C’était la toute première fois que j’entrais dans ce bureau depuis ma nomination à la fonction de Kage. Resté sur le pas de la porte, j’avais mis quelques temps avant d’oser poser le premier pas. J’observais. Mon regard se promenait de gauche à droite, farfouillant dans ce bureau qui, jusqu’à ce jour, m’avait toujours semblé… étranger. Comme d’un autre territoire, d’un autre monde. Même si j’y étais entré plusieurs fois, notamment depuis mon passage au Satoru, j’avais toujours lié cet endroit à Karasu Tsumei. L’endroit respirait encore sa présence pourtant absente. C’était comme s’il était assis, là, dans le noir.

Je posais un premier pas. Puis, un autre. Je m’arrêtais à nouveau. L’air me semblait bien trop concentré. Normal, le bureau était resté fermé pendant dix jours… Au moins. Mon regard se promenait à nouveau. Tout semblait en place comme cette dernière fois où j’avais eu une entrevue avec l’Ombre. Il était assis derrière le bureau, sur son siège, l’air songeur, absent. J’avais eu, à l’époque le pressentiment qu’il était déjà « parti » à l’époque. Il s’était curieusement affaibli tant physiquement que psychologiquement. Même son aura avait drastiquement diminuée. J’avais senti le chef qu’il était flancher… Pour la première fois, je m’étais proposé de prendre en main plus de choses au sein du village. En tant que shinobi, ma conception des choses est qu’en présence d’un leader, d’un supérieur hiérarchique, surtout un Kage, il convient d’écouter et d’attendre ses ordres afin de les exécuter au mieux. Plusieurs chefs sur une même mission mène à l’échec de celle-ci. Plusieurs capitaines sur un même navire le mène au naufrage. Voilà pourquoi je m’étais toujours effacé derrière Tsumei, obéissant à ses ordres même lorsque je n’étais pas en phase avec ceux-ci, même lorsque je ne les comprenais pas. Vers la fin, pourtant, il m’avait semblé nécessaire de le supporter dans ce que je croyais être une mauvaise passe. Je m’étais trompé. Il y a toujours des signes lorsque les grands sont sur le déclin...

Je marchais vers les fenêtres et les ouvraient. La lumière du soleil pénétrait dans la pièce tandis que je revenais sur mes pas. Je remarquais du côté droit du bureau, sur une commode, un fourreau avec une épée que j’avais vue plusieurs fois. Je marchais en sa direction avant de m’arrêter à côté, ma main, suspendue dans le vide au-dessus du pommeau de la lame. Un flash, un rappel. Tsumei et son air… fade -peu avant sa disparition- la manche de sa toge de Kage, vide ; un bras manquant. Karasu Tsumei avait perdu le lien avec la lame ce qui expliquait son subit dégoût de la vie. Enfin, c’est ainsi que je m’expliquais les choses… Ma main se posait sur le pommeau de la lame. Je m’attendais à une réaction, comme ces deux fois où j’avais touché Kuchibashi… Je ne m’étais pas trompé.

Ma main, tenait fermement l’épée alors qu’une décharge attendue, parcourais mon corps. Il me sembla à nouveau que cette épée m’avait parlé par le truchement du ninja-tô que je portais sur le dos. Toutes deux étaient des épées à pouvoir en ce sens où, toutes deux, disposaient de la présence d’une âme au sein de la du métal froid de la lame. J’avais le sentiment que Hô que je portais avec moi, même s’il m’appréciait, n’était pas lié à moi. Cependant, par moment, du moins, les rares fois où je touchais à une autre épée à pouvoir, je pouvais percevoir sa conversation avec l'autre épée à pouvoir que je touchais, et au passage ressentir certaines choses qu’il ressentait.

En l’occurrence, à cet instant précis, j’avais ressenti une profonde tristesse que mon intuition me faisait attribuer à Kuchibashi. Tsumei était mort, voilà une fragile certitude en moi. Cependant, l’échange entre les deux lames m’avait laissé une piste. Une nouvelle… l’île aux furyous.

Je sortais un parchemin de taille moyenne mais qui laissait penser qu’il était long. Des sceaux pouvaient être vu lorsque je le déroulais. Je le posais à terre. Une série de signe dessinait les tracés de la forme d’une épée, quasiment pareille à celle de Tsumei dans les contours. Je posais Kuchibashi sur le parchemin et après exécution de mudra, je faisais disparaître l’épée, la scellant dans ce parchemin.

Une fois ceci fait, je roulais le parchemin sur lui-même, le tenait entre mes deux mains avant d’exécuter un signe incantatoire. Le parchemin lui-même venait d’être scellé sur moi-même. Un sceau apparaissait sur la dos de ma main gauche.

Je me redressais. Mon regard bleuté se posait à nouveau tout autour du bureau de Tsumei. Je devrais me faire à son absence…