Averti il y avait peu d’une bien étrange visite, l’homme vu non plus comme un vieux Samui ni comme un manchot mais comme le nouveau Dirigeant de l’Empire des Nations Neutres s’était décidé à prendre cette réception au plus tôt. Il avait certes de nombreuses choses à faire, et des affaires à déléguer. D’autant qu’une cérémonie des plus importantes devait bientôt prendre place. Régler ce genre de petit détail pour rapidement passer à la suite était certainement la meilleure stratégie à adopter. Plus que deux jours ; deux jours avant que la Cérémonie Impériale n’ait lieu. Il était donc nécessaire d’accélérer le mouvement. Après les assassinats tous accomplis avec brio – fallait-il le croire d’après les informations reçues – le nouvel Empereur pouvait passer à la suite des opérations futures.

Répondant simplement qu’il recevrait le visiteur dans la Salle de l’Empire, le Kamui s’était affairé à régler les derniers menus détails sur lesquels il travaillait, puis avait pris la direction du lieu de rendez-vous. Un rouleau à la main, il avancerait ses lectures le temps que son invité soit présent et explique de lui-même les raisons de sa venue. Montant ce petit podium de deux marches qui le surèlevait au sol, il s’installait dans le triclinium placé là, et attendit que l’individu soit arrivé.

La silhouette se distingua progressivement, jusqu’à ce que ce dernier soit arrivé à son propre espace d’accueil. Quelques coussins, une table avec de quoi écrire sur le côté au cas où la chose soit nécessaire. Un espace accueillant, qui restait cependant à petite distance du Seigneur des lieux. Observant le personnage, Kakeshuou avait abandonné là sa lecture et posé sa tête lourde sur son poing unique, afin d’analyser la stature, l’allure et les propos de l’homme présent. Celui-ci ne tardait pas à présenter ses projets, idées … et attentes.

Restant silencieux dans un premier temps, le quinquagénaire étudiait chaque remarque à la virgule près. Oui, il avait bien été informé de cette rencontre par son disciple, ancien Bras-Droit et membre de la même Race qu’était Aokiji Samui. Oui, il savait que cette visite finirait bien par arriver. En revanche, certains éléments restaient encore flous. Voire même volontairement dissimulés ! On pouvait facilement accepter que l’homme respectait tous les usages dus au rang du Maître du Palais. Et ce, bien que leurs deux puissances ne semblent guère si éloignées l’une de l’autre. Par nature, Kakeshuou avait toujours émis une atmosphère froide et rugueuse face à quiconque se rapprochant de lui. Les plus faibles y perdaient leur équilibre, les plus trouillards n’osaient pas relever la tête ; les expérimentés comprenaient qu’il y avait là un adversaire à craindre pour l’éternité. Cet homme, à l’instar d’une poignée de soldats dans ce monde comme certain Guerrier Rouge, grinçait des dents mais tenait bon. Signe qu’il était bien plus qu’un énième combattant de l’Ombre. Il avait le courage, les capacités, et la détermination d’aller au bout de ses convictions et de ses intentions, peu importe les outils et usages à employer à cet effet.

En attendant, parler de dons, de puissance, de services, et de cessation de terres était une chose que l’Empereur n’avait jamais vu discuter face à lui auparavant. Il était évident que, tout Empereur qu’il était, le vieux briscard n’aurait pas la capacité de diriger ces terres d’un seul revers de la main. Déléguer la chose à autrui était évident, et il fallait prendre cela en compte ; en revanche, que l’on vienne directement lui réclamer ces terres était la preuve que des hommes sur cette terre ne manquaient pas d’audace, et seraient prêts à tout pour user des possibilités de cet Empire naissant. Face à cette demande, c’était la crédibilité même du Kamui qui était mise en cause. Notre homme pouvait-il vraiment attribuer des terres à un parfait inconnu ? Pouvait-il véritablement concédé des responsabilités à un homme qu’il n’avait jamais vu à l’œuvre, alors que tant de candidats se regroupaient derrière les portes les plus proches ? Ce n’était évidemment pas ainsi que l’on entrait en bonne grâce au sein du Shukaï.
Mais cela ouvrait la porte à de plus amples discussions et négociations !

~ Te voir ici, Mamoru Lessa, montre que tu as de la détermination et de la bonne volonté à revendre ; ce qui est assurément une bonne chose. Malheureusement, j’ai bien peur que cela ne suffise pas pour obtenir de telles prérogatives au sein de l’Empire des Pays Neutres.

Cette phrase était prononcée de façon monocorde, mais assez tranchante et pesante pour faire comprendre à quel point l’Empereur prenait cette conversation au sérieux ; et à quel point sa réponse l’était tout autant. Confier des terres et des pouvoirs à un étranger revenait à lui accorder confiance et une partie des piliers qui devaient soutenir l’Empire nouvellement créé. Or, accorder de tels privilèges à un étranger serait du jamais vu. En cela, il était impossible d’imaginer une telle réponse.

~ J’ai certes entendu parler de toi par Aokiji. Et je suis prêt à admettre que cette première rencontre me laisse à penser que tu es quelqu’un de compétent, malgré ton jeune âge. Il va pourtant m’en falloir bien plus pour t’accorder ce que tu souhaites. Un homme n’intègre pas les rangs de l’Empire sans son passé. Et chaque homme peut avoir en lui un passé dangereux. Si tu veux que je t’accorde ma confiance, il va te falloir me confier la tienne. Et pour cela, je veux savoir qui tu es. D’où tu viens. Quels sont tes projets. Quels sont ces compétences si valeureuses qui te vaudraient des terres. Quels sont ces dons que tu pourrais apporter à l’Empire. Dis-moi qui tu es, Mamoru Lessa ; et je serais plus disposé à réfléchir à ta requête … .

Un avis pour le moins simple ! Après tout, on ne pouvait pas espérer que l’Empereur confiât à un homme moins âgé que lui et tout aussi inconnu une charge aussi conséquente que celle-ci. Il était sans doute temps de jouer carte sur table … ou de noyer le poisson dans une eau salée.

Capitaine du Shukaï ?! Empereur ! Non mais ho ! Notre homme n’avait pas entrepris une telle transformation du Pouvoir pour se voir traiter de la sorte par le narrateur adverse ! Le respect, ça se mérite, mais ca s’accorde, aussi !!

Trêves de plaisanteries et de mondanité. Revenons au sujet présent, et aux réactions et réflexions de notre Kamui.
Dans un premier temps, il avait écouté attentivement les propos de l’invité. Peu importe qu’il n’appréciât pas d’être tutoyé : ici, tout le monde était traité à la même enseigne. Et au-delà d’une familiarité excessive, il fallait plutôt y voir une volonté de se rapprocher au plus près de la situation exposée afin d’en faire pleinement partie. Une simple formule discursive en quelque sorte … . Pas de quoi en faire un fromage des Alpes ! Au-delà de cet aspect de la présentation, l’individu faisait un rappel sur sa personne et sur son identité. Sa description rappela rapidement au doyen Samui la particularité de cet ancien Clan de Kirigakure no Sato. Les Mamoru avaient la faculté de jouer avec les esprits et les âmes ; contrairement aux Yamanaka, ils pouvaient manipuler les âmes, obtenir ainsi moult renseignements, voire faire quelques tours de passe-passe rarement appréciés dans le Monde Ninja. Bien qu’une importante branche de cet illustre Clan se soit installé avec l’Alliance des Pays Neutres, cette communauté de guerries restait relativement isolée, et n’avait ni Chef officiel, ni terrain lui appartenant véritablement. Un Clan bien seul, mais dont les rares membres vus en public faisaient souvent des miracles … comme des désastres.

Mamoru Lessa, donc. Soit. Un homme qui serait ainsi plus âgé que le Maître des Lieux, mais qui empruntait une âme – ou plutôt un corps – plus jeune pour ses diverses convenances. Même si notre homme ne souhaitait pas briser là les relations qui se tissaient entre les deux protagonistes, il avait un certain mal à cacher ce dégoût qui lui tenait aux lèvres. L’idée de se faire violer son esprit était en soi une des affaires les plus dures de la guerre ; mais l’âme restait une chose sur laquelle personne ne pouvait prétendre avoir le contrôle. Forcer les âmes des morts à rester au service d’autrui était un blasphème, une infamie qui allait bien plus loin que toute limite qu’un Ninja puisse s’imposer. Préférant ne rien dire à ce propos, le vieux quinquagénaire se centrait sur l’information principale. Les Mamoru étaient peu nombreux, mais ils avaient suivi le mouvement lors de la destruction de Kiri. Cet homme qui venait ici présenter ses services était sans le moindre doute la preuve que d’autres éléments de ce Clan s’étaient éparpillés à travers le monde. Sans doute fallait-il voir ici une occasion à saisir pour unifier ce Clan sous une même bannière … .

Gardant ses réflexions pour lui, l’action suivante ne put qu’entraîner une réaction sèche et rapide. L’individu avait commencé par faire connaître sa situation vis-à-vis de Suna. Un point pour le moins embêtant ; ce Village figurait parmi les plus proches alliés du Shukaï, et plusieurs éléments récents ne pouvaient que promettre plus de méfiance l’un vis-à-vis de l’autre. L’Empereur espérait donc les éviter au mieux. La solution n’était pas toute trouvée, et une visite de la part des autorités de Sunagakure no Sato deviendrait des plus compliquées à mener. Certaines choses seraient certainement mieux à mettre à plat prochainement … .
En revanche, la volonté de faire acte de ses capacités faillit un temps couper court à cette rencontre. Frappant le sol dallé, laissant apparaître un sceau conséquent sur le sol, s’extirpait soudainement des profondeurs quatre planches de bois, marquées du Sceau de la Réincarnation. La bière ouverte révélait un visage qui n’était pas inconnu à notre homme, sans lui être pour autant familier. Quoi qu’il en soit, à l’apparition de la tombe, le fougueux Guerrier des vieilles Guerres s’était dressé, un bond d’un petit mètre de sécurité en arrière, son unique main valide prête à enchaîner les mudras. Quoi de plus normal, lorsque l’on voit une telle abération de la Nature faire irruption dans la pièce. Face à la menace potentielle, la seule préparation valide est de se mettre sur le pied de guerre !

Les explications devaient apporter plus de clarté, et amener notre Kamui à la sérénité. Le Mamoru lui donnait de plus amples précisions. Et des nouvelles qui en disaient plus long sur lui que n’importe quelle autre discussion !! Si cet homme était feu Shodaime Kazekage – ce qui expliquerait pourquoi son visage n’était pas inconnu pour l’Ancien – on pouvait d’ors et déjà en conclure le pourquoi des mauvaises relations avec le Pays du Vent. Par ailleurs, si ce Ninja encore inconnu était capable de telles techniques Interdites, et qu’il avait un pareil arsenal à sa disposition, ce n’était pas le premier pégu du coin étant de passage. Ce qui appelait à plus d’intérêt … et de vigilance … .

Après cette démonstration, Lessa faisait maintenant connaître ses attentes. Qui étaient loin d’être négligeables ! Après tout, obtenir « un vaste territoire » pour reprendre ses mots, au sein de l’Alliance était une chose plus que complexe. Dans un premier temps, l’Empereur avait instauré une méritocratie sur cet immense espace qu’il avait à sa disposition. Accorder autant de pouvoirs à un homme alors que personne n’avait vu ses prouesses et ses capacités ne serait pas apprécié par tout le monde. Il s’était déjà engagé auprès d’un mercenaire pour lui donner la gestion d’un territoire plus que conséquent à l’avenir ; renouveler la chose semblait difficile, et n’était pas garantie de stabilité. Par ailleurs, il ne connaissait rien aux capacités de gestion de cet individu. Lui donner un territoire en conséquence, n’était-ce pas pure folie ? La Cérémonie Impériale aurait lieu d’ici peu, et les terres avaient déjà été attribuées de façon non-officielle. Impossible de revenir en arrière … .

Ayant regagné sa place, sans pour autant baisser sa garde, notre homme restait songeur … . Que faire face à l’interlocuteur ? Céder à ses exigences ou rejeter un tel soutien à l’avenir ? Et si accepter, que lui accorder ? …

~ Soit, j’entends tes attentes et je réalise bien ton potentiel. Je veux aussi bien dire que je sens que tu me caches des choses ; mais m’avoir parlé de tes différends avec Suna est un premier pas. C’est le genre d’informations que je ne peux me permettre d’ignorer … . Je n’ai pas de Pays à te proposer, et je préfère te le dire en face : je ne connais rien à tes compétences administratives. Je préfère donc te proposer un marché plus simple. Une région du Pays de la Terre vient de se libérer de toute influence après la mort du Daimyo. Cependant, plusieurs groupuscules y ont vu l’occasion de se libérer de toute autorité, et entendent créer leur propre Nation belligérante. Il va de soi que l’on ne peut accepter une pareille situation au sein de l’Empire. Si tu te débarrasses de ces scélérats, je te laisserais administrer cette région avec les mêmes pouvoirs qu’un Gouverneur de l’Empire. C’est la meilleure offre que je puisse te faire pour l’instant … .