Une infinité de sable à l’horizon. Du sable à perte de vue. Un océan beige qui s’étend à des kilomètres. Un chemin parsemé par les nombreuses steppes désertiques. Le paysage est toujours le même, redondant. Des vallées de ces roches granuleuses jusqu’à en vomir, et même plus. Le pays du vent est composé en majorité écrasante de déserts et Dieu sait bien à quel point ce territoire est vaste. Mais pas notre protagoniste. Lui qui est victime d’une amnésie totale, lui qui a oublié tout du monde dans lequel il vit et des pratiques humaines – allant du langage jusqu’aux lois – ne peut comprendre à quel point il peut s’aventurer longuement dans les dunes de Kaze no Kuni sans une carte ou un chemin spécifique. Depuis son éveil, il ne fait que suivre le gré du souffle de Zéphyr, se déplace où le hasard le veut bien. Et le voilà désormais au beau milieu du désert sous le crépuscule, le moment de la journée où la torride chaleur se fait remplacer peu à peu par un sordide froid mordant. C’est une chose que le jeune homme comprend : la nuit est aussi impitoyable que le jour. Devra-t-il s’enfouir sous le sable une nouvelle fois pour se protéger de la température ? Une protection qui ne se vaut pas, mais qui est mieux que rien.

Si le jouvenceau a appris une chose depuis le début de son existence – du moins, depuis qu’il s’est réveillé dans cet état – c’est qu’il est nécessaire pour un humanoïde tel que lui de se nourrir. Dès que la partie inférieure de son corps – le ventre – commence à grommeler, cela signifie qu’il ne pourra donner cher de sa peau d’ici les prochaines vingt-quatre heures. Et c’est exactement dans cette situation que le brun est présentement. Son estomac hurle de colère et il n’a aucun vivre en sa possession – encore moins de ces fameuses pièces métalliques que ses semblables utilisent pour échanger contre ces dits vivres. Une pénible situation dans laquelle il est. La nuit s’annonce longue et son corps fatigue. S’il pouvait s’observer dans un miroir, le garçon verrait de gros cernes sous sa prunelle de braise et sa paupière stigmatisée. Mais c’est de loin le pire s’il l’on compare le reste de son apparence : une peau sale et des vêtements malpropres. Il ne prend même pas la peine de vider ses bottes du sable qui s’est infiltré par nul ne sait comment. Lui-même comprenait par son instinct qu’il ne pourra vivre jusqu’au levé de cette grande sphère de lumière dans les cieux. Et prendre du repos sous la douleur désagréable de cette famine et la gorge sèche n’est en aucun cas une tâche aisée.

Il doit donc poursuivre sa route vers l’inconnu. Toujours les mêmes dunes, toujours le même désert. Aucune structure artificielle qui puisse démontrer la présence de vie humaine à l’horizon. La fatigue le martelait. Tel un mort-vivant, il marchait lentement avec un équilibre fragile, la tête tombante. Puis, il leva la tête après un certain temps. Le décor changea subitement. Il ne voyait plus une vallée éperdue de sable, mais une formation rocheuse. Immobile, il contempla longuement cet énorme rocher qui s’élève à plusieurs mètres. Son unique paupière valide fronça pour avoir une meilleure vue ainsi que chasser la brouille dans son regard. Il vit une silhouette à un quinzaine de mètres de lui. Un être humain ? Dans ce désert ? Il fit délicatement un pas vers cette personne, puisant dans le reste de sa force. Il pourra enfin marchander de l’eau. Il pourra ainsi tenir le coup jusqu’au petit matin.

• Halte !!

Un hurlement soudain, hostile. Sentant l’agressivité de cet homme, il figea. Le regard lourd et fatigué, il plongea sa perle rouge dans les yeux de cet individu. Il ne comprend point ce qu’a fait l’homme drôlement habillé, mais pour sa propre sécurité, son instinct le pousse à ne pas faire un pas de plus.

• Étranger, qui êtes-vous ? Quel est le but de votre visite à Suna ?

Encore ces sons à diverses tonalités. Tous semblent les comprendre sauf lui. En guise de réponse, le borgne inclina la tête légèrement vers le côté. Bien que son faciès soit déformé par le surmenage, il est clair que l’adolescent est confus. Sa paupière mi-close, il toisa l’individu. Il continua de parler, s’approcha même avec un objet pointu en main. L’amnésique continua à examiner ses gestes. Il ne peut comprendre ses paroles, mais c’est une toute autre chose pour les actions. Et cet homme ressemble à l’un de ces quidams en uniforme qui le malmenait avant qu’il comprenne qu’il devait échanger des objets en échange de nourriture. Avait-il commis une faute similaire lors des dernières heures ? Dans ce désert. Il poussa un soupir d’épuisement. Sa vision est trouble. Il commence en avoir marre…

Important:

Journée de garde aux portes du village... Joie! C'est bien moins fatiguant qu'une journée à patrouiller dans le désert mais il faut compter sur la présence d'autres shinobis et je ne suis jamais aussi bien que lorsque je suis seul. L'avantage c'est quand même de pouvoir garder un oeil sur les entrées et sorties de Suna. La plupart du temps il n'y a rien de très particulier à relever mais il arrive de temps à autre qu'il y ait quelques surprises et autres visites inattendues. Et parfois même un peu de grabuge même si ça reste relativement rare...

L'ennui commence à me guetter tandis que j'arpente le sommet des massives murailles qui délimitent l'entrée de Suna. Hormis quelques marchands de retour de voyage ou des shinobis rentrant de mission, il n'y a rien de bien passionnant à observer. Avez-vous vu déjà eu l'impression que c'est précisément quand vous n'attendez plus grand chose d'une journée qu'un événement vient briser la monotonie? Le destin ou le hasard se chargent bien souvent de vous surprendre au moment où vous vous y attendez le moins...

Cette fois ils se manifestent sous la forme d'un jeune homme hagard qui se rapproche de l'entrée masquée du village. Il a été repéré depuis un moment mais personne n'est intervenu avant qu'il soit jugé trop proche de la Voie Illusionnée. Une mesure simple de précaution: si la personne connaît l'emplacement de Suna alors il n'a qu'à se présenter aux portes. Si ce n'est pas le cas alors c'est qu'il n'a tout simplement rien à faire ici. Pourtant l'inconnu a franchi la limite invisible qui sépare le laxisme de l'intervention. Je vois l'un des membres de mon clan s'approcher de lui et l'interpeller.

*Pourquoi est-ce qu'il ne réagit pas?* le comportement du jeune homme m'interpelle. *Est-il en train de divaguer à cause du manque d'eau?*

Le désert en lui-même est l'une des meilleures défenses du village et, plus généralement, de notre nation. Nombreux sont ceux qui s'y aventurent et n'en ressortent jamais. L'absence de point d'eau réguliers, la chaleur, les étendues à pertes de vue, l'absence de repères... Autant de pièges naturels qui se sont chargés d'ôter la vie à bien des imprudents n'ayant pas eu la jugeote de soupçonner le danger qui les guettait. Je ne sais pas comment cet inconnu s'y est pris pour arriver jusqu'ici mais sa ténacité force le respect. Rares sont les étranges qui peuvent se vanter de s'être présentés debout sur leurs deux jambes aux portes de Suna...

Je pose le regard sur le kunaï de mon cousin puis sur l'air teinté d'incompréhension du visiteur. Et je me décide à intervenir. Je ne suis guère favorable aux étrangers mais je reste un être humain. Sans me soucier spécialement de mon prochain, je ne souhaite pas pour autant la mort de ceux qui ont su braver les aléas du désert. Je pars du principe que l'océan de sable fait à sa façon sa propre sélection entre ceux qui sont dignes de survivre et ceux qui sont méritent la mort. Si nos contrées l'ont épargné alors nous devrions peut-être faire de même...

Je forme mon habituel nuage de sable et glisse sur l'air jusqu'à rejoindre le Kawaguchi. Puis je le laisse retomber en pluie dorée sur le sol avant de poser ma main sur l'arme de ce dernier. J'écarte ensuite les bras pour demander aux autres de rester sur place et de ne pas intervenir. Ils me connaissent assez pour savoir que ce comportement n'est pas dans mes habitudes et je suppose que la curiosité les pousse à me faire cette... faveur? Car mon grade ne m'autorise guère à agir de la sorte en temps normal. Je sors ma propre gourde d'eau et m'approche de l'étranger, ma main libre bien en évidence pour lui montrer qu'il n'a rien à craindre de moi pour l'instant.

- "Tiens!"

Et je lui tends l'objet en cuir pour qu'il puisse s'abreuver. D'expérience je sais que le manque d'eau ne favorise guère la parole et donc la discussion. Je reste le bras tendu, à l'inviter à se saisir de ma gourde. Le tout sans le quitter un seul instant du regard. Ses vêtements sont dans un sale état. Tout comme lui d'ailleurs...

- "Tu parles notre langue?" une pause. "Comment t'appelles-tu? Et comment t'es-tu retrouvé ici?"

Je ne sais pas si le langage employé à Kaze est semblable à celui utilisé dans le reste du monde. Je n'ai jamais voyagé bien loin de mon pays et je ne saurais donc m'avancer sur ce point. Toujours est-il que ce n'est pas l'altruisme qui guide mon geste mais plutôt la curiosité pour l'instant. Car si le désert a décidé de l'épargner, il lui faudra encore convaincre la garde de faire de même. En attendant qu'on en apprenne plus ça ne coûte toutefois rien de se montrer un brin humain...

Il n’esquissa le moindre geste, mais ce qu’il eut la chance de voir à l’instant même le sidéra totalement. Ses lèvres y laissèrent même un léger entrebâillement. Il n’a jamais vu un tel phénomène qu’il qualifierait comme étant un élément de fiction, complètement surnaturel. Et pourtant, cela semblait pourtant si inné pour le nouveau venu. Un homme situé sur l’apex de l’énorme formation de roche s’est rejoint au duo… en s’envolant sur un nuage de sable. Pour le garde ainsi que lui-même, cela semblait pourtant si simple, si banal. Pour le balafré, pour le peu de ce qu’il a vu de la réalité dans laquelle il est piégé, cet acte sort tout droit d’une histoire inventée. Sa paupière valide plissa une fois qu’il reprit contrôle de son sang-froid, dès que le nouvel individu arriva à destination. Qu’est-ce donc ? L’utilisation d’une quelconque énergie qui s’apparente à de la magie ? Non pas qu’il ait une quelconque notion de magie, encore moins sur le chakra. Tout ceci est étranger pour le jouvenceau et n’entre point dans la définition de « normal » qu’il s’est établi au cours des derniers jours, depuis son éveil. Il est donc possible de léviter sur une matière aussi volatile que cette matière granuleuse… Quoi de plus est donc possible pour cet homme ?

Objet pointue et visiblement coupant en main, l’homme en uniforme resta sur ses gardes. Du moins, c’est la conclusion à laquelle arriva le jeune homme en examinant son interlocuteur. Il semble être sur les nerfs et méfiant alors que les rôles devraient plutôt être inversés de sa perspective. Lui qui s’aventure à l’aveuglette dans un océan de sable et n’a pas l’apparence d’un individu hostile et qui se fait interpeller de manière agressive devrait être celui qui devrait être armé pour sa sécurité. Le blond calma cependant le jeu en échangeant un regard avec son complice et prit sa place. Il détacha à son tour un objet de sa ceinture, cette fois-ci à l’apparence plus utilitaire que dangereuse. L’homme s’approcha du borgne et présenta l’item en question, restant immobile suite à ce geste. Pendant un moment, la perle de braise de notre protagoniste vogua de l’objet présenté à la personne lui exposant ladite chose. Les secondes passèrent et l’amnésique comprit finalement que l’individu voulait qu’il le prenne. Délicatement, il s’empara de la gourde et l’inspecta de tous les angles imaginables. Sentant un mouvement dans l’objet, il l’ouvrit et regarda son contenu. Un certain liquide qu’il identifia comme de l’eau. De nouveau, il échangea un bref regard avec son possesseur avant de porter ses lippes à la bague.

Alors qu’il vida le contenu, l’homme qui lui a procuré l’eau de vie émit de nouveaux sons de sa bouche. Le brun y porta une brève attention, mais ignora le blond. Il ne comprenait guère ce qu’il disait, encore moins le sens des bruits qu’il faisait avec sa langue et ses lèvres. Une fois la gourde vidée, il poussa un soupir de soulagement, sa gorge enfin déshydratée. C’est un acte bien généreux de la part de cet homme… mais ne connaissant pas le concept du remerciement, il resta immobile à fixer ce dernier après avoir pris soin de vider l’eau dans la bouteille.

Un nouveau venu s’introduisit dans le groupe – le garde devenu désormais inutile. Un homme à la silhouette svelte et à la crinière décolorée. L’intonation employé n’a rien d’hostile et est plutôt accueillant. Dès qu’il fut à leur niveau, le nouveau venu offrit à son tour des vivres à notre héros : de la viande et une autre substance blanche qu’il n’a jamais vue auparavant. Cette fois-ci, il ne se fit pas attendre. Il récupéra la nourriture et s’empiffra rapidement. Par curiosité, le garçon observa les trois quidams alors qu’il avala la bouffe qu’il lui était donné. Il remarqua que ces Hommes utilisent la voix et des sons articulés pour communiquer. Il ne s’est jamais attardé à examiner de près les regroupements humain, mais maintenant qu’il est directement impliqué au sein d’un, il peut faire cette constatation. Son repas terminé, il inclina légèrement la tête sur la droite. Ces individus le toisaient comme un animal de foire. L’amnésique comprenait qu’il était la cause de toute cette attention. Ce qu’il lui échappait, c’est qu’il était très ingrat de ne pas avoir remercié quiconque pour toute cette nourriture et cette eau. Il resta ainsi, l’œil mi-ouvert, à regarder ce qui allait se produire dans les prochains instants.

Je le regarde vidé la gourde comme l'assoiffé qu'il est et la première pensée qui me vienne à l'esprit c'est que je devoir aller la remplir à nouveau. En même temps ça m'apprendra à être altruiste même si je comprends qu'il doive épancher sa soif. Ce qui me dérange plus, en revanche, c'est qu'il continue à garder le silence. Je n'attendais pas spécialement des remerciements mais au moins quelques mots pour expliquer sa présence ici ou simplement nous indiquer qu'il a de la peine à parler. Quelque chose qui prouverait qu'il parle notre langue et qu'il n'est pas un attardé ou une erreur de la nature du genre. Mais... rien!

*Et bien on dirait que j'ai tiré le gros lot...* je soupire. *J'aurais du rester sur les remparts et laisser mon cousin s'en occuper. Maintenant c'est pour ma gueule, forcément!*

Première et dernière fois que je viens en aide à ce qui semble bien être un étranger. Ho ça, on ne m'y reprendra plus! Je plisse les yeux quand un mouvement attire mon attention dans le dos du visiteur. Et je pousse un second soupire quand je vois arriver un Yamada avec qui j'ai déjà collaboré dans le cadre d'une mission. On ne peut pas dire que je l'apprécie mais pas non plus que je le déteste plus que les autres de son clan. Je réponds donc à ses salutations par un signe de tête:

- "Jax..."

Je vais me contenter de son prénom en guise de réponse. Et puis je n'ai guère envie de papoter avec lui de toute façon vu que je suis déjà occupé par l'étranger muet. Un problème à la fois! Pourtant le Yamada, lui, semble bien décidé à s'incruster dans notre trio qui devient ainsi un quatuor. Et après avoir offert de la nourriture à l'égaré il y va même de ses petites recommandations. Selon lui il faudrait l'amener aux portes et le faire passer devant un senseur.

- "Merci mais je gère!" tu parles! "Ce type ne s'approchera pas plus du village tant qu'il ne nous aura pas au moins donné son nom et la raison de sa présence ici!"

Peut-être qu'il s'agit simplement d'un bon comédien qui compte profiter de notre crédulité pour s'infiltrer dans le village. Qui sait, peut-être même qu'il représente une menace sérieuse pour le village. Et donc pour les Kawaguchi qui y résident... Par contre Jax a raison sur un point: il a besoin de soins! Et vite! Ce n'est pas un peu de nourriture et d'eau qui va le remettre d’aplomb.

- "Mais je vais demander qu'on fasse venir un guérisseur et un senseur. Et un traducteur tant qu'à faire... Peut-être qu'ils obtiendront plus d'informations que nous!" je tourne à nouveau mon regard vers l'inconnu. "Je l'espère pour lui en tout cas..."

Et ça tombe bien: le chef de la garde se rapproche de nous. Puisque que nous nous attardons trop sur place il a du vouloir venir voir en personne de quoi il en retourne exactement. Je vais donc à sa rencontre et lui expose rapidement la situation. Il semble d'accord avec ma décision et donne des ordres pour qu'elle soit mise en oeuvre. Nous patientons ensuite pendant quelques longues minutes avant qu'un nouveau trio fasse son apparition. Le médecin évalue rapidement l'état de santé de son nouveau patient et commence à lui prodiguer les soins adéquats tandis que le senseur se contente d'observer la scène de son regard concentré. Quant au traducteur... Ce dernier s'agenouille face à notre visiteur et tente simplement de prendre contact avec lui en différentes langues...

- "Qui es-tu et que fais-tu ici?" une première phrase dans notre langue et destinée à nous faire comprendre la question qu'il s'emploie ensuite à décliner. "Ով ես դու եւ ինչ եք անում այստեղ ? আপনি কে এবং আপনি এখানে কি করছেন ? အဘယ်သူသည် သင် နှင့်သင် ကဒီမှာ ဘာလုပ်နေကြတာလဲ ?"

Je scrute quelques instants l'inconnu en espérant qu'il réagisse enfin à l'un de ces langages. Je sais qu'il existe plusieurs tribus qui emploient encore des dialectes pratiquement oubliés et peut-être qu'il est de l'un d'eux. Mais ma patience n'est guère récompensée pour l'instant et je tourne un regard las vers Jax:

- "Tu me crois si je te dis que je préférerais encore chasser des sangliers géants en ta compagnie plutôt que devoir m'occuper de ce cas?"

Le cas étant bien évidemment la personne en face de nous et non la situation dans laquelle il nous place en elle-même... Le médecin tourne un regard désapprobateur dans ma direction et je me contente de hausser les épaules avant de reporter mon attention sur l'inconnu. Est-ce qu'il va enfin daigner dire un mot?

Tel un enragé, le garçon a avalé toute la nourriture qui lui a été si généreusement offerte. Tels des admirateurs face à une bête encagée dans un zoo, les Sunajins observent l’animal qui ne semble pouvoir communiquer, ne serait-ce qu’oralement ou par l’usage de signes. Les hypothèses sont nombreuses et fébriles : est-il muet et sourd ? Un individu victime d’un double handicap ? La surdité et l’incapacité de faire emploi de la parole n’expliquent cependant point l’incapacité de comprendre les rituels humains les plus simples, comme le remerciement – qui est tout de même la base de la politesse et de la gratitude. Encore, peut-être que ce jouvenceau n’est qu’un piètre sauvage, élevé par une tribu primitive ou encore des animaux quelconques. Cette théorie semble farfelue, tirée par les cheveux, mais dans ce bas monde où l’anarchie règne en maître, tout est possible. Quoi qu’il en soit, il semble clair pour le trio du sable que communiquer avec cet étrange personnage qui a traversé le aride et impitoyable désert sans équipement approprié ne sera pas une chose aisée.

Un individu supplémentaire se joignit au petit attroupement. Ils semblent tous apparaître de nulle part pour une raison quelconque. Le borgne commençait à comprendre qu’il est la raison du dérangement occasionné. La raison lui échappait, mais le peu d’expérience qu’il a acquis au cours des derniers jours dans le domaine des relations sociales entre les êtres humanoïdes lui suggérait de ne pas effectuer de gestes brusques pour ne pas affoler ces hommes en uniforme. Il comprenait au moins que ces gens sont des protecteurs en quelque sorte, des gardiens. De quoi, spécifiquement ? Du respect des règles pour contrôler les débordements dangereux et probablement de la sûreté du peuple. Suite à court dialogue avec ce nouvel arrivant et le blond, ce premier repartit aussitôt, ne faisant qu’accroître la confusion chez le brun. Le groupe patienta pendant de longues minutes où un lourd silence s’imposa. Les Shinobis du sable examinaient ce sauvage, ce dernier se demandait que mérite donc toute cette attention sur sa personne. Alors que tout devint inanimé et que tous résidait immobile sur place, l’idée de poursuivre son chemin à travers cet infini horizon de sable lui traversa l’esprit. Néanmoins, la température chute à une vitesse phénoménale, cette immense boule de feu dans les cieux disparaissant peu à peu pour céder sa place à un autre corps céleste, moins lumineux que son prédécesseur. S’aventurer dans l’inconnu semble être une mauvaise carte à jouer et rester auprès de ces messieurs, peu importe ce qui en découlera de cette rencontre, est une bien meilleure idée.

Suite à longue attente, deux nouveaux personnages – encore – s’infiltrèrent dans le groupe. L’un s’agenouilla face à notre protagoniste alors que l’autre s’empressa à s’approcher de lui et inspecta son épiderme pour une raison quelconque. Plus qu’abasourdie face à cette approche, le garçon n’accorda guère son attention au Sunajin à ses pieds prononça divers sons tous aussi différents les uns que les autres. Qu’est-ce donc cette mascarade ? Alors que l’un radote nul ne sait quoi, l’autre ne se gêne pour toucher sa peau et retrousser ses vêtements à la recherche de quelque chose en particulier. S’il souhaitait lui voler ses pièces de monnaie, alors le balafré serait désolé de lui apprendre qu’il n’en possède plus depuis belle lurette.

Alors que ce spectacle n’ayant rien d’amusant continua son cours, l’homme à la crinière opaline sortit de son sac ce qui ressemblait à un rouleau ainsi qu’un autre objet non identifié. Il déroula le parchemin, appliqua l’item sur la surface du papier et glissa l’objet dessus, laissant une traînée d’encre directement sur le parchemin.

• … Hah.

Un souffle, bref et faible, indiquant sa surprise et surtout, son étonnement. Non, il ne sait guère ce qu’est un stylo. Pour lui, cela est tout aussi spectaculaire que la lévitation sur le nuage de sable démontrée un peu plus tôt. Peu après, l’individu montrant son œuvre à notre héros. Délicatement, il arracha le parchemin de ses mains et le contempla. Il ne lui fallut peu de temps pour comprendre que l’image représente un bonhomme allumette au sein du désert. Peut-être que ce quidam tentait de le représenter ? Mais plus important encore. L’adolescent ne cherchait nécessairement à comprendre le sens derrière ce dessein, mais plutôt comment recréer un pareil exploit. Sa seule perle de braise vogua vers le stylo dans la main de l’homme. Il tendit la main, attendant qu’il lui prête l’objet. S’assoyant dans le sable, il chercha un coin vierge du sur le parchemin et appuya la pointe sur le papier. Il fit une première ligne, verticale. Émerveillé par cette magie, il en fit une autre, horizontale cette fois-ci… Un véritable théâtre digne d’un déficient.

• Eh bien… Autre que quelques plaies capillaires minimes, il ne présente rien d’irrégulier… Son comportement est cependant à étudier.

Voilà le verdict du médecin.

Je hoche la tête à la remarque du Yamada lorsque ce dernier me fait remarquer que l'inconnu semble plus sauvage que dangereux. En effet, il n'a pas l'air très méchant et ne semble pas représenter la moindre menace. Mais ne dit-on pas que l'habit ne fait pas le moine? Comment se fier à l'image qu'il nous renvoie? Je suis conscient que s'il joue un rôle alors c'est un acteur sacrément doué d'autant plus que le senseur présent n'a rien relevé d'anormal puisqu'il continue à le scruter sans prendre la parole. Un signe évident qu'il n'a pas remarqué la moindre trace de duplicité. Ce qui est plutôt encourageant...

- "C'est peut-être précisément ce qu'il essaie de nous faire croire..." je soupire. "Mais je reconnais volontiers que cette hypothèse semble de moins en moins crédible!"

Il faut se rendre à l'évidence et arrêter de voir le mal partout. Peut-être suis-je trop méfiant? Mais on ne vit pas dans un monde qui encourage des sentiments tels que la confiance. Baisser sa garde est trop souvent synonyme de mort. Il suffit d'une seule erreur, d'une seule... Et votre vie trouve son épilogue en un millième de seconde. J'observe Jax puis me penche par dessus son épaule pour observer l'esquisse qu'il pose sur son parchemin. Son idée n'est pas bête mais il faut admettre qu'il ne sera sans doute jamais un grand dessinateur. Je lâche un rire amusé lorsqu'il annonce espérer que l'autre comprenne ce qu'il a essayé de représenter.

- "Franchement j'en doute... Tu dessines comme une merde!"

Mon sourire s'accentue pour lui indiquer que c'est avant tout de la plaisanterie - quoique... - puis j'observe la réaction de notre mystérieux invité lorsqu'il pose le regard sur "l'oeuvre" de mon camarade va-nu-pieds. Bon, il émet un son! C'est déjà une victoire en soi je suppose... Mais pas la moindre réaction susceptible de nous en apprendre plus. Prévisible mais toujours aussi frustrant! Finalement le verdict du médecin tombe: quelques blessures sans gravité et un comportement à étudier. Sans blagues?

Je me retire alors en compagnie de ce dernier pour rejoindre notre supérieur. La nuit tombe et il va falloir prendre une décision. Visiblement le capitaine a aussi quelques doutes quant à la marche à suivre. Il faut dire que ce genre de cas sort largement de l'ordinaire et qu'on est pas vraiment formés pour y répondre. Il va falloir improviser et espérer prendre la bonne décision. On ne va pas convoquer un membre du conseil pour cette affaire même si ce ne serait pas forcément une mauvaise idée en soi...

- "Honnêtement je crois qu'on ferait mieux de lui donner une couverture, des provisions et le renvoyer! S'il a survécu jusqu'ici il pourra se débrouiller avec des vivres! Il n'a peut-être pas l'air bien dangereux mais on ne peut toujours pas exclure qu'il s'agisse d'un agent étranger ou qu'il représente une menace!"
- "Je m'y oppose!" le ton du médecin est catégorique. "Il a besoin de repos pour reprendre des forces! Vu son état, le renvoyer maintenant revient à le condamner à mort! C'est du pareil au même!"

Je soupire. Haaaa, l'empathie des médecins... Je sais bien que c'est une vocation mais ils sont parfois si naïfs! Notre supérieur se passe une main sur le menton et attarde longuement son regard sur le jeune inconnu. Puis il soupire à son tour et je sais que sa décision est prise. Et qu'elle ne me plaira guère...

- "Très bien... Kira, emmène-le au poste de garde et assure-toi qu'il soit traité avec égard! Tant que nous ne serons pas fixés je refuse de le laisser vadrouiller dans le désert. Emmène Jax avec toi! Puisque ce cas semble l'intéresser alors qu'il participe!" il se tourne ensuite vers le médecin. "Occupez-vous de lui et... étudier son comportement puisque c'est ce qui vous semble être le plus judicieux. Je veux un rapport dans les plus brefs délais! De mon côté je vais dépêcher un émissaire au palais et m'en remettre à la décision des autorités supérieures. À elles de prendre en charge son cas désormais et de lui autoriser définitivement l'accès ou non..."

Je modère ma frustration et me contente de lever brièvement les yeux au ciel pour marquer une fois de plus mon désaccord. Mais les ordres étant les ordres... Je reviens vers Jax et lui annonce la décision prise avant de me pencher vers notre invité pour saisir sans gestes brusques l'un de ses bras et le glisser autours de mon cou. Puis je relève les yeux vers le Yamada avec un semblant d'impatience.

- "Un coup de main ne serait pas de refus! Ensuite tu pourras continuer à lui faire des petits dessins si ça t'amuse... J'suis sûr que vous allez bien vous entendre!"

En réalité je pourrais m'en occuper seul. Mais je refuse de gaspiller plus d'énergie que ça pour un type qui n'a toujours pas gagné ma confiance et soulève plus de questions qu'autre chose. Puisque Jax a décidé de se mêler de cette affaire, qu'il mette la main à la pâte. Sur ce point je suis on ne peut plus d'accord avec la décision de notre supérieur...

Coupé de son entourage, le mystérieux garçon est pleinement focalisé sur sa nouvelle découverte. Tel un bambin découvrant pour la toute première fois la magie de l’écriture et du dessin, l’étrange errant s’amuse à tester le potentiel de cet instrument qu’il n’a jamais vu auparavant. Bien trop occupé par cette invention, il ignora complètement trois des quidams se retirer un peu à l’écart, le voilà désormais seul en compagnie de celui qui lui a si généreusement offert de la nourriture ainsi que le loisir d’expérimenter cet outil qu’est le stylo. Un bref instant, il crut détecter un brin de tension au sein du débat, mais oublia rapidement ce sentiment et ce concentra exclusivement sur les graffitis indéchiffrables qu’il appliquait sur le papier. Après quelques tests se résumant à des lignes droites ou ondulées, il se mit à représenter par de moches dessins quelques figures qu’il a perçues depuis son éveil : des maisons, des arbres, des champs, la lune et ainsi de suite. Néanmoins, le parchemin devient rapidement bourré d’encre. Le papier une fois vierge n’avait plus d’espace suffisant pour permettre un ajout supplémentaire. L’adolescent inspecta de tous les angles possibles le rouleau pour repérer un endroit où il peut possiblement pratiquer ce passe-temps, mais ne trouva point un espace vierge à sa grande déception.

Bientôt, le trio revint près de lui. Le blond qui l’a accosté initialement – si l’on oublie le garde, puisque, ne le cachons pas, tous l’ont oublié – attrapa son bras et le passa sur son cou. Ne comprenant pas le but d’un tel geste, le borgne se contenta uniquement de ne pas effectuer de mouvements brusques pour ne pas créer un quelconque froid, comme il en a déjà été question par le passé, dès ses premiers contacts avec la civilisation – cela date de plus d’une semaine seulement. Il lâcha le parchemin et le crayon, les items chutant dans le sable. Le personnage ayant lévité sur un nimbus de sable plus tôt parla à son coéquipier, mais comme toujours, le garçon ne comprit le sens de cette communication. Puis, l’individu à la crinière opaline se positionna face à lui, son regard plongeant dans la prunelle éclatante de l’amnésique. Il émit des sons, cette fois-ci allongés et bien articulés. Néanmoins, le balafré ne comprit point le sens d’une telle prestance. Il regarda même derrière lui pour être certain que ce coup de théâtre lui était destiné avant de reporter son intérêt sur cet homme et inclinant légèrement la tête sur la gauche. Une autre tentative de communication qui s’avère être un échec. Sans grande surprise.

On l’amena rapidement au sein d’une bâtisse, construite sur l’immense formation rocheuse. Le jouvenceau arriva à deux conclusions différentes : la première est que s’il y a autant d’activité dans le coin, alors il est certainement près d’un quelconque village. La seconde est que si on l’amène à l’abri alors que la nuit est tombante, alors il pourra certainement prendre du repos et éviter de passer la nuit dans le désert, à la merci du froid mordant. Inconsciemment, ses lèvres s’étirèrent en l’ombre d’un sourire. Le mieux qu’on puisse décrire son état émotif au moment même est qu’il est heureux. Heureux de prendre un peu de repos. On le renverra certainement dans cet océan de sable et de chaleur dès l’aube, mais cela lui laisse au moins le temps nécessaire pour souffler un peu. Assis à une table de bois dans une pièce fermée ayant pour seuls éléments une porte et une fenêtre teintée, il patienta longuement. On l’avait enfermé pour une quelconque raison. Cette situation est néanmoins préférable à dormir à l’extérieur. Ces murs de béton le protègent des vents et des rafales de sable. Ce n’est certainement pas le luxe, mais pour un errant qui ne connaît que l’herbe comme lit, c’est largement le meilleur qu’il puisse connaître.

Pour le moment, le silence est maître. Aucune perturbation. Lentement et délicatement, il posa ses bras sur la surface de la table et bientôt, sa tête vint s’appuyer sur ses membres. Morphée l’attendait depuis un moment et c’est sans hésitation que l’amnésique se plongea dans un sommeil profond. La question est, combien de temps cette quiétude perdura…

Spoiler:

Et me voilà à observer un gosse qui dort... Adossé à l'un des murs qui flanque la vitre sans teint, je me demande que faire de ce jeune inconnu. La réponse du palais se fait désirer et en attendant c'est moi qui suis chargé de garder un oeil sur lui. Et Jax aussi... Mais lui il a l'air d'apprécier la situation. Forcément pour lui c'est une merveilleuse opportunité d'exprimer l'empathie niaise des Yamada... Il allait pas manquer ça, vous pensez bien!

- "Ce serait tellement facile de lui briser la nuque pendant qu'il dort..." je soupire. "Et comme ça, nous, on pourrait aussi aller dormir!"

Comme si j'avais que ça à foutre aussi... Ça amuse peut-être l'autre de jouer au moine bienveillant mais je dois m'entraîner demain à l'aube. Et j'aimerais moi aussi profiter d'un peu de repos si ce n'est pas trop demander! Il y en a qui font autre chose que se dorer la pilule toute la journée sous une tente... Je m'allume une clope sous l'oeil désapprobateur du doc qui n'a rien manqué de ce que j'ai dis. Jax et lui peuvent bien me juger si ça leur fait plaisir. Ça me fait une belle jambe!

- "Bon allez, ras-le-cul!"

Je rejoins le gosse à l'intérieur de sa cellule et claque des doigts au niveau de ses oreilles pour le réveiller, le médecin sur mes talons. J'ai presque envie de lui préciser que je ne vais pas m'en prendre au gamin mais il ne le croirait sans doute pas.

- "Hey, gamin!" je le harcèle jusqu'à ce qu'il croise enfin mon regard. "Ouvre bien grand tes oreilles! Tant que tu n'es pas capable de nous dire qui tu es, d'où tu viens ou qu'un message ordonnant de te relâcher n'arrive pas du palais, tu resteras ici. Toi comprendre?"

Je mime certains de mes mots sans vraiment espérer que ça suscitera la moindre réaction. Le doc me rappelle sans grande douceur qu'il a besoin de repos et je lève les yeux au ciel. C'est pas une excuse! Le gamin n'avait qu'à pas s'engager dans le désert, c'est tout! Parce qu'au final c'est encore Suna qui va sûrement se retrouver avec un rebut de plus! On paie pour les conneries des autres...

- "Tiens!" je lui glisse une cigarette dans le bouche avant de l'allumer. "Et maintenant on arrête de jouer d'accord? Tu t'appelles comment? Fais pas celui qui comprend pas ce qu'on dit..."

J'écrase mon poing sur la table pour lui signifier clairement que ma patience à ses limites. Et j'empêche le médecin d'intervenir de mon autre main. Il semble hésiter: est-ce que je bluff ou non? Ce dilemme le force au calme pour l'instant, c'est déjà ça. Tant qu'un supérieur ne se manifeste pas je peux faire plus ou moins comme je l'entends. Et comme la méthode douce ne fonctionnent pas très bien...

- "Dans cinq secondes je t'en colle une si tu n'as pas émis ne serait-ce qu'un son! Je vais t'apprendre à communiquer, moi!"

À moins que Jax décide de s'interposer? On peut toujours compter sur les Yamada pour gâcher l'ambiance...

Des claquements agressifs tirèrent le garçon hors de son sommeil comateux. Il ouvrit délicatement son unique paupière, encore sous les effets d’une profonde sieste. Il entend au loin une voix, mais ne peut en déchiffrer son contenu – de toute façon, ce n’est pas comme s’il pourrait comprendre le sens des mots de celui qui l’adresse. Doucement, il se relève et frotte son seul œil valide avec sa paume. Son regard croise finalement celui qui l’ait tiré des bras de Morphée, le blond l’ayant approché plus tôt, accompagné d’un autre présent sur la scène. S’il est ici pour le réveiller, cela signifie donc que l’aube est déjà de mise… Ou bien le garçon a commis une grave erreur. Laquelle, exactement ? Nul ne sait, encore moins notre protagoniste. Il ne sait exactement s’il a effectué une quelconque action ayant à l’encontre des règles que la civilisation a établies. Tout ce qu’il a fait depuis qu’on l’a conduit à l’intérieur de cet édifice, à l’abri du froid mordant du désert, est de s’assoupir sans jamais se réveiller – jusqu’à maintenant, du moins, mais ce fâcheux incident est hors de son contrôle. Qu’es donc la raison de ce dérangement et de cette tension chez cet allié de l’ordre ?

En prononçant un seul mot, l’homme glissa un quelconque objet dans la bouche du balafré. Ce dernier se laissa faire, n’effectuant le moindre geste de résistance. Sa prunelle rouge rivée sur cet item cylindrique, il mâchouilla délicatement le bout reposant entre ses lèvres. Évidemment, le résultat n’étant pas trop concluant, il se résigna à mâcher cette chose, peu importe de quoi il s’agit exactement. Suite à cette expérimentation, le Shinobi de Suna chercha dans sa poche un briquet – un autre item non identifié pour le jouvenceau – et alluma la cigarette. Dans cette action, ce qui étonnait le brun le plus est la capacité de cet objet à générer une flamme à partir de rien autre que de l’air. Certes, il y a du carburant à l’intérieur du réservoir de ce dispositif pyrotechnique, mais un amnésique ne peut déduire une telle chose, encore moins savoir comment fonctionne la machine. À ses yeux – aucun jeu de mot je vous prie – c’est tout aussi impressionnant que la lévitation sur un nuage de grains de sable.

Au contact de la flamme, l’extrémité de la cigarette brûla. Son but achevé, le feu disparu aussi rapidement qu’elle est apparue. Le blond formulait de nouvelles tirades, des sons que ne peut capter l’adolescent, ce moyen de communication hors de sa compréhension. Rapidement, il ignora l’homme et observa l’extrémité du cylindre de papier s’incinérer peu à peu. Drôle de phénomène. Puis, un coup retentit. Le blond frappa la table de son poing, obligeant le garçon a focaliser son attention sur lui. Son attitude est agressive, ses mots sans tact. Certes, la plupart de ces détails passent quarante pieds au-dessus de la tête du borgne qui se contente uniquement de regarder son interlocuteur d’un regard semi-endormi. Aussitôt la crise momentanément achevée par un manque de réaction de la part du concerné, le bon samaritain de plus tôt s’interposa entre les deux personnages, tentant de calmer le jeu. Ou plutôt, une nouvelle dispute naquit. L’amnésique pouvait comprendre au minimum que rien de joyeux ne se produisait. Pendant un moment, la température de la pièce augmenta rapidement. La chaleur du désert s’infiltre par une faille de l’édifice ? Curieux, le brun chercha la cause de ce phénomène, sans pourtant trouver réponse pour assouvir sa curiosité.

Certes, la température de la pièce chuta de nouveau, reprenant son niveau initial. Il tilla la tête sur le côté, visiblement concerné par cet incident et l’incapacité de ne pouvoir trouver une explication logique pour l’expliquer. Abandonnant aussitôt cette idée, il se concentra de nouveau sur ce qu’il avait dans la bouche. Depuis le début, il n’avait pas cherché à ouvrir la bouche, encore moins inspirer par la bouche ou encore toucher le mégot avec sa langue. Une idée traversa son esprit. Si on lui a imposé ce truc entre les lèves, cela signifie forcément qu’il s’agit de nourriture ? Sans hésitation, l’errant attrapa la cigarette, la retourna et croqua dans le cylindre de nicotine, directement sur l’extrémité calcinée.

• Kof kof kof kof !!

La réaction fut immédiate. Illico, il recracha le contenu à l’intérieur de sa bouche et toussota à plusieurs reprises. Dorénavant, il saura que tout ce qui est similaire, de près ou de loin, à cet objet n’est point comestible. Ou peut-être qu’il s’agit bien d’un aliment, simplement avec un goût digne de faire tourner l’estomac plus d’une fois. Avec ses doigts, il toucha une partie désagréable de sa langue, là où l’organe a touché directement la partie brûlante de la cigarette. Sans grand succès, il tenta de soulager le sentiment avec sa salive. Le garçon expérimente pour la première fois la douleur physique. Rien de mortel.

Une scène plutôt comique qui a certainement apaisé l’atmosphère – un autre élément auquel il est totalement inconscient.

Je pose les yeux sur la main que Jax a refermée autours de mon poignet puis croise son regard. Ses menaces sonnent creux. Il ne pourra jamais s'en prendre à moi avec son don clanique en présence de notre invité qu'il tient tant à protéger. Pourtant il marque un point: j'aurai des problèmes si j'amoche trop l'adolescent. Et il en va de même pour le médecin qui devient de plus en plus insistant. Je le relâche à la suite du Yamada qui en a fait de même avec moi. Deux cœurs tendres qui se feront tôt ou tard avoir...

- "Ne me touche plus jamais Jax..." c'est bien une menace que je lui adresse en retour. "Ce n'est pas parce que je te tolère que tu peux t'autoriser ce genre de familiarités."

J'observe un instant le gamin qui a décidé de goûter la cigarette. Littéralement. Et forcément, en commençant du mauvais côté. Sa pitrerie a au moins le mérite de détendre quelque peu l'atmosphère. Et de confirmer encore un peu plus l'étrangeté de notre invité. Je lève les yeux au ciel et lâche un soupire résigné. Très bien, qu'ils fassent ce qu'ils veulent de ce gamin. S'ils veulent le chouchouter pour ensuite se faire poignarder dans le dos c'est leur droit après tout. Je reporte mon attention sur le Yamada.

- "C'est à toi de partir! Je suis officiellement en service! Toi, non! Ton aide a été appréciée mais ne sera plus nécessaire!" le ton est suffisamment clair. "Tu reviendras jouer les anges gardiens pendant tes heures de travail, clochard!"

Et dire que je l'appréciais... Tant pis, ça m'apprendra à tenter de sociabiliser avec l'ennemi. On ne peut décidément rien attendre des Yamada si ce n'est de beaux discours sur la morale et l'intégrité. J'attends que mon camarade s'exécute avant de présenter sommairement des excuses au médecin, justifiant mon emportement par la nécessité de faire croire au prévenu que j'étais sérieux. Je crois qu'il ne me croit pas mais il n'a rien pour prouver le contraire. Il va simplement falloir que je me montre avec lui durant notre collaboration forcée. Fort heureusement nous ne sommes plus seuls bien longtemps. Les renforts arrivent enfin!

- "Faites-lui un examen médical et psychologique complet! Ordre du chef de la garde!" je m'adresse à l'équipe d'eisei-nin. "Et remettez-moi le rapport que je puisse ensuite le livrer au palais-tente..."

Je vais me poser dans un coin pendant que les nouveaux-arrivants prennent leurs marques et assaillent l'inconnu de questions et l'examinent sous chaque coutures. Ou peu s'en faut. Quelques heures plus tard j'ai entre les mains un dossier contenant les premières conclusions du corps médical. Et des cernes qui commencent à poindre sous les yeux après une longue nuit d'attente et d'observation. Il est temps pour les autorités de décider du destin de ce jeune égaré...

PNJ:

Lorsque le médecin en chef et sa petite équipe entrèrent dans la pièce, ils pouvaient tous sentir la tension. Il ne tarda donc pas à congédier toute personne non compétente médicalement de la pièce, pour être plus ou moins seul avec le patient. Dans un premier temps, le vieil homme de la cinquantaine posa quelques questions d’un ton patient, mais fatigué – l’âge, que voulez-vous !

- Nom et prénom, jeune homme.

Il n’eut guère de réponse, et profita de ce moment de silence pour lire les notes au sujet de ce garçon. Aucun mot depuis son arrivée, mis en bouche de la cigarette du mauvais côté et une certaine admiration pour tout ce qui bouge …

- Voyons voir si tes cinq sens fonctionnent.

Le toucher, l’ouïe, la vue, l’odorat et le goût passèrent chacun en revu. A priori, il entendait bien, voyait bien, sentait bien, mangeait bien et réagissait bien à différents test – un petit coup sur les mollets pour la réactivité par exemple.

- Pas sourd ou muet … Je dirais simplet d’esprit, alors, diagnostiqua le médecin.

Pour ce dernier point-là, il observa à nouveau longuement le « gamin » - tout le monde était un enfant à son âge. Il nota qu’il ne semblait pas avoir un handicap de naissance – taille du front, ou symétrie des yeux « standards », et qu’il semblait avoir vécu une chose malgré tout violente au vu de son œil borgne. Il n’osait pas toucher, ayant peur de la réaction du jeune idiot.

- Bien, faites moi ces examens.

L’examen en question était une radio de ce cerveau pour voir s’il n’y avait pas une quelconque déficience, une étude du crâne toujours à la recherche d’une quelconque cicatrice ayant pu entraîner un véritable traumatisme, ainsi qu’un passage auprès d’un senseur pour toute indication sur le chakra de la personne.

- On va bien trouver des choses à son sujet, se disait le médecin, suivant « l’enfant » durant toute la journée.

Dès l’instant où on ressentait la peur ou la panique, « l’enfant » avait droit aux douceurs de Suna, ou encore à quelques démonstrations chakratiques – marché sur un mur etc … -. Finalement, tant bien que mal les résultats tombèrent, et il fit un rapport sans plus d’empathie ou d’amour. Au bout de 30 ans de carrière, un patient était un patient malgré les maux dont il était victime. Ainsi, après avoir déposé les résultats aux « baby sitters » de ce garçon nommé X, il quitta la pièce pour son patient suivant.

Spoiler:

Conclusion :