*Mes frères, mes sœurs, mes anciens concitoyens…*

Toujours à la recherche de réponses sur les événements de mon passé, j’en suis venu à la conclusion qu’investiguer les montagnes étaient une bonne tactique. J’ai eu vent, rumeur en fait, que quelque part dans les monts, il y avait une grotte. Dans cette crevasse d’anciens citoyens d’Osai auraient débuté l’enseignement de l’Art du Sabre à des brigands et des félons.

*Dans quel but? Quel est leur angle? Où se dirige-t-ils avec ça?*

Après plusieurs heures de recherche infructueuse, quelques questions à des touristes et à des organisateurs, je me rends à l’évidence : cette grotte n’est probablement pas ici. Il y a tant de montagne et si ce n’est pas à Kaminari, il est possible que ça soit à Tetsu no Kuni. Ma quête sera longue si je ne trouve pas d’avantage d’indices.

Trouvant une source particulièrement chaleureuse, je décide donc de m’adonner un à entraînement impromptu et relaxant. Seul au sommet d’un mont particulièrement élevé, je ne crains pas d’être dérangé. Donc, j’enlève mon chandail blanc, révélant cicatrices et tatouages, et ma ceinture munie de plusieurs Katanas, j’attache mes cheveux, je range mon cure-dent dans une des poches de mon jeans et, Froideur et Déshonneur en main, je pratique quelques mouvements au ralenti. Je commence évidemment par les bases, les coups classiques et les parades avant de me laisser aller et tenter des mouvements plus avancés.

Cette source émane une odeur harmonieuse avec la température. Mélange unique d’aloès et de rose, la vapeur qui sort de ce petit bassin me laisse croire que sous l’eau, il y a probablement du magma ou un passage jusqu’à une nappe de lave profonde dans la terre.

L’espace au sommet de cette minuscule montagne est limitée. Il y en a suffisamment pour me mouvoir sans difficulté autour de bain à la vapeur parfumée, mais pas assez pour réellement faire visiter à plus que deux ou trois touristes. La source n’est pas assez grande pour contenir plus d’un adulte complet et, donc, ne peut pas servir de bain public.

Ainsi, valsant autour de ce bassin, imitant des attaques et des défenses dignes des grands Bushi de feu Osai sous un soleil puissant et un chaleur intense, je me laisse me détendre. Mes yeux se ferment maintenant que je connais mon environnement et mes muscles produisent la force sans que je n’aie besoin de la demandé consciemment. En fait, je suis près de la méditation.

Un bruit me sort radicalement de mon état.

Je me retourne, gardant la source de ce son en vue et, dans ma vision périphérique, l’emplacement où se trouve la totalité de mes sabres. Mon expression devient plus douce aussitôt que je remarque qu’il s’agit d’un jeune homme sautant sur les roches prêt de ma location. Souriant, j’attrape mon chandail et m’essuie le front avant de le remettre.

« Bonjour, » dis-je d’un ton suffisamment élevé pour que l’agile personnage m’entende puisque le bassin produit un certain bourdonnement. « Vous pouvez venir partager l’endroit si ça vous dit. J’ai terminé! »

Voyant la réaction de l’enfant, je me mets à rire. Il est vrai que je n’avais pas songé une seule seconde à l’allure que j’avais et à ce que ma proposition pouvait apporter comme sous-entendu. J’essuie mon visage une nouvelle fois et je me retourne complètement pour lui faire face. Alors que le jeune Shinobi agile me pose différentes questions, je tire sur un de mes carquois que j’avais laissé sur le sol. Cet étui d’un contour métallique contient cinquante sabres. Il est évidemment plus gros que mon autre carquois similaire qui, lui, en contient trente. Je pousse donc le deuxième un peu plus loin, laissant un espace respectable entre les deux, et je m’assois sur le plus gros tout en pointant d’une main l’autre. Ainsi, s’il désire prendre place, il pourra s’installer là.

Lorsqu’il mentionne l’alliance historique des Bushis et du village caché des Nuages, je souris. De plus, il exprime qu’il ne m’a jamais remarqué au sein de Kumo. Ce jeune est bel et bien plein de surprises. Je crois qu’il a déjà compris ce que ça pouvait impliquer et les problèmes potentiels qu’un homme comme moi pouvait causer. Inversement, il doit aussi comprendre que je suis potentiellement un allié important puisque la masse des Samuraïs est maintenant très faible.

« En effet, jeune homme, vous êtes quelqu’un d’observateur, » commence-je en souriant. « Je suis né à Osai, village de Tetsu no Kuni et, lors de la Grande Guerre, j’ai dû fuir. En bref, je recherche d’autres survivants de cette cité et c’est cette recherche qui m’a amené jusqu’à Kumo. »

Je ressors un cure-dent de mon jeans et mes doigts se mettent à jouer avec.

« J’ai d’autres choses à faire, aussi, comme rencontrer votre dirigeant, » dis-je en soutenant le regard du Ninja. « Mais, pour l’instant, je tentais de suivre une rumeur comme quoi il serait possible que les gens que je cherche se cachent dans une grotte d’une montagne. Mais, bon, ce pays est rempli de montagnes! »

Je sors une gourde d’eau de la poche de mon carquois et me désaltère en avalant quatre longues gorgées ce qui a comme effet de vider pratiquement la moitié du contenant. Je l’offre par la suite à mon invité impromptu.

« Au passage, je me nomme Takusanken! Vous pouvez m’appeler Taku! Je suis enchanté de faire votre connaissance, habitant de Kumo. »

J’étais souriant face à cet individu que je ne connaissais pas vêtu d’un habit plutôt extravagant, mais, toutefois, très élégant. Il semblait honnêtement intéressé par l’art que je pratique, beaucoup plus que par mon histoire, ça en était évident puisqu’il avait passé la majeur partie de mon monologue à observer ma main qui s’amusait sans que je ne lui demande avec mon cure-dent.

Il me fait une demande un peu particulière. Il aimerait que je lui enseigne un art qui, en moyenne, nécessite plus d’une vingtaine d’années à comprendre et maîtriser. Il faut dire que je sais d’expérience qu’il est possible d’en apprendre les mouvements de base en une semaine, je l’ai déjà démontré, mais pour en avoir une utilisation plus grande que chasser deux ou trois brigands de grand chemin, il faut beaucoup plus que quelques explications rapides.

« J’aimerais bien vous montrer ce que je sais, jeune Kuro, mais ce n’est pas en quelques minutes qu’il est possible de le faire, » commence-je en me grattant l’arrière de la tête. « Pour faire simple, dites-moi combien de temps vous voulez mettre sur cet apprentissage et je verrai ce que je peux enseigner. Sachez que pour simplement connaître les bases, il faut environ une semaine à raison d’une demi-journée par jour, » termine-je en mettant de l’emphase sur le mot le plus important : connaître.

Je sors une serviette de la pochette de mon carquois et m’essuie le visage une fois de plus avant de la ranger de nouveau. Je me désaltère aussitôt de quelques gorgées additionnelles d’eau. Je dépose la bouteille au sol et m’avance vers mon interlocuteur et dépose mes bras sur mes cuisses. Je l’observe dans les yeux et je rajoute.

« Aussi, ça dépend de votre niveau! Avez-vous combattu souvent, au sabre? Êtes-vous déjà un apprenti ou, mieux, un habitué? »

Un grand sourire apparaît sur mon visage. Alors, il désire apprendre les bases en deux jours. C’est possible, je suppose, mais les coins seront tournés ronds. Il ne comprendra rien à l’essence et n’aura que les résultats. Ce n’est pas une bonne chose. Son esprit n’est pas prêt à ce genre d’apprentissage. Je me lève et essuie la sueur de mon visage une nouvelle fois grâce à une manche.

« Je n’y crois pas, Kuro. Ce n’est pas que je pense que vous n’y arriviez pas. C’est que je crois que vous n’aurez pas pleinement accès aux petits détails en cherchant à évoluer trop rapidement dans cet art. »

Je retire Déshonneur de ma ceinture et je lui tends, en tenant le bout du fourreau.

« Si vous arrivez à retirer ce sabre de son étui, je vous apprendrez les mouvements de base. Cependant, je ne m’occuperai pas de votre entraînement successif. Vous devrez les maîtriser vous-même. »

Déshonneur, mon Katana personnel. Il est nécessaire de comprendre l’essence même de l’Aura d’un Samuraï pour pouvoir penser l’utiliser et en découvrir les secrets. Il est carrément impossible que Kuroba puisse effectuer cette tâche que je lui demande.

Je reprends aussitôt place sur mon grand carquois et j’avale une nouvelle rasade d’eau claire. Une fois rafraichis, je lui demande s’il connait quoi que ce soit des Bushis et de la nation fière qu’est le Pays du Fer. Je le regarde avec intensité, tentant de comprendre ses raisonnements et son approche de l’analyse, car, même s’il trouve les touches et les boutons cachés, il n’arrivera pas à les utiliser. Je veux voir comment il pourra gérer la déception. Ainsi, je saurai réellement qui est cette personne.

Intérieurement, cette rencontre me fait le plus grand bien. Elle me permet de me distancer de mes problèmes, en l’occurrence les Katsuos et ma quête de les retrouver, et des autres tâches qui m’encombrent. C’est vrai que le côté diplomatique des alliances et d’être au sein du groupe Zen’Ryou est largement plus complexe que je ne l’avais cru au départ. Ça commence à peser lourd sur mes épaules.

Je ferme les yeux pendant un long moment tout en soupirant. Cette rencontre qui, de prime abord, semblait prometteuse s’avance lentement sur une pente plus désagréable. Il est complètement impossible pour moi d’apprendre à cet homme la voie du sabre en l’espace de deux jours et je n’ai pas ce temps. J’ai d’autres responsabilités. Et, honnêtement, son arrogance m’exaspère.

En ouvrant les yeux, je fais réapparaître ce sourire qui est, un peu, ma marque de commerce. Cachant ainsi mes angoisses et incertitudes face à Kuroba, ce jeune Kumojin plein d’assurance, mais trop énervé, trop pressé, pas assez concentré. Je le fixe pendant quelques secondes et, ensuite, je frappe mes mains l’une contre l’autre.

« D’accord! Le point le plus important, dans la Voie du Sabre, est de comprendre la mélodie des choses! C’est la base, en fait! Spirituellement, il faut être capable de se connecter et de comprendre leur rythme. Pour ce faire, » dis-je en prenant la position du lotus, « il faut méditer. Donc, si vous voulez suivre mon enseignement, la première étape est d’être capable de faire le vide, d’être l’Univers, de comprendre ce qui nous entour, d’être à la fois un avec le monde et unique dans l’espace. »

Je me gratte l’arrière de la tête, attendant sa réaction, et je jette, ensuite, mon cure-dent dans ma bouche. Je lui lève le pouce de ma main gauche, celle même qui a envoyé le bout de bois entre mes dents.

« Bon, si vous voulez que je vous enseigne les bases, il faudra être capable de vous concentrer aussi longtemps que nécessaire et, ça peut prendre des jours, et ensuite seulement vous mériterez le droit de connaître les bases de la Voie du Sabre, mais je ne crois pas que vous êtes apte à apprendre l’idéologie qu’est le Bushido, chose que je ne veux pas répandre de toute façon. »

Je hoche de la tête, le visage ferme, ancré dans la certitude que j’ai de ne pas vouloir enseigner l’idéologie de mon ancien village.