Le sourire aux lèvres, le Shinda continuait sa route sereinement. Il n’avait en rien altéré le rythme de son pas qui était resté parfaitement posé. Il avait ressenti la présence du jeune garçon sans grande difficulté. Ce gamin qu’il avait découvert lors de la bataille à Mizu. Il avait également put ressentir une signature de chakra tierce sur sa personne. Le jeune Sairyo portait toujours son fameux sceau si redoutable. Le sourire s’élargit alors que son petit espion surgissait de l’ombre.

Il releva un peu le regard jusque-là rivé au sol. Il était plongé dans ses pensées avant de remarquer qu’il était suivi. Son esprit tourné vers sa terre natale et son passé. Cela faisait quelques temps qu’il s’interrogeait sur Kiri et son futur. Ce qu’il adviendrait une fois la cité reconstruite. Quelle direction prendrait-elle sous son commandement. Des sujets qu’il avait déjà plus ou moins traités mais qui revenait sur le tapis aujourd’hui. A ce qu’on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Mais c’était avant qu’Hiko n’entre en scène pour sa petite filature et qu’il ne l’attire encore une fois à l’abri de regards et oreilles indiscrètes. Il était lui aussi adepte de sensorialité. Ils savaient tous deux qu’ils étaient seuls dans cette partie de la forêt. Pas un élément perturbateur pour venir épier ou rapporter leurs propos. Ce qui arrangeait grandement l’un et l’autre. En tout cas, le jeune Shukajin ne perdit pas de temps. A peine l’avait-il salué par simple politesse qu’il en venait immédiatement au sujet de conversation qui l’avait amené jusqu’ici. Même si Michiki s’en serait douté sans qu’il n’ait besoin d’ouvrir la bouche.

Comme il l’avait ressenti, sa signature de chakra était toujours présente sur le garçon, signe qu’il n’avait pas retiré le sceau qu’il s’était fait apposé à son insu la dernière fois. Une ruse élaborée par le Shinda pour éviter qu’il n’aille cafeter à qui voudrait bien l’entendre tout son petit stratagème. Un simple jeu et une mise en scène grossière qui l’avait conduit à réaliser que ce personnage enfantin n’était pas aussi innocent et anodin qu’il y paraissait. Bien au contraire. Sa curiosité l’avait donc poussé à mettre en place ce jeu de rôle où il interprétait un agent double à la solde d’employeurs souhaitant voir le démantèlement de l’Empire de Kakeshuou. Une chose qui ne lui était pas venu à l’esprit étant donné qu’il comptait sur le Kamui pour son projet de reconstruction.

Toujours est-il que l’aplomb avec lequel Hiko l’abordait faisait sourire. Surtout lorsqu’on connaissait la différence de niveaux entre eux deux. Et ce brin de politesse en fin de phrase qui fit ricaner ouvertement le Shinda :

- Bien élevé à ce que je vois ! C’est bien ça t’aidera dans la vie.

Puis une forte décharge de chakra émana du corps du Fossoyeur. En soit, cette concentration d’énergie n’avait aucun effet. Mais pour un senseur comme le jeune garçon lui faisant face, elle serait normalement suffisante pour l’intimider.

- Mais pas dans la Mort, conclut-il d’une voix tout de suite plus sérieuse et plus froide.

Puis le chakra se concentra dans le sol pour faire jaillir deux sièges, l’un apparut derrière le Shinda et l’autre dans le dos du Sairyo. Michiki prit tout de suite place avant de reprendre :

- Je n’ai rien contre le fait de t’enlever ceci, mais il faudrait déjà t’en montrer digne. Qu’as-tu à m’apporter depuis notre dernière rencontre ?

Michiki s’impatientait déjà des informations qu’il serait susceptible de lui fournir. Avait-il bien eu raison de le mêler à tout ça ?

Le gamin était toujours une forte tête. Malgré sa position délicate, il ne manquait pas de répondre de manière effrontée au nécromancien qui n’avait pourtant rien de conciliant. Bravoure ou stupidité, cela le faisait délicieusement sourire. Il ne s’ennuyait pas avec lui. A croire que c’était lui qui retombait en enfance lorsqu’il croisait sa route tandis que le jeune Sairyo devenait extrêmement mature. La situation le fit sourire encore plus. Même si ce n’était pas une réaction innocente d’une personne amusée. Il dévoilait ses dents en une grimace macabre qui le rendait encore moins avenant.

Son interlocuteur resta debout, prêt à réagir au vu de sa posture. Son expérience en tant que senseur lui avait bien fait comprendre que la décharge de chakra précédente n’était pas qu’un simple courant d’air passant par là. Leur différence de niveau renforçait l’intrépidité du garçon qui rechignait à obtempérer malgré la menace et la pression qui reposait sur lui. Plus précisément sur son épaule. En tout cas c’est ce qu’il croyait puisqu’il n’y avait rien de dangereux dans ce sceau apposé sur sa peau.

Mais il était intéressant de voir à quel point il bravait quand même « l’autorité » du Shinda en lui cédant rien sans un minimum de confiance réciproque, comme il lui expliqua. Le sourire de Michiki ne déplissait pas. Il s’amusait follement dans cette histoire. Et il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine admiration pour la détermination du jeune shinobi. Lui qui pensait avoir un sceau mortel sur lui, il agissait en dépit de tout bon sens. Là où il aurait dû se montrer conciliant, il ne cessait de rétorquer. Il avait suivi le Fossoyeur jusqu’ici dans l’espoir de le piéger et même après ça, il ne pliait pas. Quel curieux gamin l’Empereur avait-il trouvé là ?

Il méritait qu’on s’attarde sur son cas. Ce qui avait poussé le Shinda à ce petit jeu. Il avait pressenti depuis le début un certain potentiel chez ce garçon. Il ne regrettait en rien son choix. C’était un jeu dangereux qu’il menait là. Il pouvait être démasqué à tout moment et les mesures prises étaient assez extrêmes pour pas grand-chose au final. Ce petit jeu pouvait coûter cher et tout pouvait possiblement se retourner contre lui. Mais Michiki savait mener le jeu à son avantage. Il ne se ferait pas piéger aussi facilement par un vulgaire stratagème. Seul l’avenir lui dirait ce dont était capable le Sairyo. Même s’il avait ici un échantillon de ce qu’il avait dans les tripes.

Il l’informa qu’il pouvait oublier toute restitution d’informations tant qu’il porterait ce sceau. Une remarque qui arracha un regard passé au-dessus du verre des lunettes et quelques mots :

- Disons que j’oublie cet acte d’effronté et que nous continuons la conversation paisiblement. Tes renseignements et je te libère, c’est ainsi que sera mené le deal.

Puis les lunettes revinrent naturellement sur l’arrête de son nez alors qu’une énième idée sadique lui venait en tête. D’un simple geste, un clone apparut à ses côtés, bras croisés dans le dos et la stature droite, tel un militaire. Michiki prit un rouleau à sa ceinture qu’il ouvrit. Il le pencha vers lui de sorte qu’Hiko n’en discerne pas le contenu. Il y fit mine de prendre des notes avant de replier le parchemin qu’il tendit à son double. Puis sa copie détala dans son dos, de là d’où ils venaient. Lorsqu’il fut assez loin, Michiki reporta son attention sur son jeune interlocuteur :

- Ou bien…tu peux essayer de le rattraper pour lui récupérer ce parchemin. Ce n’est pas grand-chose, si ce n’est un rapport signé de ma main te reconnaissant comme un ennemi de l’Empire ayant conspiré pour son démantèlement. Ce petit mémo est à destination des quartiers de l’Empereur en personne. Il ne te reste qu’à le rattraper ou…

Le sourire s’effaça brusquement :

- A me tuer.

Le chakra déferla une nouvelle fois de tous les pores de sa peau. Le Sairyo devait comprendre qu’il n’avait pas affaire à n’importe qui et que de simples coups de bluff ne suffisaient pas avec le Shinda. Il devait agir ou périr. C’était ainsi que se déroulait les accords avec le nécromancien de Kiri. Sa manière de faire obtenait généralement beaucoup de résultats, concluants ou non. C’est ce qui en avait fait un agent redoutable de la Brume et qui ferait de lui le Mizukage le plus craint de la lignée.

Le Sairyo restait maître de ses émotions et réactions. Il avait beau être sous le joug d’une terrible menace, il n’en perdait pas pour autant son self-control. Il ne s’inquiétait pas outre mesure de la potentielle dénonciation menée à son encontre. Un clone porteur d’informations délicates à son sujet se dirigeait vers les locaux de ses supérieurs et il ne tentait absolument rien. Mieux encore il expliqua qu’il pouvait toujours jouer la carte de l’innocence. Cet enfant était amusant pour le Shinda.

S’il avait mené ce jeu à fond, il lui aurait fallu de cette simple note pour le faire arrêter. Après tout, qui l’Empereur était-il susceptible de croire entre un soldat et un Gouverneur. Il devait être très doué pour avoir cette place dans la hiérarchie du Shûkai malgré son âge mais cela ne lui permettait pas pour autant de remettre en cause la bonne foi d’un Gouverneur. Son contrôle exemplaire confirmait l’avis du Fossoyeur. Ce garçon n’était pas là par hasard.

Sa quête de vérités le rendait également attrayant. Michiki avait bien compris que ce petit jeu n’était pas là que par caprice d’être menacé à tout instant d’un sceau, même s’il y avait un peu de ça. Ce jeune homme cherchait bien plus. Il n’avait pas hésité à récolter des informations qu’il commença à partager avec son « ravisseur ». Un comportement qui conforta le Shinda dans son choix à venir. Un petit sourire sur les lèvres, il prononça d’une voix doucereuse :

- Eh bien tu vois quand tu veux…

Son regard démoniaque se porta sur le garçon et dériva légèrement à l’emplacement de son épaule où il avait apposé le sceau. Levant alors le bras, il continua :

- Comme tu as compris comment je fonctionne, je vais te libérer de ce sceau…

Le claquement de doigt qui suivit avait été précédé d’un rapide :

- …en l’activant !

Le symbole émit un léger « pop » à son activation. Etant donné sa nature, le sceau se volatilisa sous la décharge de chakra et il libéra son effet, aussi nul soit-il. Michiki imagina alors le sentiment de détresse qui avait dû traverser le garçon au bref moment où il lui avait dit qu’il activait le sceau. Des deux, c’était encore le nécromancien qui avait le comportement enfantin que l’autre était censé avoir. Mais maintenant que toute cette petite mascarade n’avait plus lieu d’être, il tenait tout de même à pousser un peu plus cette source d’informations inattendue. Son apparence avait dû en tromper plus d’un et mener à la perte de certains. S’il était réellement un bon informateur, il devait en avoir encore sous la botte. L’invitant une nouvelle fois à prendre place, Michiki reprit :

- Parlons sérieusement maintenant. Sans faux-fuyant et sans mauvais jeux, même si je suis le premier concerné par cette directive !

Alors qu’il parlait, son clone parti un peu plus tôt était revenu sur son ordre. Il vint se poster derrière lui en attendant de disparaître.

- Tu m’as l’air d’être quelqu’un de bien renseigné pour ton âge. Sûrement grâce à cela d’ailleurs. Je doute donc que ce soit tout ce que tu as à m’apprendre. Qu’est-ce qu’un jeune shinobi comme toi as pu entendre dans ce monde ?

Comme il devait s’y attendre, la mine d’informations infantile se révélait une nouvelle fois très instructive. Le Shûkai étant encore une « création » récente, le Shinda n’avait pas pu s’intéresser véritablement à tous ses rouages et secrets. Il ne manquait pas de se rattraper dès qu’il le pouvait mais il avait inévitablement quelques trains de retard. D’autres villages encore connaissait-il de par son passé au sein de la Brume et ses différentes actions. Mais la nouvelle puissance de l’Empire en faisait une source de questions constante.

Le jeune Hiko apportait une part de lumière dans tout cela. Il se montrait un bon informateur malgré le fait que ce ne soit pas par une initiative volontaire. Ce qui ne dérangeait absolument pas le Shinda. Il savait chercher ses renseignements à la source, que ce soit avec le consentement ou non de ses « collaborateurs » comme il aimait les appeler. Toutefois le Sairyo ne semblait plus être aussi récalcitrant au fait de devoir lui livrer ses bons tuyaux. Il avait même l’air de s’en amuser. Comme si tout ceci n’était qu’un jeu. Se moquait-il du nécromancien à son insu ? Jouait-il à l’arroseur arrosé ?

Très vite le jeune garçon demanda une réciprocité dans cette affaire. Encore un toupet qui lui valu un bref éclat de rire du nécromancien qui répondit du tac au tac à ses questions :

- L’intérêt pour toi est de rester en vie figure toi ! A moins que tu n’y tiennes pas tant que ça, je pense que ça a assez de valeur pour que tu sois bavard avec moi !

Mais le Shinda savait se montrer bon joueur avec ce jeune homme qui s’intéressait dans un même temps sur ceux qui mandatait le Fossoyeur. Ce dernier afficha un sourire toujours aussi démoniaque qui retranscrivait tout le plaisir qu’il prenait à ce jeu du chat et de la souris. Mais il fallait reconnaître qu’il avait là le talent d’un joueur. Il souhaitait néanmoins s’assurer qu’il n’allait pas vendre la mèche à un autre agent double. Dans toute cette histoire de jeu, même Michiki pouvait se faire piéger. Il avait appris à ses dépens qu’il fallait se montrer extrêmement prudent dans ce genre d’affaires. Même s’il lui vint l’idée d’énoncer clairement le nom du Fumetsu, il n’en ferait rien pour l’instant. Il éluda donc le sujet subtilement :

- Mais je dois bien admettre que tu es un honnête gamin alors voici ma contribution : je suis envoyé par un groupuscule dont les intérêts restent avant tout pacifiques. Nous ne cherchons pas à nuire à autrui, notre finalité étant plus intelligente que ça. Nous voyons mal en quoi conflits armés et complots politiques peuvent être au centre des organes du pouvoir lorsque le monde souffre d’un cruel manque d’informations. Ou du moins d’un recoupement de renseignements. C’est selon moi ce qui a provoqué la chute de Kiri. Et c’est pour cela que je suis ici. Pour éclaircir certains sujets.

Son siège de terre s’enfonça dans le sol en même temps qu’il en décollait pour se relever et s’approcher du Sairyo :

- Mais vois-tu, je n’ai que l’avis de l’Empereur sur les affaires concernant le Shûkai. Aussi je m’intéresse à ses éventuels réfractaires qui sauront m’apporter la vision qu’il y a « de l’autre côté du miroir ». Et si d’aventure tu pouvais me mettre directement en contact avec l’un d’entre eux, là tout de suite, je pense que nous pourrions trouver chacun un intérêt.

Entre autre, un service contre un autre. L’un des principes fondamentaux de l’Hydre.

Un léger trait de travers sur ce portait pourtant si idéal vint entacher l’image du jeune homme. Lui qui savait se renseigner et avait réussi à trouver au moins l’identité du Shinda, il ne s’était pas penché plus que ça sur son passé. La preuve en était de sa question sur l’éventuelle appartenance de Michiki à la Brume. Mais il fallait bien que le Fossoyeur serve à quelque chose dans cet entretien. Sa crédibilité en prendrait un coup s’il n’avait pas lui aussi sa pierre à apporter à l’édifice de la connaissance. Aussi remonta-t-il ses lunettes d’un geste de la main comme pour accompagner ses paroles :

- J’ai connu Kiri en effet. Du temps de sa grandeur. Puis je l’ai retrouvé dans le pire état qu’il soit. Ce désastre est selon moi en parti dû au manque d’informations que nous possédions sur ces Furyous. Pourtant ils ont été créés par les Uchihas. Si Konoha avait laissé un libre accès à ce renseignement pour les autres puissances, la Brume aurait peut-être survécu. Des suppositions certes. Mais qui font partie de mes convictions. Cet individualisme dans la protection des informations récoltées ici et là par chaque village nuit au bien-être de ce monde. Le véritable pouvoir repose entre les mains de celui capable de réunir toutes ses sources pour en faire une base de données centralisé.

Il avait agrémenté le discours de quelques gestes de la dextre en plus d’afficher un nouveau sourire. Ses doigts s’étaient dépliés pour révéler sa paume qu’il tendit au Sairyo comme pour le prendre à parti en le désignant. Il continua donc sur sa lancée :

- D’où mon intérêt à rencontrer ceux qui s’opposent au régime de l’Empereur. Ils ont cette vision qui manque chez le Kamui et qui me permettrait d’avoir une meilleure vue d’ensemble. Il ne fait pas bon à se fier corps et âme à un seul avis. Ce fut là l’erreur qui a trahi Kiri selon moi.

« Et plus jamais cela n’arrivera sous mon règne » songea silencieusement le Fossoyeur. Mais il préférait ne pas trop en dire pour l’instant. Le jeune garçon n’en était qu’aux prémices du personnage. Tout dévoiler d’un coup perdait de son charme. Tout comme lui qui ne devait pas être à 100% honnête et sincère avec le nécromancien. Ce qui était logique et prouvait qu’il réfléchissait bien pour un garçon de son âge.

La demande du Shinda semblait avoir fait mouche auprès d’Hiko qui lui assura faire le nécessaire pour lui présenter un de ses fameux contacts. Le sourire mental de Michiki s’étira encore malgré un visage impassible. Il se passa une main sur le menton, faisant mine de méditer sur ces mots. sa seconde de réflexion aboutit clairement :

- Voici ce que je te propose donc. Puisqu’ils seront méfiants à l’idée de me rencontrer, je te propose de leur faire rencontrer un agent extérieur. Le chef de mon organisation se présentera à celui qui te renseigne autant. En espérant qu’il ait une importance de même ampleur afin qu’ils puissent converser entre adeptes. Si ce compromis te sied, et s’il est accepté par nos supérieurs, fixons dès à présent le rendez-vous pour un recoin de Mizu. Une montagne se trouvant à l’Ouest des ruines de Kiri. Sur un plateau faisant face aux pins et au lac.

Sa main quitta alors les traits de son visage pour venir se tendre vers la petite silhouette nichée dans son fauteuil de terre :

- Marché conclu ?

Tapi dans l’ombre, le serpent patientait dans son Antre. Parmi toutes les autres Têtes de pierre, Ouranos se tenait sur son trône respectif. Assis en tailleur sur les écailles de pierre, il s’était ouvert au monde l’entourant. Chakra, odeur ou présence ne lui échappaient pas. Tout ce qui se trouvait dans le repaire ou à l’extérieur lui était directement retransmis. Les parages n’avaient aucun secret pour lui. Les yeux fermés, il attendait son invité. Une source de chakra se manifesta peu avant l’heure du rendez-vous.

Infime et très légère. A peine perceptible si ce n’est par un expert. Le Fossoyeur n’avait pas pris de risque et par conséquent, il avait poussé sa sensorialité au niveau maximum pour ne pas être surpris. Pourtant il le fut en se rendant compte qu’il s’agissait de la signature du jeune garçon. Que faisait-il ici ? Se risquerait-il à un traquenard sur un terrain inconnu ?! Le Sairyo s’était montré plus malin que ça tout de même. Il avait dû estimer que le chef du Fumetsu ne serait pas un senseur expérimenté. Un sourire naquit sur les lèvres minces du Shinda qui se relevait enfin de sa torpeur.

Rouvrant les yeux, il descendit de son perchoir pour traverser la cascade et le labyrinthe sans aucune difficulté. Les pans de ce dernier s’écartaient sur le passage du propriétaire des lieux. La Tête Centrale progressa pour aboutir au lourd rocher dissimulant l’entrée de l’Antre. Il déposa sa paume de main sur la surface rugueuse qui fut agitée de tremblements avant de pivoter sur le côté pour lui laisser la place. Le camouflage qu’il s’était évertué à adopter jusque-là se brisa lorsqu’il sortit au grand air pour faire face à un parfait inconnu.

Un simple Henge ?! Hiko se montrait imaginatif et prudent. Typiquement le genre de qualités susceptibles d’intéresser le Shinda. Cette entrée en scène l’avait fait remarquer et il ne manqua pas d’avancer un peu plus dans la lumière lunaire. Elle nimbait les lieux d’un halo presque angélique qui contrastait avec la nature plus démoniaque d’un des protagonistes. Le Démon de la Brume esquissa un sourire à cette idée alors qu’il inclinait délicatement la tête à l’attention de son invité.

- Ravi de vous rencontrer « chef de la Rébellion ». Je suis Ouranos, chef du Fumetsu. Il semblerait que nous ayons beaucoup à nous dire. Mais nous serions plus à l’abri d’oreilles indiscrètes dans notre repaire. Suivez-moi si vous le voulez bien.

Et Michiki disparut de nouveau dans les ténèbres de l’Antre. Il n’attendit pas que le jeune homme le précède. Il sentait sa présence et il attendit qu’il fasse son entrée pour commander au lourd rocher de se remettre à sa place. Déjà Ouranos s’engageait dans son labyrinthe alors que son invité allait devoir se confronter à son dédale alambiqué. Une bonne mise en bouche pour le Shukajin. Son acharnement et sa prouesse seraient déterminants pour la suite de l’entretien. S’il parvenait déjà à se sortir du labyrinthe mouvant !

Michiki put percevoir le mouvement derrière lui ainsi que l’arrêt net non loin de son dos lorsque la paroi vint le séparer du Sairyo. La pénombre laissa en surbrillance son sourire éternel. Le Shinda réalisait maintenant qu’il était un vrai gamin. Depuis qu’il avait rencontré ce jeune Hiko, il prenait conscience à quel point il ne pouvait s’empêcher de jouer avec ses « proies ». Même si dans le cas présent, ce ne serait pas le statut qu’il réserverait à son invité.

Le Fossoyeur était même impatient de discuter sérieusement avec ce garçon. Il percevait un certain potentiel et le fait qu’il soit aussi obstiné l’obligeait à croire qu’il était peut-être digne de confiance. Il avait déjà eu de nombreuses occasions de lui faire faux bond, de le trahir et pourtant il était à quelques centimètres de lui, encore en train de subir l’un des tests du nécromancien. Parmi cette obscurité latente, Ouranos discernait une lueur d’espoir.

Déposant une main sur l’une des parois, un sceau devait s’être dessiné de l’autre côté et un immense cadavre en sortit une demi-seconde après. Hiko se retrouvait maintenant en tête-à-tête avec un compagnon d’armes du Shinda. La robustesse de ce féroce gaillard allait donner un peu fil à retordre au garçon. Mais c’est ce qui lui offrirait son salut. Au vu de la résistance du cadavre et celle du mur à côté de lui, un assaut suffisamment puissant pour éliminer le macchabé serait suffisant également pour balayer le bout de muraille. Michiki s’éloigna en direction de la chute d’eau, ne doutant pas que son invité n’allait pas tarder à suivre.

Sans même s’inquiéter de la force du fracas de l’eau, il traversa le rideau aqueux d’un pas toujours aussi calme. Le torrent sembla s’écarter sur son passage pour le laisser entrer dans le cercle très privé du Fumetsu, son cœur même. Le jeune Shukajin suivrait à coup sûr. Lorsque ce dernier arriva à proximité de la cascade, le Shinda ouvrit la voie pour qu’il fasse son entrée dans la salle de réunion. Les sept têtes massives en roche apparurent aux yeux du Sairyo alors que la voix du maître des lieux vint couvrir le bruit de l’eau :

- Bienvenue dans le repaire du Fumetsu ! Prenez donc place sur l’une de ses têtes. Peu importe laquelle, nous n’attendons personne.

Ouranos était lui-même installé sur sa tête attitrée, celle du centre, légèrement surélevée par rapport aux autres. Laissant le soin à son interlocuteur de se trouver une place, il attendait avant de poursuivre :

- Je suis ravi que vous ayez accepté cet entretien. Pardonnez les petites formalités que j’impose mais il est toujours bon pour chacun de tester ses capacités. A la fois pour moi afin de tester notre système de sécurité mais aussi pour vous.

Une lueur rougeoyante vint éclairer les lèvres du Shinda pincées sur le filtre d’une cigarette. Il la tira de ses doigts pour venir souffler un léger voile brumeux tout en continuant son discours :

- De ce que j’ai pu entendre donc, votre mouvement s’oppose à la politique du Kamui. Je suis moi-même un agent extérieur au Shûkai et je souhaitais savoir quelles motivations attisent vos actes. Moi qui ait été en contact avec des partisans de ce système, je souhaiterais avoir l’avis inverse. Car c’est ainsi que l’on peut s’estimer savant. Le savoir est une ressource puissante qui a encore plus de valeur que l’argent de nos jours.

En plus de s’annoncer amusante, cette conversation allait prendre un tournant intéressant. Les deux hommes se toisaient et conversaient avec chacun leurs petits stratagèmes en tête. Un duel psychologique qui donnait le sourire à qui prenait la peine de s’y prêter. Le jeune Hiko remplissait à merveille son rôle de chef de la Rébellion. Michiki commençait à se demander s’il s’agissait véritablement d’un rôle.

Ses renseignements étaient énoncés clairement sans aucun blanc inutile. Les seules pauses perceptibles étaient celles nécessaires à la ponctuation ou pour reprendre son souffle. Rien n’était laissé au hasard. La réflexion apportée derrière ses propos était elle aussi intéressante. Ce mouvement politique n’était pas aveuglé par une simple prise de pouvoir. Leur volonté n’était pas d’éradiquer une tête pour en mettre une autre à la place. L’ironie de la situation avec le lieu fit sourire le Shinda de plus belle. Il ne perdait pas le fil de la discussion pour autant.

Vint les derniers mots du jeune homme qui étaient tout particulièrement adressés au Gouverneur de Mizu. La référence à sa fonction impériale était bien évidemment là pour le désarçonner. Bien camouflé, Hiko s’estimait incognito ici même s’il n’avait pas fallu longtemps au nécromancien pour découvrir le poteau rose. Mais cet éternel jeu entre eux deux ne le lassait pas. Deux véritables gamins, aux potentiels pourtant meurtriers. Cette dernière accusation méritait donc une réponse en beauté que Michiki allait se faire un plaisir d’apporter :

- Il en faudrait plus pour m’offenser je vous rassure. Mais je suis étonné de voir qu’un aussi jeune Onshi puisse en apprendre autant. Quelle aubaine le Destin a fait en nous présentant l’un à l’autre.

Le Fossoyeur ne croyait pas en ses balivernes pour autant. Le Hasard était plus fort. Mais dans son instabilité, il pouvait amener à de bonnes et grandes choses. Michiki ignorait ce que pouvait lui apporter ce garçon mais il ne doutait pas de son utilité. Un esprit retors à un si jeune âge, il y avait de quoi investir pour l’avenir et y trouver un enrichissement personnel en conséquence. Une source d’informations au sein du Shûkai dépassant les compétences du Shinda arrivé il y a peu dans ce système. Hiko était né dedans et avait grandi en suivant toutes ses histoires. Ce qui lui avait permis d’acquérir une grande maturité en même temps que ses responsabilités. Et il était amené aujourd’hui à rencontrer le Fossoyeur pour remplir un but sûrement plus noble que la destitution d’un Empereur.

- Je ne vais néanmoins pas y aller par quatre chemins. Tes compétences m’intéressent fortement, jeune homme, dit-il en insistant sur les deux derniers mots. Tu sembles avoir un talent inné pour la récolte d’informations et c’est un don qui m’intéresse au plus haut point. Ta connaissance des rouages de l’Empire dépasse la mienne de toute évidence et je ne suis ici qu’un modeste Nukenin ayant été catapulté dans tout ce système bien ficelé. Je suis donc parfois un peu perdu et j’aurais besoin de quelqu’un pour tirer au clair certains évènements. Aussi je souhaiterais te confier une tâche importante.

Il déplia alors ses bras comme pour prendre le paysage comme témoin de ce dialogue, les têtes de l’Hydre observant toutes leur créateur.

- Si ce lieu existe c’est par ma volonté de vouloir ramener ce monde dans une voie plus sereine. Et la première notion, la plus importante de toute, consiste à mettre en relation les informations de tout bord. Politique ou militaire, chacun garde précieusement ses données pour soi-même sans faire partager son savoir. C’est ce qui peut valoir des pertes considérables. Si Konoha avait mieux renseigné les autres puissances sur ce qu’avaient créé les Uchihas, Kiri aurait peut-être été plus préparé à l’attaque des Furyous, et je ne serais pas ici à remplir ma mission de Gouverneur pour le compte du Shûkai. De simples détails qui peuvent avoir une importance majeure et des conséquences sans précédent sur la scène internationale. C’est pourquoi j’ai créé moi-même ce groupuscule. Pour rallier des gens partageant ma vision des choses et pour nous entraider. Les lacunes de certains sont comblées ici et un service est égal à un autre. C’est dans cet esprit que j’ai fondé le Fumetsu. Et c’est aussi ce pour quoi je t’ai fait venir ici aujourd’hui.

La demande semblait claire pour un garçon perspicace comme le Sairyo. Il n’y avait pas besoin d’agiter une pancarte avec l’intitulé exact. Mains de nouveau croisés dans le dos, le Shinda se tenait droit sur son perchoir à observer le jeune garçon qui avait pris la peine de se dissimuler. Ce qui lui valut un léger rire qui s’échappa malgré lui.

Enfin les traits du bambin apparaissaient aux yeux bleutés du nécromancien qui était satisfait d’avoir joué le jeu jusque-là. Ses mots avaient dû porter leur fruit et faire comprendre au garçon qu’il était repéré. Ce petit jeu de rôle avait assez duré pour les deux shinobis. La tournure du dialogue prenait une importance nouvelle qui nécessitait un peu plus de sérieux et de franchise entre eux. D’ailleurs Michiki ne s’était pas fait prier pour enfin annoncer la couleur.

Sa proposition quant à l’intégration du jeune homme au sein du Fumetsu ne sembla pas poser plus de problème que ça au Sairyo. Il ne mit pas longtemps à accepter à vrai dire. Le doute n’était pas très présent et c’était une bonne chose. Néanmoins il n’allait pas s’en tirer à si bon compte. Venait la part plus « administrative » de la chose. Car si le Shukajin souhaitait se joindre à l’organisation, il devait également en connaître les rouages.

- Je me réjouis de ton entrain mais je tiens également à te prévenir de certaines règles que nous respectons ici. Dans la mesure où tu agis pour nous, ton avis et tes « projets » n’ont plus lieu d’être. Dès lors que tu œuvres pour le compte du Fumetsu, il n’y a que ça qui compte. Nous fonctionnons entre nous par un système de monnaie. Elles n’ont bien sûr qu’une valeur symbolique. Comme je te le disais, un service pour un autre. Lorsque tu reçois une de ces pièces, dit-il en en sortant une de sa poche, tu seras lié à celui qui te l’a remise et tu devras lui rendre le service qu’il te demande, dès lors que cela n’interfère pas avec le code de conduite de notre groupuscule. Mais par la suite, tu pourras redemander un service à ton tour par l’intermédiaire de ces mêmes pièces.

Un cadavre d’oiseau apparut sur l’épaule du Shinda qui tendit une bourse de cuir au volatile. La carcasse se saisit de son colis et l’amena au jeune garçon. A l’intérieur reposait quelques pièces frappées du même symbole. En plus de ça, une se différenciait du reste. Lorsqu’Hiko la sortit du lot, Michiki la désigna du doigt et reprit :

- Celle-ci est unique et personnelle. Si tu la perds, tu ne pourras plus entrer ici. C’est ton passe-droit. À l’entrée, les sceaux reconnaîtront celui de la pièce qui ne répond qu’à ton chakra et c’est ce qui te permettra d’entrer et de te sortir du labyrinthe. Les parois répondent elles aussi à la pièce.

Ces modalités étant dorénavant expliquées, il pouvait s’attarder sur la question du jeune Hiko qui lui arracha un large sourire carnassier :

- Ici, notre identité n’a plus lieu d’être. D’où mon nom d’Ouranos. Quant aux autres membres, nous comptons Apollon, Charon et Héphaïstos. Leurs identités resteront telles quelles car c’est aussi cet anonymat qui nous protège. Et c’est ce qui nous rend plus puissant. Pour te donner un exemple, nous étions au courant de l’implication de Kumo dans la conquête de Mizu avant même qu’elle ne soit lancée sur le terrain par le Shûkai. Notre réseau s’étend sur le continent pour te donner une idée de son étendue. J’espère que ton apport à cette entreprise saura renforcer cette toile que nous nous efforçons de tisser. As-tu donc d’autres questions…Hermès ? conclut le Fossoyeur en remontant rapidement ses lunettes sur son nez.