Ce ne fut qu’une fois le corps de Bakushô Aomine enterré derrière la cascade que Mamoru Azuni se décida à partir. Elle qui avait été un temps secrétaire innocente du village caché des Nuages était redevenue la Douzième Forgeronne. Une femme dure, une femme froide, l’une des plus craintes de l’époque de Kiri la Sanglante. C’était d’ailleurs un souvenir qui lui paraissait si proche, tandis que des guerres et des années s’étaient écoulés entre temps.

Ses souvenirs de sa vie temporaire à Kumo n’étaient pas partis lorsqu’elle avait retrouvé sa mémoire. Et c’était là tout le choix qu’elle devait faire. Devait-elle retourner à Kiri, le village où elle avait vécu ses plus belles années ? Devait-elle rester fidèle à un village dont le Yondaime, puis Rokudaime et enfin Régent lui avaient permis de rester en vie et de trouver un foyer ainsi qu’une nouvelle vie ? Ou fallait-il qu’elle écoute le sang et qu’elle aille jurer allégeance à l’Empire pour retrouver la plupart des siens même si ses dons de Mamoru s’étaient perdus le jour où elle avait enfermé son passé dans son épée ?

Lorsqu’elle passa la cascade, Azuni avait choisi.

***

Arriver jusqu’à Mizu no Kuni et plus précisément jusqu’au village caché de la Brume fut un voyage presque sans obstacle. La nostalgie était un minimum présente chez la kunoïchi, mais rapidement obscurcie par les regards des uns et des autres. Si certains se souvenaient de « Mamoru Azuni la Sombre », d’autres découvraient simplement une jeune femme à la beauté froide et à l’aspect presque terrifiant. C’est indifférente à ces regards extérieurs qu’elle s’avançait jusqu’aux quartiers de l’homme qu’elle était venue rencontrer.

Lorsqu’elle entra, avec permission, dans les locaux du Mizukage, elle ne s’inclina qu’un court instant. Shinda Michiki, elle avait eu à le fréquenter quelques fois lors des premières années du village caché de la Brume. Depuis, il avait pris à la fois pouvoirs et capacités, tandis qu’elle avait régressé. Difficile de le penser mais pourtant c’était vrai, Shinda Michiki était aujourd’hui non seulement le supérieur hiérarchique de Mamoru Azuni mais également plus puissant qu’elle ; alors qu’avant c’eut été totalement l’inverse. Une ironie certaine.

« Shinda Michiki, Mizukage. J’aime à croire que vous avez lu le document écrit que je vous ai rédigé à mon arrivée, qui parle autant des Furyous que de ma vie temporaire à Kumo. »

Chose particulière, la Douzième ne portait qu’une épée. Et la lame courbée d’Aomine siégeait parfaitement sur son flanc. Mais en réalité, son autre lame invisible n’était tout simplement pas perceptible par les autres. Néanmoins, le Mizukage était aussi au courant de cela : Mamoru Azuni avait forgé une nouvelle épée à partir des pouvoirs du Régent.

Concernant le contenu du document d’ailleurs, le Shinda avait tout pour croire que c’était la vérité. Jamais de sa vie la kunoïchi aux allures empoisonnantes n’avait eu à mentir.

« J’ai été votre supérieure autrefois, mais vous vous douterez bien que mes capacités ne sont plus ce qu’elles étaient. Que ce soit pour m’aider à les retrouver ou pour tout simplement servir le pays que j’ai toujours servi, je ne vous demande qu’une chose… Faites de moi une Kirijin, à nouveau. »

Spoiler:

- Une missive pour vous Rokudaime.

L’homme qui avait apporté le document arborait un bandeau flambant neuf. Le métal renvoyait la lumière du jour en un reflet se baladant dans la pièce au grès des mouvements de son porteur. Le symbole de Kiri y était gravé. Le Shinda ne s’était pas encore habitué à cette vision. Elle lui arrachait un sourire de temps en autre lorsqu’il songeait au temps et moyens déployés pour en arriver là. Mais il ne s’autorisait pas plus que deux secondes de nostalgie. Il y avait énormément à faire et pas une minute à gaspiller.

Le papier termina à plat sur la table pour une lecture méthodique et rapide. Derrière les verres violets de ses lunettes, le regard azuré du nécromancien parcourait chaque mot pour mémoriser chaque information. Ce qu’il tenait là était un véritable dossier relatant l’histoire d’une personne autrefois célèbre à Kiri. La Douzième Forgeronne. Michiki se souvenait de ce titre mais pas de la femme le portant. S’il l’avait croisé, il n’en avait aucun souvenir. A peine avait-il terminé de prendre connaissance des documents qu’une visite lui fut annoncée. Un contrôle de sécurité très strict fut mis en place. Maintenant que la Brume était de retour, son Mizukage ne comptait pas la laisser retomber de sitôt.

Sa visiteuse avança alors à visage découvert et le Fossoyeur eut alors l’occasion de rencontrer la fameuse Forgeronne. Elle lui présenta un salut respectueux et enchaîna directement sans attendre de questions ou de présentation. Le mot « Kumo » apporta comme d’habitude un léger tic d’agacement chez le Shinda qui n’en laissait encore une fois rien paraître. Même s’il bouillonnait intérieurement d’une rage sans nom. Cette femme avait beau être une des forgeronnes des épées de légende, elle n’en restait pas moins une ancienne kunoichi à la solde des Nuages. Si sa notoriété n’était pas un fait avéré, elle aurait été la première à inaugurer les nouvelles geôles de la Brume. Nouvelle installation, nouveaux appartements et nouveau règlement intérieur au programme. De quoi faire pâlir les anciens logements des récalcitrants de Kiri.

Ce fut ce détail qui la sauva. Tout concordait : physique, signature de chakra et tous ses détails sur son passé ne pouvaient être le fruit d’une manipulation quelconque. Ce fut donc non sans une certaine retenue que Michiki accepta de répondre au dialogue autrement qu’en se fermant et en restant froid :

- Bienvenue chez nous, Forgeronne. Une telle réapparition fait plaisir à voir. La nouvelle de notre renouveau ne manque pas d’attiser les convoitises à ce que je vois.

Elle avait formulé une demande bien précise à laquelle il n’était pas sourd. Aussi s’écarta-t-il de la table de travail où il se trouvait avec quelques conseillers pour se diriger vers la porte.

- Si vous le voulez bien, continuons cet entretien dans un lieu moins administratif.

Ils n’eurent qu’à traverser le couloir pour atterir dans une pièce similaire à celle qu’ils venaient de quitter. La différence près était la table aux dimensions plus modestes et aux canapés placés de part et d’autre de ce mobilier. Une commode plaquée contre la fenêtre permettait de reposer une théière et des tasses. Un lieu de relaxation pour qui connaissait l’endroit. Le thé encore chaud fut servi dans deux récipients qui finirent sur la table. L’une face à la demoiselle tandis que le Rokudaime prenait place devant elle. Une fois installé, il leva sa tasse d’une main et ponctua d’un sourire :

- A Kiri !

Puis il se délecta d’une première gorgée. La température du breuvage était idéale. Il s’humecta les lèvres pour les rincer du liquide les bordant. Ceci fait, il reprit sur la demande de la Forgeronne :

- Veuillez m’excuser mais ma mémoire flanche un peu aussi je n’ai pas exactement souvenir de vous en tant que supérieure directe. Je devais être un subalterne parmi tant d’autres à l’époque. Mais votre histoire m’est familière et pour ne rien vous cacher c’est ce qui vous sauve. Je n’apprécie que très rarement ce qui provient de Kaminari.

Il préférait jouer cartes sur table. Elle ne s’était pas gênée pour en venir directement au sujet l’intéressant. Aussi n’allait-il pas manquer d’en faire de même :

- Mais je ne peux refuser l’aide d’une personne telle que vous. Et votre passé dans le cas actuel est susceptible de m’intéresser vu votre position privilégiée au sein de Kumo. Faire de vous une Kirijin me paraît être d’une banalité déconcertante. Une formalité tout au plus mais je tiens quand même à éclaircir une unique condition. Simple formalité également.

Son sourire jusque-là mielleux s’était transformé en un mince trait témoignant de tout le sérieux qui allait suivre. Comme un premier ordre :

- Vous allez me révéler tous les secrets de Kumo. Je veux savoir tout ce que les Raïkages se sont évertués à cacher.

On ne pouvait faire plus clair.

Lorsqu’ils partirent à l’autre bout du couloir, l’idée d’être piégée ne traversa même pas l’esprit sombre de la jeune femme. Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir chez elle ici, alors que cela pouvait être une mauvaise habitude à éviter. Pour quelqu’un qui avait été si haut placé dans les rangs de ce village, le redécouvrir malgré sa modernisation était comme un souvenir, un rappel. Mais la réalité était légèrement autre : Shinda Michiki était Mizukage, et elle s’adressait à un tout nouveau chef d’un village qui n’avait pour l’instant que le même nom et les mêmes décors.

Qu’en était-il de l’intérieur ? L’Ombre était prudente, et c’était un point important. D’ordinaire, n’importe qui s’adressant ainsi à la Forgeronne aurait fini les mains coupées à l’époque de la Brume Sanglante.

« Bien. Comme je vous l’ai dit, j’ai reçu de multiples traumatismes lors de l’attaque de Kiri par l’armée de Monwa. J’ai échoué sur une côte de Kaminari no Kuni, à cet endroit même où le Yondaime Raïkage de l’époque supervisait lui-même l’administration de travaux. Il m’a recueillie, alors que j’eus tenté de l’affronter à moitié morte. Et le fait qu’il portait l’Aiguille, une lame de Sabreur de renom, m’a donné… confiance quant à son honnêteté. Mes blessures n’étaient pas seulement physiques, elles avaient altéré mes sens. Avec le recul, je n’aurais pas fait confiance à un Kumojin… »

La kunoïchi s’était assise, mais elle se refusa à tremper ne serait-ce qu’une lèvre dans la tasse qui lui semblait toute destinée. Elle préféra largement s’en détourner pour se concentrer sur son récit, véridique, et plonger son regard atroce dans celui du Shinda.

« J’ai passé un pacte. En enfermant mes souvenirs dans ma lame et en l’abandonnant, je m’offrais une nouvelle vie et survivais. En l’échange, je devenais l’objet de Karasu Tsumei. Je gagnais la vie et un nouveau toit et perdais surtout la détresse de savoir ma patrie réduite en cendres. Lui gagnais une alliée de taille… »

Elle haussa machinalement les épaules, montrant alors son incompréhension.

« … mais il n’en fit rien. De l’assassine parmi les plus craintes de l’ère Kirijine, je devins la secrétaire du Raïkage. Je me souviens encore être impressionnée en voyant certains de leurs Chûnins… alors que durant toutes ces années j’avais les capacités de les tuer en un coup d’épée, ironisa-t-elle. Je ne fus qu’une secrétaire parmi tant d’autres sous le règne de Seki Zennosuke, puis je redevins la principale sous l’ère de Kadoria Tsuhiro, surnommé Hôritsu. Même chose avec son second, Bakushô Aomine, qui fut le Régent qui précéda l’actuel Raïkage. Tous furent mis au courant du pacte, et croyez-moi : seuls eux pouvaient le savoir. »

Elle s’accouda pour se mettre à son aise. Dans cette position, tête penchée, elle semblait pouvoir être plus terrifiante. Une idée aussi surprenante qu’impertinente. Mais elle se doutait bien que celui qui était surnommé « le Nécromant » n’était pas du genre à se laisser toucher par le physique ou l’aura d’une personne…

« Ce pacte, vous l’avez lu dans mon récit et je l’ai encore évoqué ici. Une fois que Bakushô Aomine a eu vent des travaux ici à Mizu no Kuni, il a honoré la parole des Raïkage et m’a amenée à la cascade. J’y ai récupéré mes souvenirs, mon total libre-arbitre et j’ai pris la vie de mon supérieur de l’époque. Il était malade, et c’est lui qui a voulu m’offrir ses pouvoirs, sachant que j’avais perdu les miens en m’autorisant une nouvelle vie. L’aurais-je tué s’il n’avait rien fait ? Non. »

La kunoïchi aux longs cheveux obscurs reprit aussitôt, sans doute pour ne pas laisser le temps au Mizukage de répondre.

« C’est là un point sur lequel je veux insister. Ces chefs que j’ai côtoyés, étaient des hommes justes. Et c’est justement parce que je les savais mort et sans quelconque héritage que mon choix était tout fait. Lorsque je regarde Kumo, je ne vois que les trahisons de leurs hommes envers ces dirigeants que j’ai un minimum respecté. Maintenant que ceux-là ne sont plus, je n’éprouve envers les Nuages que de la haine. Je vous dévoilerai ce que je sais d’eux. Mais je ne pourrai rien vous apprendre sur Kadoria Manzo. »

Elle s’autorisa à prendre un bloc sur lequel elle griffa quelques premiers mots avec la première plume qu’elle trouva. Premier point, l’implication probable de Seki Zennosuke dans l’attentat du Shozaichi. Elle ne faisait qu’énoncer les soupçons du Raïkage de l’époque.

« J’aimerais que vous compreniez quelque-chose, maître, insista-t-elle, sachant qu’une marque de respect venant de sa part pouvait signifier beaucoup pour quiconque connaissait la Mamoru. J’ai énormément de respect pour ce que vous avez accompli pour reconstruire le village, mais tous n’ont pas pu ou voulu y croire. J’en fais partie. Lorsque j’ai échoué à Kaminari no Kuni, nous étions face à un ennemi si fort que je savais que pendant des années durant Kiri ne serait qu’un souvenir. Pour certains, et probablement pour vous, l’amour de la patrie ou des compagnons est un sentiment qui prime. Mais pour moi, Kiri était important uniquement parce que c’était le seul remède… »

Sa plume s’arrêta de bouger un instant. Ses yeux malsains se posèrent sur l’homme assis en face d’elle.

« … à mon désir incessant de meurtre. »

Michiki eut le droit à un récit plus complet et personnel du passé de la Forgeronne au sein de Kumo. Des renseignements très précieux qui pouvaient déterminer de l’utilité supplémentaire d’une telle recrue parmi ses rangs. Son rôle de créatrice d’armes était déjà un atout en soit mais il pouvait être poussé et développé pour s’étendre sur le domaine de l’information. En la matière, Michiki n’était jamais rassasié d’en apprendre toujours plus. Il avait fondé le Fumetsu dans cette lignée et il lui serait toujours utile maintenant que Kiri était prête à se relancer.

Ses connaissances limitaient aux Raïkages depuis Karasu Tsumei. Cela restait raisonnable et relativement intéressant pour le Mizukage qui allait pouvoir transmettre ça aux services d’information. En revanche, elle expliqua ne pouvoir l’aider sur ce fameux Kadoria Manzo qui avait pris la relève. Une nouvelle figure de ce monde qui apportait son petit renouveau et ses espoirs. Qui qu’il soit, il déchanterait très vite face au poste qui lui incombait dorénavant. Même le Shinda avait conscience de cela. Il ne se faisait pas d’illusions sur son sort. Son espérance de vie venait d’être divisée par deux. La vie d’errant lui avait apporté une certaine protection en soit mais surtout une grande liberté. Aujourd’hui il n’en était plus ainsi.

Lorsqu’il vit Azuni se pencher sur quelques notes, il sourit dans son coin en la laissant écrire ce qui lui venait en tête au fur et à mesure. Il ne l’interrompit pas, même dans son discours, de peur qu’elle soit distraite et n’oublie un élément dans le feu de l’action. Il la regardait lorsqu’elle parlait jusqu’à ce qu’elle lui rende son regard. Ce n’était pas le premier mais les autres étaient plus neutres, sans réel émotion. L’un tout au plus se voulait intimidant mais il n’avait pas fait mouche chez le Fossoyeur. Ces yeux cette fois laissait présager un gouffre profond et sinistre au sein même de cette femme. Une mentalité bien particulière, voire pervertie avec le temps par ces histoires d’amnésie et compagnie.

Ce qui était plus intéressant à cet instant précis fut donc ce regard et les mots employés par la jeune femme. Elle venait de déclarer sa première motivation lorsqu’elle combattait pour la Brume et c’était typiquement ce genre d’éléments dont le Shinda avait besoin aujourd’hui pour reconstruire pleinement son rêve. Les moyens financiers et matériels avaient leur importance mais au-delà de ça, il cherchait à fonder un nouvel esprit. Celui d’une nation militaire fort et imperturbable. Une puissance shinobi encore plus redoutable que celle de la Brume Sanglante. Cette dernière devra passer pour une ère de pacification. Chaque membre de ce village devra être un guerrier surentraîné et aguerri pour répondre aux exigences strictes qu’imposerait le nouveau Kage. Et dans ce but, Michiki aurait besoin de formateurs.

Et qui d’autre mieux qu’une épéiste, accessoirement forgeronne des Sabres de Kiri, pouvait prétendre à la formation et à la militarisation des troupes ? Le choix se profilait de manière claire. Au vu des renseignements donnés et la personnalité de cette guerrière dans l’âme, il ne devrait pas avoir de problèmes à la convaincre de rejoindre cette politique. Fallait-il encore qu’il lui expose sous le bon angle :

- Il est toujours bon de constater que l’esprit de la Brume Sanglante perdure ! Et c’est une qualité rare de nos jours. C’est d’ailleurs pour ça que je recherche des personnes à l’esprit tel que vous pour le futur Kiri.

Il avait reposé la tasse de thé devant lui pour venir s’enfoncer un peu plus dans le canapé où il reposait depuis quelques minutes. Il ramena ses lunettes sur l’arrête de son nez pour observer son interlocutrice au-dessus des verres violets.

- Il me serait intolérable qu’après autant d’efforts, la Brume ne retombe dans l’oubli. C’est pour cela que je compte lancer une politique de militarisation massive. En gros, je ne souhaite qu’une seule et unique chose : chaque citoyen de Mizu devra être formé à l’art de la guerre. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant, devra être capable de manier une arme et se défendre. Les erreurs du passé seront les clés de voûte de notre avenir. C’est pourquoi j’ai besoin de combattants expérimentés capables de transmettre leur savoir si particulier mais précieux. Dans l’hypothèse donc où vous seriez réhabilité au village, accepteriez-vous de former les troupes pour affirmer la supériorité Kirijin partout où nos forces combattront ?

Depuis qu’elle était entrée dans la pièce, la jeune femme n’avait eu de cesse de profiter de chaque instant pour analyser son interlocuteur. Il lui semblait primordial que le chef de cette nouvelle Kiri soit à la hauteur, et ce même si elle avait pleinement confiance que c’était elle qui devait prouver quelque-chose.

De ce côté-là, Shinda Michiki lui semblait être bon dans le rôle qu’il venait de tutoyer. Il était certes loin de l’image du grand guerrier comme Kaguya Tenzö ou encore Kentaro Hattan qui furent les dernières Ombres de la Brume Sanglante, mais il avait à la fois un sérieux et une sorte d’ingéniosité qui rassuraient la jeune femme, si on considérait qu’elle en avait besoin.

« Je ne peux qu’approuver votre philosophie militaire sur ce point, mais il m’est difficile d’imaginer les autres puissances avoir oublié ce qu’était Kiri la Sanglante... »

Aucune vantardise de la part d’Azuni, qui n’était pas du tout de ce genre-là. À vrai dire, il lui semblait même impossible de jouer sur ça. Elle avait toujours été une femme d’un sérieux à rude épreuve, qui arrivait à cohabiter avec son penchant pour le meurtre et sa froideur accoutumée.

Cela lui faisait plaisir qu’elle soit considérée rapidement comme une possible « formatrice » pour les nouvelles troupes du village. Mais elle ne pouvait pas simplement accepter, car là encore, son caractère particulier ne se prêtait pas totalement à un apprentissage classique. Elle reprit la parole.

« Cela serait un honneur pour moi d’apprendre l’art du combat pour Kiri. Néanmoins, il vous faut savoir que les élèves que j’ai eus à l’époque de l’ancienne Kiri furent soit d’excellents combattants, soit des retraités humiliés, soit... Morts. »

Elle s’empressa de rajouter quelques détails sur ce qu’elle venait de dire, afin de ne pas faire se méprendre son chef.

« J’avais appris avec le temps à faire preuve de patience et de « calme » avec ceux que j’encadrais. Mais je n’ai jamais pu changer une ligne de conduite qui m’est immuable : une fois que je côtoie une personne qui a appris les fondamentaux du combat, je ne lui fais part d’aucune sorte de pitié. Un Genin, pour moi, n’est pas forcément un shinobi, mais lorsque je juge que quelqu’un est un shinobi, je ne fais aucun traitement de faveur. »

Elle esquissa un sourire une nouvelle fois glaçant.

« C’est pourquoi j’avais l’un des ratios les plus importants du village en termes d’élèves morts... mais également d’élèves promus et honorés. »

Reprenant une gorgée de thé après sa tirade, le Shinda ne quittait pas des yeux son interlocutrice qui avait réussi à susciter son intérêt. Elle semblait définitivement marquée des enseignements et principes de la Brume Sanglante. Une alliée de choix pour cette refondation. Elle s’étonna que les autres pays aient pu oublier Kiri la Sanglante. A cette remarque, un léger ricanement franchit les lèvres du Shinda qui gardait ses yeux rivés sur elle :

- Je ne dis pas qu’ils ont oubliés Kiri, c’est « la Sanglante » qu’ils ont préféré effacer de leurs mémoires. Or je désire remédier à ça en marquant au fer rouge les esprits. Kiri la Sanglante n’est plus et ne sera plus. La Kiri que je souhaite mener surpassera celle ayant déjà existée. Nos ennemis y repenseront à regret tandis que nos troupes marcheront sur les cendres de leurs foyers.

L’émotion était montée d’un cran dans sa voix. L’on pouvait ressentir une certaine forme d’excitation même. La vision évoquée était omniprésente dans son esprit. Une forme de réponse à cette indifférence des nations quant au sort des Kirijins. Ils s’étaient tous réjouit du trépas de la Brume, ils regretteraient amèrement cette dernière. La nouvelle Kiri n’aurait rien avoir avec les précédentes. Une phrase bien particulière guiderait cette future puissance. Des mots qui franchirent les lèvres du nécromancien sans qu’il s’en rende compte. Comme un râle guttural échappé des abysses de son âme :

- « Si j’avance, suivez-moi. Si je stagne, poussez-moi. Si je recule, tuez-moi »

Il semblait réaliser ce qu’il venait de dire. Son regard s’alluma d’une étincelle passionnée. Il dévoila un sourire plus large encore et ponctua de quelques mots :

- Voilà ce que sera Kiri sous mon règne.

Puis il se leva pour se rendre au mobilier où se trouvait la théière. Une baie vitrée offrait une vision sur le village et son extérieur. Il resta ici alors que la Forgeronne expliquait le sort de ses anciens élèves. Mains dans le dos, Michiki la laissa terminer. Il ne réagissait pas directement même lorsqu’elle parla des morts. Il fallut une seconde avant qu’il ne se retourne suite aux mots de la demoiselle. Fini le sourire sadique qui le caractérisait tant. Un sérieux indéfectible marquait ses traits. Toute sa détermination transpirait encore une fois et la froideur de ses mots n’arrangèrent en rien ce sentiment :

- Je me fiche des méthodes employées. Les morts seront ceux trop faibles pour s’en sortir sur le champ de bataille.

Le sourire lui revint rapidement :

- Et puis si vous avez entendu parler de moi, vous saurez que ce ne sont pas les morts qui m’importunent. Au contraire même ! Si vous pouviez tuer à la tâche un Jisetsu au passage je serais preneur ! Et je tiens à mettre mon preum’s dessus !