Mes yeux s’ouvrent aussi doucement que le déplacement d’une tortue de terre. C’est que c’est dur de se lever un samedi à midi. Je repense encore à hier soir, sur mon avenir, ma future vie. C’est vrai, être apothicaire est intéressant d’un point de vue personnel, on en apprend beaucoup, on peut soigner des malades ou nous-mêmes, soigner quelques vilaines blessures, droguer des gens ou encore empoisonner et inversement. Mais ça ne gagne pas assez…

Il faut que je trouve un truc pour me faire plus de blé ! Un truc où je n’ai pas besoin de me creuser trop la cervelle, un truc qui reste facile d’accès et qui ne me posera pas de problème par la suite. Je veux des petits sous, je veux pouvoir bien me fringuer même si je suis un géant. Je veux des petits sous pour pas grand-chose, je suis jamais allé à l’école, alors mes neurones servent un peu à rien, surtout qu’ils disparaissent de jour en jour. Le peu que j’en sais c’est grâce au vieux, et c’est du coup grâce à lui que je gagne un peu ma vie. Mais bon, j’ai toujours en tête ces petits rois dans ce que j’appelle les bassecours, comme les coqs au-dessus de leur tas de merde, bien habillé et à chanter des petits discours sur leur promontoire qui pue la corruption et le travail d’honnête gens. Pourquoi il n’y a que les « grands » de ce monde qui peuvent passer au-dessus des lois ? J’en ai marre d’être considéré comme un petit insecte comme le reste de l’essaim alors que les nobles sangs s’engraissent en pourrissant l’atmosphère de leur promontoire, et finalement on est tous à la chasse de cette même folie, des petits sous pour vous pour moi peu importante où cela nous mène. Le monde est injuste dans un système où personne ne voit que ses petits sous, son petit confort personnel alors qu’il n’y a qu’à regarder la beauté du monde qui nous entoure pour voir ce que l’on a vraiment besoin.

C’est décidé, je vais faire un tour au port cet après-midi, je trouverai bien un truc là-bas. Le port de Kanazawa regorge de marchandise du monde entier, il y aurait bien un truc où je pourrais y trouver profit. Je me lève du lit, celui-ci grince de soulagement comme lorsqu’on retire une lourde charge des épaules d’une personne. J’ouvre mes volets, des cris soudains retentirent de la rue de ma fenêtre, mon regard observe ce qu’il se passe. Je vois qu’on me fixe, je suis la cause des cris d’indignations. Merde c’est que je suis encore tout nu… Je ne vois pas le problème, ils n’ont jamais vu un beau mal sexy ? Je me retourne vite dans la chambre pour attraper un boxer et m’habiller fissa. De toute façon un pantalon et une cape c’est rapide à mettre. Je claque la porte bruyamment avant de faire souffrir les escaliers de mon poids.

« Bonne journée, rentres pas tard ou le dîner de ce soir sera froid. »

Oh punaise, le vieux était en bas, je pensais qu’il serait au medi-pôle comme à son habitude le samedi. Le medi-pôle est un bâtiment regroupant plusieurs médecins, apothicaire, chercheurs. C’est là-bas que je travaille la semaine avec lui. Il était là, sur le canapé du salon donnant sur l’entrée, à lire un bouquin de science.

« T’inquiètes je serai là avant le coucher du soleil, je vais juste faire un tour au port, à ce soir. »

La porte d’entrée claquée fait trembler les murs de la maison. J’y suis allé un peu fort mais en même temps je suis tellement tout excité. En route pour le port et ses merveilles, sa corruption et ses petits sous qui n’attendent que moi.

Le temps est légèrement nuageux, cela annonçait un grand ciel bleu pour demain. Je souris, puis respire profondément avant de commencer ma promenade jusqu’au port. Beaucoup de personnes étaient dans les rues, certains le pas pressant, d’autres le pas lents. Je pouvais grâce à ça facilement reconnaître qui se déplaçaient pour le travail et qui se déplaçaient juste pour se promener, enfin je pense, puis cela m’amuse d’essayer de deviner ce genre de chose. Ils se ressemblent tellement tous. Ils ressemblent à ces guignols qui ont le blé seulement que eux ils n’en ont pas et se font mettre profond tous les jours, je me demande si l’homme descend pas du mouton avec toutes ces personnes voulant rentrer dans les farandoles des coqs et à courir au gré des accessoires et des conneries illimitées.

Je marche avec le sourire, pensant à toutes ses pauvres personnes matérialistes, et me réconfortant dans ma décision. Si les gens se complaisent dans leurs petites vies bien tristes, indécents dans leurs absurdités où la parole des cons est celle de la raison, très bien pour eux. Moi je connais le secret qui les tient, et je vais en faire partie, je serai leur coq sur son tas de merde. Ils ne méritent que ça ne sortant jamais de leurs zones de conforts. C’est triste quelque part mais même les illuminés qui ont raison n’ont aucun poids dans la foule de la fourmilière dictée par la propagande de leur vie faite d’œillère. Il faudrait pourtant tellement les enlever ses œillères confortables...

Je profite de toutes les sensations que la vie puisse m’offrir. L’odeur apaisant de l’air marin se faisait de plus en plus présent au fur et à mesure que je me déplace près du port. Cette odeur, je l’a connaît même trop bien, je n’habite pas loin de la mer après tout et cela me rappelle les années à Mizu no Kuni. Je suis nostalgique.

Après dix minutes de route, mon ventre gargouille. C’est vrai que je n’ai rien mangé depuis hier soir mais c’était tout prévu, encore un peu de patience plus loin sur la route et je m’arrêterai à mon milk bar favoris. Comme son nom l’indique, c’était un milk bar,on y boit du lait, des milk shake, bref tout ce qui a un rapport avec le calcium. Je n’ai pas le temps de penser comme un Nara, j’y suis en fait déjà.

« Salut Dora, la même chose qu’hier ?
- Comme toujours Momo, merci »

Momonga, le propriétaire du bar à lait, était un vieux barbu avec des tatouages et avec une bedaine à bière. Il était gentil même sous son aspect de bikers Saibogu. De ce que je sais de lui, sa femme est partie comme si elle avait jeté son âme à bouffer au néant, le laissant le cœur vide. Je n’ai jamais connu l’amour mais même si je n’en sais que de par ce que j’ai déjà entendu, que toute l’horreur du monde n’est rien en comparaison que de perdre son amour, je veux quand même tenter cette expérience. Je ne suis peut-être qu’un fou à penser cela mais la vie est censé être belle, aussi belle que ce que l’amour apporte à la vie de deux personnes s’aimantes.

« Tu restes un peu pour discuter ?
- A non pas aujourd’hui désolé, il faut que j’aille au port pour une affaire privée, on se revoit Lundi de toute façon je te raconterai.
- Ok bonne journée mon grand. »

Il a juste eu le temps de me dire au revoir que j’étais déjà parti avec mon milk shake triple dose à la fraise. C’est mon repas de midi, je n’ai pas besoin de plus en général à cette période de la journée. Ayant fini de le siroter en marchant, me voici enfin au point tant attendu, le port.

Comme je disais, me voici au port de Kanazawa. C’était une fourmilière humaine, des navires du monde se mettaient à quai pour déposer leurs marchandises et s’en ravitailler de nouvelles. Des grues suspendaient en l’air de lourdes cargaisons tandis que les marchands négociaient avec acharnement les prix au sol. Ah ses marchands, il va sans dire que la plupart sont soumis ou addictifs aux pots de vins des quais, vous savez, en échange de pognon on vous donne le droit de mettre à quai vos navires ou le droit de déposer vos cargaisons même si vous n’en avez pas le droit par la loi. Moi j’y crois pas à ça, on le sait tous, mais pas même les autorités disent quoi que ce soit. Et les gens travaillant dedans sont heureux, en même temps il faut dire que chacun touche leurs petits sous sans problème en fermant leurs gueules. Vous me direz pourquoi je ne me bouge pas non plus ? J’ai déjà essayé mais comme je disais, la parole d’un ‘sensé’ vaut moins que la parole des cons.

Des matelots, marionnettes des plus riches, débarquaient seulement pour se rendre à la taverne du coin afin de cuver leurs salaires dans l’alcool et les putes, des bagarres le soir éclataient entre les différents équipages. Bientôt ses matelots seront à moi, quittes à ce qu’ils se fassent baisser, autant que ce soit moi. Enfin c’est ce que je dis mais ils seront bien plus heureux avec moi comme connard sur le fumier que ces coqs qui sont nées avec une cuillère en argent dans leurs becs. Enfin tout ça pour dire que c’était un merveilleux lieu d’échanges de corruption de rencontres et de vies. Cependant, j’en garde de mauvais souvenir, il y a toujours des péteux de nobles commerçants qui traitent les gens comme des moins que rien.

Mes têtes de plus que la moyenne me permettent d’observer les marchandises ici et là le long des quais. Je connaissais un peu d’où venait les navires, lors de promenades sur les quais quand j’étais petit, le vieux me faisait part de sa connaissance sur la géographie et des navires qui étaient à quai. Le premier navire à ma portée est un navire de Raiun, ils déchargeaient de l’écorce de fer, matériaux rares du pays de la foudre, mais cela ne me servait à rien. Je continue ma route pour me retrouver avec le second navire, un bateau marchant de Yuki no Kuni, ils sont reconnaissables avec leurs proues en forme de cygne blanc. De plus leurs tonneaux suintaient d’huile de baleine et leurs caisses saupoudraient le sol de sel marin lorsque les grues les déplaçaient en l’air. Mais là encore, rien de bien intéressant. Je continue de me frayer un chemin au travers de la dynamique portuaire où chaque activité est un mécanisme de l’engrenage d’un tout.

Mon visage souriant se transforme en visage déçu. Enfin non, le troisième navire venait de Kaze no kuni, cela se voyait à l’accoutrement du prince marchant. Ce navire livrait des émeraudes, de la peau de bêtes et de l’ivoire. Mes oreilles frémirent lorsque le péteux de noble cria sur le grutier des mots qui résonnèrent tel la plus douce des mélodies. Comme quoi les coqs ont une belle voix du haut de leur fumier.

« Fais gaffe à ça ! Cette palette vaut plus que ton salaire annuel alors manipules la comme si c’était ta vie en jeu ok ?!? »

Du coin de l’œil je vois sur la palette de grandes cornes d’ivoires, de l’ivoire comme ma flûte. Je me précipite derrière le marchand pour lui poser des questions.

« Hey vous là, bonjour. »

Le petit monsieur rondouillet se retourne. Je lui cache la lumière du soleil et ma carrure lui fait peur.

« Ah un monstre ! Non d’un shinobi vous m’avez fait peur vous voulez quoi le sans-abri hein ? Du balais avant que je n’appelle les Heishis du coin.
- Ksss.

Mes sourcils se froncent.

- Attendez, voilà une pièce ça vous va ? Aller du vent maintenant contrairement à vous je suis occupé avec un travail.

Là c’est la goutte d’eau de trop. Je regarde autour de moi, aucun Heishi. Je lui montre alors ma main avec un sourire sadique.

- Tu vois autour de toi ? Il n’y a aucun soldat dans le coin et ça ? Tu vois ? C’est ma main qui est aussi grosse que ta gueule et elle va arriver direct dans celle-ci si tu es encore une fois de plus irrespectueux.
- Ah non, ne me faites pas de mal je ferai tout ce que vous voudrez…

Mon timbre de voix se radoucit.

- Du calme je ne vais pas vous frappez, je suis venu vous voir parce que je vous ai entendu à propos de l’ivoire au-dessus de nous, vous disiez que cela coûte plus que le salaire du gars qui est en train de manœuvrer la grue.
- Hm et bien oui, je vends un simple kilo d’ivoire 1000 pièces autant dire que les affaires dans l’ivoire rapportent bi… »

Je n’ai même pas finit de l’écouter, je suis parti avant qu’il ne s’en rend compte. J’ai eu mon information, comme ça un kilo d’ivoire ça paye ultra bien, en plus de ce que j’ai vu avec ma flûte de Pan, ça ressemble presqu’à de l’os, il ne me reste donc plus qu’à faire du faux de parfait vrai et à moi la richesse je suis un génie. Enfin un génie qui n’a presque jamais utilisé ses os depuis son arrivée à Tsuki no Kuni.

Il me reste encore la fin d’après-midi, je pars alors en direction de la sortie de la ville, près des plaines rocailleuses afin de pouvoir tester ma fraude en toute tranquillité.

Je passe l'étape de la traversée de la ville, il n'y avait rien d'intéressant sur le chemin, juste une simple routine de promenade. J’arrive entre deux grosses rocailles de la plaine, c’est super pour me cacher à peu près des vues curieuses. C’est vrai, je ne suis pas un Heishi mais je peux manipuler mes os, cela pourrait me nuire.

Je reregarde ma flûte, la palpe, l’observe avec minutie, il fallait que je reproduise la même matière, cela allait être compliqué mais je me décide à sortir un bout d’os reproduisant ma flûte pour commencer. J’analyse les différences. Déjà, l’ivoire est plus lourd, et mon bout d’os est grêlé et bosselé il n’y a pas les mêmes rainures comme sur l’ivoire. Je soupire car ça va être long, très long, mais je ne me décourage pas.

Je recommence encore et encore, ça en fait de la flûte. Mais pas une pour rattraper l’autre il y a toujours un défaut, soit le poids, soit les rainures, soit le côté bosselé. Je savais bien que pour être riche il va falloir quand même bosser un peu, je continue donc mes efforts jusqu’à m’apercevoir que le soleil est en train de se coucher. Je suis dans la merde, le vieux va me défoncer, j’ai oublié le dîner. Je détale à toute vitesse en direction de la maison, je sers les dents espérant qu’il ne soit pas encore bien trop tard.

J’ouvre la porte, me cogne le crâne contre le haut de l’entrée puis me précipite comme si de rien n’était à la cuisine.

« Bien que 5 minutes de retard, bravo gamin t'es presque à l'heure ahahah. »

Le vieux se foutait clairement de ma gueule, enfin il n’avait pas tort, même si je faisais mine que je venais d’arriver tranquillement, mes gouttes de sueurs me trahissaient. Je rigole avec lui avant de m’installer et de manger avec le vieux. Je lui parle de ma promenade mais sans plus, je ne veux pas de sermon car je sais que frauder c’est comme être un peu hors la loi.

Je finis de manger avec lui, et direction le lit. Je me déshabille, sens mes dessous de bras, ça fouette il faudra que je prenne une douche demain. Je tire la couette sur mon corps et me laisse bercer par Morphée.

Encore une fois, je me réveille difficilement bien qu’il soit déjà midi passé. Mais on est dimanche après tout pourquoi se prendre la tête. Aujourd’hui allait être ma réussite. Je me lève rapidement pour me diriger vers la douche et en prendre une avec une eau bien chaude dégoulinante sur ma peau musclée et veineuse. Je me sèche aussi vite que je me suis levé, m’habille en un temps record et même parti avant même de le penser. Je me retrouve à nouveau à mon point d’entrainement d’hier près à recommencer mes tours de passe-passe avec mes os.

Il fallait bien que j’y arrive. Pourquoi d’ailleurs, cette question commençait à me trotter dans l’esprit. C’est vrai que je voulais gagner plus d’argent, être plus à l’aise, mais pourquoi ? C’est à force d’y réfléchir et d’échouer dans mes tentatives de faire passer du faux de véritable vrai que je trouvai la réponse. Finalement, le monde capitaliste eut raison de moi, j’aime l’argent et le profit, je veux la main mise sur beaucoup de choses. Je continue mon entrainement de faussaire en ivoire.

La journée passe vite il est déjà la fin d’après-midi, j’en bave comme pas possible mais finalement, comme je le disais tout à l’heure, cette journée allait être ma réussite. J’ai réussi à reproduire à la perfection de l’ivoire en os. La couleur, la texture en main, la densité, les stries, bref la total, il ne reste plus qu’à aller voir lundi en fin de journée les artisans et commerçants qui achètent cette précieuse matière brut, vérifier que mon faux est vrai.

Je rentre avec un grand sourire, comme si on m’avait fait un chelsea smile sur le visage. Vivement que je sache si ma manigance portera ses fruits ou non, et pour cela, il n’y a qu’une seule chose à faire, manger comme un gros tas d’Akimichi puis aller dormir. Je fais donc expressément ce que je viens de citer, repensant que je devrai attendre la fin de journée pour être fixé. Mon boulot fait chier me dis-je en souriant...