Howaito n’a jamais été un ennemi des villages shinobis, et c’en fut de même pour le nouveau Shûkai. Après tout, les seuls adversaires que l’homme animal pouvait avoir étaient ceux qui ne le respectaient pas ou qui ne respectaient pas leur part du contrat. S’attirer les foudres des grandes nations serait totalement inutile, maladroit et inconvenant : pour développer son réseau, Howait se devait de rester prudent et de continuer à agir comme il le faisait depuis plusieurs mois. Mais il y avait des moments où il devait faire face à des choix légèrement plus importants que ceux qu’il faisait la plupart du temps.

Quelqu’un était venu le chercher jusqu’au nord du Pays de la Pluie. L’ancien maître Kiezan y résidait pour un court moment uniquement pour en apprendre plus sur ce pays, à moitié indépendant et à moitié membre de la nation du Feu. C’était un point plutôt stratégique, mais le Gekei ne s’en était tenu qu’à des petites explorations, avec ses quelques hommes. Il avait rapidement appris beaucoup de choses, certaines utiles et le reste moins, mais il n’en avait que faire. Tout pouvait avoir son importance. Et aujourd’hui, c’était cet inconnu faisant apparemment partie de l’Alliance des Pays Neutres qui pouvait s’avérer utile.

Certains chefs d’organisation avaient toujours eu peur de se montrer. Cela avait été le cas de l’Homme Masqué ou même de certains membres de l’An’teï. Mais Howaito n’avait jamais été comme ça : il ne refusait presque jamais des entretiens. Il avait tout simplement pris les précautions nécessaires pour ne rien craindre. Et puis la Ruche – en pleine expansion – avait des objectifs nombreux, flous, cachés et surtout différents des organisations criminelles citées précédemment.

« Vraiment ? »

Le moine avait dit ça avec une intonation assez faible voire intriguée. Il but une gorgée d’eau, et reposa son regard sur l’homme qui l’avait trouvé grâce à Daini, la jeune femme qui était sûrement en train de surveiller l’entrevue d’un autre angle. Jisetsu Homura, « chef des renseignements » ? Cela revenait à dire qu’il était membre du Triumvirat de l’Alliance des Pays Neutres. Autrement dit, il parlait au Capitaine du Jôhô.

« Comment ça se fait ? Sûrement parce que des gens comme vous ne sont pas encore venus me rencontrer. »

Pas de gorgée cette fois, mais juste un rapide regard vers le verre à moitié rempli. On pouvait dire ce qu’on voulait, rien ne pouvait remplacer un bon verre d’eau fraiche.

L’homme était plutôt amical, ce qui signifiait automatiquement qu’il était intéressant. Car après tout, son air ne pouvait conduire qu’à deux choses : la franchise ou la comédie. Si jamais il était réellement amical, alors Howaito pourrait s’en servir et lui parler plus ou moins franchement. A l’inverse, en feignant aussi bien cette amicalité, il se révélerait intéressant par ses talents de comédien. Dans les deux cas cette discussion intrigante pouvait devenir réellement importante, même si la présence d’un Capitaine du Shûkai lui avait déjà retiré sa banalité. Ce n’était pas une rencontre ordinaire, c’était sûr.

Il avait entendu parler d’un homme ressemblant à un moine étendre dans la majorité des pays un réseau de plus en plus important. Ce n’était pas totalement faux, bien que la Ruche ne soit pas encore officiellement lancée. Certes Howaito avait su s’entourer de quelques hommes de main très spécialisés et utiles, mais il était loin de posséder les espions et de disposer des renseignements qu’il souhaiterait.

Le passage au tutoiement était-il une marque de confiance, une amabilité ou au contraire une sorte de menace ? Cet homme, quel qu’il soit, aurait tort de prendre Howaito de haut, mais il semblait au contraire le respecter, et être intrigué par ce que le moine pouvait avoir fait jusqu’ici.

« J’ai vraiment l’air d’un moine ? Vous n’êtes pas le premier à me le dire, répondit-il en penchant son regard sur ses vêtements. Mais dites-moi plutôt… »

Il était forcément intrigué et même intéressé par les derniers mots du Capitaine. Qui ne l’aurait pas été, d’autant plus lorsque les deux hommes semblaient travailler dans le même domaine, à savoir l’information. Cependant, l’un voulait tout savoir tandis que l’autre était contraint à défendre les intérêts d’une Alliance : il ne pourrait pas trahir les siens. A moins que…

« … en quoi pourrions-nous bien nous entendre ? »

La question était posée, et le Gekei laissait volontairement son interlocuteur menait la conversation, du moins pour le moment. Après tout c’était ce dernier qui était venu le trouver.

Jôhô, la section de renseignements la plus influente du grand continent, voire même du monde tout entier. Un trésor difficile à voler, mais fallait-il le dérober ? L’homme qui représentait le capitanat était sympathique et bien qu’il était probablement capable de jouer la comédie sur le moindre mot qui sortirait de sa bouche, il semblait réellement vouloir s’impliquer dans une sorte de « partenariat ». C’était d’ailleurs un peu surfait. Qu’importe la branche que l’on prenait pour exemple, lorsqu’un « gros poisson » voyait qu’un nouveau-né se battait contre le cours du courant, il s’en allait le voir pour l’amadouer. Des étapes qui étaient exécutées dans un ordre aléatoire : félicitations, respect, admiration, intérêt. Le but de l’expert était de tester le novice. Et une fois cela fait, il faudrait agir en conséquence.

Mais dans cette histoire, qui était l’expert et qui était le novice ? Une chose semblait évidente : la section que Jisetsu Homura dirigeait le laissait penser que c’était lui qui pouvait diriger les débats.

Les gardes s’en allaient. Pourtant aucun mot n’avait été prononcé par leur chef. Etait-ce l’acte de terminer son verre qui leur aurait donné un signe ? Peut-être que ces deux là avaient repéré quelque-chose. Daini avait pu manquer d’être discrète, ou appelé des renforts, pensant que la situation pouvait devenir dangereuse.

Cependant Howaito n’était pas inquiété. Il ne pouvait pas croire qu’un homme de l’envergure d’un Capitaine pourrait venir ici assassiner quelqu’un qui n’avait rien fait. Car pour l’instant l’ancien moine était encore un « inconnu ». Non, il ne risquait rien. Tout ce que ce Jisetsu voulait, c’était jauger le Gekei.

« Qui vous dit que j’ai envie d’accéder à vos informations ? D’ailleurs, vous l’avez dit vous-même : vous êtes à la tête d’une si ce n’est la plus grande section d’information et de renseignements du monde shinobi. »

Nouveau regard sur son verre d’eau. Il décida de le terminer à la manière de son homologue, bien que ce soit plus simple de vider un verre d’eau fraiche qu’une toute autre boisson.

« Soit il y a un sujet en particulier que vous souhaitez aborder avec moi, et là il est possible que j’en sache plus que vous. Soit j’ai peur que vous m’ayez surestimé et qu’un partenariat avec moi ne vous soit pas favorable. »

Simplement la vérité. Mais à quel degré ?