L'air du soir avait quelque chose d'agréable à Yuki no Kuni. Plus aucun son ne venait perturber l'air ambiant si ce n'est des petits soubresauts provoqués par la chute de la neige tombant des arbres. Je respirais calmement, posé au milieu de cette petite clairière ou la neige était toujours présente, et cela, malgré les saisons.

Pure et parfaite, seuls mes pas avaient cassé ce doux duvet blanc.

J'étais ici pour me détendre, me reposer loin des tracas de la ville, de ma famille, du clan. Cet endroit était un peu comme un lieu d'apaisement dont j'espérais pouvoir profiter encore un peu avant de devoir retourner dans le tumulte ambiant qui régnait autour de moi.

Confortablement enveloppé dans ma lourde cape de fourrure, je me laissais tomber au sol et m'allongeais à même la neige pour pouvoir, réfléchir, penser, voir, m'endormir dans le confort que me procurait à la fois l'aura blanche et le confortable duvet dans lequel je me trouvais...
Entre tous le traca que j'avais en ce moment, c'était rare que je puisse me poser ainsi et faire des choses aussi futile que dessiner des anges de neiges avec ma silhouette. Tellement rare et tellement précieux aussi, j'étais en train de changer, de grandir, de mûrir. Sans doute beaucoup trop vite pour mon âge, mais j'étais déjà passé par toutes les épreuves qu'une vie normale pouvait m'apporter.

Blessure, trahison, sang, mort, plaisir, amour, douleur, tristesse, j'avais presque connu toutes les sensations qui pouvaient être engendrées par le cœur humain et pourtant. Le mien était encore vide à l'instant présent, vide de toute présence. J'étais encore et toujours perdu. Je n'avais pas réussi dans ma quête et pour oublier, ou encore continuer a espérer, je m'étais jeté à corps perdu dans le travail. Le clan ... Il n'y avait plus que ça désormais pour moi ! Du moins, c'est ce que je pensais...

Les paupières closes, je sentais les premiers flocons de neige d'une légère chute heurter mon front et se poser délicatement sur mes paupières alors que je grimaçais faiblement avant de m'envelopper plus profondément encore dans mon manteau pour me protéger du froid. Je n'avais pas du tout envie de sortie de mon rêve éveillé pour revenir à la dure réalité qui m'entourait. Non pas encore et pas maintenant surtout ... Pourtant, j'ouvris les yeux à mesure que j'entendais un bruit se rapprocher encore et toujours. Un bruit sourd ... Régulier ... Pataclan pataclan pataclan ... trois temps ...

Je me redressais l'air encore endormi par mon bref sommeil malgré tout et je tournais la tête en direction du bruit ... Un cheval ... Pas de doute un cheval ... Je me relevais en cherchant l'animal des yeux ... Je connaissais trop bien le rythme régulier de ses sabots heurtant le sol. Toujours la même allure, toujours cette sensation de légèreté et de puissance en même temps, l'animal bravait la neige pour contrer la colline et la gravir. Ça ne devait pas être facile pour lui, je pouvais presque entendre sa respiration, voir même ... La reconnaître et pourtant, je restais tel une statue dans cette clairière. Je n'osais pas bouger alors que pourtant, je l'aurais reconnu entre tous. Ce galop ! Cette respiration ... C'était celle d'un seul animal, d'un seul cheval ... Un cheval que je connaissais trop bien pour ignorer une telle ressemblance.

Ça ne pouvait être qu'elle ...

Je m'attendais à toutes les situations .. Loufoques ou peut être moins. Mais pas à celle-là, car sur le dos de ma monture, c'était mon fiancé qui s'y trouvait, lui. Je l'aurais reconnu entre milles car maman dit toujours qu'on ne peut pas confondre la personne que l'on aime avec une autre. Il est comme entouré d'une aura lumineuse qui le rend inestimable. Des belles paroles qui pourtant n'allait pas me cacher le drame de la situation. J'avais l'esprit vif et alors que j'étais encore sous le choc de le voir, après tant de mois de recherche, débarqué comme ça devant moi, je ne pouvais m'empêcher de remarquer ses joues creusées, sa mine fatiguée, son expression mauvaise ... Non ... Cette aura n'était pas celle de l'homme que j'avais aimé ... Ce n'était plus le même désormais et je voyais bien dans toutes ces nouveautés, qu'il avait profondément changées, sans doute marqué à jamais par une peine trop grande.

Je restais de marbre, je ne savais pas comment réagir et pourtant, il se dirigeait toujours vers moi alors que son expression passait soudainement de l'étonnement et de la surprise, à la rage. J'avais peur au fond de moi, mais je ne bougeais pas d'un pouce, pas plus lorsqu'il lança un kunaï dans ma direction qui passa juste au creux de mon coup que lorsque sa lame vint se poser délicatement sur ma carotide.

Il était en colère, je le savais ... Je m'étais préparé à ce moment de toutes les façons possibles, mais j'étais prise au dépourvus, je ne savais pas quoi faire ... N'y même quoi lui répondre. Je restais là, contre sa lame, sans bouger, sans pleurer, sans même essayer de me retourner. J'étais en réflexion et je ne m'aperçus pas, qu'une autre personne s'était approchée de moi ...

Panach me bouscula doucement du museau, me faisant reculer et heurter le torse du jeune homme en même temps que je sortais de ma torpeur. Elle était magnifique, chaudement enroulé dans une couverture en laine et lorsqu'elle se rapprocha de moi, je ne pensais qu'à elle pour ne pas repenser à la situation dans laquelle je me trouvais.
Ma main toucha doucement son museau qu'elle avait naturellement portait dans ma dextre et parcouru un moment ce dernier alors que j'observais son encolure, son poil brillant, sa crinière longue et folle. Ma main glissa sous la couverture et un sourire se dessina alors sur mes lèvres :


"Merci d'avoir pris soin d'elle Kibo ... Je savais que tu t'en occuperais plus que bien ..."


C'était une façon détournée d'esquiver sa question ... Où peut être d'y répondre. À lui d'en juger, Panach semblait-elle n'avoir aucune difficulté à me reconnaître, mais ferait-il seulement confiance à l'animal ? Je ne le regardais toujours pas, j'avais sans doute peur d'affronter son regard, peur de devoir l'affronter, peur de cette colère et de tous ses changements que je pouvais juger jusqu'à dans le timbre de sa voix. Hargneuse, froide ... Je déclarais pourtant sans pouvoir plus attendre :


"Je t'ai cherché ... Partout ... "

Froide et pressante, la lame s'appuya un peu plus sur ma gorge alors que Panach fuyait devant le signal strident que Kibo venait de lui lancer. Je frémis légèrement, mais pour autant, j'essayais de garder la tête froide alors que je déglutissais doucement ma salive. Il avait raison ... Je ne l'avais peut-être pas assez cherché ... Pas comme j'aurais aimé tout du moins ... Comment le convaincre ? Il évoqua mon tatouage absent ... Tatouage qui n'en était pas un :


"C'était un sceau ... Pas un tatouage ... Un sceau de naissance apposé par mes grands-parents. Un sceau destiné à protéger les nourrissons de la mort engendrée le plus souvent par le froid polaire qui règne en ses contrées verglacées ... Un sceau qui ne disparaît qu'à l'aube de notre majorité, mais que je ne porte plus depuis six mois maintenant ... Car c'est lui qui m'a sauvé de la mort ..."


Je restais pourtant de marbre. Froide, j'observais l'horizon se dessiner devant moi. Je savais que j'aurais du mal à le convaincre de cette façon et le mieux était encore de rester impassible que de tenter le diable en faisant un mouvement qui se voudrait provoquant :


"Je n'ai pas envie de me battre Kibo, mais je ferais ce qu'il faudra pour te convaincre ... Envoie un de tes clones au temple Samui ou devrait se trouver ma dépouille, tu verras que mon socle est vide ... Envoie un autre clone chez mes parents, qui pourront te prouver que je suis bien ta défunte promise ... Regarde-moi dans les yeux et tu verras que je ne mens pas ... Je n'arriverais pas à t'expliquer comment je suis ici, car moi-même, je ne me l'explique pas ... Je sais que je t'ai fait du mal, mais s'était contre ma propre volonté ... Je n'ai jamais voulu ça ... J'étais heureuse avec toi ..."


Trop tard, voilà que je craquais alors qu'une première larme s'écoulait le long de mon visage. Je n'avais rien pour lui prouver que c'était bien moi. Mon corps lui-même n'était plus le même ... Guéri de toutes mes blessures passées, pourtant, je me permettais de dégager ma main pour lui montrer la bague qu'il m'avait offerte, il y a plus d'un an ...


"C'était à l'hôpital du Shukaï ? Tu te souviens ? J'étais blessée, car tu avais voulu essayer ton hiraïshin avec moi qui ne l'ai pas supporté ... Tu voulais faire les choses bien ! Mieux que dans cette chambre dans le désert de Suna ... La 106 ... Je n'ai pas oublié tout cela ..."


Des détails peut être futile ... Mais des détails que seul nous deux connaissions ...


"Laisse moi une chance de t'expliquer sans que tu ne me menaces avec une arme ... S'il te plait ..."

Mes paroles semblent l'avoir touché, car après de longue minute, il consent enfin à me laisser un peu de répits tout en gardant malgré tout sa lame sur mon dos. Je respire calmement et j'essuie l'unique larme se trouvant sur ma joue. Ce n'est pas le moment de craquer, ces instants sont trop importants pour faire en sorte d'une pluie de sanglots viennent les gâcher.
Je prends une inspiration et je m'assois à même le sol, dos toujours tourné à lui, comme pour lui cacher mon visage ...
Il veut l'histoire, toute l'histoire et ça risque d'être long ... Mais il a le droit à la vérité :


"Il y a sept mois ... Alors que tu étais partie au travail, j'ai été prise de vertige dans la chambre d'hôtel que nous occupions et j'ai à peine eu le temps de m'examiner que j'ai découvert que le poison laissé par ce furyous était en train de me dévorer de l'intérieur ... Je n'avais pas trente-six solutions et surtout aucun moyen de te prévenir. J'ai essayé de suturer l'hémorragie, mais ça a mal tourné ... Je ne vais pas m'attarder sur les détails, la suite, tu la connais. J'ai été déclaré morte par les médecins de Suna ... Mais ... Je ne l'étais pas vraiment ... "


Je m'arrête quelque secondes en arrivant sur la partie la plus tendue de mon discours ... Le moment où nous sommes dans l'expérimental, la ou les questions sont nombreuses et ou je n'ai pas toutes les réponses :


"Je ... Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé par la suite, mais je peux expliquer du mieux que je peux ce qu'il me semble avoir compris."


Je me racle la gorge et après avoir frémi une nouvelle fois, je reprends :


"Seul mon cœur s'était arrêté et mon cerveau présentait encore des signes d'activités ... Ce qui m'a sauvé, c'est apparemment l'action du clan Samui qui consiste à enfermer les corps des morts dans un cercueil de glace ... Ça a permis à mon corps d'éviter de se dégrader, mais aussi au sceau que je portais sur le visage d'agir à son rythme pour réparer l'intégralité des blessures que mon corps avait subie ..."


Je laisse ma voie retombée doucement sur la fin de ma phrase et je me risque presque un regard en arrière, mais je ne parvins qu'lui offrir une simple vision de mon profil avant de revenir vers l'avant et de saisir un peu de neige dans ma main gantée :


"Ça a mis un mois avant que mon cœur ne recommence à battre et que ma chaleur brise mon cercueil ... Et il m'a fallu un moment avant de retrouver toutes les possibilités que mon corps offrait."Ça a mis un mois avant que mon cœur ne recommence à battre et que ma chaleur brise mon cercueil ... Je t'ai envoyé des dizaines et des dizaines de lettres à Suna pour te dire que j'étais là, bien vivante, et que tu ne m'avais pas perdue ... Mais elles sont toutes restées sans réponse ..."

J'avais été trop lente ... Pas assez efficace ... Quand il prononça ses paroles, c'est comme si moi, je mourrais pour la seconde fois. Sauf que là s'était beaucoup plus douloureux. C'était comme un torrent qui ravageait mon cœur, un tremblement de terre qui le faisait se briser en deux. Il prononça ses paroles comme la faucille de la mort s'abattant sur ma nuque. Je ne pouvais pas le regarder, c'était ça demande, mais ça m'arrangeait aussi, car à cet instant, il ne voyait pas mon visage en proie à la panique, au désespoir. J'avais tellement mal que j'eus énormément de difficulté à ramener le plus doucement possible ma main pour la poser sur ma poitrine. Pour ne rien laisser paraître. Je devais rester forte et digne en n'importe qu'elle circonstance ...

Ma main se serra sur mes vêtements avec presque de la colère, de la rage, du désespoir, mais je ne devais rien laisser paraître et c'est pour ça que doucement, je laissais mon genou glisser en avant sans jamais me retourner ...
J'avais compris :


"Je comprends ... Tu avais le droit de refaire ta vie sans moi et si tu es plus heureux ainsi ... Je ne peux pas te forcer à revenir en arrière..."


J'avais surtout besoin de m'éloigner d'ici avant de craquer, aussi, je prononçais quelques paroles :


"Prend soin de toi Kibo ... "


Puis, dans un geste presque symbolique, je retirais la bague que je portais au doigt. C'était sans nul doute le geste le plus dur à faire, car alors qu'il glissait entre mes mains, je modelais un piédestal en glace sur lequel je laissais reposer le précieux bijou.

Je devais partir. Maintenant, tout de suite, ou alors je n'en aurais pas le courage. Sans plus attendre, c'est presque en courant que je me sauvais de ce lieu de refuge que j'aurais désormais en horreur. J'avais besoin d'être seule à présent, de laisser ma peine s'écouler devant un énorme pot de glace au chocolat et un livre a l'eau de rose.

Je ne sais pas vraiment si j'ai réalisé ce que j'ai fait suite à cette rencontre, à cette rupture, à cette fin ... Notre histoire était finie, j'étais à présent à une centaine de mètres de lui, au travers de cette forêt enneigée que je connaissais comme personne.
Les larmes purent enfin couler le long de mon visage poupin ... À bas, le joli maquillage que je m'étais donné la peine de faire, à bas la coiffure que j'avais mis tant de temps à confectionner. Je pensais qu'avoir connu la mort une fois était-ce qu'il y avait de plus douloureux sur terre ...

Je me trompais ...

La perte de Yusuke n'était pas comparable avec le néant que je ressentais à présent. Le déchirement de mon cœur était tel que je me sentais capable de m'ouvrir la poitrine pour l'ôter de ma cage thoracique ... J'avais mal ... Terriblement mal ... Trop mal !
Je tombais à genoux dans la neige et je frappais des poings sur le duvet blanc comme pour extérioriser cette sensation, ce vide qui faisait à présent place en moi.
L'amour était un jeu dangereux ... Beaucoup trop dangereux. Un plaisir qui m'avait malheureusement fait oublier ce que j'étais avant toutes choses. Une shinobi. Un être qui n'avait n'en soit pas le droit de ressentir d'émotion, juste le devoir de faire ce pourquoi il était payé.

La réalité était dure à accepté, car j'avais sans doute espéré durant dix-huit ans de ma vie à aspirer au bonheur pour au final rien ... J'étais seule désormais avec pour seul soutient ma famille, la seule qui j'étais sure ne me lâcherait jamais et qui devenait dès lors, ma priorité.

Mes jambes me portèrent, m'obligeant à me redresser, car je ne pouvais définitivement pas rester là, dans la neige, à subir le froid, attendre que la douleur passe. Non, la seule façon de l'oublier, c'était encore de la combattre.
Je me suis mise à marcher sans chercher de réelle destination, je n'étais pas encore prête à rentrer à la maison. Encore trop de douleur cachée dans mes entrailles, j'avais besoin de me défouler, car deux poings dans la neige étaient bien peu par rapport à ce que je ressentais.
La montagne était mon alliée, car je savais qu'en elle se trouvait la force qui m'aiderait à oublier ne serait-ce que temporairement, ce qui venait de se passer. Kangchenjunga était belle à la lueur du soir, fière et glorieuse comme je devrais l'être pour le futur.
Du coin de l'œil, je regardais en contrebas l'endroit ou se trouvais encore nos alliances, le symbole de cette relation passé ...
Un coup de sang me traversa, douze signes fusèrent entre mes mains ... Une technique de ma création ... Je n'eus pas besoin de prononcer le nom de la technique et je savais que celui qui était mon amant était déjà loin désormais ...
La montagne gronda, la neige déferla tel un ras de marée sur la vallée. La forêt se coucha sous sa puissance, car oui, la neige et puissance, le pouvoir des Samui est divin...

J'engloutissais l'image de notre relation, le piédestal de nos alliances sous une tonne de neige ... Personne ne viendrait jamais les récupérer, les voler.

C'était bel et bien fini désormais ...