Un sifflement s'éleva dans le silence et je rendis mon corps malléable pour me protéger d'un projectile qui aurait sûrement lacéré mon épaule en temps normal. Je me retournai pour faire face à la menace, sachant pertinemment qu'elle n'était pas loin de moi. Le soucis? Dans l'obscurité de la grotte je n'arrivais pas à percevoir le moindre mouvement adverse. J'étais aussi impuissant qu'un aveugle lâché comme gibier dans une chasse à l'homme et je ne pouvais que me contenter de réagir. Un rire s'éleva dans l'immense espace clos et j'allongeai mon bras pour frapper dans la direction dont j'estimais qu'il provenait. Mon poing ne rencontra que la roche et l'impact me vrilla le bras.

- "Ça ne sert à rien de fuir! Je te vois!" m'avertit-il avec une vois calme et posée.
- "Qui te dis que je souhaite m'échapper?" répliquai-je, bien moins assuré que lui.

L'autre ne répondit pas mais aucun d'entre nous n'était dupe: j'étais dans une sale situation et je n'avais absolument pas l'avantage. Je ne vis pas venir l'attaque suivante et je me rendis compte que j'avais été frappé en plein torse lorsque je roulai sur le sol pour venir m'écraser contre une stalagmite. Je serrai les dents en tentant de prendre appui sur mes bras pour me redresser. Le tout en crachant un filet de sang sur le sol rocheux et en respirant avec peine. De mémoire je n'avais jamais été dans une situation si désespérée. Et pour la seconde fois de ma vie j'en venais à envisager ma propre mort!

<=====< 3 heures plus tôt >=====>

La routine: une patrouille dans le désert! Je m'étais éloigné de Suna dans la matinée et j'avais marché le plus clair de la journée dans l'océan de sable qui caractérisait notre nation à la recherche d'éventuels fauteurs de troubles, ennemis ou tout autre menace pour le village. La mission était simple: surveiller la zone nord de Suna en compagnie d'autres genins pour nous assurer que le périmètre restait sûr. Le genre de travail que je détestais car la plupart du temps aucun étranger n'était assez stupide pour s'aventurer dans le désert. Il s'agissait plutôt d'une simple balade qui prenait des allures de calvaire étant donné la fournaise qui s'abattait sur le pays en pleine journée. Les saisons n'existaient pas vraiment ici...

Je passai donc la journée à rechercher quelque présence étrangère ou inhabituelle dans cette portion du désert avant de rejoindre le point de rendez-vous fixé par mes camarades. Nous allions passer la nuit près d'une oasis de la région avant de reprendre le travail le lendemain. J'appréhendais déjà ces retrouvailles puisque je savais que j'allais être l'objet des moqueries et quolibets des autres patrouilleurs. Il y avait certaines choses qui ne s'oubliaient pas facilement et ces derniers gardaient toujours en mémoire le fait que j'aie refusé mon grade il y avait quelques mois de cela. J'allais tenter de rester stoïque et ignorer avant de repartir de mon côté dès le soleil levé...

Lorsque j'arrivai sur place je marquai un temps d'arrêt pour dévisager la petite étendue d'eau et la flore verdoyante qui la ceinturait: c'était beaucoup trop calme! Aucune silhouette ne se dessinait dans la lueur que projetait le feu de camp et je fronçai le sourcils comme si ça avait pu m'aider à comprendre ce qu'il se passait. Il ne semblait pourtant pas y avoir de menace et je poursuivi donc mon chemin jusqu'à arriver à destination. Il me fallut un moment pour trouver les corps ensanglantés qui jonchaient la zone. Mais qu'est-ce qu'il s'était passé ici?

*Et merde...*

Je récoltai à regret les plaques portant le symbole de Suna sur les cadavres en me disant que ce serait une preuve suffisante pour attester de leur mort. En espérant qu'on allait pas me foutre ça sur le dos... Quand j'arrivai finalement près d'une corps d'une jeune femme et que je me penchais sur elle pour vérifier son pouls, cette dernière m'agrippa fermement par mon manteau pour hisser sa tête vers mon oreille. Trop faible, du sang au coin des lèvres et sur la poitrine, elle ne parvint qu'à bouger de quelques centimètres. Suffisamment néanmoins pour que je puisse discerner dans la lumière vacillante des flammes l'horreur qui se peignait sur ses traits plutôt agréables en temps normal.

- "Attends! Ne bouge surtout pas!"
- "Il... Il est... encore là!" balbutia-t-elle.
- "Qui? Qu'est-ce qu'il s'est passé ici?"
- "Fuis! Dé...Dépêche-toi!"
- "Reste avec moi!" soufflai-je en sortant ma gourde. "Accroche-toi, ça va aller! S'il-te-plaît!"

Non... Elle rendit son dernier souffle et je soupirai doucement avant de passer ma main sur son visage pour fermer ses yeux. Je me redressai pour regarder autours de moi à la recherche de ce il. Le salopard qui avait fait ça se trouvait-il bien dans les parages? Je n'eus pas à attendre longtemps avant d'en obtenir la confirmation: une ombre se déplaça rapidement jusqu'à moi en quelques sauts. Il semblait s'être tapis au sommet d'un palmier et je n'avais pas remarqué sa présence jusqu'à maintenant. L'inconnu s'arrêta à quelques mètres de moi et me décocha un sourire qui n'avait rien d'amical:

- "Tiens tiens tiens..." commença-t-il. "C'est que je n'aurai pas perdu ma soirée!"

Je restai silencieux, estimant que ça ne servait à rien de répondre quoi que ce soit. Je serrai en revanche les poings tout en m'approchant de celui qui était vraisemblablement responsable de la mort de mes camarades.

- "Ho! Combattif?" s'amusa-t-il. "C'est bien! Essaie de rendre les choses un minimum intéressantes!"
- "Je vais les rendre bien plus que ça!" murmurai-je.
- "Et tu ne me dis même pas que je vais payer pour ce crime odieux?" ironisa-t-il en retour. "Quelque chose sensé me faire trembler de peur?"

Il voulait trembler de peur? Je comptais bien lui donner ce qu'il désirait! Je pris finalement de l'élan avant de bondir pour décocher une frappe qui souleva une gerbe de sable à l'impact. L'homme, lui, n'était déjà plus là! Un mouvement sur ma gauche m'indiqua sa nouvelle position et j'envoyai en réaction mon pied en avant pour tenter une frappe circulaire. L'autre sauta pour l'éviter et me décocha un coup de poing qui me propulsa en arrière, tout près du feu. J'infléchis ma course pour éviter de me retrouver dans la flamme, m'aidant pour cela d'un palmier comme point d'encrage. Lorsque je relevai le regard ce fut pour constater qu'un dragon de pierre me fondait dessus, sa bouche béante prête à se refermer sur ma personne. J'eus à peine le temps d'activer l'un de mes sceaux pour absorber le jutsu avant de le renvoyer à son envoyeur. Ce dernier évita une nouvelle fois avec une agilité déconcertante...

- "Ne crois surtout pas que tu vas m'avoir avec ce genre de techniques!"
- "Je n'en suis qu'à l'échauffement!"

Mouais! Échauffement ou pas, je n'en menais déjà pas large! Mais il était hors de question de jouer la carte de la fuite pour l'instant. Je me jetai une nouvelle fois à l'assaut, déterminé à remporter la victoire et venger la mort de mes camarades. Non qu'au fond ça m'importe réellement mais c'était surtout une question de principe. En tuant ces genins il était devenu un ennemi de Suna! Et en tant que tel il ne méritait que la mort...

<=====< 1 heure plus tôt >=====>

Le combat s'était encore prolongé quelques temps mais je n'avais jamais eu l'avantage! Tous mes assauts se retournaient contre moi et je n'avais pas réussi à toucher une seul fois mon assaillant. Lui, en revanche... Mon corps portait nombre de stigmates et si je n'avais pas été un Akuzu j'aurais sûrement déjà passé l'arme à gauche. Ma réserve de chakra commençait à devenir critique et j'étais épuisé. L'autre, en revanche, semblait aussi frais qu'au début de notre affrontement. Il n'y avait pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il était plus fort que moi et que lentement mais sûrement j'étais en train de perdre ce combat!

J'avais alors décidé de fuir pour rejoindre un terrain que je connaissais mieux en usant de fumigènes pour me dissimuler. Ce qui n'avait pas eu l'air de déranger mon adversaire qui grâce à ses étranges pupilles semblait être en mesure de me suivre n'importe où. Il m'avait coupé la retraite et je n'avais eu d'autres choix que de me réfugier dans les grottes du temps! C'était l'un des rares endroits que je ne connaissais pas entièrement de Suna mais si c'était le cas pour moi, ce devait aussi être vrai pour lui. Après quelques échanges de coups qui tournèrent à nouveau à l'avantage de l'inconnu au regard étrange, je fuis à nouveau dans les profondeurs des cavités. Ce n'était pas une bonne idée et je le savais! Mais je n'avais pas vraiment le choix pour changer...

- "Tu ne fais que prolonger ton agonie et repousser l'inévitable, gamin!" annonça-t-il, sa voix se répercutant en écho contre les parois rocheuses.

Difficile de lui donner tort vu les circonstances...

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Je parvins finalement à me redresser mais ce fut pour recevoir un coup de pied en plein visage. Je sentis du sang couler de mon nez et de ma lèvre éclatée tandis que j'essayais à nouveau de me relever. C'est alors qu'une douleur que je n'avais que rarement connue m'engloutit dans la souffrance. Cette dernière se répercuta dans mes membres tandis que je poussais un cri pour l'exprimer. Une lame venait de traverser ma cuisse et le moindre mouvement pour bouger se révéla infructueux. La faible clarté qui filtrait à travers une fissure dans la roche me dévoila la présence de mon adversaire qui tenait fermement la poignée de son katana dans la main gauche.

- "On dirait bien que c'est la fin du voyage..." s'amusa-t-il en me dévisageant.

À nouveau, difficile de lui donner tort...

C'est un peu dans ce genre d'instants qu'on regrette de ne pas avoir assez vécu et que l'on se rend compte de son attachement à la vie. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle défila devant mes yeux à ce moment-là mais je me remémorai néanmoins la plupart des moments agréables de ma vie: mon enfance, les longs voyages au plus profond du désert en compagnie de mes parents, mon passage à l'académie puis la rencontre avec Yami, Oniri et l'offre de rejoindre l'équipe de la Kazekage. C'est dingue, même les dictées que cette dernière me faisait subir semblait agréables à présent. J'aurais volontiers donné tout ce que je possédais pour revivre certains moments de mon existence comme si je prenais conscience que je ne les avais pas assez savourés. C'était un peu l'histoire de la vie que de ne pas savoir apprécier le moment présent pour constamment se projeter dans l'avenir...

Je lâchai un soupire en appuyant ma tête contre la roche et en savourant la sensation de fraîcheur sur ma peau. Même la plus petite chose insignifiante revêtait des allures de véritable trésor. Pourquoi n'avais-je pas dit tout ce que j'avais sur le coeur aux personnes concernées? Pourquoi n'avais-je pas plus profité de mon existence au lieu de m'acharner à la détruire? Pourquoi, pourquoi et pourquoi? Tant de questions qui m'assaillaient et si peu de réponses à leur donner...

- "Reste encore un peu avec moi..."

L'autre pensa certainement que j'étais en train de perdre connaissance à cause du sang qui s'écoulait de ma plaie profonde à la jambe. Une artère tranchée? Sûrement, ouais! Tant que la lame de son katana restait figée dans ma chaire je n'en perdais toutefois pas suffisamment pour mourir rapidement. Et mon adversaire devait le savoir puisqu'il la gardait immobile comme si le fait de prolonger mon agonie lui procurait du plaisir.

Je redressai la tête pour dévisager celui qui m'avait traqué pendant les heures qui s'étaient révélées les plus longues de ma vie. Je n'avais guère eu le temps de le dévisager avec attention mais maintenant que j'étais immobilisé et que la mort me tendait les bras j'eus le loisir d'observer plus attentivement son étrange regard. Ses iris étaient pratiquement grises tandis que des stries rouges les parsemaient selon un schéma parfaitement ordonné. Était-ce grâce à ces yeux-là qu'il avait pu me localiser avec précision même dans la nuit la plus sombre et l'obscurité presque absolue de la grotte?

Je n'avais que rarement vu des Dôjutsu à l’œuvre à part celui d'un Hyûga que j'avais sauvé des affres du désert quelques années plus tôt. Cette vision était captivante, presque apaisante. Je me noyai un instant dans ce regard tandis que l'autre lâchait un nouveau rire amusé. Tout ceci semblait n'être qu'un jeu pour lui et je pouvais le comprendre: il était plus puissant que moi et il n'avait jamais été mis en danger comme s'il pouvait presque percevoir mes attaques avant que je les lance. Ce n'était rien de plus qu'une partie de chasse pour lui...

- "Merveilleux n'est-ce pas? C'est rare de rencontrer quelqu'un qui sache apprécier ce qui l'a conduit à la mort..."
- "Je... ne suis pas encore mort!" lançai-je comme une bravade.
- "Non, bien sûr! Mais toi comme moi savons que ça ne saurait tarder n'est-ce pas?"

Je me détendis comme si l'envie de lutter pour ma survie m'avait quitté. Il fallait se rendre à l'évidence: j'étais fais comme un rat! Et l'autre jouait à merveille le rôle du chat qui s'amuse avec sa proie avant de la dévorer.

- "Pourquoi s'en prendre à des genins?"
- "Pourquoi?" répéta l'autre, son sourire s'agrandissant. "Allons... Il ne faut pas toujours une raison à tout! Certaines choses arrivent, tout simplement! Mais si je devais mettre un mot sur les raisons qui m'ont poussées à vous abattre, je dirais qu'il s'agit simplement de l'expression d'un désir de vengeance!"
- "Vengeance?"
- "Tu es peut-être trop jeune pour y avoir participé mais Suna a fait la guerre par le passé! Et comme toute guerre il y a eu des victimes innocentes pour l'accompagner! Disons que j'ai perdu des gens qui m'étaient chers et que si le conflit est terminé le souvenir, lui, reste bien profondément ancré dans ma mémoire!"
- "Je vois..."
- "Permets-moi d'en douter! Tu imagines, tout simplement..."

Je n'avais ni la force ni l'envie de débattre avec lui sur ce point. Je baissai le regard quelques instants avant de relever mon oeil valide vers lui:

- "Et maintenant?"
- "Tu vas mourir, évidemment!"
- "Pourquoi attendre?"
- "Parce que je veux que tu saisisses bien tout ce que tu vas perdre avant de fermer définitivement les yeux!"
- "C'est du sadisme..."
- "Non, c'est la vie!"

Là encore, je ne comptais pas débattre avec lui sur ce point. Il n'avait pas tort quant au fait que je me rendais compte de ce que j'allais perdre: mes rares amis, mon bar, le plaisir de sentir le vent caresser mon visage ou la sensation du sable chaud sous mes pieds. Tant de choses que je voulais encore vivre et que je ne ressentirais plus jamais.

- "Tu m'accordes une dernière faveur?"
- "Demande toujours..."
- "J'aimerais boire un peu d'alcool et m'en griller une dernière?"
- "Et bien... oui, fais donc! Je ne suis pas à quelques minutes près vu le temps que j'ai perdu à te courir après. Mais savoures-les car ce seront tes dernières gorgées et bouffées!"
- "Merci... je suppose!"

J'activai un sceau qui libérer une bouteille de saké avant de me rouler une cigarette avec mes mains tremblantes. Ho ça oui, je comptais bien les savourer. Je ne pouvais pas boire d'alcool mais ce n'est pas ça qui allait m'arrêter. Je voulais juste sentir son goût une dernière fois et fumer tranquillement tandis que la vie me quittait peu à peu. J'allumai ma cigarette avec peine avant de poser à nouveau la tête contre la roche et cracher la fumée en direction de la voûte. Est-ce que ça allait s'arrêter là? Est-ce que je vivais réellement mes derniers instants?

Est-ce que j'en étais vraiment réduit à accepter mon sort? J'avais toujours pensé que j'étais combattif et que j'arriverais à écarter le moindre obstacle de ma route. Alors pourquoi est-ce que je baissais les bras tant qu'il me restait la force de me battre? Allais-je laisser la victoire à un homme qui avait tué mes pseudo-camarades sans rien faire? Sans la moindre trace de rébellion? Quitte à mourir, ne valait-il pas mieux que ce soit debout?

- "Tu sais je devrais te remercier tout compte fait!"
- "Ha? Je suis curieux d'entendre pourquoi?"
- "De m'avoir perforé la jambe je veux dire..."
- "Mais encore?"
- "Et bien... pour ça tu as dû t'approcher de moi! Et si j'ai bien compris comment fonctionne ton Dôjutsu, tu utilises la chaleur pour repérer les gens ou objets, n'est-ce pas?"
- "Je ne vois pas ce que tu pourrais faire pour inverser les choses, gamin!" se moqua l'autre.
- "C'est bien là ton erreur!"

Je brisai la bouteille en la jetant sur la sol. Elle y déversa son contenu tandis que j'activais mon briquet pour y bouter le feu. Des langues de flammes s'élevèrent vers le ciel, enveloppant mon adversaire et se répandant sur ma jambe blessée. Ce dernier, entre autre aveuglé, lâcha la poignée de son katana et j'en profitai pour me relever en poussant un nouveau cri de douleur tandis que les flammes commençaient à dévorer mon mollet. Je dégainai alors ma propre lame pour frapper à l'horizontale la silhouette nimbées de feu, tranchant d'un coup net sa tête qui roula sur le côté...

Je tapotai ensuite énergiquement la base de mes vêtements pour éteindre les flammes avant de prendre appui contre la paroi. Un sourire carnassier se dessina sur mon visage alors que je pris conscience que je l'avais finalement emporté. Non par la force pour une fois mais bien par la ruse. C'était nouveau pour moi mais je ne pouvais qu'apprécier cet état de fait. Mais je restais dans une grotte et loin de Suna. Si je voulais encore profiter de la vie j'avais tout intérêt à me hâter de rentrer. Et avec mes blessures ça n'allait guère être aisé...

Les massifs remparts de Suna étaient enfin en vue! Ils n'avaient jamais été aussi beaux qu'aujourd'hui et je savourai un instant cette vision avant de faire mon possible pour tenir debout. J'avais récupéré un bâton en chemin et m'en servait à présent comme semblant de béquille pour éviter de poser ma jambe blessée sur le sol. Le moindre poids que je lui imposais accentuait le perte de sang et envoyait des pointes de douleurs lancinantes dans tout mon corps. Je m'assurai rapidement que le semblant de bandage que j'avais fait avec mon t-shirt pour maintenir en place de mon défunt adversaire était toujours solidement attaché. Puis je poursuivis ma route vers la voie illusionnée avant de m'effondrer au sol quelques mètres plus loin.

Je tendis une main tremblante vers l'entrée de mon village en crachant du sang sur le sable qui l'absorba immédiatement, devenant noir à ce contact. Mon oeil valide se posa sur les remparts tandis que je me demandais si j'avais survécu pour crever si près du but. C'était plutôt ironique en y songeant! Mais d'une certaine façon je préférais mourir dans le désert et au soleil que dans une grotte humide et sombre. C'était une sépulture plus digne, digne d'un Akuzu! Je rampai encore quelques mètres en puisant dans mes réserves pour me mouvoir avant de finalement tomber inerte contre le sable, la respiration saccadée. Ça y est, c'était la fin! Je ne sais pas combien de temps s'écoula avant que j'ouvre à nouveau les yeux mais lorsque je le fis je pus discerner de vagues silhouette qui s'approchaient de moi et des voix qui semblaient aussi lointaines qu'étranges. Qu'est-ce que...

- "Il est encore en vie!"
- "Plus pour longtemps! Il a perdu beaucoup de sang!"
- "Emmenons-le à l'hopital!"
- "C'est déjà trop tard!"
- "On ne va pas rester sans rien faire! Tant qu'il respire, il y a de l'espoir!"
- "Vous deux, portez-le! Vite!"
- "Allez mon gars, tiens bon!" fit une voix plus proche.

Je me sentis soulevé du sol et remarquai alors la présence de deux gardes à côté de moi! Ils tenaient chacun l'un de mes bras passé autours de leurs épaules pour me soutenir. J'avais envie de les remercier mais ma gorge me brûlait à un tel point que je n'arrivai pas à produire le moindre son. Je me contentai de tenir fermement dans ma main le sac sombre qui renfermait la tête de mon adversaire. Je comptais bien utiliser l'un de ses yeux pour mon propre intérêt: je n'avais pas autant souffert et flirté avec la mort pour ne pas gagner une récompense! J'allais à nouveau voir des deux yeux! Et peut-être même mieux qu'avant...

Je perdis à nouveau connaissance mais peu de temps car lorsque je rouvris à nouveau l'oeil je me situais dans le passage rocheux qui caractérisait la voie illusionnée. Je pus à peine percevoir le regard inquiet d'inconnus qui se pressaient sur notre passage. C'était bien la première fois qu'on me considérait ainsi mais d'une certaine façon ça faisait du bien de voir qu'on me considérait comme un Sunajin blessé et non le paria qu'on voyait en moi habituellement. Les ténèbres m'étreignirent à nouveau sans que j'aille vraiment conscience...

Je repris conscience de longues minutes plus tard et je me trouvais à présent à l'hôpital. J'avais été placé sur un lit que des gens s'empressaient de pousser vers une direction inconnue. Sûrement une salle d'opération ou quelque chose dans ce genre-là. Bizarrement le seule chose qui m'inquiétait à cet instant, c'était de savoir si je pourrais à nouveau marcher! Je constatai également que je ne tenais toujours fermement le sac renfermant la tête de l'homme qui avait failli me tuer comme si même dans l'inconscience je ne pouvais m'en séparer...

- "Yami..." murmurai-je en reconnaissant la personne qui se penchait sur moi. "Ça va? C'est... drôle, tu as les... cheveux qui... bougent!"

Peut-être que la fièvre ou la perte de sang me faisait délirer. Sûrement, en fait! Je voulu me relever mais une pression douce et ferme en même temps m'en empêcha. À défaut je tendis avec peine le sac à Yami en usant de mes ultimes forces pour prononcer quelques mots:

- "L'oeil... Il me faut... l'oeil!"

Comprendrait-elle? Sûrement, oui! Quoi qu'il en soit j'étais à nouveau tombé dans l'inconscience et je n'aurais la réponse qu'à mon réveil! Si je me réveillais...

Je me trouvais à l'hôpital de Suna comme tous les jours où je ne me trouvais pas au Kakumeigun. J'aimais perfectionner ma médecine et sauver des sunajins par la même occasion bien que le contre coup du manque de chakra couplé à ma maladie grandissante n'était pas vraiment un bon mélange.

Je rédigeais des rapports médicaux suite aux soins apportés aux derniers patients et aussi sur le sang synthétisés et clonés que je m'évertuais à stocker pour conserver une trace identitaire pour simplifier nos données. Là dessus naîtrait un projet de grande envergure dont je devais tenir un mot à ma Kazekage pour obtenir son approbation pour lancer l'opération.
Cependant, je fus appelée pour venir aider de toute urgence au bloc où une personne arrivait en piteux état. Je courais dans les couloirs vêtue d'une blouse blanche pour me préparer à sauver une vie.

Bien vite, je reconnaissais Shinji qui présentait des blessures plus ou moins grave et notamment à la cuisse où un katana était encore planté et retenu par un garrot improvisé pour lui éviter une hémorragie. Vu la pâleur de sa peau il en avait sans doute déjà perdu en quantité alarmante. Cette même plaie semblait s'étendre jusqu'au genou via une brûlure profonde et probablement causée a bout portant. Pour le reste, il présentait des coupures éparses sur le corps y compris sur le visage. Je restais interdite devant son état mais me reprenait bien vite, il fallait faire vite. Il prononçait quelques mots et me reconnaissait ce qui était bon signe, tout en tentant de se redresser, ce que je l'empêchais de faire en placement doucement ma main sur son torse.

« Tu n'as pas intérêt à mourir... idiot... »

Lui disais-je, soudainement tiraillée par la peur.
Il me tendait ensuite un sac duquel je regardais le contenu avant de déglutir et d'écarquillé les yeux. A qui appartenait la tête de cet homme ? Shinji me demandait de lui greffer l'un des yeux du Samidare avant de tomber dans l'inconscience. Je connaissais ce dojutsu pour en avoir rencontré un dans le désert : ils étaient capable d'avoir une vision thermique.

J'emportais le sac avec moi et conduisait le brancard dans la salle d'opération. J'ôtais aussitôt le katana de sa cuisse où jaillissait un flot considérable de sang. J'en récoltais et en ingurgitais pour mieux ordonner le sens inverse à son fluide vital et retourner au sein de son corps meurtri. Je coagulais ensuite la plaie et y apposait mes mains recouvertes de chakra médical pour refermer la blessure en reconstituant les tissus. J'ordonnais à l'équipe de lui faire une transfusion car comme je le pensais ses veines et artères n'étaient plus aussi remplies qu'elles le devraient...
Je passais ensuite mes mains sur sa brûlure pour la résorber, visualisant le feu qui enveloppait sa chair pour l'atténuer et réparer une fois de plus les tissus nécrosés et j'opérais de même pour les blessures plus superficielles.

Ceci n'était pas ma première intervention et j'étais donc en charge de l'équipe médicale pour l'urgence, les médecins s'affairant à sauver d'autres victimes. C'était en revanche la première fois que je devais greffer des yeux... Il me fallait d'abord retiré l'oeil de verre de Shinji ce qui me créait un élan de nostalgie car j'avais su apprécier et même aimé son œil crevé puis celui de verre et aujourd'hui je lui faisais retrouver la vue via celui d'un autre, puissant.

En sueur, je m'essuyais le front contre une serviette maculée de sang. Cela faisait près d'une heure que je m'affairais aux blessures et j'allais désormais me mettre à la greffe. Je créais un scalpel de chakra pour ôter l'un des yeux de l'homme décapité et le plaçait dans un liquide conservant tandis que j'ôtais le faux de Shinji. Je déglutissais, j'avais peur de le faire souffrir même dans son inconscience si bien que je m'y reprenais à plusieurs fois, tentant d'être la plus douce et précise possible. Mes mains avaient été couvertes de sang si bien que je les rinçais dans un récipient empli d'eau pour finalement placer le dojutsu sur Shinji.

Après trois heures supplémentaires j'avais terminé. Des infirmières s'étaient chargées de surveiller constamment son pouls pour éviter les mauvaises surprises. Il était tiré d'affaire. Je sortais alors de ma ceinture deux tubes en verre et y conservait le sang de l'Akuzu que j'avais fait léviter depuis le mélange aqueux pour ne conserver que les molécules d'hémoglobine. Cela fait, je les rangeais dans la sacoche à ma taille où il y en avait bien d'autres... J'étiquetterais ceux là plus tard.

Je ne savais pas du tout comment Shinji en était venu à tuer cet homme pour ses pupilles et j'espérais qu'il ne l'avait pas fait dans cet unique but... Il trempait dans des affaires étranges ces derniers temps et il me fallait garder une longueur d'avance au cas où il décidait de nuire au village pour finir...

L'Akuzu quant à lui, était conduit à sa chambre où il se réveillerait d'ici quelques heures, sûrement complètement affaibli mais vivant, un bandage couvrait son œil nouvellement implanté tandis que j'avais emporté l'ancien avec moi. J'irais voir comment il se portait lorsqu'il aurait de nouveau ouvert les yeux.

En attendant, je m'asseyait vivement sur la chaise de mon « bureau » épuisée par les efforts et le chakra que j'avais fourni durant l'opération. Et, comme pour manifester mon épuisement, une gerbe de sang s'échappait de ma bouche pour venir entaché mon dernier rapport. Je plaquais ma main sur mon front pour m'ôter cet affreux mot de tête qui commençait à m'assaillir. Moi aussi j'allais me reposer quelques instants...

♫:

J'ouvris l'oeil lentement et il me fallut quelques secondes pour que ma vision s'affine et que je comprenne où je me trouvais! Je connaissais cette pièce puisqu'elle ressemblait étrangement à la seconde chambre dans laquelle Yami avait été hospitalisée suite à sa rencontre avec Monwa et Obli. Peut-être était-ce d'ailleurs la même! Je tentai de me redresser pour appuyer mon dos contre les oreillers mais une violente vague de douleur me submergea. Je serrai les dents et restai immobile un moment pour attendre que ça passe avant d'oser à nouveau bouger.

Mon premier réflexe fut ensuite de vérifier que ma jambe blessée était toujours rattachée à mon corps et qu'elle n'avait pas été remplacée par un moignon qui aurait sûrement marqué la fin de ma carrière de Shinobi. De ce côté là tout semblait en ordre! Elle était entièrement bandée et me faisait évidement souffrir mais j'arrivais à bouger les doigts de pied. Un bon signe! Je portai ensuite une main à mon visage et plus précisément au niveau de mon oeil crevé. Mes doigts rencontrèrent des bandages qu'ils s'empressèrent de soulever.

Ma vision habituelle se coupla alors à une autre façon de voir: des multitudes de couleurs allant du jaune pâle au rouge le plus absolu lorsque je jetai un rapide regard au soleil. Le mélange de ces deux styles visuels me donna immédiatement un mal de crâne épouvantable et un filet de sang se mit à couler de mon nouvel oeil. Je reposai précautionneusement le bandage sur ce dernier, estimant qu'il valait mieux ne pas trop forcer les choses pour l'instant.J'aurais tout le temps d'apprendre à maîtriser ce Dôjutsu dans le futur. Pour l'instant il fallait seulement s'assurer que la greffe tenait et vu que c'était Yami qui m'avait opéré j'avais plutôt bon espoir! Elle avait sûrement fait de son mieux pour me soigner et mon état en témoignait. J'étais encore faible mais j'avais été pris en charge avec efficacité.

Je posai ensuite le regard sur le goutte à goutte relié à mon bras et j'approchai ma main libre pour l'arracher avant de me raviser: c'était précisément ce genre de comportement qui m'avait mené aux portes de la mort. L'action irréfléchie! Jusqu'à présent je n'avais jamais eu à souffrir véritablement des conséquences de mes actes hormis avec Yami et lors de notre réveil dans le désert en compagnie de Tsukiko. Mais cette fois j'avais failli... mourir! Il était peut-être temps que j'accepte enfin certaines vérités et que j'ouvre les yeux sur le monde qui m'entourait! Chaque action provoquait une réaction, entraînait une conséquence. Je ne pouvais plus agir comme je l'avais fait jusqu'à maintenant sous peine de voir cette situation se répéter à nouveau!

*Ce Shinji-là doit disparaître!* compris-je, ayant mis le temps.

D'une certaine façon j'avais laissé une part de mon innocence et de mon immaturité dans cette grotte qui avait failli être mon tombeau... Il était temps d'arrêter de se laisser vivre et vivre, tout simplement. Profiter des joies que la vie nous offrait mais aussi accepter les responsabilités qui nous incombaient. Je repensai à ma mission avec Yami et Oniri dans le temple et la façon dont je les avais mises en danger. Ma réflexion s'étendit aux restes de mes missions et à mon comportement en général. Le soleil commençait à se coucher que je continuais de prendre conscience de certaines choses...

*T'es un sacré con en fait mon gars!*

J'allongeai mes bras pour venir fouiller dans les poches de mes vêtements proches et encore tachés de sang pour en sortir l'herbe que j'emportais en mission. Après un vague regard à cette chose qui vous ouvrait la voie vers des paradis artificiels, je la balançai à la poubelle! Je déclenchai ensuite de multiples sceaux pour me débarrasser de mon stock de la même manière. Dès que je serais sur pied je mettrai enfin de l'ordre dans ma vie! Je le devais! Il le fallait! Les choses allaient changer! Ho ça oui! Je ne serais plus le paria de Suna mais une personne digne de confiance, de respect et d'intérêt! J'allais rendre à mon village ce qu'il m'avait offert et si j'étais fier depuis longtemps de porter le symbole de Suna, Suna allait désormais être fier de me l'avoir confié...

J'avais l'impression de revivre! Comme si les fondations pourries de mon existence venaient de s'écrouler pour laisser la place à d'autres, plus saines... La porte s'ouvrit et une nouvelle arrivante me tira de ma réflexion même si je gardai sur les lèvres un étrange sourire. Je reconnus immédiatement Yami! Celle que j'avais tant fait souffrir par le passé et que je n'avais pas su garder! Les choses étaient compliquées entre nous. Et ce par ma faute!

- "Je suis vraiment désolé Yami!" annonçai-je d'entrée, parfaitement sérieux.

Comprendrait-elle que je parlais de nous ou penserait-elle que je faisais référence aux ennuis que je lui avais causés suite à mon retour de cette grotte?

- "Et merci pour ce que tu as fait! Je me porte comme un charme!"

La grimace que je poussai alors que je tentais à nouveau de me redresser laissait pourtant présager le contraire. Vaincu par mon propre corps, je me résolu donc à rester couché tandis qu'elle s'approchait de moi:

- "Quel est le pronostique?" demandai-je en craignant la réponse. "Je vais rester dans ce lit pendant combien de temps?"

Des questions qui semblaient nécessaires mais qui étaient bien loin de celles que j'avais envie de lui poser à cet instant...

Je m'étais assoupie contre ma pile de dossier sans même m'en rendre compte... Je plissais les yeux plusieurs fois pour m'habituer à la luminosité de la pièce. Le soleil, quant à lui était sur le déclin, épuisé lui aussi. J'avais retrouvé mes forces mais il fallait dire que ma maladie n'aidait pas vraiment pour que je me sentes pleinement revigorée.

Je me dressais, réajustant ma blouse blanche encore teinté du carmin de l'Akuzu, me dirigeant justement vers la chambre de ce dernier pour prendre de ses nouvelles. Le visage de ce dernier s'étirait sur un sourire étrange alors que j'entrais presque à pas de loup dans la pièce pour observer son comportement et s'il avait bien supporté la greffe.

Je refermais la porte derrière moi qu'il s'excusait déjà. Lui tournant le dos, j'écarquillais un instant les yeux avant de retourner un faciès d'incompréhension à son égard. Pourquoi s'excusait-il ? De cette intervention d'urgence ? D'être revenu avec la tête d'un inconnu, aux portes de la mort alors que je craignais pour sa vie ?! Ou bien est-ce que cela avait un sens plus profond ? Je ne saurais le dire et pourtant le ton de sa voix et sa sincérité à ce propos laissait supposer de cette face cachée...

Je déglutissais mais ne répondais pas, le laissant poursuivre alors qu'il me remerciait pour les soins que je lui avais apporté : précisant qu'il se portait bien. J'eus un soupir de soulagement devant cette réponse toutefois je savais qu'entre ce que Shinji me disait et ce qu'il en était vraiment il y avait peut-être une marge et je devais établir mon propre diagnostic : ce qui se confirmait au vue des grimaces qu'il arborait.

Je m'approchais du lit alors qu'il me posait quelques questions sur son état et surtout sur son temps de présence ici.

« Il est encore trop tôt pour le dire. Je vais te faire passer plusieurs tests et on avisera ensuite. Si jamais ta présence devait se prolonger quelques temps tu auras quelqu'un pour gérer le bar ? »

Je détournais de suite le regard sur mes paroles. Je voulais bien me proposer pour l'aider mais je n'avais de cesse de ressasser ce qu'il s'était passé et qui avait, entre autre, marquer la fin de notre histoire.

Comme pour me changer les esprits, je commençais mon bilan. Je touchais son front de ma main fraîche mais il n'avait visiblement pas de fièvre. Son rythme cardiaque était normal. Puisque j'avais goûté à son sang j'étais encore en mesure d'agir sur le sien pour contrôler si la pression semblait normale et si la transfusion c'était bien assimilée et c'était le cas : tout était en ordre de ce côté là. Je baissais les draps pour observer son torse sur lequel je passais le bout de mes doigts en effleurant les marques légères de coupures qui bientôt n'y paraîtront plus, un élan nostalgique dans le geste.

J'ôtais ensuite le bandage de sa cuisse, la plaie la plus profonde pour constater que tout c'était correctement refermé, il n'en garderait même pas la moindre cicatrice puisque j'avais pu intervenir suffisamment rapidement. Tout en observant cette blessure qui n'y paraissait plus je le questionnais :

« Tu pourrais peut-être m'expliquer maintenant pourquoi tu avais un katana planter dans la jambe et peut-être aussi comment tu en es arrivé à avoir la tête d'un Samidare dans ton sac ?

J'attendais bien évidemment des réponses de sa part pour comprendre le fin mot de l'histoire.

« Ne bouge pas ou cela pourrait risquer d'être douloureux. Pour éviter les vertiges ferme ton œil valide pendant tout la durer où ton nouvel œil fera son office d'accord ? »

Il s'agissait là de conseils fortement avisés. Ma main retira donc délicatement le bandage de son dojutsu. Il avait saigné et je me doutais qu'il s'était montré trop impatient. J'attrapais donc des compresses dans ma poche et nettoyait le fluide écarlate qui avait commencé à séché.

« Ne sois pas impatient ou tu pourrais le regretter... Tu vas avoir besoin de temps avant de t'habituer non seulement à ce pouvoir, à cette vue étrange mais aussi a cette vision périphérique qui t'étais retiré depuis ton œil crevé. »

J'attrapais un stylo de ma poche et l'agitais doucement devant sa nouvelle pupille. J'avais déjà croisé un Samidare dans le désert et ce regard ne m'était donc plus intimidant, pour autant cela était étrange de le voir sur Shinji...

« Est-ce que ça te fait mal quand tu suis le mouvement ? Est-ce que ça te semble naturel ou est-ce que tu as l'impression de devoir forcer pour le faire ? Assimiles-tu bien les différentes nuances thermiques ? »

Je lui présentais divers objets de température en principe différentes comme mon stylo, une feuille de papier et, son œil de verre que j'avais nettoyé et conserver dans la glace quelques instants pour lui rendre son éclat premier.

« C'est étrange de tenir ça au creux de la main... Un peu effrayant aussi je dois dire, c'est comme si une partie de toi m'observait encore... »

Je n'avais pas croiser son regard en disant cela. Je me sentais mal à l'aise. Je préférais donc changer de sujet :

« Tu as des maux de tête ? Je pense que non car ton sang semble bien irrigué. En revanche tu vas devoir prendre ces herbes médicinales pendant une bonne semaine pour tes douleurs et pour que la greffe ne soient pas rejetée par ton organisme. Tout semble en ordre pour le moment mais cela pourrait aussi changer alors n'en abuses pas... »

Je lui faisais un nouveau bandage propre et désinfecté pour recouvrir le dojutsu et lui intimait de pouvoir de nouveau ouvrir son œil normal. Assise sur le bord de son lit, je commençais a écrire mon rapport médical avant d'être prise d'une quinte de toux qui teinta ma feuille de quelques gouttes écarlates...

C'était prévisible, il était encore trop tôt pour qu'elle puisse se prononcer sur ma date de sortie. La demoiselle souleva ensuite le problème de la gestion du bar pendant ma convalescence et il faut dire que je n'avais pas vraiment envisagé ce problème. Même si j'étais faible je ne comptais pas m'attarder dans cet hôpital plus que nécessaire. Si j'avais confiance en Yami ce n'était pas le cas des autres médecins. Et puis il suffisait que j'arrive à tenir debout pour m'en aller, ce n'était pas plus compliqué! J'aurais le temps de retrouver des forces ailleurs que dans un lit! Néanmoins pour l'instant j'étais cloué dans l'un d'eux et il fallait que je prenne des dispositions...

- "Pas vraiment, non!" répondis-je donc finalement, ennuyé. "Est-ce que tu pourrais me dépanner? Ce serait seulement une histoire de quelques jours, le temps que je reprenne du poil de la bête!"

Cette proposition masquait une autre vérité et avait également un autre objectif: celui de lui montrer que je voulais renouer avec elle et mettre de côté cette histoire qui nous avait déchirés. Je ne savais pas vraiment ce qu'elle pensait réellement de tout ceci mais sa réponse allait m'en apprendre beaucoup. Je la laissai poser sa main sur mon front et je frémis en savourant le contact de sa peau contre la mienne que j'avais presque oublié. C'était peu de choses mais ce toucher restait toujours aussi agréable. Vint ensuite la question quant à la présence de la tête à mon arrivée et sur ce qu'il m'était arrivé. Il fallait que je parle à quelqu'un de ce qui était arrivé, ne serait-ce que pour signaler la mort des autres genins. Un membre du Kakumeigun, c'était sûrement une bonne personne à qui se confier.

- "Mmmh... Hier j'ai été envoyé dans le désert pour y patrouiller deux jours! Tout s'est bien passé jusqu'à la première nuit et le moment où j'ai rejoins le point de rendez-vous avec les autres genins. Ces derniers avaient été massacrés par un type qui s'en est ensuite pris à moi! On a combattu un moment jusqu'à ce que je sois forcé de fuir car je n'avais pas l'avantage."

Je détournai un instant le regard tout en repensant à la jeune femme qui était mort dans mes bras. Ce souvenir était pénible et il faudrait que je trouve un moyen de le laisser de côté. Où au contraire de m'en servir comme d'un rappel quant à la cruauté du monde qui nous entourait. Cruauté que je n'avais jamais perçue jusque-là à vrai dire...

- "Je me suis réfugié dans les grottes du temps qui se trouvaient non-loin de là et c'était stupide car mon adversaire pouvait me situer précisément avec son dôjutsu. Même dans l'obscurité la plus totale! Il m'a finalement immobilisé et j'ai bien cru que j'allais y passer! Je veux dire... j'ai presque vu ma vie défiler devant mes yeux mais c'est sûrement une bonne chose parce que j'ai pris conscience des erreurs que j'avais commises!"

En terminant cette phrase je décochai un regard appuyé à Yami comme pour lui faire comprendre que ma plus belle erreur, ça avait été mon comportement envers elle. Ceci fait je poursuivis:

- "Enfin... Toujours est-il que j'ai réussi à me débarrasser en l'aveuglant avec des flammes et en lui boutant le feu! Je l'ai décapité et voila! Le reste tu le connais déjà: je me suis traîné jusqu'à Suna et on m'a ensuite mené ici! Voila..."

Mon explication sembla la convaincre puisque elle se focalisa sur mon nouvel oeil, me demandant de fermer l'autre et de rester immobile pour éviter des instants douloureux. Je m'exécutai et elle souleva doucement mon bandage avant de remarquer que je l'avais déjà fait quelques instants plus tôt. J'eus donc droit à un conseil avisé: celui de ne pas trop forcer sur l'oeil au risque de le perdre et de prendre le temps de m'habituer à ce nouveau pouvoir. Ce que je comptais bien faire à vrai dire...

Elle me présenta ensuite divers objets qu'elle me demanda de suivre du regard. Je le fis dans un premier temps avant de laisser ma pupille rivée sur elle. Elle était tout autant jolie avec ces nuances de couleurs qui délimitaient sa silhouette. Les diverses teintent qui la caractérisaient étaient magnifiques et j'eus de la peine à mesurer toute leur beauté alors que je découvrais une vision de monde que je n'avais soupçonnée.

- "Non ça ne me fait pas vraiment mal mais c'est désagréable. J'ai un peu de mal à suivre les mouvements mais pour l'instant je n'en ai pas envie!" répondis-je en gardant mon regard rivé sur elle. "Pour les nuances, ça semble aller!"

Elle me présenta finalement mon oeil de verre et m'avoua que c'était étrange et effrayant de tenir ça au creux de sa main, que c'était comme si une partie de moi l'observait encore. Elle ne pouvait pas être plus proche de la réalité et j'avais envie de le lui faire remarquer:

- "Une partie de moi t'observera toujours!" glissai-je.

Elle n'avait pas croisé mon regard en disant cela mais j'espérais qu'elle comprendrait ce que tout ceci signifiait. Elle enchaîna sur la possible présence de maux de tête et je m'apprêtais à lui répondre que ça allait quand tout d'un coup les nuances de couleur s'atténuèrent et se mêlèrent, ne me permettant plus de discerner quoi que ce soit si ce n'est un patchwork de couleurs. Qu'est-ce qu'il se passait?

- "Je... ne sais pas vraiment ce qu'il se passe mais ma vision se trouble!" avouai-je. "Je n'arrive plus à discerner quoi que ce soit et ça me brûle!"

Comme pour confirmer ce qu'il se passait, du sang commença à couler en quantité le long de ma joue. Il glissa sur ma peau avant de s'écraser en gouttes régulières sur mon torse. La douleur alla en s'amplifiant et atteint un tel paroxysme que je me mis à gigoter comme pour tenter de la chasser malgré la souffrance que provoquaient mes autres blessures.

- "Enlève-moi ça!" hurlai-je.

Et comme si ce n'était pas assez rapide, je commençai à approcher ma main pour retirer moi-même l'oeil de son orbite. Si Yami avait un moyen plus rapide, faites qu'elle le mette en pratique. Pour l'instant je n'avais envie que d'une seule chose: que la souffrance cesse alors qu'elle était sur le point de m'engloutir...

Il avait compris ma demande sous-jacente concernant la gestion du bar pendant son absence. Bien qu'au fond l'idée me gênait, cela ne me dérangeait en revanche pas de lui venir en aide. Malgré nos différents il fallait avancer et je ne pourrais pas lui vouer une rancœur éternelle : il avait failli mourir, inutile d'enfoncer le clou davantage.

« Je m'occuperais du bar... »

J'avais gardé mon regard à l'écart du sien en proférant ces paroles.
Il m'expliquait ensuite le déroulement des faits : ainsi donc il s'agissait à la base d'une mission durant lesquels ses compagnons avaient trouvé la mort. C'était regrettable mais en tant que shinobis nous étions près à mourir pour la sauvegarde de notre nation et de notre Kazekage ce qui était en soit la mort la plus noble pour nous. Leur vie écourtée bien trop tôt ne serait pas vaine et resterait inscrite dans les ouvrages marquants les nôtres tombés au combat.

Shinji exprimait son ressenti sur la mort qu'il avait vu de près et sur la prise de conscience que cela lui avait valu sur certaines choses. J'avais moi même approché la faucheuse de près il y avait peu et je savais ce qu'il pouvait ressentir. C'était dans ce genre d'instant que l'on se rendait compte de la futilité de certains conflits avec les personnes qui nous étaient chères. La vie était trop courte pour être en plus teintés de reproches et de rancœur : il fallait couper les liens nécrosés pour éviter la gangrène ou au contraire vivre avec même si les problèmes rencontrés ne disparaissaient jamais totalement. L'Akuzu avait d'ailleurs parler de cela en me lançant un regard appuyé comme pour me sous entendre qu'il avait compris le mal que ses agissements avaient suscité en moi alors que j'avais vu toute la confiance que je lui portais : voler en éclat... Moi non plus je ne pourrais pas totalement oublier...

Le diagnostic quant à lui semblait plutôt positif parce qu'il voyait normalement ou du moins comme le devrait un Samidare : c'est à dire aveugle avec une vision du monde grâce aux sources de chaleurs. Je notais tout ce qu'il me disait pour établir mon rapport tandis que j'arrêtais mes écrits machinalement lorsqu'il me confiait qu'une part de lui m'observerait toujours. Mes yeux étaient rivés sur ma feuille sans que je ne puisse m'en défaire : pourquoi cela devait être si compliqué ? N'avait-il lui même pas dit qu'il préférait que l'on demeure comme de simples coéquipiers ? C'était tellement plus facile de le voir comme ça et d'agir comme lors de notre mission avec le Saibogu cyborg plutôt que d'y mêler des sentiments... Notre relation sonnait comme une fausse amitié puisque aucun de nous deux ne pouvait véritablement oublier tout ce que nous avions vécu et partagé pourtant nous savions que nos visions du monde et nos personnalités n'étaient pas compatibles entre elles car cela ne nous engageaient que dans des situations conflictuelles où l'un de nous souffrait des agissements de l'autre.

Je fus bien vite tirée de mes réflexions alors que Shinji commençait à paniquer en parlant d'une douleur vive et d'une vision troublée. Son dojutsu saignait abondamment et sa souffrance semblait terrible. J'écarquillais les yeux d'horreurs devant ce spectacle, gardant cependant mon calme alors que je savais qu'il était en train de rejeter la greffe. Mon ancien amant portait sa main à son œil comme pour l'arracher en me suppliant de le lui faire. Il perdait beaucoup trop de sang et son état de panique ne lui serait en rien bénéfique. J'abaissais donc la pression de son sang pour diminuer sa tension et lui faire perdre conscience grâce à l'influence que je conservais sur son fluide écarlate.

Alors qu'il demeurait désormais inconscient, je m'affairais à stopper son hémorragie grâce à ma maîtrise. Je savais que j'aurais dû le conduire dans la salle d'opération et me faire assister pour que tout soit fait dans des conditions optimales mais nous n'avions pas le temps, il fallait agir vite et j'avais confiance en moi pour savoir que j'allais parvenir à le sauver ici dans cette chambre d'hôpital. J'usais de mon chakra médical pour retirer précautionneusement son dojutsu en découpant soigneusement les nerfs et vascularisations qu'il le liait à lui. Le creux de son orbite désinfecté et coagulé, je plaçais l’œil de verre de la cavité. Après une bonne heure, j'étais maculée de fluide vermeil et bien que cela attisait mon excitation et mon envie de goûter une fois de plus au nectar de Shinji, comme autrefois, l'inquiétude et la fatigue prédominait sur tout le reste. Vidée de mon chakra après lui avoir fait un nouveau bandage une fois la plaie soignée, je m'écroulais à ses côtés sur le lit, basculant à mon tour dans les ténèbres de l'inconscience.

La douleur alla en s'amplifiant et je sentis mon coeur battre comme s'il cherchait à bondir de ma poitrine. Mes doigts s'approchèrent de mon visage, prêts à extirper de mon être cet oeil qui me faisait tant souffrir mais ma vision se brouilla et je sentis mes forces m'abandonner et l'environnement autours de moi s'assombrir jusqu'à disparaître. Je tombai dans l'inconscience sans même m'en rendre compte. La dernière chose que je vis ce fut Yami et cette vision m'apaisa quelque peu avant que les ténèbres m'envahissent.

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Suna brûlait et les flammes qui s'élevaient des habitations ou des bâtiments militaires léchaient le ciel pour lui donner une fascinante teinte orangée. Je regardai un instant autours de moi pour chercher à comprendre ce qu'il se passait jusqu'à ce que je vis trois silhouettes à la démarche malhabiles s'approcher de moi. Je dus néanmoins attendre quelques instants pour distinguer complètement leurs corps dénudés. Je fronçai les sourcils en me rendant compte qu'ils étaient recouverts de chair nécrosée et que des blessures profondes parcouraient leur épiderme ou plutôt ce qu'il en restait.

Le trio poussait des râles gutturaux alors qu'ils continuaient de s'approcher de moi, mains levées comme s'il cherchait à m'agripper malgré la distance qui nous séparait encore. Un enfant s'extirpa d'une maison en flammes en hurlant de peur avant de se faire happer par l'une de ses choses. Je dégainai Malaise avant de me ruer à leur rencontre mais je ne fus pas assez leste: la créature humanoïde planta ses crocs dans la gorge du gamin et un flot de sang que j'imaginais chaud jaillit pour se mêler au sable qui recouvrait le sol. Les cris qu'il poussa alors me glacèrent le sang et je marquai un temps d'arrêt dans ma progression pour observer cette scène qui me semblait irréelle.

Le cadavre du gosse tomba au sol et... se releva à peine quelques secondes plus tard avant d'avancer avec la même démarche que les autres. Je plissai les yeux en ayant peur de comprendre ce qu'il se passait: des zombies? Ici, à Suna? Mais qu'est-ce qu'il se passait bordel? Pour l'instant il était vain de chercher des réponses, il s'agissait avant tout de contenir ce qui ressemblait à une invasion de créatures morts-vivantes. Je les chargeai alors et tranchai d'un coup la tête de deux d'entre eux avant de planter mon katana dans le torse du troisième. Si les deux premiers s'écroulèrent le troisième, lui, ne sembla en rien affecté. Je le repoussai d'un coup de pied avant de le décapiter d'un mouvement circulaire.

Le gamin subit le même sort et je jetai un regard désolé à son corps avant de rejoindre la place centrale du village. S'il y avait encore des gens pour lutter contre ces choses, c'est sûrement là-bas qu'ils se trouvaient. Et effectivement, il y avait une poignée de survivants qui repoussaient des hordes de zombies derrière des barricades sûrement dressées à la hâte. Je les rejoignis à la hâte pour leur prêter main forte. Des sueurs froides m'envahirent alors que je pris conscience de ne pas reconnaître le moindre des survivants. Yami, Tsuki, Oniri, Zanshi ou même Ogami... Aucun d'entre eux ne se trouvaient là. Est-ce qu'ils étaient... Non, impossible!

*Ils sont forcément en vie! Ils ne se seraient pas laisser avoir par ces choses...*

La lutte pour notre survie continua de longues heures mais le flot incessant d'assaillant était encore renforcé par nos morts qui s'ajoutaient au nombre de nos ennemis. Ce combat semblait perdu d'avance mais nous étions bien décidés à nous battre jusqu'au bout. C'est alors que le soleil se levait que je les vis: mes amis! Où plutôt ce qu'il en restait. Tsukiko et Oniri se frayaient un passage d'une démarche mal assurée à travers les barricades. Je reculai, horrifié. Je n'avais plus la force ni l'envie de leur faire du mal même si je savais que ce n'était pas vraiment elles. Je me retournai alors pour fuir et je tombai nez à nez avec... Yami! Du sang coulait sur ses lèvres et sa joue et l'absence de lueur dans son regard me fit comprendre qu'elle n'était plus non plus elle-même. Avant que je puisse réagir elle me mordit profondément à la jugulaire et je poussai un cri qui fut rapidement étouffé par des flots de sang...

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Je me réveillai en sursaut, des perles de sueurs sur mon torse dénudé. Je respirai avec peine avant de me forcer à calmer ma respiration. Je levai instinctivement une main vers mon oeil blessé pour constater qu'il n'était déjà plus là. Je posai alors ma tête contre l'oreiller en comprenant que j'avais pu bénéficier d'un dôjutsu pendant seulement quelques heures avant qu'on me le retire. C'était irritant, comme un retour en arrière contre lequel je ne pouvais strictement rien. Mais c'était peut-être mieux ainsi! Et puis la douleur avait cessée, c'était toujours ça...

Je tournai le regard pour découvrir Yami qui était allongée à côté de moi, sur le lit. Les draps étaient tâchés de sang et la scène était plutôt étrange mais je n'osai pas la réveiller. Elle avait sûrement du puiser dans ses réserves de chakra pour me venir en aide. J'observai un instant son visage délicat avant d'écarter une mèche de ce dernier. Elle semblait si sereine lorsqu'elle était assoupie. Je restai un long moment à la regarder en songeant à la dernière fois que nous avions été tranquillement allongés ainsi tous les deux. Les choses étaient bien plus simples à cette époque même si on ne pouvait pas vraiment utiliser ce terme lorsqu'il s'associait à la Ketsueki...

Et puis je le fis sans vraiment m'en rendre compte, victime d'un désir toujours vivace pour la demoiselle: j'approchai mes lèvres encore recouvertes de sang frais s'écoulant avec parcimonie de mon nouveau bandage et les apposai sur les siennes. J'y déposai un baiser avant d'ouvrir à nouveau les yeux pour découvrir ceux vermeilles de la demoiselle qui me fixaient. Je l'avais visiblement réveillée...

Music ♫:

J’étais en paix avec moi-même dans cette inconscience où je n’avais plus besoin de lutter pour l’instant puisque Megami ne pouvait plus m’atteindre. Comme il était bon de ne plus avoir à se focaliser constamment sur sa présence pour mieux l’appréhender et l’empêcher de nuire ! Oui mais cela serait sûrement plus profitable si ma maladie n’avait pas pris cette ampleur en échange. Le temps m’était compté, je le savais.

Devais-je en parler à mes amis et les laisser s’inquiéter pour moi tout en percevant une lueur de tristesse et presque de pitié dans leur regard ? Ou bien devais-je me taire et profiter des instants en leur compagnie tout en les épargnants sur l’aspect mélo-dramatique de nos possibles derniers instants ensemble ? Ce n’était de toute façon pas si simple car le mal qui me rongeait ne se taisait pas et savait se manifester : j’avais beau lutter intérieurement pour dissimuler ma souffrance constante et qui s’accroissait au fil du temps, je ne pouvais parfois pas dissimuler le rejet de mon organisme contre la maladie qu’il combattait inlassablement à s’en affaiblir.

Il n’était pas bon pour autant de penser à tout cela : penser au mal l’accentuait et je ne voulais que profiter des ténèbres qui m’enveloppaient dans leur silence serein et entre lesquels je parvenais à être bien car j’avais connu bien pire.

Cependant, le retour à la réalité se profilait, me laissant découvrir de nouveau les mondes de mes yeux qui se posaient sur le visage de l’Akuzu tout proche du mien tandis que je comprenais que ses lèvres étaient jointes aux miennes et que son sang les humectait de façon doucereuse et désireuse. Je ne parvenais pas vraiment à comprendre vraiment ce qui se déroulait sous mes yeux et je restais interdite, n’osant bouger, crispée face à son geste dont j’avais pourtant eu maintes fois envie malgré tout…

Son regard croisait le mien et c’était ce qui sonnait comme le déclic. L’odeur de son sang emplissait mes narines, et ma blouse blanche ouverte ainsi que mes vêtements par endroit, en étaient parsemés… Je reculais la tête légèrement, rompant notre contact alors que mes yeux toisaient son œil valide. J’étais assaillie par des sentiments contradictoires ne sachant plus vraiment vers quel chemin me diriger… Et la présence bien trop forte de son fluide écarlate alors même que j’étais en état de faiblesse ne rendait pas les choses faciles… Cédant à mes instincts immémoriaux, je dévoilais mes canines aiguisées et effilées et les plantaient dans son cou où je m’étais jetée. Je percevais le goût de son sang si familier et rassurant couplé à celui d’un inconnu que son corps n’avait pas encore complètement assimilé. Le liquide coulait avidement dans ma bouche et ma gorge tandis que j’en avalais des rasades avides. Je passais une main délicatement sur sa joue, l’effleurant du bout des doigts tandis que je me délectais de son arôme.

Je reculais subitement, collant mon dos contre le mur immaculé, le cœur battant et la respiration haletante, alors que je me dictais à moi-même de ne pas poursuivre sur cette lancée : c’était une très mauvaise idée. Mes mains se resserraient sur les draps alors que mon regard était rivé sur la plaie que je lui avais moi-même infligé. Je me hâtais de baisser les yeux pour ne pas attiser ma tentation alors que son élixir s’écoulait du coin de mes lèvres empourprant mon visage diaphane. D’un revers de main tremblotante, j’essuyais ma bouche tout en tâchant de recentrer mes idées : il ne fallait pas céder. J’inspirais et expirais successivement profondément comme pour retrouver mes esprits, tandis que l’excitation était lisible au creux de mes rubis.

Me doutant qu’il voudrait me retrouver, je le mettais en garde sans oser croiser son regard :

« Ne t’approches pas… s’il te plait… »

Il n’y avait aucune agressivité dans ma voix, simplement de l’incompréhension : tout était déjà bien trop compliqué, il ne fallait surtout pas en rajouter.

Toutefois, je ne pouvais pas laisser la blessure béante de l’Akuzu… Osant à peine le toucher, je l’effleurais du bout des doigts pour coaguler son sang, toujours tremblotante, et usait de mon chakra médical pour refermer complètement la meurtrissure. Je déglutissais, mal à l’aise face à la situation quand je fus presque sauvée par le gong. J’étais prise d’une quinte de toux qui me faisait recracher quelques gouttes de mon propre sang : ma maladie faisait des siennes une fois de plus. Je tirais de ma poche un mouchoir qui fut bientôt tâché d’écarlate suite à mes toussotements.

Je me repliais dès lors sur moi-même sur le lit, dans le coin du mur, les genoux pliés contre mon buste, n’osant plus croisé le regard de Shinji comme un animal blessé et acculé qui ne voyait pas d’autres issues pour échapper à la mort qui me rôdait autour depuis quelques temps… J’allais devoir lui en parler…

« Ma maladie… »

Me contentais-je de lui révéler dans un quasi-murmure.

♫:

Je continuai de l'observer lorsqu'elle rompit le contact avec mes lèvres. Je pouvais lire dans son regard quelque chose oscillant entre de l'incompréhension et de l'excitation. Le sang que j'avais sur les lèvres n'était certainement pas étranger à ce dernier point mais j'avais envie de croire que ce n'était pas seulement mon fluide vital qui la plongeait dans cet état. Toujours est-il que la demoiselle me mordit avec moins de douceur que d'ordinaire et que cette fois ce n'est pas du plaisir que je ressentis mais bien une douleur aiguë qui palpitait à chaque gorgée de sang qu'elle me volait. Mon premier réflexe fut de serrer le poing en m'apprêtant à lui asséner un coup. Ce genre de contact charnel n'est pas vraiment le plus agréable qui soit...

Pourtant je me forçai à retenir la pulsion défensive qui m'avait envahie et en réaction je glissai mes bras autours de sa taille, remontant l'un long de son dos jusqu'à pouvoir caresser sa nuque. La noiraude s'écarta finalement de moi d'un mouvement brusque et alla se réfugier contre le mur, serrant dans ses mains les draps à présent ensanglantés. De mon côté je jetai un vague regard à mon torse sur lequel du sang s'écoulait, la morsure étant profonde. Je regardai mon fluide vital marquer un temps d'arrêt au niveau de la grande cicatrice oblique avant de poursuivre sa route pour se mêler à mes vêtements. Puis je reportai mon attention sur la Ketsueki qui m'intimait l'ordre de ne pas approcher...

- "Empêche-m'en alors!" soufflai-je. "Montre-moi que tu n'en as plus envie..."

S'il y avait une constante avec moi, c'était ma faculté à faire le contraire de ce qu'on m'ordonnait sauf en de rares circonstances. Elle avait bu de mon sang et pouvait me faire souffrir atrocement voir me tuer s'il lui en prenait l'envie, je le savais. Mais je voulais croire qu'elle n'irait pas jusque là ou qu'en tout cas ce qu'elle pouvait peut-être encore ressentir pour moi l'en empêcherait. Je me redressai et me passai une main sur ma plaie avant de me rapprocher d'elle malgré le rappel douloureux de ma jambe blessée. Peu importe! Elle posa alors une main tremblante sur ma plaie qui se coagula et empêcha le sang de quitter mon corps. Tant mieux car j'en avais perdu une bonne quantité et les étourdissements qui m'envahissaient pouvaient en témoigner assez clairement. Je passai une main sur le filet de sang conséquent de mon torse qui achevait de couler et étalai mon fluide vital sur mon torse...

C'est alors que la noiraude fut prise d'une quinte de toux et cracha quelques gouttes de sang qui vinrent se mêler aux draps. Je fronçai les sourcils et m'arrêtai net dans mon mouvement tandis que je la questionnais du regard. Mais je n'arrivai pas à capter l'attention du sien tandis qu'elle se blottissait dans le coin du mur comme un animal acculé. Je ne l'avais jamais vu ainsi, elle qui d'ordinaire était si sûre d'elle. Je la connaissais bien assez pour savoir que quelque chose n'allait vraiment pas. Et ça ne pouvait pas seulement être mon petit manège qui l'avait plongée dans un tel état psychologique. Ça, je le savais aussi!

Elle lâcha ensuite un simple mot: maladie... Je savais qu'elle ne parla pas de Megami puisque cette dernière avait été scellée à moins que j'aie manqué un épisode. Il ne pouvait donc s'agir que de l'infection de son sang. Elle m'en avait parlé assez tôt mais jamais je n'avais vu une telle manifestation du mal qui la rongeait. Je restai un instant interdit, perdant toute velléité charnelle. Puis je me glissai à ses côtés, m'adossant au mur et glissant un bras autours de ses épaules pour l'attirer contre moi. Elle résista mais je pouvais compter au moins sur une force physique plus conséquente que la sienne pour arriver à mes fins. Je la serrai contre moi tout en observant d'un regard vide la porte de la pièce. Devais-je appeler un médecin pour l'ausculter ou au contraire lui faire confiance pour gérer ce soucis elle-même? La réponse, je la connaissais... Il ne servait à rien de forcer Yami à faire quelque chose qu'elle ne voulait pas. C'était l'un des meilleurs moyens de se retrouver avec un pied dans la tombe...

- "Raconte-moi!" répondis-je dans un murmure, m'accordant au sien. "Ce n'est pas bon n'est-ce pas?"

Pour l'instant je n'étais plus l'ancien amant dévoré par le désir toujours intact qu'elle suscitait chez moi mais son ami et son coéquipier, quoi que j'ai pu dire quelques jours plus tôt lorsque nous avions parlé de notre relation. Et en tant que tel je pouvais lui accorder une oreille attentive et écouter ses craintes sans la juger. Je m'inquiétais! Et je comptais bien obtenir le fin mot de cette histoire avant toute chose.

- "Parle-moi Yami..."

Je déposai un baiser sur son front tout en commençant à la bercer d'un mouvement presque imperceptible...

Music ♫:

J'avais réussi a exprimer deux simples mots qui voulaient tout dire. Je n'osais plus croiser son regard, ne sachant pas vraiment si je devais lui en parler ou surtout si j'avais seulement envie de le faire. Je ne pouvais pas passer l'éponge comme ça sur ce qu'il s'était passé entre nous et je le prenais dans sa globalité. Toutefois, je ne pouvais nier que dans mon esprits, ses derniers agissements prévalaient sur tous le reste et c'était cette goutte d'eau en trop qui m'avait fait perdre plus pieds que je ne l'étais déjà... Kioshi avait su m'écouter et me réconforter lorsque je lui avais expliquer mon mal être et je le remerciais d'avoir été là à un moment où je n'avais plus personne sans quoi je ne savais pas ce qu'il serait advenu de moi...

Avoir sauvé la vie de Shinji et l'avoir soigné à deux reprises alors que j'avais eu peur pour lui ne devait pas laisser influencer mon jugement sur ce que je pensais de tout cela. Je n'avais plus vraiment confiance en lui après ce qu'il s'était passé et je doutais d'être en mesure de lui compter mes problèmes. Le jour où je l'avais fait, après coup, durant mon hospitalisation, il avait l'air complètement ailleurs comme se moquant éperdument de ce que j'étais en train de lui raconter comme si cela ne pouvait pas l'atteindre alors que c'était exactement le comportement qu'il avait toujours attendu de moi : que je m'ouvre à lui et me confies ! Qu'étais-je censée faire dès lors ? Recroquevillée sur moi même dans un coin du mur sur le lit, je ne savais plus. Comme à mon habitude lorsque j'étais en sa présence ou celle d'Oniri, je me retrouvais perdue.

A cet instant, Shinji se calait aussi contre le mur et m'attirait à lui alors que je résistais un moment, me laissant finalement faire alors que je n'avais même plus la force de lutter. Il me demandait de lui raconter, ajoutant que cela n'était pas bon dans une interrogation qui tenait plus de l'affirmation tandis que je me contentais de hocher la tête pour acquiescer. J'eus toutefois un mouvement de recul lorsqu'il embrassa mon front : il se montrait trop proche de moi, ce n'était pas bon pour nous deux et lui même devait le savoir alors pourquoi insister pour quelque chose voué à l'échec ? Nous étions bien trop différents pour entretenir ce genre de relation saine et cela, je ne m'en étais aperçue que bien trop tard et à mes dépends.

Finalement, il me demandait de lui raconter et j'estimais que je devais lui laisser une chance de m'écouter, une nouvelle fois... J'étais sûrement trop conciliante après tout ce qu'il m'avait fait subir mais il n'en demeurait pas moins l'un de mes premiers amours, je suppose... J'acceptais de me confier à lui, toutefois je ne pouvais pas rester dans cette position rapprochée. Je me dérobais donc de ses bras subitement et me plaçais en face de lui assise sur le lit un peu plus loin, histoire de conserver une distance suffisante avant d'oser affronter son regard, bien vite ternie par une nouvelle quinte de toux. La respiration saccadée et le visage tiré par la souffrance, j'ôtais mon masque et me confiais à lui :

« Je t'ai dit que les souvenirs de Megami ont été scellés. Cela est aussi valable pour la puissance qu'elle me conférait puisqu'elle partageait avec moi son sang et son chakra. Je suis bien plus faible que la femme qu'elle était et mon organisme ainsi, n'est pas capable de combattre la maladie avec autant d'efficacité que je pouvais le faire en sa présence... »

Je détournais une fois de plus le regard, essoufflée et poussant un léger ricanement :

« Quelle douce ironie de voir que celle qui me pourrissait la vie me permettait aussi de la maintenir... »

Je n'avais plus rien à cacher ni même à avoir honte, je plantais un regard dénué de sentiments dans les siens. J'étais comme vide, une partie de moi s'étant éteinte depuis le jour où le verdict était tombé :

« Il me reste tout au plus cinq années d'existence. Peut-être moins si je force en usant de ma maîtrise. Nous savons tout les deux qu'il est hors de question que je passe mon temps restant au repos. Bien au contraire, je forcerais le plus que je le pourrais pour atteindre certains de mes objectifs. Pour autant, je sais que la maladie ne va faire que gagner du terrain et m'octroyer des souffrances toujours plus difficiles à supporter mais je suis une battante, je parviendrais à garder la face tout en me concentrant sur la trace que je veux laisser dans ce monde, pour ma nation, pour mon village, pour mes proches et pour mon clan. »

Voilà. La bombe a retardement devait être lâchée. Je ne savais pas qu'elle serait sa réaction et même s'il se montrerait inquiet, ce que je pouvais comprendre et qui me faisait chaud au cœur malgré tout, je ne voulais pas lire de la pitié dans son regard.

« Je sais déjà ce que tu vas me demander : il n'y a aucune cure ? Eh bien non il n'en existe pas. Les médecins m'ont donné un traitement qui calme les douleurs et voudraient me donner des vitamines que je refuses de prendre. Je dois subir des transfusions de sang plus régulières qu'auparavant et tout cela est très lourd et fatiguant pour moi comme pour mon organisme mais je n'ai pas le choix. Je suis d'autant plus attirée par le sang et j'ai de plus en plus de mal à y faire abstraction mais je le dois sans quoi je ne deviendrais qu'un monstre sanguinaire capable de tuer civils et amis juste pour étancher ma soif et mes pulsions vampiriques. »

Je soupirais avant de poursuivre :

« Ce n'est pas tout à fait vrai. Il existe une solution mais je ne sais pas si je suis en mesure d'accepter les sacrifices qu'elle implique... Mon père me propose l'immortalité, la malédiction de la vie infinie où l'existence est figée dans le temps. Je ne souffrirais plus du mal qui me ronge et ce n'est plus cinq années maximum que je passerais sur cette terre mais bien plus longtemps qu'une vie humaine. Cela implique de voir les gens que j'aime mourir avant moi, ainsi que mes enfants si tant est que j'en ais un jour. Je perdrais sûrement une part de mon humanité au travers de cette décision, régressant sur tous les efforts que j'ai accompli jusqu'à présent pour être celle que je suis aujourd'hui... Je ne sais même pas si je serais encore en mesure de vous porter de l'attention et de la considération : je l'ignore... »

C'était un choix irréversible et impliquant : je ne pouvais pas prendre cette décision à la légère... Devais-je me contenter de cinq années de souffrances auprès des miens tout en tentant qu'apposer mon nom dans l'histoire de ma nation ? Ou bien devais-je me laisser plus de temps pour réaliser tout cela tout en perdant tout ce qui m'était cher ? Je ne parvenais pas à choisir... Il y a de cela seulement deux ans, il m'aurait été aisé de choisir ma voie : je n'aspirais à aucune sociabilité avec les autres que je jugeais inférieurs par leur condition humaine désormais cela relevait de la condition mortelle contre immortelle... Perdrais-je vraiment toute humanité ? Etais-je capable de lutter pour rester celle que j'étais désormais ? Bien sûr que j'en étais capable mais je ne voulais pas prendre le risque d'échouer et de blesser les êtres chers à mon cœur meurtri.

« Mon père commence à être usé par la vie alors même que je viens de le rencontrer... Je pense qu'il m'abandonnera d'ici peu pour se plonger enfin dans le repos éternel après avoir foulé cette terre pendant près de 160 ans. De ce que je sais, mon grand-père à été scellé par ses soins ainsi que celui de mes oncles qui y ont laissé la vie mais il a quant à lui près de quatre siècles... J'ignore si je serais capable d'errer aussi longtemps. Quoi qu'il en soit, l'immortalité est la consécration de ma lignée et mon père me présentait cela plus comme une bénédiction qu'une malédiction même s'il me demandait de bien en mesurer les conséquences et les sacrifices. Tout cela pour dire que je ne me suis pas encore prononcée mais que je pense me contenter d'une maigre poignée d'années avant de tirer ma révérence. »

Je me demandais comment il allait réagir à tout cela et s'il allait vraiment comprendre où je voulais en venir mais j'avais besoin de faire part de tout cela. Moi qui avais toujours montré une facette forte de ma personne, me voilà à exposer mes faiblesses une fois de plus... Cela s'avérait trop monnaie courante ces derniers temps...
Une nouvelle quinte de toux, une nouvelle gerbe de sang.

♫:

Au fur et à mesure que Yami parlait mon teint devenait plus pâle et ce n'était pas seulement à cause du manque de sang. Il y avait eu pas mal de changement dans la vie de la noiraude et je n'avais absolument rien vu. Je savais que Megami avait été scellée mais je n'avais pas imaginé que ce serait au prix de telles conséquences. Pourtant tout ne semblait pas si sombre même si les choix qui s'imposaient désormais à la noiraude étaient sûrement lourds à porter. Je la laissai s'exprimer en estimant qu'il fallait la laisser vider son sac avant d'oser prendre la parole en retour.

- "D'accord je vois..." soufflai-je. "C'est... Disons que ça fait pas mal de choses à digérer..."

J'imaginais en effet mal Yami s'économiser et vivre sa vie par procuration pendant cinq ans. On pouvait diviser le temps qu'il lui restait à vivre par la moitié, au moins. Et puis c'était sans parler de la phase où elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même avant de mourir. Elle ne supporterait même plus de se voir devant son miroir. On ne pouvait pas laisser ça arriver alors qu'à côté s'offrait le choix de l'immortalité. Elle ne vieillirait pas et verrait ses amis mourir? Et alors? Elle vivrait, elle!

- "Tu devrais accepter l'immortalité que ton père t'a proposée!" ajoutai-je après quelques instants. "Je ne comprends pas vraiment pourquoi tu hésites tu sais? C'est un don qui te permettra d'apporter tant de choses au village, de prouver sur la durée que les Ketsueki méritent d'être considérés comme autre chose que des parias indignes de confiance! Ce n'est pas ce que tu voulais?"

Je me permis d'allumer une cigarette toute pliée malgré le lieu. On pouvait bien être dans le lieu le plus sacré de tout Yuukan que je l'aurais allumée, cette clope! Il me fallait au moins ça pour tenter de garder l'esprit clair alors que je prenais peu à peu conscience de tout ce que cette histoire impliquait.

- "Et de toute façon si tu n'arrives pas à faire ce choix tu peux être certain que je te forcerai à le faire! Peut-être pas tout de suite mais dans quelques mois, quand tu n'auras plus la force de faire quoi que ce soit. Tu crois que je vais rester là à te regarder crever? Sans rien foutre? Ben ma vieille..."

Je ne connaissais pas son père et franchement je n'y tenais pas plus que ça. En supposant qu'il ait entendu parler de moi, il devait me considérer comme un vague trouduc qui avait lâché sa fille quand elle avait besoin de moi. Et puis j'aimais bien que mon sang reste à l'intérieur de mon corps en règle générale. Mais d'un autre côté s'il pouvait faire en sorte que Yami survivre l'éternité et sans Megami, il allait devenir l'un de mes meilleurs potes rapidement!

- "Et puis ne nous enterre pas trop vite tu veux?" ajoutai-je avec un petit sourire au coin des lèvres. "J'ai encore plusieurs d'années devant moi et Oni au moins le double! C'est qu'elle a la peau dure la p'tite!"

Je préférais prendre la situation avec un peu de recul et une touche d'humour que de me plonger dans une réalité qui, disons-le, m'effrayait. La vie sans Yami dans mon champ de vision de temps à autre? Non merci! Elle contribuait quelque part à ma stabilité et j'en avais besoin. Quoi qu'il en soit je restais convaincu qu'on allait la sauver quitte à le faire contre son gré. Et d'ici quelques années elle nous remercierait peut-être...

- "Je ne sais pas comment tu deviendras après ça! Tu pourrais très bien nous ignorer complètement et ne pas nous apporter d'attention, c'est vrai! Mais nous on sera là quand même pour te rappeler qu'on existe, tu peux compter sur moi! Et puis entre nous c'est pas comme si on s'ignorait déjà un peu toi et moi..."

Je lui donnai une petite tape dans l'épaule pour lui montrer que je rigolais. J'étais inquiet mais il ne fallait pas le montrer, ce n'est pas ce dont elle avait besoin. Il fallait simplement lui remonter le moral.

- "Et puis qui j'embêterais si tu meurs hein?" me plaignis-je avec légèreté. "Qui empêchera Oni de me fracasser, hein? Non non tu es trop importante pour y passer ma grande! Et puis j'aime bien quand tu me vides de mon sang avec tes petits yeux pétillants de malice!"

Il y avait une part de vérité dans tout ça! Je rigolai un brin jaune tandis que je terminais ma clope dans le silence. Il valait tout de fois mieux envisager tous les cas de figure et je ne comptais pas être un spectateur de ce qui se profilait.

- "Pose-toi les vrais questions Yami: est-ce que tu as besoin de tes amis pour t'épanouir? Est-ce qu'ils sont vraiment irremplaçables? Est-ce que tu préfères mourir que de nous voir mourir? L'amitié ou l'amour sont des sentiments trompeurs qui influencent négativement ton jugement. Ils l'obscurcissent, tu t'en es bien rendue compte non? Penses à toi avant les autres, tu es la seule susceptible de ne pas te décevoir toi-même..."

Je tournai mon regard vers elle en tentant de paraître détendu même si une partie de mon monde venait de s'écrouler. Le pire dans tout ça c'est que je me dis que j'aurais pu être là pour la soutenir. Maintenant...

- "Fais pas la conne Yami... On a besoin de toi mais tu n'as pas forcément besoin de nous! Et puis d'un point de vue totalement personnel j'ai envie de te faire l'amour encore plusieurs fois à l'avenir alors je te serais gré de ne pas bousiller ton corps et ton âme..."

J'écrasai ma clope contre le mur avant de l'envoyer par la fenêtre. Je grimaçai ensuite un instant en bougeant ma jambe sans libérer la noiraude de mon étreinte. Elle pouvait très bien le faire elle-même de toute façon tant qu'elle était encore en état de se défendre...

Music ♫:

Je laissais Shinji prendre conscience de ce que je venais de dire et ce que cela impliquait pour nous : si tant était qu'il existait encore un « nous » quelque part... Il semblait secoué par la nouvelle et cela m'attristait autant que ce me plaisait. Mon égoisme en était là : je voulais pouvoir marquer des gens et que ma mort ne soit pas vaine ! Je voulais les voir pleurer en ma disparition pour qu'ils me prouvent une ultime fois qu'ils tenaient à moi et que je n'étais pas seule.

Il me conseillait d'accepter la proposition de mon père, ne comprenant pas mon hésitation... Etait-ce moi qui prenait tout cela beaucoup trop à cœur désormais ou était-ce lui qui n'avait aucune estime pour ses proches ? Je vivais certes pour moi mais à travers eux. Sans eux je n'étais rien. Je le savais puisque j'avais vécu toute ma vie avec pour seule compagnie la solitude. Je n'avais que trop connu cet enfermement sur moi même et cette vie où je me jugeais puissante mais où j'étais incroyablement seule : sans aucune famille. Maintenant que j'avais découvert ce que cela faisait d'être entourée, le bien être et la chaleur qui en résultait, je ne voulais plus revenir en arrière. Il semblait que Shinji prenait le chemin inverse de moi en ne comptant de nouveau plus que sur lui même : était-ce là ce qu'il avait choisi ? Pourquoi ?

« Tu ne comprends pas... »

Je baissais la tête, les yeux rivés sur le matelas maculé de traces écarlates.

« Ce n'est pas un don mais une malédiction ! Bien sûr qu'il me serait gré d'accomplir ce que je souhaite pour le village et en parfaite santé mais à quel prix ?! Je ne serais peut-être plus que l'ombre de moi-même. De nouveau dénuée de sentiments et peut-être sans plus aucun intérêt pour ma nation ! Je ne peux pas courir le risque de faire du tord aux sunajins et aux personnes auxquelles je tiens ! Si je me laisses tenter, je doute avoir le moindre remords à étriper toute personne qui croisera mon chemin juste pour me repaître de son sang. J'ai bien vu la froideur que les années ont forgé à mon père : ce n'est pas ce que je souhaite devenir... »

Depuis quand étais-je venue si sentimentale ? A vrai dire je ne m'en étais pas vraiment rendue compte... L'ancienne moi serait sans doute dégoûtée de celle que j'étais aujourd'hui, tout comme l'avait été mon père mais c'était ainsi : impitoyable avec mes ennemis, chaleureuse avec mes alliés.

Shinji s'allumait une cigarette... En de pareille circonstance et en un tel lieu... Il venait de subir deux interventions d'urgence et avait perdu beaucoup de sang et il trouvait déjà le moyen de l'empoisonner avec ces substances... J'étais las. Je n'avais même pas la force de répliquer : à quoi bon... Il voulait faire ce qu'il voulait même si cela dérogeait aux règles établies, cela je l'avais bien remarqué... Je savais que s'il poursuivait dans cette voie il ne lui arriverait rien de bon... Sans même le regarder, je murmurais de façon presque inaudible, peut-être n'avait-il même pas entendu :

« Où est-il ? … Où est le Shinji se confiant à moi en osant déverser ses larmes ? »

Je savais qu'il existait : je l'avais déjà vu à plusieurs reprises. Désormais, il maintenait son éternel masque même en ma présence, cherchant à se faire passer pour quelqu'un qu'il n'était pas pour se voiler la face et oublier le reste.

Je l'écoutais parler de me forcer à accepter cela car il n'accepterait pas de me voir dépérir mais je l'entendais d'une oreille : mon esprit était ailleurs. Pourquoi fallait-il que ma vie soit une succession de drames ? Le peu de bonheur que j'avais eu n'avait jamais durer... Je n'avais pas le choix de faire avec et d'avancer, me montrer forte pour assurer le rôle qui m'avait été confiée en tant que kunoichi mais ma vie personnelle elle, était dénuée de sens. Il n'y avait qu'eux qui m'y rattachait : sans eux, je n'avais donc pas de raisons d'accepter la vie éternelle...

Lorsque je l'entendais dire qu'ils seraient là pour me rappeler qu'ils existent et qu'ils comptaient pour moi si jamais mon humanité devait être anéantie, je ne pus m'empêcher d'écarquiller les yeux et laisser deux larmes coulés allègrement le long de mes joues rougies. Je serrais les dents, me rendant compte que même ma vie sauvée je parviendrais encore à les faire souffrir et à constituer un fardeau pour eux. J'étais tellement accaparée par cette implacable vérité que je ne bougeais pas lorsqu'il m'adressa une tape amicale dans l'épaule. Plus rien n'avait de sens... Il n'était pas le premier à me dire de penser à moi et d'ignorer les autres mais cela reviendrait à régresser pour moi et je ne voulais pas voir tous les efforts que j'avais accompli pour devenir celle que j'étais aujourd'hui tomber dans l'oubli et devenir vain !

Il essayait de me remonter le moral en plaisantant, cachant sûrement sa propre peine alors que je me retrouvais une nouvelle fois perdue face à un choix à réaliser qui, une fois de plus, engendrerait bon nombre de conséquences : et pas seulement pour moi... C'était inlassablement le même cycle qui se reproduisait.

Il me demandait de me poser les bonnes questions mais toutes celles que je me posais semblaient importantes et pourtant tellement contradictoire. La colère grandissait en moi alors que j'avais envie de répondre à l'affirmative à toutes ses interrogations et qui lui jugeait que le contraire seul était important. Lorsqu'il disait que je n'avais pas besoin d'eux et que l'amour et l'amitié étaient des sentiments trompeurs je serrais les dents, les yeux révulsés , mes cheveux encadraient mon visage alors que ma tête demeurait penchée. Je la redressais bien vite, le regard flamboyant alors qu'il parlait de me faire l'amour sur un ton de légèreté qui frisait l'insolence.

« TAIS TOI ! »

Je lui hurlais dessus face à lui, le poing serré ayant tapé contre le matelas et les traits déformés par la rancœur.

« Tu crois me connaître mais tu ne sais rien de moi ! Parce que tu n'arrives pas à me comprendre ! Bien sûr que j'ai besoin de vous pour m'épanouir ! Je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis que j'ai appris à m'ouvrir au monde et à ne plus rester centré sur ma personne ! Ils sont irremplaçables ! Je tiens à eux et je préfère mille fois mourir que de les voir mourir : s'éteignant tous peu à peu pour mieux m'abandonner et me laisser une nouvelle fois en proie à la solitude ! »

Les larmes s'écoulaient désormais avidement.

« Tu as quitté tes proches pour des raisons qui te sont propres mais tu en as encore ! Moi je n'ai personne ! J'ai grandi dans un orphelinat : SEULE ! Devant rester forte et subir les transfusions régulières que je recevais ici : SEULE ! Je n'ai pas eu d'enfance : celle-ci s'est traduite par la solitude et la courage dont je devais faire preuve pour continuer d'avancer tout en combattant la maladie sans rien connaître de mes parents ! J'ai dû apprendre une fois de plus toute seule comment contenir la soif et mes pulsions irrépressibles ! Maintenant que je suis entourée je n'ai plus envie d'endurer tout cela seule. »

Je tremblais mais mon regard ne flanchait pas. J'essuyais mes larmes d'un revers de main, laissant une trace de sang choir à la place sur mes joues tandis que je l'observais de mes yeux plus incandescents que jamais.

« Quant au reste... »

Commençais-je, pleine d'amertume.

« Tu n'as définitivement rien compris si tu crois que je suis ton objet ! Tu peux faire une croix sur tes envies parce que plus jamais je ne te laisserais me toucher ! »

Je m'approchais de lui, tenant son menton entre mes doigts pour forcer son regard à croiser le mien alors que nos visages étaient tout près.

« Je te promet que si tu le tentes un jour, je te tuerais et je n'aurais aucun scrupule à le faire. »

Je lâchais son visage d'un geste, tandis que, au même moment, la porte de la chambrée s'ouvrait sur une infirmière visiblement paniquée par le sang qui se trouvait sur le lit et sur moi.

« Que s'est-il passé ici... ? Yami... Nous te cherchions partout ! Il va être l'heure de prendre tes anti-douleurs. »

J'émettais un léger ricanement amer avant de me redresser et d'adresser un dernier regard à l'Akuzu.

« Ne fais pas l'idiot, tu as besoin de repos. »

Le ton de ma voix était dénué de sentiment alors que je rejoignais ma collègue et fermais la porte derrière moi. De nouveau dans le couloir, les regards convergeaient sur moi et j'imaginais dès lors que mon état devait être encore plus pitoyable que je ne le pensais. Je m'adossais contre un mur dans une nouvelle quinte de toux qui faisait perler mon front de sueur tandis que ma respiration était haletante. L'infirmière m'adressait dès lors les herbes médicinales que je prenais pour calmer la douleur, une lueur de pitié dans le regard : précisément ce que je ne voulais pas voir. Je me redressais subitement et ignorait les médicaments d'un geste agacé et passais mon chemin pour reprendre mes activités. J'avais encore bons nombres de choses à faire sur cette terre avant de lâcher mon dernier soupir.

Je n'avais jamais fait attention à quel point Yami tenait à rester socialement humaine. Je savais ce qu'elle avait vécu mais je ne pouvais pas vraiment me mettre à sa place. Deux vécus différents, deux façons de voir les choses. Si à mes yeux l'immortalité semblait une bénédiction - et davantage encore après avoir failli perdre la vie - aux siens c'était une malédiction qui risquait de faire d'elle une bête incontrôlable régit uniquement par ses instincts. Ce n'était pas mon existence qui était menacée pour l'instant et je devais sûrement avoir un point de vue plus logique qu'elle sur la question. Plus froid également...

- "Il vaut mieux perdre certaines choses que la vie! Je ne fais que te donner mon avis tu sais? Si tu estimes qu'il est préférable de te laisser crever, fais donc! Fais ce qui te semble le plus adéquat! De mon côté je ferai pareil quand tu ne tiendras plus debout et que tu refuseras l'immortalité sous prétexte que ça va te couper de sentiments qui ne sont la plupart du temps que des illusions!"

Je n'avais pourtant pas l'impression d'avoir changé comme elle me le faisait remarquer. J'avais ma sensibilité et je l'exprimais lorsque j'étais en confiance. Et à ce niveau ce n'était pas le top avec la Ketsueki. Je ne savais pas si je l'aimais, si elle avait encore des sentiments pour moi, si elle m'avait pardonné ou refusait catégoriquement le moindre rapprochement. Je ne le reconnaissais plus et ça nous faisait un point commun. Pourquoi est-ce que j'avais l'impression que nous allions glisser dans la haine, attirés par une force bien plus puissante que nous?

- "Ce Shinji-là est mort!" soufflai-je. "D'ailleurs tu as contribué à le tuer! Mais je devrais t'en remercier à vrai dire..."

Puis l'enfer se déchaîna lorsque je décidai de mêler humour et air grave de circonstance. Je n'avais que rarement vu Yami en colère et encore moins lever le poing contre moi. Elle l'écrasa sur le lit tandis qu'elle se laissait consumer par la colère. De mon côté je restai placidement contre le mur à l'écouter, n'ayant ni la force ni l'envie de me battre sur le terrain des mots ou celui de la violence. J'avais simplement exposé des faits à ma façon! J'avais une façon particulière de m'exprimer, soit! Mais je pensais la noiraude capable de lire entre les lignes et en ressortir l'essentiel: j'avais besoin d'elle dans ma vie, d'une façon ou d'une autre...

Elle y alla de son explication sur son enfance et sur la solitude. À nouveau je ne pouvais pas vraiment comprendre ce qu'elle avait enduré même si d'une certaine manière j'avais été affreusement seul une partie de mon existence. Mais j'avais vécu d'autres choses et chaque personne de Suna portait son porte fardeau. Certes certains étaient plus lourds que d'autres mais c'était dans notre nature d'avancer. Et le mieux c'était de le faire sans un regard en arrière je crois... Elle termina en me disant que maintenant qu'elle était entourée elle n'avait plus envie d'affronter le monde seule!

- "Alors tu as déjà perdu!" osai-je répondre d'une voix neutre. "La solitude est ta plus précieuse alliée! Tu as vu que l'attachement aux gens peut causer des blessures bien plus meurtrières que celles des lames, non? Et pourtant tu t'accroches à ton entourage alors qu'il n'a fait que te rendre plus faible? Toi mais aussi Oni ou moi? Et toi tu persistes et signe?"

Ses larmes me touchaient même si je savais qu'elles étaient dues à un mélange de tristesse et de haine. Mais je ne lâchai pas son regard, assumant mes propos. Oniri avait tenté de se suicider, Yami désirait crever pour ne pas être seule et je m'étais comporté en vrai imbécile à cause de mon aveuglement. Les sentiments étaient une perte de temps nuisible dont il fallait mieux faire abstraction dans le mesure du possible. Pour les empreintes indélébiles qu'ils laissaient dans notre mémoire, il fallait simplement contenter de les accepter.

- "Tu es une gamine capricieuse Yami!" m'emportai-je finalement. "Tu dis avoir besoin de l'aide des autres mais tu te fous complètement du mal que tu leur causera quand tu viendras à mourir! Tu préfères sauvegarder tes précieux liens sociaux plutôt que d'affronter les choses comme elles sont! Et ce faisant tu ne tiens compte que de tes envies sans penser à la souffrance que tu infligeras à tes proches! Sois un peu cohérente tu veux? Ce n'est pas de l'attachement ça, c'est de l'égoïsme!"

Ça me révoltait de la voir accepter ainsi la mort sans broncher! Le fait qu'elle persiste à croire que je ne la voyais que comme un objet également! Elle avait pourtant dormi avec moi plusieurs fois et devait bien se douter que ce n'était pas le cas, non? Ou alors elle se contentait d'écouter et interpréter que ce qui l'arrangeait? Peut-être qu'elle c'était tout simplement plus simple de me reprocher mes erreurs que de se concentrer sur mes qualités...

- "Tu me tuerais, toi?" relevai-je sans le moindre soupçon de suffisance. "Non mais tu t'entends?"

Pendant quelques instants on resta silencieux, à se dévisager comme deux animaux près à se jeter dessus pour un combat à mort. Puis la porte s'ouvrit à la volée sur une infirmière sûrement attirée par les éclats de voix. Je tournai le regard dans sa direction tandis qu'elle prenait conscience de la présence de sang dans une bonne zone de la pièce. Elle indiqua ensuite à Yami qu'elle devait prendre ses anti-douleur et on resta encore un moment à se dévisager avant que la noiraude émette un ricanement amer avant de se retirer. Le tout en me recommandant de ne pas faire l'idiot et de me reposer...

- "S'il y en a bien une qui ne doit pas faire l'idiote en ce moment Yami, c'est toi!" répondis-je à la volée. "Réfléchis au moins à ce que je t'ai dis et tu verras que je ne suis pas si éloigné de la vérité!"

Je restai alors immobile un court instant avant de décocher un coup de poing dans le mur en lâchant un "Putain de merde!" sonore dans ma lancée. Pourquoi est-ce que toutes nos discussions se terminaient toujours de la même manière? Comment avait-on pu glisser ainsi de l'amour à la haine? Je me rallumai une clope nerveusement tout en réfléchissant à la question tandis que je ne pouvais chasser de mon esprit l'image d'une Yami agonisante...