Un nouveau jour se levait sur Kaze no kuni. Les premières lueurs de l'aube s'étiraient dans le ciel depuis quelques minutes et j'étais déjà réveillée, ayant eu de la peine à trouver le sommeil... En effet, toutes mes pensées étaient tournées vers Kioshi... pour changer... C'était le centre de mes attentions depuis déjà quelques semaines... Je devais avouer que cela m'agaçait éperdument mais je ne pouvais rien y faire...

Ma courte nuit fut due aux interrogations que je me posais concernant le murmure de Kioshi sur un certain Kizoku... Qui était-ce ? Étrangement, cela me paraissait familier sans que je ne parvienne à trouver pourquoi...

J'aurais très bien pu m'adresser directement à lui mais j'estimais que le ton de sa voix à ce moment là laissait aisément suggérer la douleur liée à ce prénom et je n'avais aucune envie de le pousser à raviver des souvenirs douloureux pour m'expliquer... Il y avait d'autres personnes proches de lui qui seraient peut-être en mesure de savoir... Ses parents.

A vrai dire, je me rendais compte que je ne savais presque rien de la vie de Kioshi ni même de comment il était du temps où il sillonnait le désert avec les siens... J'avais envie d'en apprendre plus pour le cerner davantage et comprendre certaines choses sur sa façon de penser ou de réagir en fonction de ce qu'il avait vécu.

J'avais délégué mes tâches de la journée à mes subordonnés du Kakumeigun, ne sachant guère combien de temps j'allais partir car, si je devais leur parler, je devais aussi avant tout les trouver... Cela n'allait pas être chose aisé que de retrouver des nomades en plein désert. C'était pour cette raison qu'Hotep m'accompagnait : pour survoler la zone et ainsi les repérer plus facilement depuis les cieux.

J'avais rassemblé mes affaires : c'est à dire une gourde et des vivres. Personne ne savait quand il allait vraiment revenir quand il s'enfonçait dans le désert alors il valait mieux être prévoyant... J'étais certaine que Kioshi désapprouverait mon départ inopiné alors même qu'il m'avait interdit de partir en mission... Je pourrais pourtant lui répliquer qu'il ne s'agissait pas d'une mission mais juste d'une visite... Et puis je n'étais pas seule, mon félin m'accompagnait.

J'étais assez fatiguée aujourd'hui mais je me sentais bien : cette soif de connaissance sur Kioshi m'aidait à relativiser et à tenir malgré la douleur.

C'est ainsi qu'après une impulsion de la part d'Hotep qui me portait dans ses bras, nous partîmes sillonner le désert depuis le ciel. Le vent caressait ma peau : je ne me lassais pas de cette vue !
Il m'était difficile de vraiment bien voir en contrebas a cause de la hauteur et de la vitesse mais je comptais sur la sensorialité de mon félin bipède pour les remarquer.

Après quelques heures, il me fit signe ! Un campement se trouvait en bas. C'était peut-être des ennemis ou simplement pas eux mais avec un peu de chance... Nous atterrîmes donc sur le sable chaud, et nous nous approchions des tentes. S'il s'agit de Yamada ils nous avaient déjà repéré grâce à notre température corporelle.

Il s'agissait bel et bien d'eux : la chance me souriait pour une fois !
Je leur adressais un sourire et les saluais.

« Bonjour ! Vous allez bien ? Voici mon kuchiyose : Hotep. »

L'intéressé se contenta d'un signe de la main.

« Je suis désolée de venir vous déranger... Je … J'aimerais m'entretenir avec vous concernant Kioshi si vous n'y voyez pas d'objections... »

Ses parents étaient chaleureux et la gentillesse incarnée : j'étais sûrs qu'ils accepteraient de m'écouter.
Je m'installais à leur côté et commençais à ouvrir le dialogue :

« Sachez d'abord que Kioshi va mieux. Comme je le pensais, son nouveau poste de Kazekage, bien que fatiguant, l'aide à penser à autre chose... Malheureusement il n'ira pas mieux en un jour mais il fait des progrès... J'essaye d'y veiller... »

Mon regard se posait sur le sable un instant en repensant au premier jour de l'assassinat et à aujourd'hui : oui il avait déjà gravi quelques marches...

« Ce qui me fait venir aujourd'hui c'est parce que Kioshi reste très secret sur son passé et ce qu'il a pu vivre... Et récemment, il a évoqué le nom de « Kizoku » dans un murmure... Je n'ai pas osé le questionner à ce sujet vu le ton qu'il avait employé... Vous avez une idée de qui il s'agit ? »

Mon regard se faisait inquisiteur, passant successivement de sa mère à son père et inversement.Je n'étais pas encore très douée pour les relations sociales... J'espérais ne pas me montrer trop abrupte...

Music ♫:

A peine avais-je prononcé ce nom que les échanges de regards fusèrent entre le couple de Yamada. La tension était palpable ainsi que leur mal aise : je commençais à regretter ma question... Si je n'avais pas voulu en parler à Kioshi pour ne pas lui rappeler quoique ce soit de douloureux, jamais je ne me serais doutée qu'il en irait de même pour ses parents... Je me sentais honteuse sans même savoir de quoi il retournait...

Mais j'avais envie de savoir... Alors je les suivais volontiers dans leur tente similaire à celle de Kioshi par sa simplicité. Son père me proposa un verre d'eau mais je refusa poliment tandis qu'ils hésitaient même à m'en parler... Lorsque je vis son père entourée sa mère de son bras comme pour la rassurée je pris réellement conscience de la gravité de la chose qu'il allait m'annoncer...

Sa mère ne parvenait même pas à terminer sa phrase et son père le fit à sa place : Kizoku était leur deuxième fils... Mes yeux s'écarquillèrent sous le choc de la révélation : le petit frère de Kioshi... Pourquoi « aurait »-il dû s'appeler ainsi ? Il n'avait malheureusement pas eu le temps de le porter ?

J'observais les Yamada, l'air grave avant de détourner le regard, honteuse.

« Oh... Je... Je ne savais pas... Je... Je suis désolée de vous avoir posé la question... »

J'avais bien entendu envie d'en savoir plus mais comment le pouvais-je sans les blesser ?

« Kioshi était-il enfant lorsque cela s'est passé ? A vrai dire il est venu à parler de Kizoku après que je lui ai souris... Je n'ai pas bien compris son murmure mais je crois que cela lui rappelait le sourire de Kizoku... or... »

Je laissais ma phrase en suspend : ils savaient où je voulais en venir, or ce n'était pas possible... S'il aurait dû s'appeler ainsi et qu'il était mort à la naissance, il n'avait pas pu le voir réellement sourire...

« J'ignore comment cela s'est produit et vous n'êtes pas obligés de m'en parler. Je comprends que ce sujet soit délicat et douloureux mais... Kioshi semble éprouver une réelle souffrance du fait de cette histoire c'est pour cela que je me demande si cela s'est passé récemment ou il y a déjà plusieurs années... »

J'avais pour le coup vraiment peur de faire une gaffe et de ne pas parvenir à user de suffisamment de tact... Je marchais sur des œufs pour ainsi dire, faisant un effort sur chacun des mots prononcés par peur de risquer de les blesser...

Je comprenais désormais pourquoi Kizoku était un prénom qui m'était familier... Je l'avais déjà vu... Il s'agissait du premier nom sur le pendentif de Kioshi...

On m'excusait du fait que je ne pouvais pas le savoir : c'était vrai mais cela n'empêchait que je n'étais pas venue pour leur rappeler des souvenirs douloureux à eux aussi... Kioshi m'en voudrait sûrement d'avoir causer de la peine à ses parents...

Au fur et à mesure que j'expliquais ce que je savais, je vis le visage de sa mère se décomposer plus encore, me laissant le sentiment de m'enfoncer davantage...

Son père m'apprenait que cette histoire remontait à près de vingt ans ce qui voulait dire que Kioshi était enfant à cette époque... Le bébé n'avait ni le temps de sourire ni de crier... Alors pourquoi avait-il dit que me voir sourire lui rappelait son frère ?

Sa mère pleurait et évoquait le collier de Kioshi. Visiblement c'était eux qui le lui avait suggéré pour qu'il puisse faire son deuil. S'était-il idéalisé Kizoku ? L'avait-il imaginé, dans sa tête d'enfant, pour savoir ce qu'aurait été la vie avec son petit frère ? Je n'y comprenais pas grand chose mais je savais que les enfants étaient beaucoup plus émotifs encore que les adultes et qu'il n'était pas impossible qu'il ait ressenti ce deuil plus douloureusement et plus fortement encore que ses propres parents déjà affligés par le chagrin...

Le discours sur le pendentif se tut brusquement, comme si ça mère se rappelait de ma présence. Je voulais conforter les paroles se son mari.

« Vous savez... Kioshi a eu d'autres noms à écrire dessus depuis... Il ne se sépare jamais de son collier. Comme le dit votre mari je suis certaine que cela l'aide à avancer : en ayant le nom des disparus cher à son cœur autour du cou, il peut se souvenir d'eux et il les porte chaque jour avec lui. Je ne suis pas sûre de la façon dont cela l'aide mais ça l'aide en tout cas... Récemment Zanshi a été ajouté sur son pendentif... »

Comme l'avait dit son père : à chacun sa manière de faire son deuil. Je n'avais pas d'appuis pour y parvenir mais certaine personne y trouvait le besoin. Des personnes aussi chaleureuses que les Yamada devaient sans doute en avoir besoin pour apaiser leur conscience meurtrie...

Sa mère ne souhaitait pas prendre du repos alors son père l'enlaçait de plus belle pour l'apaiser. Cet élan d'amour qu'il se portait, et dont j'avais déjà été témoin, me touchait d'une certaine façon sans que je ne parvienne véritablement à comprendre pourquoi... Le père de Kioshi me posait dès lors une question légitime afin de savoir a quel point j'étais proche de leur fils pour bien vouloir répondre à mes interrogations. Il était normal qu'ils ne veuillent pas en parler à la première personne venue... Sans hésitation et avec le regard rivé aux leurs, je leur répondais simplement :

« Je l'aime. »

Je marquais une courte pause avant de reprendre.

« Je veux pouvoir le protéger et l'aider à avancer dans ce qui lui cause du tord encore aujourd'hui alors que cela est issu du passé. »

Mes yeux brillaient d'une lueur nouvelle et presque admirative alors que je me mettais à parler de lui :

« Il est attentionné et chaleureux avec les personnes qu'il affectionne. Toujours prêt à faire des sacrifices dans le but de venir en aide aux autres. Il veut nous protéger... Je sais que vous les Yamada êtes de nature très chaleureuse et solidaire mais je pense que cela s'est renforcé pour Kioshi du fait de ce qu'il a pu vivre... Maintenant que je sais pour Kizoku j'ai l'impression que zone d'ombre concernant Kioshi se dévoile... Il a sans doute été si marqué par la perte de son frère qu'il tâche de protéger les autres aujourd'hui à n'importe quel prix... »

C'était pour cela qu'il avait bien dû mal a remonter la pente a chaque deuil...

« Il s'en veut pour Zanshi... Il n'est en rien responsable et ce n'est pas de sa faute si nous n'avons pas pu la sauver : je le lui ais déjà dit mais il se persuade qu'il aurait dû pouvoir la protéger et qu'il a failli... Il ne porte pas simplement son deuil mais également sa culpabilité. »

Cela serait d'autant plus long à guérir...

« Je suis moi même atteinte d'une maladie sanguine depuis ma naissance. Elle dégénère et mon organisme s'affaiblit. Je suis à la recherche d'une solution pour m'en sortir et éviter la mort. Kioshi est au courant et là encore il culpabilise de ne rien pouvoir faire. Il a peur de me perdre comme tous ceux gravés sur son collier j'imagine... »

J'esquissais un maigre sourire à leur encontre après toutes ces révélations et analyses avant de basculer sur un sujet plus léger, après avoir répondu à leurs interrogations éventuelles.

« Quel genre d'enfant était Kioshi ? »

Il avait dû vivre heureux et entouré alors que moi même j'avais connu le désarroi et la solitude...

Ils ne furent guère surpris d'apprendre la nature de mes sentiments à l'égard de Kioshi ce qui en revanche m'étonna... Cela voulait-il dire que c'était si visible que cela ? Je ne parvenais même pas à m'en rendre compte...

Sa mère se montrait beaucoup plus suspicieuse. Toutefois, malgré le fait qu'elle me pose cette question alors même qu'elle était encore retournée par les événements que je lui avais rappelé malgré moi, c'est avec le sourire que je le lui répondis.

« Certes je suis bien moins puissante que ne l'était Zanshi. Toutefois, Kioshi connaît mes sentiments à son égard et comment je suis. Je suis attentionnée à son égard et n'hésite pas à lui faire preuve de mon amour. Lorsqu'il était avec Zanshi, c'était là ce qu'il me disait : il était entouré mais il se sentait affreusement seul. Elle ne faisait pas le premier pas vers lui et ne lui témoignait pas son attachement alors même que c'était tout ce qu'attendait et espérait Kioshi.... »

Se sentir aimé... L'Habashi n'avait sans doute jamais vraiment réussi à lui témoigner ses sentiments pour une raison qui m'échappait puisque je n'étais pas dans leur couple mais... de ce que Kioshi m'en avait dit, c'était là ce qui lui manquait.
Je l'avisais de toute mon assurance :

« Alors oui je me sens à la hauteur. Toutefois ce n'est pas à moi d'en décider puisque ses sentiments ne sont pas réciproques. Peut-être que cela ne changera jamais mais je continuerais toujours d'être auprès de lui pour veiller à son bien être quoi qu'il advienne. Seul son bonheur m'importe. »

Cela me faisait moi même bizarre de l'admettre. L'égoïsme dont j'avais toujours coutume de faire preuve était balayé auprès de ceux que j'aimais mais encore plus auprès de Kioshi pour lequel je pouvais aisément me mettre au second plan.

Son père me sortait de mes réflexions en me proposant de leur sang.

« Oh non ! Je vous remercie, c'est gentil mais ce n'est pas nécessaire. »

Une quantité bien qu'importante de leur sang ne resterait qu'une part infime de ce qu'il me fallait vraiment pour me sentir bien. C'était pour cela que mes transfusions sanguines étaient de plus en plus régulières...

Il poursuivait ensuite en m'expliquant des choses que j'avais déjà moi même comprises : Kioshi trouverait toujours le moyen de se culpabiliser lorsqu'il n'avait pas su prendre LA bonne décision qui aurait éviter les drames. Il n'était pas devin : il ne pouvait pas deviner ni savoir, mais cela il s'en moquait éperdument. Il m'apprenait également que si je tenais à l'aider il fallait que je me vienne en aide à moi même d'abord alors seulement comme ça il n'éprouvera pas de regrets. Si je souriais il sourirais aussi...

« Dois-je donc masquer voir mentir sur mon état de santé pour qu'il continue de me voir avec le sourire et ainsi se donner l'illusion que tout va bien ? Kioshi me connaît bien et je doute qu'il ne suspecte pas mon mensonge dans le but de le préserver. »

Je n'aimais pas mentir. Je préférais être franche peu importe la douleur que cela pouvait causer car au moins la vérité était su.

Sa mère reprenait la parole pour me parler de l'enfance de Kioshi, qui, comme je me l'imaginais, avait toujours été entouré. Déjà solidaire et chaleureux avec autrui...

« Je vois... C'était ainsi que j'imaginais son enfance. Mais je me demande... Avoir toujours vécu entouré de la sorte et soudainement se retrouver séparer de la plupart des membres de sa famille avec seulement ses responsabilités à porter... Cela doit être difficile pour lui... Je sais qu'il n'a jamais voulu vous dire la raison expliquant pourquoi il ne vous avait pas suivi mais je pense qu'il souffre aujourd'hui de cette séparation... »

Je voulais ajouter quelque chose puis me retenais et finalement le faisais tout de même :

« Il n'était pas vraiment inconscient la dernière fois que vous êtes venus lui rendre visite... Je pense que vous vous en doutiez mais... J'ai été surprise de son comportement. Après ce qu'il vient de traverser, du soutien, et surtout celui de sa famille, devrait lui faire du bien mais lorsqu'il a appris votre venu il s'est immédiatement replié sur lui même en prétextant ce malaise persistant bien que ce n'était pas totalement faux puisque aussi peu nourrit, il n'était pas parvenu à tenir debout sans tomber. »

Peut-être ne voulait-il pas leur infliger cette vision de lui si amoindri pour ne pas croître leur inquiétude...

« Qu'importe ce qu'il en dit. Je pense que vous devriez aller le voir et passer du temps avec lui... Cela lui ferait sans doute du bien pour souffler des derniers événements et de ses nouvelles responsabilités de Kage... »

Mon regard se voulait bienveillant. Ses parents comptaient pour lui et il avait la chance d'en avoir alors il devait profiter de leur présence...

M'aider moi pour l'aider lui... Je comprenais où son père voulait en venir mais je ne trouverais pas la solution en un jour malheureusement alors je serais tout de même obligé d'exposer a Kioshi mon véritable état en attendant... Qui sait combien de temps cela pourrait prendre ?! Je ne pourrais donc plus lui sourire et le voir sourire en retour durant ce laps de temps ?

« Je comprends bien mais... Si Kioshi n'arrive plus à sourire parce qu'il s'inquiète pour moi alors moi même je n'arriverais plus à sourire... Je cherche une solution chaque jour et j'en ai même une à portée que je préfère laisser de côté pour une autre plus probante car celle que je possède risque de me changer drastiquement... Je n'ai aucune envie de changer et de redevenir aussi froide que je l'étais et que le sont mes aïeuls... »

Je baissais le regard et le reportais dans leur direction.

« En tant que Yamada vous êtes les mieux placés pour savoir que la solitude n'est pas une vie. La solution de guérison qui s'offre à moi me guérira mais me laissera sans doute une vie éternelle de solitude... Vivre seul est bien pire que la mort. Je préfère encore mourir que de me retrouver dans cette situation... »

Et ce n'était pas ce que je voulais pour Kioshi et tous ceux que j'affectionnais. Si je redevenais froide et sans sentiments, je serais simplement seule et les personnes qui m'ont côtoyé ne parviendraient plus à me reconnaître et souffriraient de ce changement... Je voulais guérir pas créer de nouveaux problèmes...

Suite à leur explication, je comprenais en revanche mieux pourquoi il avait feinter l'évanouissement. Il voyait leur présence comme un échec parce qu'il n'était pas parvenu à protéger ses proches, en l’occurrence Zanshi.
Je reprenais cependant les propos de sa mère :

« Il ne parvient pas a abandonner ses responsabilités et partir avec vous par peur de nous perdre ? Sans doute mais alors en agissant ainsi il vous perd vous... Il se retrouve coincé entre deux feux et maintenant qu'il est Kage, il doit voir son espoir de retrouver ses origines disparaître... Ne vaudrait-il pas mieux pour lui alors qu'il renonce à son poste pour retourner avec vous ? Il serait sans doute plus épanoui si cela était le cas non ? »

Kioshi avait les épaules pour assurer son poste mais depuis la mort de Zanshi il était confronté chaque jour à son souvenir. Il était Kage ce qui lui rappelait que l'Habashi n'était plus. Il avait même choisi de ne pas reprendre son bureau au Palais et plutôt instaurer une tente qui, en plus de le montrer plus proche du peuple et lui rappeler ses origines, le laissait loin de l'environnement dans lequel Zanshi passait ses jours...

« Peut-il vraiment parvenir à remonter la pente suite à la mort de Zanshi alors même que chacune de ses journées en tant que Kage la lui rappelle ? Ne devrait-il pas au contraire s'éloigner de tout cela, auprès des siens, retrouver ses racines, pour tenter d'apaiser sa douleur ? »

Je fronçais les sourcils. A vrai dire cela me fendait le cœur de constater tout ce qui pouvait l'inciter à se rappeler de sa douleur... Je ne voulais pas qu'il ait à subir constamment tout cela ou bien qu'importe le nombre de visiteurs ou de réconfort que l'on pourrait lui apporter il ne parviendrait pas à avancer... C'était là ma crainte.

« Vous dites que si je veux qu'il soit heureux je dois d'abord être heureuse moi... Mais pour être heureuse je veux que lui le soit... Rien ne compte plus que son bonheur à lui... »

Au final, je me retrouvais dans une impasse... Je pouvais bien trouver des solutions pour guérir et ainsi le voir sourire du fait de santé retrouvée mais je ne pourrais pas être heureuse de le voir s'inquiéter alors même que je suis toujours malade...

« Dois-je cesser de lui rendre visite tant que je n'irais pas mieux ? Puisque je ne peux pas mentir sur mon état sans le vexer ni lui rendre le sourire tant que moi même je ne sourirais pas et que je ne pourrais le faire que lorsque je trouverais la solution pour guérir... ? »

Mes yeux rubis les imploraient presque. J'étais perdue... Je voulais son bien être mais je ne savais pas comment agir... Devais-je continuer de lui rendre visite souvent pour lui apporter l'affection dont il avait besoin et se sentir entouré ou bien au contraire cesser de le voir pour ne pas lui rappeler mon état qui s'empire ? J'avais besoin de conseils... Et je les demandaient aux parents que je n'avais pas...

Visiblement, laisser de côté ses responsabilités pour retrouver ses racines et ses origines n'aiderait pas plus Kioshi d'après ses parents car peu importe ce qu'il choisirait il n'aurait de cesse de penser aux personnes qu'il laissait derrière lui...

En revanche ce que suggérait sa mère n'était pas une mauvaise idée... Il fallait que le Yamada continue de me voir sans quoi il se ferait du mouron mais le faire venir à moi plutôt que de lui rendre visite de moi même pourrait peut être lui permettre de voir autre chose... Était-ce trop d'espérer que grâce à cette distance il se rendrait compte de l'affection qu'il avait pour moi ? Sans doute oui...

Ses parents avaient l'air certains de sa guérison... J'y croyais moi aussi mais je me demandais combien de temps cela prendrait-il... Ce genre de blessures ne s'estompaient jamais vraiment totalement...

Les voilà maintenant qui souriaient... A quoi pouvaient-ils bien penser ? Etait-ce mes questions qui les amusaient ou simplement la situation ? Je ne le saurais sans doute jamais mais la question qu'ils me posèrent ensuite me laissait le deviner...

« Je... Oui c'est la première fois... »

Je marquais une pause, gênée, avant de reprendre :

« Disons qu'il y a de cela trois années, j'ignorais même ce que signifiait le mot amitié, ne connaissant rien d'autres que la solitude alors... Je suis encore quelque peu perdue face à ce sentiment si étrange... Je n'ai réalisé mes sentiments que récemment. Je ne sais pas vraiment comment cela fonctionne et je ne peux demander conseils autour de moi n'ayant pas de famille... Mes amis ne sont pas non plus des professionnels dans ce domaine alors... »

Alors qui de mieux pour se renseigner sur le sujet que les parents de l'homme en question ?

« Vous voir si unis et débordant d'amour l'un pour l'autre... Je savais que je pourrais obtenir des réponses à mes interrogations et des conseils auprès de vous. »

Ils étaient gentils et chaleureux...

« Toutefois je ne veux pas abuser de votre temps ni même de votre gentillesse ! Vous avez déjà été sans doute suffisamment patients avec moi. »

J'étais en effet une énigme pour quiconque maîtrisait parfaitement les relations sociales : mes réactions étaient parfois en inadéquation avec la situation tout simplement car ma logique et mon ignorance dans ce domaine me menait sur des chemins parfois erronés. Trouver conseils pour éviter les bêtises étaient ce que j'avais de mieux à faire.

« Je suis douée pour prendre des décisions... Sauf lorsqu'elle me concerne ou concerne les personnes que j'aime. »

La mère de Kioshi semblait persuadée que le rituel n'affecterait pas définitivement mes sentiments et qu'ils seraient sous-jacent. Sans doute... J'ignorais tout des conséquences que cela aurait sur moi... Mais je gardais bon espoir qu'elle avait raison. Si tel était le cas alors même si je devais y avoir recours, je n'oublierais pas mes proches indéfiniment... S'ils m'aidaient à me rappeler le lien qui m'unissait à eux alors peut-être arriverais-je à redevenir celle que j'étais aujourd'hui tout en étant plus forte, sans connaître les affres de la maladie.

Je fixais le sol, en pleine réflexion, alors que sa mère vient se poster dans mon dos pour m'enserrer dans ses bras, posant sa tête contre mon épaule tout en me réchauffant d'un halo si réconfortant et qui me rappelait indubitablement cette même présence que j'adorais chez Kioshi. Je tournais la tête dans sa direction, fixant ses yeux rubis des miens en comprenant d'où mon Yamada avait hérité cette teinte, ce qui me fit esquisser un sourire.

Je me retournais et la serrais dans mes bras à mon tour, pour la remercier et aussi pour m'excuser de la peine que j'avais pu lui infliger sans le vouloir au début de cette conversation.

Lorsque je mis fin à cette étreinte, je les observais tout les deux, les yeux pétillants d'émotions.

« Merci de votre gentillesse et de tout vos conseils. J'aurais aimé avoir des parents comme vous... »

Je marquais une pause avant de reprendre.

« Je ne vais pas abuser outre mesure de votre temps et je vais tenter de mettre vos conseils en application... Je veux que Kioshi aille mieux alors j'irais mieux. »

J'allais également près de son père pour l'enlacer à son tour afin de lui dire au revoir, comme je savais que les Yamada le faisaient et les laissaient ainsi, les remerciant encore avant de filer dans les airs avec Hotep. Ils m'avaient bien aider mais ce serait à moi de mettre ces conseils en application pour aider au mieux Kioshi à se sentir mieux...