« Est-il judicieux de venir ici sans prendre la moindre précaution vis-à-vis des autres membres de l’organisation ? »

Dans les faits, elle n’avait pas tort. Ni Naminomai, Hachi ou encore Shinpuru n’avaient reçu d’indications durant cette halte faite à Kaze no Kuni. Et il était vrai que partir à Suna pendant quelques-jours était un exercice délicat, même si les shinobis étaient libérés d’un poids de taille. Les Furyous avaient été repoussés et leur chef plus ou moins vaincu. Mais comme il avait pu s’en rendre compte au cours d’une discussion avec les Mamoru, les choses n’allaient pas forcément s’arranger pour les villages shinobis.

Le poids des décisions civiles, des Daimyô, de certains clans… tout ceci pouvait avoir créé un climat assez suspicieux au sein même du village caché du Sable. S’y rendre maintenant pouvait selon le point de vue adopté être une mauvaise idée. Mais Howaito n’avait pas pris cette décision à la légère. Il était inutile de vouloir revenir dessus, et donc tout aussi non avenu de répondre à l’interrogation de son bras droit, Daini.

La jeune femme était habituée aux longs voyages, bien qu’elle n’ait jamais aimé ça. Mais le parcours qu’elle avait fait sous un soleil de plomb l’avait épuisé. Et la fatigue amenait d’autres ressentis négatifs à se manifester comme l’animosité ou le manque de clairvoyance. Fort heureusement pour eux, ils étaient bientôt arrivés.

Le moine blanc n’avait jamais pu admirer le système Saibogu qui avait donné naissance à la Voie Illusionnée. Il la comprenait, mais pas totalement. C’était en partie pour ça, et pour montrer sa bonne volonté, qu’il avait marché dans le désert en faisant bien attention à se faire remarquer par des avant-postes. Ainsi, lorsque le duo arriva près de l’emplacement plus ou moins connu du village, un garde était déjà là, à les attendre.

Ce fut Daini la plus fatiguée, qui prit la parole en premier.

« Bonjour, nous aimerions…
─ C’est inutile, ma chère. »

Daini était aussi la moins rusée. Howaito tourna son regard vers la kunoïchi et pointa du doigt le garde de Suna, manquant presque de le toucher.

« C’est un « simple » garde, qui n’est là que pour nous faire attendre. On a du nous repérer dès que l’on a marché sur la Voie Illusionnée, et comme nous leur sommes inconnus et que nous possédons un chakra non-négligeable, ils vont envoyer quelqu’un de plus… apte à nous recevoir. N’est-ce pas la vérité, monsieur… ? »

Ses yeux s’en allèrent scruter le garde. Mais comme il aurait pu s’en douter, ce dernier ne répondit ni d’un mot ni d’un geste. Muet comme une taupe, se référant aux instructions qu’on avait du lui donner dans ce cas-là. Il fallait donc attendre.

Les premiers travaux au sein de Suna avaient commencé, plusieurs équipes de Sunajin furent envoyées en différents endroits avec des convois. Ils avaient tous une mission simple : escorter et acheminé du matériel jusqu'au village. La tâche pouvait paraître simple, mais le risque n'était pas moindre. Les marchandises de valeur plaçaient chacune des personnes alors en déplacement sous une tension constante, jusqu'à leur retour en fait. Malgré la baisse des effectifs présents, Suna disposait toujours d'assez d'hommes pour se défendre efficacement, d'autant que le chef du Kakumeigun et sa supérieure directe en faisaient partie.

J'attendais maintenant depuis quelques jours déjà l'arrivée d'une lettre qui devait signer le début d'une nouvelle alliance, ou quelque chose de similaire tout au moins. Le plan de Kaze no Kuni se mettait donc en place, lentement mais sûrement. En attendant, j'étais toujours plongée dans les dossiers, et dans mes pensées. La voix du vieillard résonnait par moment comme un écho dans une pièce vide, finissant par se taire certainement par lassitude d'être ignorée. Rein d'autre que donc que cette lettre n'était prévu à mon planning alors quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'on m'avertir que des étrangers s'étaient présentés...

Comme d'habitude, je n'avais que peu d'informations sur la situation si ce n'était une approximations sur la force des arrivants. Ils étaient shinobis, ou tout au moins disposaient de chakra. Je doutais fortement qu'il s'agisse de Kumojin ou de Konohajin, et encore moins de membres du Shukai. Ces derniers auraient averti de leur venue pour éviter le risque d'être renvoyé d'où ils venaient. Non, ceux là ne devaient pas venir d'un village, ou alors ils ne venaient pas sous la responsabilité de leur Kage. Donc, du coup, cela fut une occasion pour moi de me changer les idées, de me dégourdir les jambes. Les dossiers clos, je quittai alors le palais.

Quelques minutes après je fus à la voie illusionnée. La traverser me paraissait toujours aussi long, une impression due à la hauteur des murs, et à la longueur du simili tunnel. Avant de sortir de la pénombre de la voie, j'arrêtai la marche et observai les deux étrangers. Je ne les avais jamais vu, ils ne figuraient pas -encore- dans le bingo de Suna. J'avais une bonne mémoire visuelle, j'étais sûre de n'avoir jamais croisé leurs visages que ce soit sur une photo ou dans une rue d'une quelconque ville. Je quittai l'obscurité des murailles pour rejoindre la clarté du désert. Une brise aussi chaude que l'air vint balayer le sable alentour, agitant ma longe chevelure.

Derrière moi, le long des hauteurs de voie nous observaient les gardes. Ils étaient assez curieux de voir leur Kazekage se déplacer à chaque arrivée sortant un peu de l'ordinaire. Je posai mon regard rougeoyant sur les deux ninjas comme pour tenter de deviner les raisons de leur venue ici. J'espérais seulement ne pas avoir à faire à un nouveau Seitô... car la patience me ferait cette fois défaut.

"Bonjour. Je m'appelle Zanshi."

Souriais-je finement avant de reprendre.

"Vous êtes perdus, je suppose."

Spoiler:

Cela avait été rapide, mais Howaito n’en avait pas perdu une miette. Un spectacle aussi beau visuellement que scientifiquement. Une jeune femme était sortie comme de nulle part et avait rejoint le garde. La Voie Illusionnée était vraiment à la limite du mythe, tant son architecture incompréhensible de base laisserait les plus grands spécialistes dégoûtés et tant son efficacité avait de beauté. De l’extérieur, personne ne pouvait savoir avec exactitude comment entrer et où le faire. Cela n’empêchait pas ceux qui voudraient attaquer la cité de le faire, mais ce mécanisme semblait parfait pour empêcher l’infiltration.

Howaito déplaça naturellement son regard sur la nouvelle arrivante. Et de bien des manières, il en arriva rapidement à la conclusion que c’était la Kazekage en personne qui s’était déplacée. Un honneur peut-être inquiétant ? Non, un honneur, tout simplement.

Tout d’abord, il n’y avait qu’à regarder son allure sereine pour comprendre qu’elle était ici chez elle. Et une kunoïchi « chez elle » à Suna avec les cheveux écarlates, il n’y en avait pas trente. Autre façon de tirer une conclusion : le regard surpris du garde qui avait fait patienter le moine blanc et son bras droit. De la surprise, rattrapée par du respect.

Habashi Zanshi se présenta par son prénom, comme pour mettre tout le monde d’accord. Jamais Howaito ne l’avait rencontrée, mais il se doutait que ce n’était pas le genre de femme à qui il aurait intérêt à baiser sa main pour être courtois. Non, le mieux était d’adopter un comportement plus neutre, sérieux mais tout aussi respectueux.

« Vous vous doutez bien que non, madame. A vrai dire, j’aurais espéré pouvoir bénéficier d’un petit séjour au sein de votre village pour y faire trois choses : le visiter, avoir une entrevue avec vous et rendre visite à une amie qui est l’une de vos kunoïchis. En passant, je vous présente Daini, qui m’accompagne. Quant à moi, je me prénomme Howaito. »

Il s’était tourné vers son bras droit, toujours une épée imposante derrière le dos. Néanmoins son regard se reporta vite vers l’Ombre du Vent. Ce n’était pas suffisant pour se faire entendre. Il fallait montrer de la compréhension, et de toute façon Howaito n’avait aucune raison de mentir.

« Je sais que malgré les récents évènements à propos des Furyous vous devez continuer de maintenir un certain niveau de sécurité, mais je n’ai nullement l’intention de faire quelque-chose de répréhensible ici. De fait, si vous préférez nous faire surveiller ou nous refuser l’entrée, je comprendrai tout à fait, bien que je serai déçu d’avoir parcouru un si long chemin pour venir ici. »

Habashi Zanshi, il n’avait pas pensé que ce serait elle qu’il rencontrerait en premier ici, mais c’était tant mieux. Car pour trancher sur ce qu’il allait pouvoir faire ici ou non, elle était la personne la plus indiquée.

Madame. Cette marque de respect me fit tiquer. Elle me rappelait que je n'avais plus tout à fait les traits de ma jeunesse d'antan et surtout que je venais d'atteindre mon trente et unième anniversaire. Je n'allais pas lui tenir rigueur de ce simple mot, je n'en avais jamais voulu à personne d'avoir fait une telle distinction. En revanche si le terme pouvait faire référence à l'âge, il définissait aussi un statut social, mariée, ou pas. En l'occurrence, ou pas.

A cet endroit, devant le village; je me sentais confiante et plus en sécurité qu'ailleurs. Je savais les gardes de le voie et du rempart prêt à intervenir en un éclair, même si, dans le fond; je n'avais pas besoin d'eux. Et encore moins maintenant. En effet, cet homme d'apparence calme et posée semblait plutôt venir en paix qu'autre chose. Un bon point pour lui. Le visage relâché, l'expression du regard, l’intonation de la voix... Tout concordait.

Ce fut donc après les quelques minces justifications et raisons qu'exposa le voyageur que je répondis. Je ne changeais rien à mes habitudes ni à mon caractère. Je n'avais jamais emprunté de métaphores pour m'exprimer, et c'était bien plus simple pour faire comprendre un point de vue, et davantage pour laisser entrevoir qui j'étais, et pourquoi j'étais ici, devant cet Howaito et sa compagne de voyage.

"Les voyageurs, shinobi d'autres horizons et parfois civils; croient que ce village est une attraction touristique. On visite, et on y retrouve ses amis... Pensez-vous la même chose ? Je ne sais à quoi peut être due cette idée. Il paraît que Suna est accueillant et ouvre ses bras à quiconque s'y présente. Une légende urbaine ô combien dangereuse."

Commençais-je. J'observais toujours les deux arrivants. J'aurais pu leur refuser l'accès au village et les renvoyer dans le désert; néanmoins et je l'avais déjà reconnu, ces deux là n'exprimaient aucune sorte d’agressivité et mieux encore s'étaient déjà résignés à une éventuelle reconduite. Cela me changeait de tous ces péquenauds pensant pouvoir imposer leur bon vouloir à un village et une nation...

"Parce que Suna n'est pas un lieu de vacances, ni de rencontre; mais une base militaire. Cependant, puisque vous n'avez fait preuve d'aucune animosité à l'encontre de Suna -ou même de mon nom-, je pourrais consentir à vous laisser entrer. Et si jamais vous aviez une intention cachée; n'ayez de crainte que nous la découvririons rapidement. Bien! Avant de vous laisser emprunter la Voie Illusionnée, je dois vous demander d'où vous venez, et ce que vous êtes vraiment, en dehors de voyageurs."

Finis-je en souriant. Je savais qu'ils étaient des shinobi, mais d'où venaient ils, qu'étaient ils en dehors de ninjas ? Ils pouvaient tout aussi bien venir du Shoraizen, qu'être de simples voyageurs, ou tout autant des espions... Non, je ne devenais pas paranoïaque, mais en tant que Kage; je me devais de prévoir toutes les éventualités. Alors même si je gardais bonne figure et tentai de témoigner de l'intérêt, je n'en ordonnerai pas moins au Kakumeigun de les surveiller, nuit et jour, jusqu'à leur départ.

Une femme forte. Voilà le premier ressentiment que le moine avait envers son interlocutrice. Bien entendu, ce n’était pas surprenant de voir ça de la part du Kazekage, mais il fallait remarquer qu’elle n’était ni une kunoïchi tyrannique, ni une diplomate perdue. Elle semblait avoir un bon équilibre, l’idéal pour un dirigeant. Quant à ses qualités au combat et aux divers arts shinobis, cela aurait été déplacé de vérifier, Howaito fit confiance à la réputation de celle qui semblait petit à petit lui accorder le séjour qu’il voulait.

Tant mieux parce qu’il était en accord avec les paroles de l’Ombre du Vent. Une destination touristique, une façon bien singulière mais efficace de qualifier Suna et tous ceux qui avaient du vouloir y pénétrer. Certains oubliaient qu’avant d’être un village, un village shinobi était un campement militaire. Et là-dessus, la dirigeante de Suna avait choisi des mots similaires pour qualifier ce qu’elle commandait. Ne pas oublier… de réfléchir ? Howaito savait dans quoi il s’engouffrait en venant ici. Le moindre faux pas de sa part et ses actions pourraient lui valoir des problèmes. Mais il était ravi de voir qu’au moins les villages semblaient chacun s’accorder sur une hausse de leur rigueur…

« Rassurez-vous, je ne suis pas d’un de ceux qui considèrent normal de se balader ou de profiter des villages shinobis. C’est une permission que je vous demande de m’accorder car mes motivations ne sont en rien conflictuelles avec les vôtres. »

Il esquissa un sourire, et jeta un coup d’œil sur le côté. Ce dernier était bien entendu destiné à celle qui l’accompagnait, la jeune Daini. Nom de code : D. Ce regard signifia à cette dernière de se présenter.

« Comme on vous l’a dit Kazekage, mon nom est Daini, je suis une kunoïchi errante qui accompagne monsieur Howaito.
─ Attendez… « monsieur » ? Hm bref passons. Je suis un moine, et j’ai rencontré Kawaguchi Tsukiko, son clan m’avait sollicité pour lui enseigner certaines valeurs. C’est elle, mon amie, que je suis venu voir. En plus de vous, bien entendu. »

L’homme marqua une courte pause. Il fallait faire la liaison, et profiter de l’instant opportun.

« D’ailleurs, si vous consentez à nous laisser entrer, m’accorderez vous un entretien avec vous dès maintenant ou plus tard ? C’est comme vous le voudrez, mais j’aimerais m’organiser. »

Il repensa à Daini et à son « monsieur ». Elle l’avait appelé « monsieur », ce n’était pas arrivé depuis longtemps...

Il était rare de rencontrer, aux portes de Suna; des personnes se présentant aussi simplement, et répondant de façon si peu agressive. Entre les Konohajin et leurs déserteurs, les Kumojin et autres shinobi du Shukai; je n'avais que l'embarra du choix quant aux comportements inappropriés. Je me rendais donc à l'évidence que les plus aptes à communiquer, malgré leur dénomination d'errant, restaient ce genre de personnage. Néanmoins, d'autant de sincérité pouvaient ils faire preuve, que je n'en croyais pas un mot. Etait ce le rôle de Kazekage ou simplement ma personnalité versatile qui provoquait une telle paranoïa ? Je ne pus le dire. En revanche une chose était certaine; un bon shinobi ne devait accorder sa confiance qu'à peu de personnes. Cet Howaito en faisait il parti ? Cela restait à découvrir.

J'observais la comparse du monsieur. Daini se nommait elle. Comme le déni ? Etrange coïncidence, enfin; cela ne me regardait pas pour l'instant. Une décision se présentait alors face à leur requête, c'était l'une des rares fois que j'autorisais un étranger à pénétrer dans Suna. Bonne ou mauvaise décision... Seul l'avenir me le dirait. J'acquiesçai donc d'un léger mouvement de tête à leur dernière phrase et répondis.

"Tsukiko ? Elle sera donc la garante de votre bonne foi. Je consens à vous laisser entrer dans notre village mais la première incartade sera aussi votre dernière, vous voilà averti. Quant à l'entretien... J'ai d'autres choses à faire aujourd'hui, mais vous serez les bienvenus demain matin, cela vous convient-il ?"

Je n'avais pas la moindre idée de ce dont il voulais s'entretenir avec moi. J'espérais seulement qu'ils ne soient pas les annonciateurs d'une mauvaise nouvelle. Suna avait déjà bien assez à faire avec le projet de développement et la menace que représentaient d'autres Nukenin... Je leur fis alors signe de la main, les gardes à mes côtés reprirent leur position, et nous nous avançâmes entre les deux gigantesques pants de muraille qui formaient la voie illusionnée. Sur les remparts les Sunajins en poste restaient en alerte, observant les deux étrangers. Cette rencontre s'était avérée assez intéressante, je n'attendais que de voir si la suite le serait tout autant...