La grande salle du palais avait été préparée en conséquence. Ainsi, facilement une centaine de personnes, principalement des Samuraïs de différentes familles, pouvaient se rassembler en cette solennelle journée. La gigantesque salle servant habituellement aux rassemblements entre les multiples clans du Pays du Fer avait été convertie plusieurs jours en avance. Le blanc, couleur de la mort et du deuil, recouvrait pratiquement tout : murs, tables, chaises, fenêtres et toutes les décorations. Un peu partout, des centaines de bougies avaient été allumés. L’ambiance est lourde de sens, profonde, spirituelle.

Un prêtre vêtu de blanc lui aussi s’approche de l’arrière de la salle accompagné de la famille Tochirô et de ses conseils en plus du Régent et de deux autres moines. Il lève les bras et brise le silence de sa voix aux tons de glas.

_Un dernier adieu à un maître bien aimé! Rassemblez-vous en silence pour honorer le grand homme qu’était maître Yakigote Tochirô.

Familles et proches se rassemblent autour du cercueil qui est installé au fond de l’énorme pièce montée sur deux étages. Derrière, l’autel mortuaire prend place sous toutes les images des dirigeants de Tetsu no Kuni ainsi que leurs plaques de bois dans lesquelles sont enfermés leurs esprits, bientôt l’âme du maître ira retrouver les grands du Fer.

_De son vivant, Yakigote Dono touchât tant de personnes et toujours dans un optique de paix. Notre chef laisse derrière lui une nation en deuil, mais aussi une idéologie, une image d’un futur sécuritaire, paisible et ordonné!

Durant les paroles de l’homme saint, les membres de la nation s’avancent à tour de rôle, laissant sur l’autel plusieurs offrandes. Certains laissent leurs armes, d’autres de la nourriture alors que d’autres laissent de l’argent ou des parchemins mystérieux. Les deux moines se mettent en marche vers l’extérieur, laissant derrière eux des chants funestes et une traînée de fumée odorante aux arômes doux.

_Nous devons nous souvenir de tous ses efforts grâce auxquels les peuples de Tetsu no Kuni se sont rassemblés, nous devons honorer son vivant! Nous sommes unis et c’est grâce à cet homme, ce grand homme : Yakigote Sama. Veuillez maintenant payer vos derniers respects.

Le prêtre se retire de côté, laissant l’unique fils et la femme de l’ex leader de Tetsu s’approcher du cercueil. Commençant par les officiers et ensuite, les hauts-gradés jusqu’aux têtes des clans, chaque membre de l’union du Fer s’avance pour offrir sa gratitude à la dépouille de dernier dirigeant et ses condoléances à la famille.

Kira Musashi s’agenouille en face du fils de Tochirô, un gamin de 8 ans, et lui donne l’arme de son père. L’expression de l’enfant est à la fois prise entre fierté, honneur, devoir et tristesse. Le Régent pose sa main sur son épaule, lui sourit pendant une seconde, et se relève. Il hoche rapidement de la tête à la femme, se retourne et se dirige vers la sortie lui aussi.

Une fois que tous les gens ont offerts leurs derniers mots au décédé et à ceux qu’il laisse derrière lui, les frères du l’ancien Daimyô et Shogun de Tetsu no Kuni prennent le cercueil. Ils le lèvent et se mettent en marche, suivant le chemin d’encens laissé par les moines. Le prêtre ferme la marche, chantant une prière aux esprits.

À la sortie, des centaines, voire milliers, d’habitants, Samuraïs et voyageurs forment un long sentier jusqu’aux terres saintes. De chaque côté, on pleure la vie de Tochirô. Les guerriers tentent de garder un regard de marbre, mais il est possible de voir l’immense tristesse de chacun de leurs regards. Ensemble, ils suivent les notes chantées par le prêtre composant ainsi une chanson qui s’élève jusqu’aux cieux.

Les frères déposent l’homme près du trou, près de son site de repos. Seuls les proches et la famille sont admis à proximité de la tombe, mais, pour la première fois, un Shinobi peut y assister. Le Régent pointe avec sévérité son allié de la Foudre, Zennosuke, et lui fait signe de s’approcher, seul. Il lui pose la main sur l’épaule.

_C’est grâce à vos hommes et à vous, que nous en sommes arrivés à cet instant. Je crois qu’il aurait aimé votre présence.

Les moines s’activent près du cercueil maintenant fermé. Ils tournent autour, en faisant des prières et des mouvements, en jetant de la poudre, en envoyant de la fumée. Les religieux font ce rituel de purification nécessaire à l’enterrement. Plus loin, dans le lieu saint, des gongs et autres percussions sont frappés et les sons viennent ajouter un rythme à la chanson mortuaire.

Le prêtre lève les bras et le silence revient après quelques minutes.

_Voilà maintenant le dernier endroit de repos pour le corps de notre maître bien aimé à tous! Son jugement sera toujours parmi nous!

Il lève une plaque en bois avec l’inscription Yakigote Tochirô. Cette plaque ira rejoindre celles des anciens dirigeants de Tetsu no Kuni sur le mur. C’est là que les grands et les hauts-gradés viennent pour demander de l’aide lors des choix difficiles.

Les moines terminent leur rituel. Le prêtre hoche de la tête et fait signe aux gens présents.

_Que sous les yeux des Dieux, le dernier voyage de notre bien aimé maître se passe dans l’honneur et la paix!

Les cousins, frères et autres hommes de la famille s’approchent du contenant du corps du seigneur Yakigote. Ils le font lentement descendre dans le trou préalablement creusé. Ensuite, ils jettent chacun une poignée de terre, silencieusement, et, lentement, la foule recule. Le silence est si lourd, si pesant, si puissant.

Le Régent dit personnellement au revoir aux membres de la famille Yakigote en ajoutant quelques poignées de mains ou des poignes empathiques d’épaules avant de se diriger vers les Kumojins. Son regard est neutre. Il est pratiquement impossible de lire cet homme solide.

_Shinobis, je vous remercie une dernière fois. Vous avez su prouver que les choix de seigneur Tochirô étaient les bons. Sachez que je vous considère à titre personnel, comme des alliés, désormais.

Sur cette note, il hoche rapidement de la tête, laissant passé une sorte de soupire de soulagement. C’est terminé. Le peuple pourra enfin reconstruire. Derrière, les bruits des moines qui pellettent la terre pour en finir avec l’enterrement est réellement le seul son qui retentit. Sous le soleil qui, lentement, se couche, l’homme vêtu de blanc au regard sans émotion baisse légèrement la tête, montrant ainsi toute sa gratitude.

Explication:

Il n’était pas très tard lorsque j’entendais la nouvelle pour la première fois. Je passais près de Suzaku, peu après le déjeuner, alors qu’une petite bande de villageois ramassaient leurs affaires. Étonné de les voir fermer boutique si tôt, je me suis approché et je les ai directement questionnés. Yakigote Tochirô, qui règne sur le Pays du Fer depuis si longtemps, est mort et il sera enterré aujourd’hui. La cérémonie sera au Bukeyashiki.
J’ai pris cette information comme un coup direct dans la poitrine.

« Le vieux Tochirô? Mort? Je croyais qu’il était pratiquement invincible. »

*Invincible, mais pas immortel.*

Après avoir remercié les citoyens du Fer, j’ai lancé Boke au galop. À l’intérieur, l’émotion était violente. Les souvenirs du vieux Tochirô, mon premier adversaire, qui avait visité Osai alors que j’étais tout jeune. Selon les dires de Takusanjii, il venait pour offrir un plan de réconciliation des différents Clan Samuraï. Évidemment, mon père et son conseil avaient accepté. C’était bien avant l’incident.

J’arrive à temps pour voir le cortège funeste se déplacer jusqu’au cimetière. Attachant rapidement mon cheval à un arbre quelconque, je cours jusqu’à la foule. Je ressens leur souffrance, à tous. Je comprends leur peine. Tochirô était un homme fort, grand, noble et honorable. C’était un homme capable de tout et qui se donnait pour le bien de son peuple. Généralement, les gens ne le voient pas sourire, il est très différent de moi sur ce point, mais nous avions des idéaux similaires.

Lorsque j’étais jeune, j’ai combattu avec lui. Il riait de voir ma maladresse. Il avait passé un après-midi au complet alors que d’autres tâches devaient être priorisées. Lorsque mon père lui a demandé pourquoi il faisait ça, il a eu une réponse si belle, si pure, qu’elle m’a donné ma voie et ma voix.

« À quoi bon faire des alliances, à quoi s’entraîner aux armes, à quoi bon le Bushido? À quoi tout cela sert-il si nous ne pouvons pas profiter des temps paisibles comme celui-ci, » chuchote-je en me souvenant. « C’est notre raison de combattre! Pour que les jeunes hommes comme lui puissent vivre paisiblement! »

Je secoue la tête avec un sourire rempli de douleur. Des larmes coulent le long de mes joues, mais je les essuie directement. Sous les chants tristes des paysans, Samuraï et autres grands de la nation, je me remémore toutes les fois où j’ai eu la chance de voir cet homme au cours de ma jeunesse, alors qu’Osai existant encore.
Et, plus loin, j’entrevois Musashi!

*Il a rasé sa barbe!*

Je n’en crois pas mes yeux! Kira Musashi, l’homme de marbre! Avant il avait une longue barbe, du temps de mon village, mais maintenant il n’a qu’une barbichette. Je le suis des yeux jusqu’au cimetière tout en soupirant longuement.

*Il ne me reconnaîtra sûrement pas. Toutefois…*

Soudainement, une image. Je me souviens d’un autre moment. Et, je crois qu’il est temps de le faire. Je crois, contrairement à ce que tous les gens ici diront, que c’est le moment idéal pour accepter le défi que Musashi m’avait fait lorsque j’étais plus jeune. Il m’avait dit, alors que j’avais demandé au vieux Tochirô d’utiliser son sabre, que je devais première arriver à le combattre. J’ai essayé sans aucune chance. Le Samuraï ne m’avait jamais laissé d’opportunité. C’est pourquoi je l’ai toujours apprécié.

Je me mets en marche vers le cimetière. Je reste, toutefois, derrière les barrières avec les autres civils. J’écoute les prières. Devant moi, il y a des Kumojins que je ne reconnais pas avec Zennosuke. Il ne m’a pas vu. Je suis intrigué de voir qu’il est invité à rejoindre de près la dépouille de l’ancien Seigneur.

Je murmure mes respects, mon admiration et, aussi, une des premières et dernières prières que j’ai fait de ma vie pour l’ancien dirigeant. Ensuite, j’attends que Musashi ait terminé avant de rapidement me rendre vers la sortie, le coupant. Deux hommes en habits se placent directement devant lui, brandissant devant moi leurs armes. Je reste, cependant, simplement souriant.

« Musashi, » dis-je, joueur. « J’accepte le défi que vous m’aviez lancé il y a de ça toutes ces années à Osai. Vous vous souvenez de l’enfant qui voulait user de l’arme du Seigneur Yakigote? Takusanken du clan Taku de la famille Katsuo? »

Nos appartements étaient très typiques de ce que l'on pouvait trouver à Tetsu. Un style pur, raffiné à l'image de leur style de combat, le Bushido. Avec toute la délégation Kumojins, nous dînions ensemble en parlant de quelques sujets concernant notre venue, mais rien de bien profond. Après tout, cela semblait assez bizarre de manger à la table du Raïkage. Quand bien même, notre venue au sein de Tetsu n'était pas très joyeuse et par conséquent, l'ambiance à table restait simple et correcte. Le repas se termina rapidement et chacun regagna sa chambre. La journée étant longue, tout comme ce dernier mois et par conséquent, je m'écroulai sur mon lit et m'endormis en quelques secondes.

Un Samouraï vint à ma rencontre afin de me réveiller, car les funérailles du défunt Seigneur Yakigote étaient dans très peu de temps. Je remerciai le combattant et me levai en vitesse afin de me préparer. Une douche rapide et des vêtements sombres bien entendus. J'avais même ajouté un long manteau noir pour cette occasion morbide. J'étais prêt, tout comme mes homologues qui se dirigeaient en direction de la grande salle du palais.

Lors de notre arrivée, la salle était déjà bien remplie. Il devait y avoir une centaine de personnes et la salle avait complètement été décorée pour cet enterrement. En effet, cette dernière était recouverte de tissu blanc signifiant bien entendu le deuil. Il y en avait sur les murs, les tables, les chaises. Pour compléter cette salle, un prêtre, tout de blanc vêtu, entra dans la salle et indiqua aux participants qu'il allait commencer.

Le prêtre donna un discours intéressant et touchant. Ce dernier était simple et concis, mais il faisait surtout intervenir des proches du Seigneur Tochiro. Tout d'abord, la famille Yakigote s'approcha afin de rendre un ultime hommage. Ce fut ensuite au tour du fils et de la femme de Tochiro de s'approcher du cercueil. Ils étaient suivis du Kira qui offrit même l'épée du défunt chef des Samouraïs à son fils. Le geste était fort et émouvant. C'était maintenant au tour des autres personnes de rendre hommage au Seigneur Yakigote. Chacun déposa une offrande sur l'autel et pour ma part, je déposai le parchemin dans lequel j'avais trouvé le corps de cet homme. Une fois tout cela fait, le cercueil fut déplacé vers le cimetière. Les principaux proches du Seigneur suivirent le cercueil tandis que mes homologues et moi-même restions un peu en arrière. J'observai de loin la descente du corps ainsi que Zennosuke qui se trouvait aux côtés de Musashi. Les deux protagonistes se dirigèrent vers notre groupe de Kumojin et le Kira nous remercia une dernière fois. Il ajouta que nous avons prouvé que le seigneur Tochirô avait fait le bon choix en nous faisant confiance. Tout en me courbant, je répondis au nouveau Seigneur.

« Merci pour votre confiance Seigneur Musashi. Encore toutes mes condoléances et je vous souhaite bon courage pour la suite. »

Dans ces dernières paroles, je m'effaçai du groupe afin de me diriger vers nos appartements et faire mes affaires. Notre départ pour Kumo était imminent.

Le dîner auxquels nous autres kumojins avions été conviés s’était déroulé dans une drôle d’ambiance, à la fois empreinte de tristesse et en même temps, teinté d’un étonnant sens de l’accueil de nos hôtes. Tout avait été mis en place, malgré le contexte difficile, pour que nous soyons à l’aise. Nous nous étions bien restaurés, puis, en groupe restreint, la jeune Koémi, Monjara Shinji, le Régent et ses conseillers et moi, nous avions discuté de ma proposition de construction d’une base kumojine affectée au Sasoriza. Le Régent s’était montré favorable à cette idée au préalable. De ce fait, c’est surtout la question de l’emplacement de cette base, ainsi que la taille de celle-ci qui fut discuté. Ce fut au final, dans les montagnes près de la frontière avec Taki no Kuni, au nord de Byakko que l’emplacement de la base fut obtenu après d’assez complexes discussions.

Après une bonne nuit de sommeil, notre petit comité eut le privilège d’assister aux obsèques du samouraï. Un moment plutôt émouvant où je pu apprécier de près, encore plus, la culture samouraï. Jusque dans la mort, ces gens-là restaient classes. Rien à voir avec le monde shinobi. Après, il faut dire que ces obsèques concernaient un grand homme dans le monde samouraï. Le rituel était rythmé, organisé, ordonné. Je découvrais que jusqu’au seuil de la mort, ces hommes aimaient à respecter un certain ordre, une certaine harmonie. Un style de vie particulier. Je revoyais cet ordre dans le rituel des prêtres, la remise du sabre de Yakigote Tôchiro à son fils – un gamin d’à peine 10 ans ; les membres de la famille, s’avançant vers le corps, apparemment selon le niveau de proximité avec le défunt. Sa femme et son fils, des officiers dont le Régent et petit à petit un bon nombre de samouraïs que j’imaginais tous importants.

En ce qui me concerne, je restais à l’écart, même si l’endroit où j’étais positionné, me laissait un peu au cœur des événements. J’en étais d’ailleurs un peu gêné. Mes hommes, tout comme moi, n’avions fait que notre devoir d’allié après tout. Je vis le Conseiller du Daimyo s’approcher du corps du défunt à son tour, prononcer quelques paroles que lui seul pouvait connaître avant de venir vers la famille éplorée. Un homme sachant manier le verbe. Je n’avais aucun doute qu’il saurait trouver les bons mots dans cette situation difficile. J’en eus la confirmation lorsque le bonhomme s’approcha du Régent, ayant sa place à mes côtés pour lui glisser les mots qu’il semblait tenir du Daimyo de Kaminari no Kuni en personne. Je ne regrettais pas qu'il nous ait accompagné.

Le Régent a aussi eu des mots forts réconfortant à notre égards. Je hoche de la tête pour lui signifier que ses paroles m’agrée, mais ma bouche laisser échapper ma pensée :

« Tetsu est un allié fort respecté par Kaminari no Kuni. Nous n’avons fait que notre devoir Musashi Dono. La Foudre sera toujours là pour le Fer… »

Je terminais mon court propos, par des paroles fort imagées des relations entre nos deux contrées que j’espérais maintenir plus fortes que jamais. Les samouraïs sont des alliés que je respecte énormément. Grâce à cette opération, nous avions réussi à renforcer nos liens. Alors que le Régent s’en allait, je me tournais vers Akame et Shinji pour leur adresser à nouveau un regard plein de gratitude. Je me levais ensuite de mon siège avant de me diriger vers Koémi.

« Parcours le monde et trouve tous ceux qui souhaiteront rejoindre Kumo. Garde un constant lien avec moi. Tu es Conseillère de Kumo après tout. »

Je posais ma main sur son épaule. Un sourire aux lèvres.

« J’ai confiance en toi. »

Puis j’adressais une petite tape amicale à Akame, qui devait à présent suivre Koémi. Je portais par la suite mon regard vers le duo du Satoru à qui j’ordonnais d’escorter le conseiller du Daimyo jusqu’au palais du Seigneur de Kaminari no Kuni. Shinji et moi, ferions le chemin du retour ensemble.

Clap de fin: