Habashi Anseï était une de ses connaissances avec qui elle ne s’était pas encore embrouillée, ni battue, ni utilisée pour une quelconque fin militaire. C’était encore, par définition, l’ami avec qui elle pouvait juste s’asseoir et parler du beau temps et du sable. Elle appréciait davantage sa présence lorsqu’il n’insistait pas pour qu’elle se confie.

« Cependant, je parie qu’il va insister aujourd’hui » dit-elle en soufflant lourdement.

Aujourd’hui, elle avait eu la confirmation que tous les gradés de Suna savaient, plus ou moins, que la demoiselle était handicapée de son chakra. La situation était si inédite que la nouvelle avait réussi à faire jaser tout ninja lambda bloqué dans son rôle de la journée – gardes, baby sitting … etc -. Si cela avait illuminé leur journée – spéculant sur les raisons de cet handicape - , cela avait envenimé la sienne.

Le chef de clan faisait pression pour enlever ses entraves prenant l’apparence d’adorables bracelets. Son médecin insistait sur le fait de faire face à ses phobies ou encore à ses peurs. Et son entourage ne cessait de la pousser à bout, ou de dire et répéter qu’il serait temps qu’elle se confie.

Elle ne voulait pas enlever les entraves, elle ne voulait pas faire face à quoi que ce soit alors que beaucoup de choses « semblait » calme et paisible dans sa vie et surtout, elle ne voulait pas se confier à tout bout de champs.

Plus que jamais, elle avait besoin d’une connaissance « apaisante », le genre d’homme qui ne cherchera pas à connaître chacun de ses secrets ou qui n’imposera une centaine de questions gênantes. Un simple repas sympathique … agrémentait de quelques petites questions d’ordre Shinobi.

Habashi Anseï avait assisté à la mort sur les remparts il y a de cela quelques jours et il était également le frère de Zanshi, un personnage qui était mystérieux et qui ne cessait de revenir ces derniers jours. L’enquête, Kioshi … Tout tourné autour de l’Ecarlate on aurait dit. Qui de mieux que le frère pour apporter une description de la sœur ? Quelle femme se cachait derrière cette exceptionnelle Kunoichi ?

« Un déjeuner entre deux collègues qui s’apprécient ». Pas de conflits, pas d’ambigûeté, pas de pression … Voilà une situation qui l’avait terriblement manqué. « Allez, ne fous pas en l’air cette connaissance non plus » s’ordonna-t-elle, soufflant lourdement devant le miroir.

Il fallait qu’elle arrête ses bêtises. Il fallait « grandir » et « mûrir ».
Comptant jusqu’à un certain chiffre, se répétant sans cesse qu’elle ne craignait rien et que tout était réel – les séquelles des vieilles traditions interdites Kawaguchi persistaient encore -, elle finit par sortir et fouler de son pied le sable de Suna.

Le restaurant où elle devait rencontrer le roux apparut enfin dans son champ de vision, et c’est d’un pas léger qu’elle y entra. Le collègue ne fut pas très long à retrouver car des roux, une telle chevelure rouge pour être exacte, ne courait pas les rues de Suna. C’était aussi rare, voire plus rare, que les blondes.

- Bonjour, dit-elle avec une voix … presque chantonnante. Elle était décidément heureuse à l’idée de passer un repas sans stress, ni complexe. Du moins, à priori. J’espère ne pas t’avoir fait trop attendre. Comment tu vas ?

Depuis leur première rencontre qui devait remonter à … trois ans, ils avaient continué à se voir, faire quelques missions et ainsi de suite. Ils avaient gardé contact en somme. Un contact qui s’était un tantinet intensifié suite à ses récentes promotions. En effet, elle n’était plus une simple Genin confiné à son équipe mais une Chunin en charge d’un plan conséquent, nécessitant ressources et connaissances.

Un tantinet sur les nerfs – un état constant à force de chercher à maîtriser ses « sentiments » comme la colère -, elle tenta de le cacher en travers d’une attitude insouciante et joyeuse. Sans tarder, elle récupéra le menu et passa sa commande.

- J’ai trop de travail … Je commençais à désespérer d’avoir une minute à moi et pour les autres. Et toi, comment s’est passé ta semaine ? demanda-t-elle sans aucune mauvaise intention.

Même si elle ne faisait plus vraiment de missions, elle n’avait pas cessé de travailler d’arrache-pied sur le plan de développement de Suna. Visite des chantiers, lecture de compte-rendu, gestion des petits litiges, recherche de ressources …

Le voyageur avait été convié au restaurant pas la jeune femme qu'il eut rencontré plusieurs mois auparavant. Ces derniers les deux ninjas n'avaient pu échanger de rares occasions, malgré les quelques liens qu'ils avaient tissé. Ce fut donc avec un réel plaisir qu'il accepta une telle invitation. Cela le sortirait un peu car il fallait dire que l'Habashi s'était montré plutôt casanier ces derniers temps. En effet, le seul endroit qu'il trouvait respirable restait bel et bien la maisonnette en frome de dôme de sa sœur. Ce n'était pas tant la maison qu'il appréciait que la fraîcheur qu'il y régnait.

Il mit donc les pieds dehors, ce midi, au moment le plus chaud de la journée; pour ce rendre au petit restaurant du centre ville que lui avait indiqué sa jeune amie. N'était pas non plus complètement agoraphobe, l'Habashi s'était déjà aventuré dans cet endroit. Oui, parce que l'Anseï était un être curieux même si la chaleur l'accablait. Il se souvenait avoir l'enseigne dans la rue, une devanture sobre annonçant une nourriture simple et théoriquement saine. D'un pas affirmé, ce fut sans grande attente qu'Anseï entra donc dans le petit. Il se doutait néanmoins déjà que la Kawaguchi lui parlerait de son travail...

Lui, ne pourrait pas en parler. En effet, il n'avait pas fait grand chose depuis sa dernière mission en compagnie de sa propre sœur; une escapade bien particulière d'ailleurs, dont il ne pouvait évidemment pas parler. Il s'était assit, il observait rapidement la salle. Il était là le premier, avec quelques autre personnes autour, dégustant des nouilles et autres brochettes. Il guettait la vitre qui séparait l'intérieur de la rue, attendant avec une certaine impatience la venue de Tsukiko. Il trouvait cela assez étrange d'ailleurs, d'être si content de revoir cette personne qu'il n'avait finalement que peu fréquenté.

Finalement, la demoiselle arriva. Engageant déjà la discussion, et comme l'avait imaginé le rouquin, avoua qu'elle était très occupée par son travail. Forcément, après tout elle avait mis en place un long et projet...

-Oui, bonjour. Je vais très bien, merci. répondit il simplement. Et oui... Le travail.. Je ne peux que te féliciter, une nouvelle fois, pour ce que tu fais pour Suna. Il se tût un instant.
-On a déjà dû te le dire, mais le blond te va très bien, Tsukiko.. Et très beaux bracelets...

renchérit-il., souriant-il légèrement alors que le commis de cuisine venait prendre leur commande.

-Je prendrai la même chose que la demoiselle.

Il regarda le jeune homme s'éloigner, et reprit là où il en était.

-Ah... J'ai certainement plus de temps libre que toi, c'est sûr.

Elle rougit de plaisir d’abord, puis de honte par la suite. Elle était heureuse du compliment sur sa couleur de cheveux – hormis Oniri et Yami, quelqu’un y avait-il vraiment fait référence ? – mais une joie qui fut vite « détruite » avec le « compliment » sur les bracelets. Anseï pouvait d’ailleurs le voir. Son sourire s’était fané, et elle s’était rembrunie, n’ayant pas pu s’empêcher de lancer un regard noir au Roux.

Elle pensait qu’il était au courant de son « handicape » et pensait donc que la remarque était des plus … déplacées. Elle n’était guère fière d’avoir des entraves en continu depuis plus de trois mois et elle était encore moins heureuse d’entendre plusieurs rumeurs stupides comme quoi elle aurait commise un acte grave ou une grossière erreur. Non, rien de tout cela. Elle avait juste fait confiance à une vieille folle qui l’avait enfermé dans un terrible … Genjutsu.

Elle avait voulu que la Kawaguchi renaisse comme une vraie Kawaguchi et fasse un avec le sable. C’était tout le contraire. Elle avait tout détruit et n’avait rendu que des plus incertains la demoiselle. La sensorialité exacerbée était plus un fardeau qu’une aide … Sans bracelet, elle était apte à divaguer jusqu’aux confins du désert. Effectivement, une Kawaguchi des plus sensibles en plein milieu du désert n’était guère une très bonne idée.

- Je suis ravie que tu puisses te reposer. Je n’ai pas vraiment cette chance, et ce n’est pas juste à cause du projet. Les bracelets … mes aspirations … J’en dors plus vraiment.

Elle dormait déjà bien mieux qu’il y a un mois. Ses cernes avaient disparus, son poids était revenu à la « normale » et son teint de mort l’avait quitté. Elle était en bonne santé, physiquement du moins. Autrement, les cauchemars persistaient et les peurs étaient toujours aussi présentes.

- J’aurais bien voulu que tu ignores ces bracelets. Ils ont tendance à me mettre de mauvaises humeurs, surtout maintenant que trois quarts des Shinobis sont au courant de mon problème.

Elle soupira, espérant sincèrement passer sur un tout autre sujet de conservation. Cependant, plus les secondes s’écoulaient, et plus elle se rendait compte qu’Anseï la fixait … avec un air interrogateur –ou perdu, elle ne saurait dire.

Elle soupira à nouveau. Il ne semblait pas au courant de son « souci » et il aurait pu continuer à en être ignorant si elle n’avait pas dit une ou deux phrases mystérieuses tout à l’heure. Devrait-elle s’expliquer ou passer sous silence ce « détail » ?

« Pourquoi cacher. Il le saura bien vite … ».

- Pour des raisons qui me sont propres, j’ai quelque souci à maîtriser mon chakra. Pour … prévenir d’indésirables et malheureux accidents, mon clan a trouvé judicieux de m’imposer une entrave de chakra temporairement. Maintenant, il y a … une possibilité de l’enlever. Je ne me sens pas encore vraiment prête mais enfin, on verra bien hein ?

Elle lui lança un regard faussement accusateur.

- Les Shinobi adorent en parler … tellement c’est inédit, dit-elle avec une fausse voix amusée.

Elle tentait de rire de la situation mais c’était peine perdue. On l’énervait plus qu’autre chose et en faire part activait les bracelets. Ils s’illuminèrent d’une douce lumière dorée. Elle préférait taire sur le fait que dans ce cas, le chakra était sous influence de ses émotions. Dans ce cas-là, elle pourrait fracasser quelque chose, ou menacer avec le sable …

« Mais pas broyer des cerveaux » ne put-elle s’empêcher de penser. Il y avait des … améliorations.

Elle inspira et aussitôt la lumière disparut. Elle avait, à nouveau, reprit contrôle.

- J’ai hâte de partir en voyage. J’attends qu’on me confie une mission sur Konoha … et j’y vais. Il est plus que temps que je me recueille sur les tombes de la famille maternelle. Cela doit faire … 7 ans que j’y ai plus mis les pieds. L’herbe, les arbres, les oiseaux, les fleurs, les sources chaudes relaxantes après une longue et froide journée …. Je suis un peu nostalgique.

Elle s’interrompit, les commandes étant arrivées.

- Et toi … Tu dois l’être aussi je suppose. Tu sembles toujours être en souffrance avec la chaleur et le soleil du Pays. Tu disais que tu étais venu de Yuki no Kuni non ?

Si oui, effectivement, l’environnement était drastiquement différent.

- Est-ce que cela te manque des jours ? demanda-t-elle, curieuse de savoir si elle était la seule à ressentir de la nostalgie vis-à-vis de son pays natal.

Les explications que donnait Tsukiko semblaient intéresser le voyageur, ce n'était pas tant apprendre ce genre de détails qui maintenait son écoute mais plutôt de se savoir assez fiable aux yeux de la Sunajin pour les lui confier. Cependant le regard que lui jeta la demoiselle ne fut pas pour lui plaire, loin de là. Lui, ne se permettrait jamais de juger quiconque sur quoi que ce soit. Malgré leurs nombreux échanges passés, l'Habashi se rendait compte qu'au final, que ce soit Tsukiko ou un autre; on le connaissait assez mal. A vrai dire, la plupart des personnes qu'il eut le plaisir de côtoyer n'avait apprit de lui qu'une chose : son lien de parenté avec la Kazekage. Enfin, c'était assez réducteur mais tout de même assez révélateur pour être souligné. Oui, il apprenait beaucoup sur ses ''compatriotes'' alors que l'inverse n'était pas vrai. Il lui suffit de voir les bracelets s'illuminer pour, encore une fois, s'en rendre compte.

Il en apprenait encore davantage au fil des mots qui s'écoulaient de la bouche de la Kawaguchi. Ses goûts, ses origines, ses problèmes... Tant d'information qui entre de mauvaises mains pouvaient se montrer dangereuse, surtout pour elle. Enfin, Anseï était loin d'être un sociopathe ou encore un être abritant de sombres desseins. La chuunin pouvait dormir sur ses deux oreilles avec un tel comparse. Leur commande était enfin sur la petite table. Le Yukijin pouvait humer le parfum du plat, tout ceci lui semblait fort apetissant. Equipé des deux baguettes à disposition, il se prépara à entamer son repas lorsque la blondinette renchéri. En bon gentleman ou par signe de respect; il les reposa et prêta son oreille une nouvelle fois à ses paroles. Ce n'était pas vraiment pour lui déplaire. Une fois qu'elle eut terminé, en lui posant une question aux allures faciles; il prit une première bouchée, mastiqua quelques secondes et de nouveau déposa ses armes de dégustation. S'essuyant les lèvres avec une des serviettes enroulées dans le pot en bois à sa droite, il répondit; à son tour.

Bien sûr, il ne parlerait pas que de lui; ce serait trop facile...

-Ah... Je ne prête pas vraiment d'attention aux rumeurs, même si elles sont vraies. Je trouve que tu as raison, tu es libre de faire ce que tu veux, non ? Souriait-il en pointant l'un des bracelets de ses baguettes. Les sentiments sont une chose qu'il faut apprendre à maîtriser. En tant qu'Habashi, j'ai du apprendre à les canaliser, et cela n'a pas toujours été évident... Enfin. En baissant la voix.
-Yuki... Reprit-il rapidement. En fait, ce n'est pas tant que j'aime ce pays, mais il est plus facile, à mon sens, de se réchauffer que de se désaltérer; d'autant plus pour quelqu'un comme moi. Maintenant, dans la mesure où je pourrais y retourner à tout moment, non, Yuki ne me manque pas.

Pour l'Habashi qui avait grandi entre les murs d'un temple au cœur d'une forêt, comme sa sœur; les notions de pays, de frontières ou de lieu de vie n'avaient pas vraiment de sens. Il se sentait partout chez lui et préférait, certes, les endroits pas trop chauds. Mais jamais un lieu ne pourrait lui manquer, tout ce qui perdurait dans le temps ne pourrait lui manquer. En revanche, le manque qu'il ne pouvait nier était celui de l'absence de sa défunte compagne. Il avait vécu pendant presque dix années avec cette femme, alors pour lui... Ce n'était pas évident. Un mot lui revenait "souffrance". Finalement, sans rien dire, il laissait à ses nouveaux compagnons l'occasion de le connaître un peu plus. Il n'en avait jamais eu l'impression mais maintenant que la remarque était lancée; il était vrai qu'il dégageait ce sentiment. Malgré ses tristes pensées, il sourit. Il reconnaissait en la Kawaguchi une fine observatrice.

Le jumeau fit alors le choix d'en livrer plus à son sujet.

-En fait, en dehors du climat, il y avait une chose qui me faisait aimer ce pays : ma femme. Mais, elle n'est plus. Donc, je n'avais plus de raison d'y rester... Souriait-il à moitié.
-Bref! Mangeons à notre... travail!

Ajoutait-il en prenant une nouvelle bouchée.

Maîtriser les sentiments était un exercice ardu. Comment pouvait-on décider quand être en colère ou être triste ? Etait-ce seulement possible de prendre le contrôle de l’impulsif ? Hormis perdre la notion de « sentiments » et récolter un caractère indifférent et des nerfs des plus tendus, elle ne gagnait rien. Cependant si elle se laissait aller, elle risquait de blesser autrui. Elle était tentée de lui demander comment avait-il réussi ce challenge mais se tut. Chacun avait sûrement sa façon de gérer ses angoisses, peurs et colères. A chacun de le trouver.

- Effectivement, se contenta-t-elle de dire quand il précisait qu’il était plus aisé de se réchauffer que de se désaltérer.

L’homme avait principalement besoin d’eau et de pain. Dans les régions froides, l’eau abondait et la nourriture était trouvable via la pêche ou la chasse aux phoques. De plus, il y avait la possibilité de se réchauffer via des peaux d’ours, ou à l’extrême, faire appel à la chaleur humaine naturelle. Enfin, il se disait un Habashi, il devait savoir mieux que quiconque adapter la température d’une pièce ou encore concentrer la chaleur pour en user de manière adaptée.

- Hum ? Rien ne te manque ? Pas même un ami ou une maison d’enfance ?

Elle était étonnée. Le pays natal ne lui manquait pas du tout. N’y avait-il donc rien laissé, rien qui l’y rattache ? Malgré de nombreux démons, il y avait tout de même une ou deux choses qui l’obligeront d’y revenir de temps en temps. Elle ne pouvait pas dire simplement et purement « mon pays ne me manque pas ». Une critique un tantinet égoïste. Elle s’en rendit compte lorsqu’il fit part d’un sujet personnel.

Ainsi donc, il avait une femme. Et elle était décédée. A peine avait-il fait part de cette annonce qu’il prit une nouvelle bouchée de son plat. Tsukiko souriait faiblement aussi, et fit de même en piochant dans son propre plat. Elle avait perdu trois membres proches très importants et savait donc assez bien qu’il ne servait à rien de s’apitoyer ou de pleurer. Les phrases stéréotypes comme « je suis désolé » avaient bien trop peu de sens.

Ce qui devait arriver arrivait. Aux vivants de continuer leur petit chemin jusqu’à leur propre terminus.

- A notre travail !

Le travail … Elle se tut un court instant, et réfléchissait.

- Le travail … Parlant de travail. J’aurais une petite requête. Il y a de cela quelques mois ou semaines, tu avais découvert le cadavre d’un garde du mur je crois bien. Peux-tu me donner bien plus de détails s’il te plaît ? Je pense que l’événement est relié à la mort des Conseillers. Mais je n’en suis pas certaine.

Parlons travail effectivement. Et autant commencer par le plus simple. Ou le plus ardu. Elle aurait voulu étayer davantage le sujet de Yuki no Kuni – et savoir si ces histoires d’hommes vivants dans des maisons de glace étaient vraies – mais il semblerait que le sujet ne soit guère adapté. Cela semblait rappeler davantage de mauvais souvenirs.

- J'étais en charge de protéger un des Conseillers. J'ai failli. Je souhaite au moins connaître l'identité de l'auteur de ce crime, annonça-t-elle.

Elle ne craignait guère d'en faire part dans un lieu public. Elle se savait suivi. Tant par les hommes de Kioshi - qui voulait sûrement s'assurer que la protégée ne se tuait pas ou ne se faisait pas tuer - que par les hommes du clan que par les auteurs de ce fameux crime. Des observateurs, il y en avait un vrai petit paquet et encore, à voir qui prenait cette tâche au sérieux.

Anseï écouta la Kawaguchi émettre sa requête. Elle voulait en savoir plus quant à ce qui s'était passé le soir de l'intrusion dans le village, quant à la mort d'un des gardes. Le voyageur savait parfaitement ce qui s'était produit, d'ailleurs il connaissait toute l'histoire en détail.

Sa sœur n'avait pas eu de complexe pour parler de ça devant lui, et lui avait comprit. Leur clan avait été, jadis, une formidable famille de négociants, de marchands et hommes d'affaires; et jamais leur défunt ne leur avait caché, même dès leur plus jeune âge, les tenants et les aboutissants de son travail. Alors la manœuvre de la Kazekage pour favoriser le développement de Suna ne l'avait pas choqué, loin de là.

Il se rendait compte que tous les Sunajin ne pensaient pas la même chose et qu'une grande partie d'entre eux ne pouvaient et ne pourraient comprendre. Il se demandait si Tsukiko en faisait partie. Pouvait elle comprendre le but de tout ceci ? Ou était elle armée d'un sens de la justice si aiguë qu'elle ne saurait faire la distinction entre nécessité et gratuité ?

Dans le doute, l'Habashi préférait rester vague et simplement raconter ce qu'il savait avant d'apprendre l'identité et les raisons du commanditaire. Et dans le fond, il n'était qu'une pièce rapportée à ce village, et ne considérait pas cette Place comme sa nouvelle maison, ou nouvelle famille. Alors leurs problèmes... N'étaient pas vraiment les siens.

-Le soir où un garde a été retrouvé mort... Oui, je m'en souviens. Ben, je ne sais pas grand chose, le pauvre a été frappé dans le dos avec une dague... Mais son assassin a été tué peu de temps après si mes souvenirs sont corrects...

Et son cadavre devait reposer à la morgue de Suna, ou peut être pas. Depuis le temps le corps du Ketsueki avait dut être enterré ou brûlé.

Anseï n'avait que peu de connaissances sur le fonctionnement de Suna sur ce point précis. Que faisaient ils du cadavre d'un ennemi ? Peut-être y avait il quelque part une fausse commune, ou un cimetière sans pierre d'identification. Il n'en avait strictement aucune idée et aussi, rien à faire. Mais ça, il se gardait bien de le dire; ça le regardait.

Était la vraie raison qui motivait leur rencontre dans ce restaurant, ce jour ci ? Permettre à Tsukiko de faire avancer son enquête ? Ou alors l'occasion faisait elle le larron ? Encore une fois Anseï était incapable de le dire, cependant, si c'était là la vérité; il serait déçu. Et cela confirmerait bien ce que représentait pour lui les shinobi : des arrivistes.

-Dis-moi Tsukiko, ton enquête est ce qui a réellement motivé cette rencontre, ou je me trompe ?

Ajoutait-il d'une voix toute à fait calme avant de prendre une nouvelle bouchée...

- NON ! répondit-elle du tac-au-tac, sans réfléchir, et instinctivement.

Quelques têtes se retournaient suite à la réaction soudaine et impulsive de la blonde. Oui, on pouvait prétendre qu’elle avait été exagérée mais elle n’en était rien. Tsukiko ne cessait de s’embrouiller avec ses connaissances ces derniers temps, et plus que jamais, elle tenait à maintenir un bon contact avec ceux qui restaient.

- L’enquête occupe tous les jours mes esprits. C’est une des rares choses qui me permet de penser à autre chose qu’à mes … soucis personnels. Et … Cela revient même quand je parle. Quand je veux parler. Je … suis désolée de t’avoir donné ce sentiment, finit-elle par dire.

En somme, une workalcoholic, en somme une demoiselle se tuant au travail. Littéralement. Elle mangea un peu, piquant sans grand appétit de son plat.

- Par contre … ce n’est pas totalement désintéressé. D’une, je voulais te voir car tu es, je crois, l’un des rares avec qui je peux discuter sans que cela … ne vire à l’hécatombe. Je ne sais pas comment tu fais mais tu arrives à ne pas m’énerver, ou à me calmer, dit-elle en riant nerveusement, ne sachant pas si elle le blessait ou le glorifiait par ces paroles.

Elle soupira longuement, soudainement mal à l’aise à l’idée de lui présenter la seconde raison.

- Mais aussi pour parler d’Habashi Zanshi, ta sœur. Durant l’enquête, j’ai trouvé … un indice, une sorte de journal, d’une personne qui disait que Zanshi était différente depuis son retour à Suna, et son couronnement comme Kage. Je veux dire, le pouvoir change beaucoup de monde, et je comprends mais …

Il y avait cet indice, et il y avait la mauvaise humeur de Kioshi.

- J’aurais aimé demander à maître Kioshi mais il ne semble pas vraiment de bonne humeur ces temps-ci, conclut-elle en haussant les épaules. Je voudrais savoir pour comprendre si Zanshi court ou non un danger.

Certes, tout tournait autour de l’Ecarlate mais peut-être parce qu’elle pouvait être le centre même de cette attaque ou d’un grand complot ? Il y avait aussi les doutes qu’elle soit impliquée dans ce complot, mais cette hypothèse, elle préférait la garder pour elle. Le premier qui la dira à haute-voix ne sera pas elle. Pour sûr. Quitte à jouer l’hypocrite ou passer pour une fille extrêmement naïve.

- C’est une femme intelligente, et avec une idée bien précise pour diriger Suna … Plus ou moins, elle en fait un lieu où il fait bon de vivre. Je ne veux pas que tout ceci s’effondre. Je ne veux pas avoir à tout reconstruire. Encore.

Et s’emmurant dans un silence, elle continua à manger. Non, elle ne voulait pas que tout tombe à l’eau, que ses murs explosent et qu’un conflit ne démarre. Encore. Elle ne voulait pas voir des morts, des blessés ou annoncer des morts ou avoir la nouvelle de la mort d’un proche. Encore.

Les explications de la kunoichi rassurèrent vaguement Ansei. C’tait donc la situation qui faisait l’occasion. L’Habashi concéda donc lui le bénéfice du doute. Maintenant que l’idée que cette rencontre n’était pas qu’amicale flottait dans son esprit, il aurait du mal à s’en défaire. Il voulait croire sa jeune interlocutrice, donc il ne releva pas, ni ne chercha à démontrer la chose. Que les derniers événements ayant entaché la tranquillité du village occupent les esprits était assez compréhensible et finalement tous les moyens étaient bons pour trouver une solution. Néanmoins la chuunin ne frappait à la bonne porte, tout au oins si elle espéré déceler une quelconque information. Le voyageur l’avait écouté, et après une énième bouchée de son assiette qui se dégarnissait à vue d’œil ; il répondit.

-Ce n’est pas grave. Mentit-il.
-Tu voudrais savoir si j’ai constaté un changement, c’est ça ? Oui je suppose qu’elle a changé. Je n’en sais rien pour tout dire. Je suis arrivé à Suna il n’y a pas si longtemps, j’ai vécu quinze années en pensant que je ne la reverrai pas. En quinze ans… Les gens changent. Enfin, je suppose.

Sa sœur avait changé, il le savait. Tout ce qu’elle avait, enduré et infligé n’avaient pu la laisser intact. Mais il tait incapable de dire dans quel sens elle avait changé. Anseï avait connu Zanshi durant son enfance, il n’avait assisté à aucun événement qui aurait pu la muter. Tous les jours il la voyait, elle semblait calme, paisible même. Elle travaillait beaucoup, dormait peu sauf quand la masse de travail diminuait, c’est à die rarement. En dehors de l’Unité et du complot des conseillers, rien ne sortait de l’ordinaire. D’ailleurs cela le troublait un peu à certains moments, c’état comme si zanshi se contenait, retenait quelque chose. Enfin, une simple impression injustifiable dont il ne pouvait parler à quiconque.

Il observa encore un instant sa jeune interlocutrice. Elle était vraiment préoccupée par beaucoup de choses. L’habashi se demandait si elle ne frôlait pas le surmenage. Avec son vécu, Anseï avait appris à lâcher prise parfois, à laisser couler les choses et à ne s’en inquiéter que lorsqu’elles allaient poser un véritable problème. Peut être était ce ce-dont manquait cette jeune femme : de recul et de distance. Pour lui c’était facile, il connaissait toute l’histoire, savait certainement plus de choses que la Kawaguchi, mais l’un n’empêchait pas l’autre. Un shinobi, même s’il aimait sa patrie, son village et tout ce qui pouvait constituer cette sphère, cela ne l’empêchait pas de vivre plutôt simplement, sans se poser de questions sur tout, et n’importe quoi. Cette effervescence était apparemment l’apanage des nouvelles générations…

-Je comprends que tu veuilles élucider toutes ces affaires, connaître le fin mot de l’histoire. Mais parfois, il faut savoir lâcher prise. Un temps du moins. Te consacrer à autre chose, te changer les idées. Toutes ces choses que tu recherches ne disparaitront pas du jour au lendemain, elles peuvent attendre un peu. D’ailleurs, peut être y verras tu plus clair, avec du recul.

Il esquissa un nouveau sourire avant d’avaler le dernier morceau de viande qui se baladait impunément dans son assiette. Il s’essuya la bouche avec la serviette en papier qui trainait là et joignis les mains en s’inclinant légèrement. La scène devait être surprenante, surtout pour ceux qui n’y connaissaient rien aux Habashi. Puis il reprit.

-C’était un très bon repas. Il faut savoir profiter des choses positives que t’offre la vie, Tsukiko ; et laisser de côté le reste. Penser à soi avant de penser aux autres n'est pas une mauvaise chose. Laisse donc Kioshi, ma sœur et les autres gérer ces problèmes, et retournes y plus tard.

Sourait-il toujours...

La petite blonde ne pouvait s’empêcher de secouer sa tête avec un petit rire presque « amusé ». Effectivement, il était si aisé de conseiller de « penser » à autre chose, et prendre du « recul » en laissant tous ces « soucis » aux autres le temps de quelques jours. Cependant, si ce n’était pas le problème des « autres », c’était les siens qui la harcelaient. A choisir le pire, c’était clairement l’enquête et ses secrets plutôt que ses soucis personnels tantôt avec son chakra, tantôt avec l’équipe, tantôt avec le clan. On racontait qu’un malheur n’arrivait jamais seul après tout.

- Et que suis-je censée faire ? Prendre ma retraite ou un arrêt maladie ? rigola-t-elle, trouvant ces deux alternatives stupides et impossibles. Suna avait besoin de tous ses effectifs pour pouvoir débusquer les véritables auteurs – ou les fuyards – de cet attentat. C’est impossible, il y a beaucoup de travail.

Butée, elle l’était. Jeune, elle l’était davantage. Elle n’avait nullement la maturité ou l’expérience d’Ansei. Les pertes qu’elle avait subies avaient davantage rendu sa nature un tantinet obstiné et « sauvage » ou « indocile ». Elle pouvait paraître adorable, et toujours obéissante mais comment est-ce possible pour une demoiselle n’ayant fait qu’avancer de ses propres ailes, empruntant les bons ou mauvais chemins ? Un moment ou un autre, car il le faut dans son esprit, elle n’hésiterait pas à fausser compagnie. Ainsi, à cet instant, on pourrait lui demander ou lui ordonner d’arrêter qu’elle s’entêterait que davantage à désobéir. Enfin, quand on s’y attendrait le moins, elle agira un brin plus différemment – voire à l’opposé de tout ce qu’on avait connu.

Cependant, jamais – et elle était formelle là-dessus – elle ne perdrait de vue son but. Etre acceptée parmi les « siens » ou encore protéger ceux qu’elle aime, malgré tout ce qu’elle a à subir, qu’elle subit ou a subi. Les explosions au sein de Suna, ou encore une histoire de marché passée – dans le journal de Yogan – ne poussaient que davantage Tsukiko à débusquer le danger qui rôdait dans le village, le lieu où ses êtres précieux vivaient, mangeaient et dormaient.

Une véritable motivation, ou alors de simples excuses pour ne pas mettre le nez dans ses affaires personnelles ?

- Je ne peux plus utiliser mon sable, alors faire mes sculptures de sable, c’est impossible ; Hormis coucher sur papier des choses que je n’accomplirai pas avant longtemps, voire jamais, est ma seule occupation … Je crois bien. Cet handicape ... m'énerve. Et il ne faut pas que je m'énerve.

Elle se tut à nouveau.

- Le travail m’aide à ne pas me concentrer sur d’autres problèmes. Disons que je prends mon recul de certaines situations en me plongeant dans une autre. Une attitude suicidaire ou folle, diras-tu, mais je n’ai jamais été connu pour ma grande sagesse ou mon « intelligence », clôtura-t-elle avec un sourire un tantinet timide.

Et puis il fit quelque chose de totalement surprenant : un sorte de « salut » ou remerciement religieux, geste « banal » pour un croyant. Les yeux de Tsukiko s’agrandirent un court instant devant cette petite scène inhabituelle, mais aussitôt elle retrouva ses traits habituels…. Avec une petite touche de curiosité.

- Tu es un croyant ? ne put-elle s’empêcher de demander. Je ne voulais pas être indiscrète. Je suis juste un peu surprise et ….curieuse, se rattrapa-t-elle, tant bien que mal, et maladroitement. Après un petit moment de silence, elle se permit de poser une nouvelle question sur ce geste. En qui … ou quoi crois-tu ?

Les divinités étaient si nombreuses au sein du Yuukan qu’il n’était guère étonnant de demander l’objet de culte à chacun. Entre les Démons, les Anges ou les Forces Mystiques intouchables … L’annuaire des Religions était assez vaste et rempli.