Nous avions suivi ce Shinobi pendant des jours voir des mois... Nous l'avions vu refuser son grade et s'enfoncer dans une débauche inacceptable. Colère avait toujours besoin d'une personne vers qui diriger sa haine, c'était ainsi. Et suite à notre dernière victime c'était vers l'Akuzu qu'il avait décidé de la diriger. Envie et Orgueil s'étaient rangés à son avis suite à son acquisition du Heavens' Night et avoir appris qu'il aurait pu être Chûnin. Quant à moi j'étais d'accord avec eux, comme toujours. Nous étions quatre et pourtant nous étions une seule et même personne, s'accordant et décidant en parfaite symbiose. Si nous nous nous trouvions aujourd'hui à Ame, enveloppés dans les ombres et entourés de nos fidèles serviteurs, c'est que le choix avait été fait: Shinji devait mourir!
Mais pas tout de suite, pas ainsi! Chaque mort était un spectacle qui se devait d'être savouré à sa juste valeur. Il n'y avait aucun intérêt d'ôter la vie si l'on appréciait pas le plaisir que cela provoquait. Il ne fallait pas être pressé alors qu'une existence touchait à son terme mais au contraire profiter de cet instant si particulier qui plaçait le spectateur - en l'occurrence acteur - au coeur d'un processus qui faisait intégralement partie de la vie. Tout comme une naissance était merveilleuse, une mort méritait qu'on s'y attarde et qu'on la fête...
*Tuons-le maintenant!* suggéra Colère au bout de quelques instants.
*Oui! J'ai envie de le voir mort maintenant!* renchérit Envie. *La Kawaguchi peut décider de partir à sa recherche à tout instant!*
*Ne devrions-nous pas profiter davantage de tout ceci?* contesta Orgueil. *Si la Kawaguchi arrive nous ferons alors ce qui s'impose, comme toujours! Ne laissons pas la précipitation gâcher cet instant...*
Je restai silencieux un instant en observant ma horde encercler l'Akuzu et prendre lentement le dessus. Ce dernier s'était bien défendu mais lorsque l'on affrontait des cadavres il ne suffisait pas d'être puissant. Il fallait surtout être endurant et garder la tête froide. Le nombre surpassait toujours la qualité pour autant qu'il soit assez important. C'était simplement de la logique... Cet homme pouvait lutter tant qu'il le voulait mais il y aura toujours un mort pour remplacé un de ceux qui étaient tombés. En retour il était seul et plus sa fatigue augmentait et plus il se rapprochait du cap fatidique marquant la fin de son existence.
- *Nous allons en terminer!* décidai-je pour le quatuor. *La décision est prise!*
C'était la plupart du temps ainsi que nous fonctionnions: les trois débattaient, je tranchais! Il y avait toujours une majorité en faveur d'une option et je me contentais d'en prendre acte et de l'appliquer. Je levai la main droite et un escalier de cadavres se forma pour me permettre de descendre sans difficultés de mon rocher. Un second signe et les mort-vivants qui entouraient l'Akuzu cessèrent leur attaque pour former un cercle autours de lui, un rempart interdisant tout échappatoire. Je l'observai un instant tandis que la lueur de la lune éclairait faiblement mon visage et que les bruits des gouttes d'eau s'écrasant au sol ajoutaient à cette ambiance si particulière une touche mélodieuse.
L'homme avait été mordu à de nombreuses reprises et son sang maculait son sang et ses vêtements. Si j'avais été l'un de ces mystérieux Ketsueki je l'aurais sûrement récolté ou bu pour en apprécier la saveur. Mais je n'était pas l'un de ces manieurs du sang et je m'intéressais à des choses bien différentes. Ce que je voulais, en l'occurrence, c'était le corps de cet homme. Il rejoindrait alors les rangs de mes serviteurs, comme il se devait. Je restai impassible tandis qu'il essayait de se relever tout en penchant la tête sur le côté pour évaluer ses chances d'y parvenir. Il parvint à tenir quelques temps sur ses genoux avant de m'adresser un regard ampli de haine. On pouvait souvent découvrir la vrai nature d'une personne lorsqu'elle était en face de la mort: les faibles suppliaient et pleuraient. Les imbéciles tentaient à chaque fois le tout pour le tout pour échapper aux griffes du destin qui s'abattaient sur eux, sans succès. Les plus téméraires tentaient de garder la face jusqu'au bout et croyaient que leur colère ou leur obstination allait leur permettre de tromper la mort. Mais le résultat restait à chaque fois le même...
- "Tues-moi, qu'est-ce que tu attends? Parce que sinon c'est moi qui vais le faire!" cria l'Akuzu. "Vas-y viens, qu'on en finisse!"
Je restai impassible et continuai de l'observer en ignorant purement et simplement sa remarque. Les cadavres tournaient leurs regards absents voir inexistants dans ma direction comme s'ils attendaient un ordre. Là encore, je les ignorai! Mon silence sembla calmer l'homme qui, s'il continua à haleter avec force, ne semblait plus aussi prêt à me bondir à la gorge. Bien! Il comprenait qu'il ne parviendrait à rien par la violence. Il restait maintenant à éteindre le petit espoir de survie qui s'était finalement frayé un chemin jusqu'à sa conscience.
- "Qui es-tu?" reprit-il. "Que veux-tu?"
- "Nous sommes Légions!" fis-je d'une voix amplifiée par celle des multiples résidents de mon corps. "Et c'est toi que nous voulons..."
Un geste de la main supplémentaire et les cadavres se firent à nouveau plus agressifs tandis qu'ils se jetaient sans la moindre tenue sur l'homme qui fut à nouveau mordu à de nombreuses reprises. Nous l'envions, lui qui découvrait ainsi la délicieuse sensation que devait procurer la mort. Notre regard se fit plus curieux alors qu'une gerbe de sang venait terminer sa route sur notre visage. Les bouches de mes trois semblables apparurent à la surface de ma peau tandis que leurs lèvres se faisaient un devoir de gouter au fluide vital. Notre curiosité fut vite assouvie même si nous ne prîmes aucun plaisir à savourer ce liquide vermeille. C'était une expérience, rien de plus...
Finalement nous nous agenouillâmes près de l'Akuzu qui avait finalement rendu l'âme. Une partie de son visage avait été déchiqueté par les mâchoires infatigables de mes ouailles tout comme son corps par ailleurs. Mais il restait reconnaissable et fonctionnel et nous n'en demandions guère plus. Nous effectuâmes quelques mudras et apposâmes la paume sur son ventre ensanglanté pour sceller notre nouveau serviteur. Nous nous redressâmes alors pour observer autours de nous alors que les cadavres retombaient sur le sol avant de se faire absorber à nouveau par la terre.
Nous nous éloignâmes enfin pour retourner à Suna avant que notre absence soit remarquée, ne laissant derrière-nous que des bouts de chairs ayant appartenu à l'Akuzu ou à mes cadavres animés. Des trainées de sang maculaient la zone et lui rendait un aspect encore plus funeste. Un mince sourire assombrit notre visage tandis que je me demandais si la Kawaguchi allait apprécier notre petit cadeau...