait parlé sa cousine. Elle arrêta donc son jeu, posant son regard profond dans celui de l'inconnu.
« Seito-san ? »
Demanda-t-elle d’une petite voix avant de jeter un regard vers Kaya qui s’était mise à la présenter comme une enfant têtue et capricieuse…. Miho plissa les yeux en la regardant : elle n’était vraiment pas la mieux placée pour la critiquer sur ces deux traits de caractère. M’enfin, très vite, la jeune fille se remit à se concentrer sur son petit jeu, ignorant ainsi les deux adultes. De toute manière, ce n’était pas comme si elle avait son mot à dire dans cette histoire, si ?
Seito haussa un sourcil pendant que Kaya lui présentait sa ... cousine ? Il avait eu du mal à s'imaginer que sa coéquipière ait une famille, et pourtant ... C'était toujours dur de s'imaginer les proches de ceux qu'on ne connaissait que peu. Dans le cas de Kaya, c'était un exercice d'autant plus ardu que Seito ne savait rien de ses parents. Mis à part cette petite cousine fraîchement présentée, il n'avait eu vent d'aucun autre Mamoru partageant un lien de parenté avec la jeune femme. Contrairement aux Yôgan, qui avaient tous un lien plus ou moins lointain, puisque leur capacité à manipuler la lave se transmettait héréditairement, les Mamoru se transmettaient leurs connaissances et leurs talents par l'enseignement. Nul besoin d'avoir le don de communiquer avec l'au-delà imprimé dans son code génétique. C'était une question d'apprentissage, même si peu de personnes devaient faire appel aux Mamoru dans ce but-là ces derniers temps ...
Même si Hoheinheim mettait en place des dispositifs visant à protéger les Mamoru, ils étaient encore persécutés, et ce dans tout le pays. Seito, pour sa part, avait d'ors et déjà interdit tout acte de discrimination à Itabei envers quelque clan que ce soit. Mais les Shuhan des autres villes de Taki auraient-ils la même ouverture d'esprit que lui ? En tous cas, tôt ou tard, et que ce soit de leur propre fait ou de la volonté de Hoheinheim, ils seraient obligés de faire de même, sous peine de ... Seito préféra ne pas imaginer le sort de ceux qui désobéissaient au Seigneur de Guerre. Il s'était demandé quelquefois comment son prédécesseur était venu à disparaître. La coïncidence de sa mystérieuse évaporation et de son accession au rang de Shuhan lui paraissait trop grosse pour être plausible. Et il avait déjà émis l'hypothèse que son maître ne soit pas étranger à ces événements. Aurait-il pu ...
Seito se concentra à nouveau sur le véritable sujet de préoccupation. Il n'était pas l'heure de se poser ce genre de question, d'autant plus qu'il ne ferait que porter plus de soupçons encore sur la figure énigmatique de Hoheinheim. Mieux valait garder ces interrogations pour plus tard, quitte à les soumettre directement au principal intéressé.
Mamoru Mihoko, donc. Et Kaya voulait qu'il devienne son senseï ? Il tourna la tête vers la petite fille quand elle prononça son nom. Elle avait l'air le plus innocent du monde. Très vite, elle se remit à emmêler des bouts de ficelle entre ses doigts habiles. Seito considéra l'enfant, écoutant à moitié les commentaires de Kaya à son propos.
"Ecoute, je serais très content d'avoir une élève ici. Si tu le dis, elle doit avoir du potentiel. Mais ... Je n'ai pas le temps. Si elle tient vraiment à recevoir un enseignement de ma part, j'ai bien peur que ce ne soit plus de la politique mineure qu'autre chose."
Il était navré de devoir apporter cette réponse. Il aurait en effet beaucoup aimé avoir un élève à sa charge. Il s'imaginait tout à fait dans le rôle de professeur. Il sentait que c'était une tâche qui pourrait lui plaire. Il avait la patience nécessaire, et pensait capable de s'adapter avec assez de brio à un étudiant. Il ne prétendait pas avoir beaucoup de connaissances, mais un esprit suffisamment capable pour prodiguer un enseignement de qualité. Comme le dit l'adage, mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine. Cependant, comme il l'avait dit, la charge de travail qu'il avait était trop importante pour qu'il puisse se permettre de fournir un apprentissage de qualité pour un Shinobi.
"Ca ne me dérangerait pas plus que ça de la prendre à ma charge, mais elle apprendrait plus les ficelles du métier de Shuhan que celles du Shinobi. Peut être que j'aurai plus de temps à l'avenir pour lui apprendre des techniques de combat, mais pour l'instant j'ai encore trop à faire à Itabei pour me permettre cet extra. Si tu veux quand même me la confier, elle n'apprendra pour l'instant que l'administration, ou en grande partie en tous cas. Crois-moi, je suis désolé de te donner cette réponse ... Mais c'est tout ce que je peux te proposer."
Il se tourna à nouveau vers l'enfant. Elle était restée bien silencieuse jusqu'à maintenant, trop absorbée sans doute par son jeu. De quoi était capable une jeune Mamoru ? Etait-elle soumise aux mêmes règles que ses pairs, sans pouvoir juger de leur raison d'être ? Si elle était encore libre de ses actes, elle offrait une capacité formidable. Les Mamoru bridés par les lois claniques étaient inévitablement limités moralement dans leur pratique de leur art. Mais que donnerait le développement de ces mêmes arts chez une âme encore vierge de toute limite ? Seito frissonna à cette pensée. Il faudrait lui en donner, tout de même, des limites. Ou plutôt, non ... Il faudrait qu'elle se les crée elle-même.
Ainsi donc Seito n'est pas en mesure de lui offrir un enseignement de shinobi. Kaya se raccroche au fait qu'il peut toutefois inculquer certaines choses à Mihoko. L'administration, la manière de gérer une ville et ses administrés... Autant de choses qui lui seront utiles dans le futur. Elle sera amenée à diriger les Mamoru un jour ou l'autre pour peu que l'élève de Hoheinheim arrive à mener ses plans à terme. L'expérience que Seito pourra amener à sa cousine est donc bénéfique. Voir primordiale. Dès lors, bien que déçue, Kaya décide de ne pas changer d'avis et de tout de même confier l'enfant à son coéquipier. La noiraude pose un regard sur sa cousine puis reporte son attention sur le jeune homme.
"Je t'en demande beaucoup Seito-san, j'en suis consciente. Tu as une ville à gérer et ton propre entraînement à suivre. Mais tu es l'une des rares personne en qui j'ai confiance." En partie tout du moins. "Et je sais que tu seras un bon professeur. Quel que soit l'enseignement que tu choisiras de lui dispenser."
Peut-être qu'il considère l'enfant comme une gêne. Si c'est le cas elle ne lui en veut pas. Elle peut même comprendre. Avec ses nouvelles responsabilités ses heures de temps libre doivent se compter sur les doigts d'une seule main. D'une certaine façon Kaya fait preuve d'égoïsme en souhaitant alourdir encore son agenda. Mais si les intérêts de Seito sont importants aux yeux de la noiraude, ceux de Mihoko le sont davantage encore. La famille et le clan avant tout. Mais l'enfant n'est pas un poids mort, loin de là. Et ce n'est pas de gaieté de coeur que son aînée la confie aux bons soins du Yôgan.
"Mihoko est aussi en mesure de t'aider. Je lui ai appris la base des arts Mamoru et sont talent naturel fait le reste. Elle te sera très utile pour obtenir des informations et t'appuyer dans ton rôle de Shuhan. Tu peux me croire: c'est gagnant-gagnant!"
Et c'est parfaitement vrai. La gamine est bien plus douée que Kaya au même âge. Son aisance naturelle pour percevoir les esprits est un net avantage. Et Seito y trouvera vite une utilité. La noiraude ne sait pas vraiment comment son coéquipier gère sa cité mais elle est certaine que Mihoko saura se montrer utile. Pour peu que le courant passe. Car malgré tout son talent elle ne reste qu'une enfant. Qui sait comment elle réagira? Pour l'instant elle se terre dans le silence même si Seito vient de lui donner l'opportunité de s'exprimer. Oui, quel est son avis? Et doit-il être pris en compte?
Kaya s'est très vite rendue compte des responsabilités qui pèsent sur les épaules d'une tutrice. Entre l'intérêt de l'enfant et ses désirs, il y a souvent tout un monde. La question primordiale, au fond, est la suivante: faut-il aller contre l'enfant pour son propre bien ou au contraire céder à ses attentes et privilégier la bonne entente? Elle a opté pour le second choix. En sachant pertinemment que ça allait créer des tensions entre elle et Mihoko. Le coeur de la noiraude lui commande de garder la gamine auprès d'elle. Son cerveau, lui, insiste sur le fait qu'il faut lui offrir le meilleur avenir possible.
"Ce que souhaite Mihoko n'entre pas en ligne de compte!" coupe-t'elle, hésitante et ferme à la fois. "Elle est encore trop jeune pour prendre ses propres décisions. Et pour comprendre où son intérêt réside."
C'est dans ces instants qu'il faut se montrer ferme. Même si toute les fibres empathiques de votre corps vous crient de faire machine arrière. Non, elle ne veut pas confier Mihoko à qui que ce soit. Mais oui, elle le fera. Parce que dans quelques années l'enfant sera devenue une adulte, qu'elle aura mesuré le chemin parcouru et compris que tout ceci était pour son bien. Du moins est-ce ainsi que Kaya s'imagine les choses. Elle déglutit et serre le poing dans la poche de son manteau avant de finalement poser les yeux sur sa cousine.
"N'est-ce pas Mihoko?"
La réponse de l'intéressée promet d'être riche en enseignements...
Alors que les « adultes » s’appliquaient à décider ce qu’ils allaient faire d’elle, Miho continuait à s’appliquer à créer une tour grâce à son jeu de ficelle. Bien sûr, elle écoutait d’une oreille ce qu’ils racontaient mais sans grande réaction. Pas le temps ? Comme si cela allait décourager sa cousine… Shuhan ? Politique ? Voilà des mots encore dénués de sens dans les oreilles de l’enfant. Tout ce qu’elle comprenait c’est que Kaya semblait plutôt satisfaite de la réponse de son… ami ? Les yeux rouges de la petite se glissèrent sur les deux l’air perplexe. Quelle était leur relation ? Ne lui avait-elle pas dit ne pas avoir d’amis ? Était-ce un mensonge ?
Puis son regard se dirigea sur l’homme qui décida à lui adresser la parole. Si elle voudrait rester avec lui ? La jeune Mamoru semblait hésitante, son regard se perdant dans la salle l’air absente. Et lorsqu’elle bougea ses lèvres afin de répondre, ce fut Kaya qui la coupa. Ainsi ce qu’elle souhaitait ne comptait pas vraiment.. Elle baissa son regard sur les ficelles entre ses mains et se remit à jouer.
« Ce que je souhaite, ou vous souhaitez ne changera rien. Kaya-nee est plus têtue et capricieuse que moi... »
Dit-elle d’un air totalement détaché, bien qu’elle s’était faite plaisir en lui renvoyant les compliments. Puis elle arrêta enfin de jouer pour porter réellement son attention sur l’homme. Elle le jaugea un moment avant de lancer un regard vers sa cousine.
« Il ne les voit pas, ne les entends pas. »
Dit-elle presque déçue et irritée. Au final, elle ne voyait pas ce qu’elle allait bien devoir, pouvoir, faire avec cet inconnu qui ne ressentait même pas la présence des esprits dans son propre bureau. Elle soupira intérieurement avant d’aller s’asseoir l’air de rien.
« Mes amis peuvent aussi rester ? »
Demanda-t-elle, même si ce n’était pas vraiment une question. Elle n’hésiterait pas à se retourner contre sa cousine si cette dernière lui enlevait ses esprits. Un lien spécial s’était créer entre elle et eux lors de son enfance et même si sa cousine n’aimait pas cette relation, elle n’avait pour le moment pas intérêt à la toucher.
Seito sourit, en entendant Kaya. Plus d'amusement que parce qu'il se sentait valorisé, ceci dit ...
"Tu me flattes, Kaya. Ce n'est pas comme ça que tu arriveras à tes fins."
Seito, éternellement droit dans ses bottes, se refusait en effet à plier devant quelque forme de corruption que ce soit, au moins dans le cadre de sa fonction de Shuhan. Quelles seraient les répercussions s'il se laissait aller à accepter les paiements de n'importe qui ? Son administration s'en verrait complètement biaisée, et son autorité bafouée. Les nouvelles circulent vite, dans une ville comme Itabei. Pas spécialement grande, ni énormément peuplée, les rumeurs allaient bon train. Seito ne doutait évidemment pas qu'il soit déjà la cible de quelques-uns des ces murmures, sans pour autant s'en inquiéter. Il savait que son efficacité suffirait à démentir les racontars. L'ancien Shuhan, qui l'avait précédé et laissé la ville dans un état pitoyable, avait sans doute cédé bien des fois à la corruption. Seito ne pouvait pas se permettre, ne serait-ce que par respect pour son peuple, de tomber dans la même fange que son prédécesseur.
En l'occurrence, la situation était cependant bien différente, et il n'y avait pas lieu d'extrapoler les faits. Il ne s'agissait pas de son autorité de Shuhan, ni de l'avenir de la ville, mais simplement de cette jeune fille, Mihoko. Seito ne pouvait cependant pas se résoudre à prendre la fillette sous sa tutelle simplement sur la base -fragile, on le concédera- de flatteries. Ca ne rimait à rien. Et il avait aussi besoin d'une part d'intégrité pour se sentir bien.
"Je ne doute pas des capacités de ta cousine, je n'en sais rien, d'ailleurs. Si tu me dis qu'elle a du talent et du potentiel en tant que Mamoru, je te crois sur parole. Je suis tout à fait sûr qu'elle pourrait faire un bon espion du Shûkai ... Mais si je dois la prendre son mon aile, elle ne sera pas mon outil. Elle sera une élève. Pas question de l'utiliser pour servir des intérêts personnels. Personne n'en n'a le droit, nous sommes bien d'accord ?"
Seito avait peur, et cela devait se sentir dans ses paroles, que sa coéquipière n'ait eu d'autres plans pour sa cousine. D'après ce qu'elle disait, elle pouvait servir de mouchard, d'agent de renseignement inégalable. Seito devait admettre avoir plusieurs fois réfléchi au potentiel qu'offraient les capacités des Mamoru, et avoir imaginé une brigade composée uniquement de ces témoins de l'autre monde. Les capacités d'une telle unité seraient formidables, et serviraient avec brio les desseins de l'Empire. Cependant, si une telle organisation venait à voir le jour, et vu l'intérêt que Hoheinheim portait aux Mamoru, il savait que ce n'était pas irréalisable, il fallait que ce soit, selon lui, d'un commun accord entre les autorités et les Mamoru en question. Ici, il n'était pas question d'utiliser la fillette comme un moyen de servir une cause dont elle ne savait rien, et à laquelle elle ne voulait pas se soumettre. Il fallait respecter sa volonté.
"Je ne pense pas qu'elle soit trop jeune pour me dire si elle veut vivre ici, à Itabei, et suivre mon enseignement. Je ne peux pas l'accepter comme élève si elle ne le veut pas elle-même."
La jeune fille, absorbée dans son jeu, prit la parole. Sa remarque fit sourire Seito. Kaya était têtue, c'était vrai. C'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles Hoheinheim l'avait assimilée à l'équipe Kogane. Il souhaitait s'entourer d'élèves de caractère, capables de faire face, chacun à leur façon, aux situations les plus périlleuses. Pour Kaya, c'était l'entêtement, pour Takoyaki la précipitation bestiale ... Seito, lui, pensait plutôt être dans les domaines de la réflexion et du calme. C'était sa façon personnelle d'appréhender la situation. Même si, parfois, souvent, même, il avait tendance à se perdre dans ses pensées.
La deuxième prise de parole de Mihoko interpella Seito plus encore que la première. Il ne se doutait que trop bien de quoi elle parlait, et il en eut un frisson. Une enfant aussi jeune était déjà confrontée au terrifiant monde des esprits, le même qu'il avait pu observer, le temps d'un instant, lors de sa première rencontre avec Kaya ? Ca lui semblait invraisemblable, et pourtant ... Quand Mihoko parla des esprits, comme Seito le devina, comme ses "amis", il se douta que sa relation aux fantômes était particulière.
Il s'approcha de la fillette, et s'accroupit devant elle. Quels mystères pouvait-elle déjà receler ? Quelles circonstances avaient pu la pousser à fréquenter, aussi jeune, l'outre-tombe ?
"Si tu veux rester ici, alors d'accord. Tes amis peuvent rester aussi."
Il leva le regard vers Kaya. C'était un regard plein d'interrogations. Pour quelles véritables raisons sa coéquipière avait-elle pu lui amener sa cousine ? Il devinait que des desseins plus singuliers restaient inavoués.
"Tu as conscience que je ne pourrai pas lui apprendre les techniques des Mamoru ? je pourrai simplement la pousser à développer ses capacités, sans pouvoir lui montrer d'exemple ou être témoin de ses progrès."
Il poussa un soupir, et se releva.
"Tu ne me facilites pas la tâche ... Enfin, soit. Je veux bien la garder avec moi. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre, autant elle que moi."
Le mélange de résignation et d'indifférence qui semble dominer Miho-chan déçoit la noiraude. Elle n'espérait pas voir sa cousine pleurer et supplier mais tout de même... Elle pensait que le temps passé ensemble les avait rapproché plus que ça. Si Kaya fait donc des efforts pour aller au bout de sa décision sans laisser les sentiments personnels obscurcir son jugement, la gamine, elle, s'en accommode. Elle n'a visiblement pas envie de contester le choix de son aîné. Mais cette dernière n'est pas convaincue pour autant que Mihoko accepte sa décision. Est-ce une façon de... bouder? De lui montrer sa désapprobation?
Kaya s'autorise néanmoins un sourire lorsque sa cousine lui annonce avec agacement que Seito ne voit pas ses esprits. Il est vrai que ça ne va pas faciliter les choses. Mais ce que le Yôgan ne peut voir ne peut pas lui faire de mal. Et puis la noiraude imagine qu'il préfère éviter de voir ce genre de choses. N'a-t'il pas parlé de malédictions lorsqu'elle lui a donné un bref aperçu de l'Autre Côté?
"Ce n'est pas plus mal non?" s'amuse-t'elle. "T'imagines la tête qu'il ferait s'il pouvait voir ce qui se trouve avec nous dans ce bureau ce moment?"
Entre les serviteurs de Kaya et les "amis" de Mihoko, ça manque presque un peu de place. Mais c'est surtout dans le but de faire flipper un peu Seito qu'elle s'est autorisé cette remarque. Remarquez, peut-être qu'il s'est fait à l'idée que notre monde et le leur est plus intimement lié que la plupart des gens veulent bien le croire. Toujours est-il que son coéquipier ne semble pas entièrement convaincu. On dirait presque qu'il accepte pour lui rendre service et non car il le souhaite réellement. Il met d'ailleurs en avant un détail d'importance: il ne pourra pas lui enseigner les arts Mamoru.
"J'y ai pensé. Je m'occuperai de cette partie-là de son entraînement et ses "amis" pourront également lui donner de précieux conseils. Et puis elle est naturellement douée pour tout ce qui touche à l'occulte. Je la crois capable d'approfondir une partie de ses connaissances par elle-même." explique-t'elle. "Mais il y a certaines choses que je ne suis pas en mesure de lui apprendre. Toi, en revanche..."
Elle compte sur lui pour partager avec elle certaines de ses valeurs morales ainsi que son expérience - si modeste soit-elle - de la gestion d'une ville. Tant que Mihoko sera à ses côtés, elle apprendra de la vie. Et puisqu'elle a été coupée du monde pendant des années Kaya est convaincue qu'il lui faut un cours de rattrapage intensif à ce niveau-là. Mieux elle connaîtra Taki et plus elle sera apte à comprendre le pays qui la vue naître et la rejette en même temps. Et puis elle sera surtout en sécurité avec le Yôgan.
La noiraude reste silencieuse. C'est maintenant à Mihoko d'accepter de rester ici ou non, selon le souhait du Shuhan. Mais puisqu'il a accepté que les compagnons de la gamine restent ici - une condition sine qua non connaissant l'enfant - cela ne devrait être qu'une formalité. Kaya tente de l'encourager d'un sourire à accepter tout en espérant au fond d'elle que sa cousine refusera et voudra rester à ses côtés.
Un sourire s’afficha l’espace d’un instant sur les lèvres de la petite lorsque sa cousine évoqua la tête que ferait l’homme en voyant les intrus dans son bureau. En effet, c’était presque dommage qu’elle ne puisse pas le voir ce fameux visage. Mais tout aussi rapidement, l’enfant reprit un visage impassible alors que l’homme vint se mettre à sa hauteur. Il acceptait ses amis ? Il n’avait pas peur ?
« Il n’a pas peur ? »
Ses yeux se plissèrent alors qu’elle le fixait droit dans les siens. Bien sûr, elle s’adressait directement à sa cousine, comme si elle ignorait presque la présence de ce dernier. Ou alors le voyait-elle comme un être curieux ? Bien possible. Elle releva ensuite son regard sur Kaya alors qu’elle semblait avoir terminé de parler avec ce dernier. Miho cligna des yeux en sentant que les adultes attendaient quelque chose de sa part, mais quoi ? Oh… une réponse.
« Tu peux partir maintenant Kaya-nee. »
Dit-elle de manière plus froide qu’elle ne l’aurait voulu. Si celle-ci s’attendait à ce que l’enfant la retienne c’était bien raté. Mihoko était en colère, triste également, mais elle ne comptait pas le montrer aussi facilement et puis… Elle savait très bien qu’elle n’avait aucun pouvoir dans cette décision au final. Seito semblait être un homme respectable… alors pourquoi pas.
Ses esprits s’étaient déjà rassembler au fond du bureau prêt à attendre ici et s’installer en compagnie de la petite alors que cette dernière regarder froidement les serviteurs de Kaya. Elle ne les aimait pas, pas du tout même.
« Toi et tes serviteurs. »
Qu’elle ne pense même pas à en laisser un ou deux après son départ pour la surveiller. Miho ne le tolérerait pas et surtout trouverait bien vite un moyen de s’en débarrasser si elle en décidait autrement. Néanmoins, parler aussi froidement à sa cousine lui faisait également mal au cœur. Si on observait attentivement la petite, ou pouvait voir que sous le tissus épais de son kimono ses bras tremblaient et ses poings s’étaient resserrés.
Seito préférait en effet ne pas imaginer quelles apparences bizarres pouvaient avoir les esprits que les deux Mamoru avaient choisi comme escorte. La brève vision qu'il avait pu avoir du monde des morts le rebutait encore trop pour qu'il ait la moindre envie de voir à nouveau un fantôme, ou n'importe quelle autre créature d'outre-tombe. Il était certes un peu inquiet de savoir que quelques-uns de ces revenants peuplaient son propre bureau, mais du moment qu'ils ne l'inquiétaient pas, il s'en portait plutôt bien. Il n'avait plus qu'à espérer que ce détail-là ne change pas, même avec une jeune Mamoru sous son toit. Qui sait, peut être pourrait-il retourner les esprits contre Seito, s'il ne la contentait pas ? Si il lui prenait l'envie de le menacer avec son pouvoir de médium, quelle attitude adopter ? Plier, ou rester ferme, au risque d'être pris d'assaut par un groupe d'esprits asservis ? Il ferait un bien mauvais maître s'il s'inclinait devant son élève ...
"Si tu n'avais rien d'autre à me demander, tu peux partir, en effet."
Seito avait employé un ton beaucoup plus doux que Mihoko. A entendre la petite fille, on pouvait croire qu'elle ressentait une certaine amertume à être laissée aux mains d'un parfait inconnu. En y repensant, c'était logique. Elle était encore jeune -très jeune- et avait besoin de points d'attache fixes, de repères, de balises émotionnelles. Se séparer de l'une d'elles, à savoir sa cousine, ne pouvait être qu'une épreuve. Alors, sans doute mettait-elle cette distance formelle entre elle et Kaya pour se protéger des retombées que pourrait avoir cette séparation. Seito se doutait bien que Mihoko devait aimer, au moins un minimum, sa cousine, qu'elle le cache ou non. Lui vivait loin des siens, maintenant, loin de sa famille. Il ne savait que trop bien le prix du détachement.
Il s'approcha de Kaya, et l'accompagna jusqu'aux escaliers qui menaient à l'étage inférieur de la Tour.
"Reviens la voir de temps en temps. Je pense qu'on en aura besoin, elle, moi, et toi. En attendant ..."
Il tendit une main amicale à sa coéquipière.
"Bonne route. Bien le bonjour au Temple, hum ?"
Quand il se retrouva seul avec Mihoko, il retourna s'appuyer à son bureau, et observa la petite fille. Maintenant qu'elle était son élève, il faudrait qu'il mette au point un programme d'entraînement. Il n'aurait pas beaucoup de temps à lui consacrer, mais d'après ce que Kaya en avait dit, elle pourrait développer ses capacités elle-même, concernant les arts de l'occulte, en tout cas. Elle et ses ... vassaux ? Le terme était plus gracieux que "fantômes", et sans doute moins effrayant, aussi. De ce côté-là, Seito ne pourrait donc que contrôler régulièrement ses progrès, sans pour autant la conseiller ou lui apprendre véritablement. En revanche, il pouvait l'initier aux arts Shinobis plus traditionnels, dont il avait le secret et une certaine maîtrise. Taïjutsu et Ninjutsu. Au vu de la composition physique de la petite fille, cependant, il serait sans doute préférable de lui apprendre cette dernière discipline plutôt que le Taïjutsu. Celle-là, il la garderait en réserve pour quand elle serait plus grande. Après tout, les arts martiaux demandaient une certaine condition physique, qui n'était peut être pas celle d'une enfant d'une dizaine d'années.
"Bon, faisons les choses dans l'ordre. Aussi longtemps que tu seras mon élève, tu devras te plier à un programme d'entraînement. Les arts Mamoru, je ne peux pas te les apprendre, donc il faudra te débrouiller toute seule, et compter sur les esprits que tu trouveras, pour les développer. Ce que je peux t'apprendre, en revanche, ce sont les disciplines classiques des Shinobis, et les ficelles de l'administration. Donc, une fois par semaine, nous passerons une journée ensemble, pendant laquelle tu m'accompagneras dans mes taches quotidiennes de Shuhan. Le reste du temps, utilise-le pour découvrir Itabei, te familiariser avec les habitants et les environs. Mais pas d'imprudence, hum ? Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'auras qu'à venir ici, à la Tour. On te fournira ce qu'il te faut, du moment que tu te présentes comme mon élève. Je vais te trouver un logement. Tu as besoin de quelqu'un pour vivre avec toi ?"
Ca faisait beaucoup d'informations à assimiler et de questions pour une première entrevue.
"En tous cas, j'ai le sentiment qu'on va faire de la bonne besogne, tous les deux. Au moins pour étonner ta cousine ..."
Cette impression de rejet est blessante. Kaya observe sa cousine se murer dans l'indifférence. Ses tentatives pour croiser son regard restent infructueuses et la noiraude ne peut que regretter le comportement de l'enfant. Mais elle se rappelle également qu'elle ne peut être tenue pour responsable. Même si c'est tentant, rejeter la faute sur elle serait à la fois lâche et hypocrite. C'est bien elle qui a commis une erreur. Même si elle ne sait pas vraiment quand, ni comment. Comment concilier les intérêts et les désirs de Mihoko? Comment lui assurer un avenir sans la pousser à s'éloigner d'elle? Peut-être que quelques jours - semaines? - de séparation permettra d'arrondir les angles. Du moins l'espère-t'elle.
Seito appuie la requête de l'adolescente Mamoru et la guide vers la sortie du bureau. De son côté elle pose le regard sur sa cousine jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision à la recherche d'un sourire, d'un regard noir ou de n'importe quoi qui pourrait lui prouver que Mihoko est affectée par cette séparation. C'est sûrement un peu égoïste. Mais c'est humain après tout n'est-ce pas? Elle s'arrête sur le pas de la porte de la tour et observe son coéquipier. Les derniers mots qu'il prononcent la rassurent quelque peu tout en lui arrachant un sourire triste.
"Prend bien soin d'elle d'accord?" une recommandation inutile mais qu'elle ne peut néanmoins s'empêcher de faire. "S'il lui arrivait quelque chose..."
Kaya détourne le regard et le pose un instant sur une étale proche en tentant de refouler la boule qui se forme à nouveau dans sa gorge. Depuis combien de temps n'a-t'elle plus lâché de larmes? Elle ne s'en croyait plus capable. Et quelque part ça la rassure de voir que son humanité n'a pas été balayée par les années passées aux côtés des démons et des esprits. Mais elle n'arrive pas vraiment à s'en réjouir. Comment le pourrait-elle? La kunoichi tire un parchemin marqué d'un sceau de son manteau et le tend à son coéquipier:
"En cas de soucis!" explique-t'elle. "Insuffle simplement ton chakra à ce sceau et récite le message que tu souhaites me transmettre à haute voix. L'esprit qu'il contient viendra me le transmettre. N'hésite surtout pas d'accord?"
Elle appuie sa demande d'un regard entendu puis serre la main que le Yôgan lui tend avant de lui donner rapidement l'accolade. Puis elle tourne à regret les talons non sans jeter un coup d'oeil au sommet de la tour, espérant y discerner la silhouette de Mihoko. Constatant que ce n'est pas le cas, elle se contente de lâcher un soupire résigné puis de s'éloigner après un dernier signe de la main à Seito. Quelques minutes plus tard elle franchit les portes de la cité sur le dos de sa créature spectrale, se frayant sans grande difficulté un passage parmi la foule de marchands et autres citoyens empruntant le même passage qu'elle. Elle ignore les regard posés sur elle et lance sa monture au galop sur la route bordée de rizières.
Lorsque Itabei n'est plus en vue elle ne se retient guère plus longtemps avant de laisser les larmes couler librement ses joues. Et les écrase d'un revers de sa main et tente de regagner le pragmatisme qui l'a guidée jusqu'à présent. L'amour, l'amitié ou toute autre forme d'affections ne sont pas de bienfaits. Au contraire... Ces sentiments sont sûrement les plus destructeurs qui soient. Et elle ne se rend compte que maintenant...
![Soleil levant [Mamoru Mihoko] Hd86scB](https://i.imgur.com/Hd86scB.jpg)