La journée avait débuté depuis quelques temps déjà et Michiki avait décidé de quitter la monotonie de sa petite cabane perdue afin de profiter de l’air frais. Un petit tour dans un village paumé ne pourrait pas lui faire de mal après tout. Il pourrait s’y promener et oublier ses tracas. Le temps passait longuement. C’était l’inconvénient de rester dans l’attente. Il ne voulait pas rester en place. Mais pourtant il le devait s’il tenait à retrouver Pô.

Parfois, il ne tenait pas plus d’une journée à prendre son mal en patience. Il se sentait enfermé depuis la veille déjà. Il s’était donc décidé à s’accorder un break le lendemain pour décompresser et ne pas virer fou. Il se rendait donc dans une petite bourgade à même pas quelques kilomètres de son abri rudimentaire. Le chemin se fit sans encombre et sans embûches. En même temps, il s’était donné pour mot d’ordre de se détendre. Et c’était tout de suite plus appréciable de progresser sans soupçonner le moindre buisson d’être un espion à la solde d’un ennemi hypothétique.

Le coin où il débarqua était encore plus désert que ce qu’il pensait. C’en était même étonnant. Il ne comprit pas tout de suite. Il aperçut du mouvement sur sa gauche. Très furtif. Ce qui le poussa à réagir immédiatement et à faire volte-face pour voir de quoi il s’agissait. Des gamins courant dans une direction. Etaient-ils poursuivis par quelque chose ? Ou bien se rendaient-ils quelque part ? Un retardataire se fit stopper net par le nécromancien qui l’interpella pour lui demander ce qui se passait. Ce à quoi le jeune blondinet décocha un regard hautain à l’ex Kirijin. Il lui répliqua alors :

- Bah ils vont le brûler qu’est-ce que tu crois toi !

Et le marmot reprit sa route. Que se passait-il ici ?! Ça ne semblait pas être aussi tranquille que ce qu’avait prévu Michiki. Mais sa curiosité le poussa à suivre le mouvement. En retraçant la piste du gamin, il tomba finalement sur une sorte de place où le village au grand complet semblait rassemblé. Et ils l’étaient tous autour d’un promontoire où un homme vêtu de noir brandissait quelque chose dans sa main. Le nécromancien prit un peu de hauteur sur le toit d’une habitation pour avoir un meilleur angle de vue.

Sur l’estrade se tenait également une deuxième personne, enchaînée. Des larmes aux joues, l’homme était mal en point. Malgré la distance, Michiki pouvait discerner les cocards décorant le contour de ses yeux ainsi que les multiples contusions sur ses bras mis à nus par la tenue plus que rudimentaire qu’il portait. Une sorte de taie d’oreiller où quelqu’un avait fait deux trous pour les bras et découper le bas pour pouvoir enfiler ceci comme un T-shirt. Un condamné à ce qui semblait.

Les cris dans la foule fustigeaient ce pauvre diable de bien des noms d’oiseaux. Michiki, ignorant totalement ce qui avait bien pu se passer ici, adopta la meilleure attitude dont il était capable. Il s’installa, assis sur le rebord de la maison et observa la scène. Un seul regret lui traversa l’esprit : ne pas avoir un truc à grignoter.

Il n’allait pas se précipiter au secours de cet homme. Il ignorait ce qu’il était accusé d’avoir fait, ou ce qu’il avait fait. Et il s’en foutait éperdument. Il avait assez à gérer de son côté avant de venir se mêler d’affaires ne le regardant en rien. Il allait donc attendre que tout ceci ne suive son chemin pour mener à un dénouement pouvant être avantageux pour lui. En effet, si ce type se faisait exécuter ici en pleine place publique, un peu d’attente et il ferait une recrue idéale pour le nécromancien toujours à la recherche de volontaires pour son armée privée. Juste besoin d’attendre donc. Encore une fois…

Il en était un peu revenu à son point de départ. C’était frustrant de se dire ça. Il tâcha de chasser ces pensées négatives pour relativiser. Mais là encore il eut du mal. Non pas parce qu’il était blazé. Non loin de là. Mais il avait soudainement la désagréable impression qu’il était épié. Ou en tout cas que quelqu’un le fixait. Se relevant, il scruta alors la foule à la recherche d’une tête tournée vers lui, le fixant d’un regard un peu trop insistant.

- Ça vous arrive souvent, d'organiser ce genre de festivités ?

- Vous savez, mam'zelle, il faut bien s'occuper comme on peut ...

- Certes, certes, une ne vous jugera point sur vos goûts.

- Comment qu'elle parle comme une bourge, ça vient de la capitale ?

Haussement d'épaule.

- Quelque chose comme ça. Si vous voulez bien m'excuser ...

Je m'éloignais de ce péquenaud sans aucun intérêt, pour me perdre dans la foule rassemblée en cette petite place de cet encore plus petit village de bouseux. C'est que, voyez-vous, dans mes pérégrinations au Pays de la Foudre, j'ai eu la chance (ou pas) de tomber ici, ici qui semblait désert avant que j'aperçoive des quidams foncer dans la même direction, visiblement excités. Bah. Je me suis dite qu'il devait y avoir un truc intéressant, comme, je sais pas, un buffet ? Oooh, ça aurait été bien. Ou un meurtre. Mais les meurtres n'attirent pas autant d'audience, à moins qu'ils ne soient spectaculaires. Et devinez quoi ? Ce n'était ni l'un, ni l'autre. Mais ça avait le don de ne pas être aussi inintéressant que ça. Il y avait un bûcher en devenir, avec un cadavre en devenir. Oh. Je me sentirai presque triste pour ce pauvre hère. Oui, oui. Presque. Je n'arrivais à ressentir la moindre sympathie pour cette pauvre loque. Je bâille. Je regarde autour de moi. Il fallait attendre, avant le feu de joie. Bah. Autour de moi ? Des paysans et autres villageois me regardant avec un intérêt certain. J'étais un peu une étrangère, et dans les lieux où la consanguinité est élevée, je ne passe pas inaperçu.

Whatever.

Il n'empêche qu'une drôle de fragrance titille mes narines - on remerciera mon odorat développé auprès des cascades - qui me fait tourner la tête, regarder en l'air. Oh. Un autre étranger, qui se veut discret. Installé en premières loges pour le spectacle. Je le fixe longuement de mes pupilles dorées, jusqu'à ce qu'il me remarque. Je garde le contact, avant d'afficher un sourire en coin. Peut-être que lui, il arriverait à tromper mon ennui. Ca ne coûtait rien de rêver, nan ? A part des déceptions. Je n'en étais pas à une près. Voilà que je finis par rompre notre vain dialogue, et que je me perds entre des têtes terreuses. Si il continue de m'observer, il ne sera pas difficile pour lui de suivre ma chevelure jade et de remarquer mes vêtements élégants. Je quitte la foule, silencieusement. Vais du coté des habitations, avant d'exécuter un unique saut visant à me poser sur le toit de la sentinelle.

Et voilà que je m'approche de lui, féline, avant de lui demander sur une voix où la malice sonnait.

- Bah alors, on a une place à partager ?

L’instinct du nécromancien ne l’avait pas trompé. Il repéra finalement au milieu de la foule une paire d’yeux rivé vers sa personne. De là où il était, il ne pouvait détailler les traits de la personne qui semblait néanmoins être une femme au vu de sa longue chevelure verte. Une couleur peu commune qui ne passe pas inaperçu. La demoiselle se mit alors en mouvement. Difficile de dire où elle se dirigeait. Vers lui ?! Une Kumojin ?! Ce n’était pas impossible. Il devait se méfier alors. Une main sur son étui par précaution.

Elle quittait progressivement la foule avant de disparaître furtivement. Ce qui ne rassura pas le binoclard sur le coup. Surtout quand elle reparut près de lui et qu’elle lui demanda avec un air innocent si elle pouvait s’installer ici. Il était sur le qui-vive malgré son air impassible, presque blazé. Il se méfiait de tout sur ces terres. Si les autorités Kumojins venaient à être informées de sa position, ça risquait de devenir compliqué. Il devrait quitter le pays au plus vite. Cette fille était peut-être là en reconnaissance pour le jauger. Tous les scénarios lui passaient en tête mais il devait se calmer. Rien de plus louche qu’un gars trop suspect.

Il décida de s’en remettre à ses nouvelles compétences développées récemment. Il ignorait si elles suffiraient à l’aider dans cette situation mais il était bien obligé d’avoir confiance. Il quitta donc son mutisme pour répondre à la jeune fille :

- Il ne me semble pas que ce lieu m’appartienne alors je vous en prie.

Il la laissa faire son chemin sans pour autant s’empêcher de la détailler. Depuis son perchoir, il n’avait pu le faire alors il profita de cette proximité nouvelle pour mener un examen rapide et topographique de ce qu’il pourrait apprendre juste en l’observant.

Mise à part sa chevelure, elle ne semblait pas avoir quoique ce soit d’exceptionnel par rapport à un autre. De grands yeux jaunes qui restaient aussi originaux que les cheveux. Ce n’est pas une couleur commune en effet. Et une barre rouge parcourait son visage, comme un tatouage. En fait, elle ne semblait pas si banale que ça. Qu’est-ce qu’une fille comme ça pouvait bien faire ici ? Au vu de la tenue du nécromancien, elle pourrait en dire autant. Sa simple chemise jurait avec les vêtements terreux des bouseux du coin. Il ne put s’empêcher de renouer le dialogue en lui demandant directement :

- Vous ne semblez pas d’ici, je me trompe ? Enfin, par rapport aux habitants de ce village, vous avez l’air d’être plus sophistiquée qu’une vulgaire exécution en plein lieu public.

Un tumulte parcourut la foule à ce moment. Son regard rendu violet par le verre de ses lunettes se reporta sur l’assistance rassemblé. Il semblerait que l’agitation gagne tout le monde. L’estrade allait bientôt s’animé. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres à peine entrouvertes :

- On dirait que ça bouge enfin en bas...

Cet homme ne semblait pas trop surpris de me voir. Pas trop heureux, nan plus. Il devrait l'être, pourtant. Une magnifique femme qui propose de s'assoir à coté de lui, que demander de plus ? Un mars ? Hmm ... Nan, DEUX MARS ! Et non, pas trois, ça fait grossir sinan. Dommage, j'ai pas de mars sur moi, mais si j'en aurai eu je l'aurai partagé. Ou pas. Je l'aurai gardé pour moi, il ne faut pas déconner. Voilà qu'il prend son temps pour me dire que oui, il y a de la place. Genre il hésitait. Il fait bien. Je prends tout mon temps pour m'installer, après tout, la cérémonie n'a pas encore commencée. J'en profite pour l'observer discrètement, après tout, dévisager quelqu'un ça reste malpoli. Il ne vient pas du coin, ça je peux le dire. Il est trop bien sapé pour ces bouseux. Puis bon, il est un peu sur le toit, ça veut dire qu'il a quelque chose pour lui.

Un quelque chose qu'on partage.

Mais voilà qu'il entame le dialogue, et me fait cette même remarque que j'avais gardé pour moi. Il sait que je ne suis pas d'ici, mais il amène la chose en douceur, un homme visiblement prudent. Je me contente de lui adresser un sourire sibyllin.

- En effet, et à ce que je vois, vous de même. Je suis ici de passage ... Pas que l'endroit m'intéresse, mais toute cette agitation m'a rendue ... curieuse.

J'avais allongé plus que nécessaire le dernier mot, avant de glousser. Puis il y a eu du tumulte, qui venait d'en bas. Oh, ça bougeait ? En effet, les acteurs principaux de cette oeuvre de théâtre arrivaient un à un, prêts pour leur discours avant d'allumer le feu de joie. Haussement d'épaule, ça ne m'intéressait pas. Pas encore.

- On dirait. Sinan, sans vouloir paraître indiscrète ... Vous venez de Kumo ? Je veux dire, c'est pas courant les gens qui arrivent à monter sur les toits sans échelle ni rien ...

Oui, n'oublions pas les priorités. Si il s'avérait être du Village de la Foudre, il se pourrait que je fasse tout mon possible pour devenir sa meilleure amie, histoire qu'il me fasse rentrer avec lui ...

- Oh, j'en oublierai presque la politesse ... Moi c'est Hikari, je viens des Cascades.

Petit sourire en coin, alors qu'on commençait à scander en bas. Et qu'un cri perçait l'atmosphère. Terrible, oui, mais terriblement drôle. Mais que pour moi, je crois.

Il semblerait que la jeune fille soit là un peu par hasard comme le nécromancien. attirée par la foule et l’agitation avait-elle dit. C’était sensiblement la même pour le binoclard qui n’avait rien trouvé de mieux à faire sur le coup. Tels deux papillons attirés par la flamme, ils s’étaient retrouvés ici par dépit de meilleure occupation. Mais c’était pour dire à quel point il n’y avait rien à faire dans ce trou perdu. S’en était à un point où une simple bande de simplets tentant de rendre la justice par eux-mêmes devenait un spectacle.

Le mouvement traversant l’assistance ne semblait pas arracher la moindre réaction à la jeune demoiselle qui préféra questionner le nécromancien. Il n’aimait pas trop ça sur le sol Kumojin. Il craignait toujours de tomber sur un shinobi de la Foudre. Il n’était pas non plus le bienvenue sur ces terres alors s’il pouvait s’éviter la prison autant que possible il ne disait pas non ! Prudence est mère de Sûreté par conséquent. D’autant que la question posée était plus qu’épineuse puisqu’elle lui demanda s’il était de Kumo. Elle justifia sa question par le fait qu’il se trouvait sur un toit pour observer la scène agitant le petit trou perdu. Il est vrai que les citoyens lambdas faisaient rarement ça. Seuls les shinobis pouvaient faire ça aussi aisément.

Ce qui signifiait que son interlocutrice était une kunoichi. Ce qui en faisait une potentielle adversaire. Il devrait redoubler de méfiance par conséquent. L’agitation apportait un bruit de fond à la scène alors que la demoiselle se présentait finalement. Elle s’appelait Hikari. Cela ne disait rien à Michiki. Ce n’était donc pas une ancienne connaissance déguisée ou ayant eu recours à de la chirurgie esthétique. Enfin ça après il n’en savait rien véritablement !

A peine s’était-elle présentée qu’un cri perçant vint les interrompre. C’était plus que dérangeant pour discuter. Michiki observa la jeune fille après avoir brièvement tourné la tête vers le bûcher. Rien à récupérer de la part d’un tas de viande grillée. Dommage il aurait eu besoin de nouvelles recrues. Pour une prochaine fois alors. Il en était donc à regarder sa voisine de toit. Elle n’avait pas l’air d’être une menace après tout. Le niveau de sensorialité du Shinda ne s’affolait pas et elle n’avait pas l’air d’être originaire de Kaminari donc elle était susceptiblement pas Kumojin. Il pouvait en avoir le cœur net par une discussion moins brève et faite à l’arrache sur un toit face à un barbecue humain.

C’est pourquoi il se releva, s’étira et reporta de nouveau son regard violet sur la jeune fille. Il brisa enfin le silence récent depuis que la foule avait assisté à la mise à feu du malheureux :

- Shinda Michiki, enchanté.

Il tendit une main vers la jeune fille. A la fois une poignée de main mais également une proposition pour l’aider à se relever. Il avait envie de bouger d’ici maintenant qu’il n’y avait plus rien à voir. Et tant qu’à faire, il tenait à s’assurer de la dangerosité de cette rencontre. Ou bien dans le pire des cas il bavarderait avec une jeune demoiselle tout ce qu’il y a de plus inoffensif. Il prenait le risque. Il reprit la parole avant qu’elle ne saisisse sa main :

- Je ne sais pas pour vous mais je préfère rejoindre un endroit plus « classique ». Ce spectacle m’a donné faim. J’ai vu un petit restaurant en arrivant si ça vous dit de m’accompagner.

L'odeur remontait jusqu'aux toits. C'était la seule chose à laquelle je ne m'étais pas habituée, malgré mes longues années en tant que nécromante. L'odeur laissée par les cadavres, quelle que soit la manière dont ils atteignaient cet état, continuait de m'indisposer. Odorat sensible oblige, je suis navrée pour moi-même. Bref, donc on a les cris, le spectacle, l'homme qui danse en agonie avant d'arrêter de gigoter. Et le calme revient, la foule commençant à se disperser. Plus d'animation, je les comprenais. Petite grimace, alors que je secoue la tête. Vraiment, qu'est-ce que je peux détester cette odeur de chair brûlée ...

N'empêche, plus qu'entendre, je sentais mon voisin de siège se redresser. On lève la tête pour le regarder, un éclat de curiosité dans les yeux et voilà qu'il se présentait. Shinda Michiki ? Ca ne me disait rien. Après, il pouvait très bien mentir, mais de base sa tête ne me disait rien, donc ... Il aurait pu utiliser une technique d'Henge plus ou moins avancée pour tromper mes sens, mais là je partais dans la parano la plus totale.

Puis si c'était vraiment le cas, ça voulait dire qu'il était plus effrayé de moi que moi je l'étais de lui, me donnant donc un certain ascendant psychologique. Mais je crois qu'on s'en fout.

Je me contente d'accepter la main qui est offerte, que j'agrippe fermement afin de me redresser. Nous sommes plus proches l'un de l'autre, là. Mon regard s'arrête plus longuement sur son visage, ses lunettes violettes. J'ai un étrange pressentiment. A moins que ce soit juste la faim qui tenaille mon estomac ! Après tout, il vient pas de m'inviter au restaurant ?! Certes, il n'a pas proposé de payer pour celui-ci, mais ça allait s'arranger.

- Avec joie, la viande grillée me donne toujours faim !

Je lui adressais un petit sourire goguenard, alors que je me laissais tomber du toit où nous trouvions. Juste pour me réceptionner avec grâce, une fois arrivée en bas. Je regardais à droite et à gauche, en attendant d'être rejoint, puis je me permettais de lui demander.

- Oh, sinan, vous ne m'avez toujours pas répondu ... Êtes-vous de Kumo ?

Mes yeux étaient posés sur les siens, silencieux, mais fixes. Il avait esquivé la question, je ne l'avais pas oublié malgré son aimable invitation. Et même si quelque chose me disait qu'il ne faudrait insister, que voulez-vous ... J'ai toujours eu un certain don pour m'attirer des ennuis. Mais surtout pour les attirer aux autres.

La demoiselle accepta la proposition du nécromancien ainsi que sa main. Enfin pas dans le sens qu’on l’imagine bien sûr ! Mais elle accepta la main qu’il lui tendait afin de l’aider à se relever. Lorsqu’il la releva, il se retrouva à quelques centimètres d’elle. Lors de ce bref instant, elle plongea ses yeux dans le sien. Il lui rendit ce regard insistant alors qu’elle ponctua l’instant d’un trait d’humour. La viande grillée lui donnait faim. Deux sinistres individus capables de se sentir affamés face à un véritable feu de camp humain.

La jeune Hikari se laissa donc choir du toit pour atterrir en bas. Elle attendit qu’il la rejoigne. Il fit de même pour se retrouver à côté d’elle. Et elle enchaîna avec une question insistante et un peu épineuse pour le Shinda. Etait-il de Kumo ? Elle avait replongé son regard dans ses yeux saphir. Essayait-elle d’y trouver une réponse ? Car le bleu azuréen de ses yeux ne révélerait rien. Surtout qu’elle devait plus voir ses yeux comme deux améthystes étincelantes avec ses lunettes. Mais encore heureux pour le nécromancien qu’il n’y avait pas moyen de déceler le mensonge d’un simple regard.

Il finit donc par répondre à la demande de la jeune fille d’un simple :

- Allons donc nous installer à table avant de discuter.

Il avait une nouvelle fois évité le sujet. Mais il comptait bien lui répondre. Seulement il s’était montré honnête en lui disant qu’il préférait aller à table pour parler. Il prit donc la direction de l’établissement qu’il avait repéré. Il était à seulement quelques mètres de là. Ils y furent en quelques secondes à peine. L’endroit était désert, comme si plus aucun habitant n’avait faim après le spectacle donné en place publique. Le gérant de l’endroit semblait s’ennuyer ferme avant que les deux potentiels clients n’arrivent. Il se précipita à la porte pour les accueillir.

- Bien le bonjour mademoiselle. Monsieur, salua-t-il poliment. Une table pour deux ?

Michiki répondit d’un simple mouvement de tête. Le type les mena donc à la table la plus proche. Ce n’est pas comme s’ils avaient besoin d’attendre que de la place se libère puisqu’il n’y avait que ça. ils s’installèrent donc et le garçon leur amena les cartes :

- Et voici la carte pour les deux amoureux !

La remarque arracha un regard de travers de la part du nécromancien. C’était pas parce qu’ils étaient deux, au restaurant, que ça voulait forcément dire ça. Il émit un bref soupir. D’ailleurs un détail lui traversa l’esprit. Il espérait que la jeune fille n’imaginait pas qu’il lui offrirait le repas. Hors de question ! Elle se débrouillerait ! Mais ils n’en étaient pas à ça. Comme ils étaient à nouveau seuls et tranquilles, le Shinda reprit finalement la parole :

- Désolé pour ma réponse tardive mais je ne suis pas de Kumo non.

Il jeta un regard à la carte entre ses mains. Faisant mine de choisir, son regard se releva pour fixer la jeune Hikari et il reprit la parole :

- Le pays des Cascades ce n’est pas la porte d’à côté. Sans indiscrétion, quelles affaires vous amènent si loin de votre foyer ?

Il avait éludé une nouvelle fois la question, c'en était presque frustrant.

Mais je ne lui en tenais pas rigueur, vu qu'il allait m'inviter au restaurant ! Restaurant vers lequel nous nous dirigions à un pas vif mais assuré. Ça devait sûrement être le seul restaurant de ce patelin tout pourri, mais on fera avec ! Après tout, c'est pas moi qui paye ! Pourquoi me plaindrai-je ? Donc j'affiche un gros sourire, alors que je reste un peu en retrait du bonhomme aux lunettes violettes. Il rentre dans l'établissement, moi collée à ses talons. On nous donnait une table, et une fois installés, on nous donnait le menu. Amoureux qu'on était, oooh ! Comme c'est mignon ! Autant jouer le jeu, naan ?

Qu'importe, alors que je consultais la carte pour choisir le truc le plus cher, enfin ma réponse était obtenue. Pas de Kumo ? C'était bien décevant ... Mais je ferai avec, je suppose. Donc quand il me demande ce que je fais ici, c'est à mon tour d'éluder la question ... Un certain temps.

- Hmm, je propose de prendre un vin blanc chouchou ...

Petit gloussement, alors que j'appelle le serveur et lui demander d'apporter la bouteille que je pointe du doigt. Et c'est en attendant d'être servie et d'avoir profité de quelques gorgées rafraichissantes, satisfaite, que je répondais dans un ronronnement.

- Disons que je suis une chercheuse. J'ai besoin de consulter les archives du Village Caché des Nuages ... Il y a des réponses d'une importance capitale dans leurs écrits.

Je faisais tourner le verre entre mes doigts, songeuse, alors que je me concentrais à nouveau sur mon interlocuteur, le jaugeant du regard.

- Et vous, donc ? Que faites-vous dans le coin alors ? Du ... tourisme ..?

Après tout, c'est vrai ! Si il est pas d'ici, d'où qu'il soit, qu'est-ce qu'il vient chercher dans ce coin pourri ?! Je veux dire, c'est pas par choix que je suis là, moi ! Alors ce serait bien si il m'apportait une réponse. Pas qu'elle ait de l'importance, après tout, il me payait un repas. Mais il fallait bien discuter un peu !

Un simple regard par-dessus le verre de ses lunettes et un haussement de sourcil significatif. C’est ainsi que Michiki accueillit le surnom ridicule que la demoiselle venait de l’affubler. En réponse à la remarque du serveur sur « les amoureux ». Mais c’était pas nécessaire d’en rajouter non ? Elle semblait vouloir jouer. Elle était mal tombée avec un type comme le nécromancien. Il avait son humour bien à lui. Mais les fausses niaiseries ne faisaient pas partie de son sens inné de l’hilarité.

Il décida de ne pas rester sur ce détail. Il donna l’intitulé de sa commande au serveur impoli avec toute la chaleur dont il était capable :

- Le plat du jour. S’il vous plaît. Et la même boisson que la demoiselle.

La commande ne mit pas longtemps à arriver étant donné le peu de monde qu’il y avait. Le vin arriva en premier et ainsi Hikari put se « désaltérer ». Peut-on réellement dire ça lorsqu’on parle d’alcool. Bon après tout ce n’était pas le problème du nécromancien. Il se servit son verre après son interlocutrice puis il huma un instant le breuvage. Il n’était pas vraiment fan de ces boissons exotiques. Il en ingurgita une gorgée pour tester. Immonde. Ce sera parfait pour faire passer le repas.

Alors qu’elle venait de boire elle aussi, elle reprit la parole. Elle se qualifia de chercheuse à la recherche d’informations capitales dans les registres de la Foudre. Une kunoichi sans nation essayant de consulter les archives d’un village. Dans quels cas cette situation pouvait déboucher sur une réussite ?! Michiki serait le premier surpris qu’elle y parvienne. Ou bien comptait-elle y parvenir par d’autres moyens que l’entrée conventionnelle au sein du village. Cette réponse titilla la curiosité du binoclard qui reporta cette interrogation pour plus tard. Il se pouvait que des oreilles indiscrètes traînent par ici. Et il ne la connaissait pas encore assez pour pousser l’interrogatoire jusqu’à ce point. Après le repas peut-être.

Elle joua un instant avec son verre. Michiki observa la robe claire du liquide s’y promenant. La voix féminine le tira de son observation. Elle lui retourna la question qu’il lui avait précédemment posée. Ce qu’il faisait ici. Pouvait-il le dire ? Depuis qu’il était arrivé dans le pays, beaucoup lui posaient la question et il se posait la même intérieurement par la suite. Serait-ce risqué ou dangereux pour lui de répondre honnêtement. Mais ses précédentes rencontres l’avaient formé à une réponse plutôt satisfaisante, mêlant à la fois sincérité et mystère.

- J’ai déjà pu découvrir un peu Kaminari no kuni par le passé. Le tourisme ne m’intéresse donc pas particulièrement ici. La raison est plus complexe que ça. Un peu comme la vôtre.

Il marqua une courte pause pendant laquelle le serveur revint avec les deux assiettes qu’il déposa délicatement devant chaque convive. Michiki attendit qu’il déguerpisse. Il le sentait fouine et cela serait susceptible de l’énerver. Au point d’attirer lourdement l’attention sur sa personne. Il contint son envie de le congédier à coup de pied. Impassible, il le regarda partir. Un bref échange de regard où le concerné dû sentir toute la sympathie qu’éprouvait le binoclard pour lui. Peut-être y réfléchirait-il à deux fois avant de se pointer inutilement. Le nécromancien remonta ses fines lunettes sur l’arrête de son nez pour ponctuer une reprise de sa phrase :

- Je suis venu ici pour retrouver un ami de longue date. Nous nous sommes perdus de vue depuis…bien trop longtemps à vrai dire ! Et il me semble que j’ai des chances de le rencontrer dans les parages.

Il n’y avait aucun mensonge dans ce qu’il venait de dire. Un simple oubli de précision quant à l’identité de l’ami en question ou de la complexité de la situation. Il entama son plat, prenant une bouchée. La qualité de la cuisson ainsi que celle du produit étaient médiocres. Il ne s’attardait pas dessus. Il avait vraiment faim et la qualité retranscrivait le prix à la sortie. Pas de quoi s’affoler donc, il n’était pas tombé raide mort sur le carrelage à cause d’un produit pas frais. Pas pour le moment du moins !

Alors qu’il avalait ses premières bouchées, son esprit réfléchissait sur ce que lui avait appris la jeune fille. Il se permit enfin de formuler une petite interrogation sur son objectif personnel en venant à Kaminari :

- Je vais me montrer indiscret une seconde fois mais quelque chose m’intrigue. Quelles informations peuvent intéresser une jeune fille des Cascades que Kumo aurait jugé bon de retranscrire dans ses archives. Mais surtout, comment comptez-vous y avoir accès ? En toquant à la porte gentiment et en demandant ?!

Il termina son discours sur une nouvelle fourchette de nourriture qu’il engloutit. Bon Dieu que c’était dégueulasse cette bouffe !

On ne semblait pas partager le même sens de l'humour. Pas celui concernant les surnoms amoureux, en tout cas. 'faut dire qu'on était pas amoureux pour commencer, et que ça pouvait être mal vu. Ce dont je me fichais éperdument, notez-le bien. Il n'empêche qu'il se décide à commander, finalement. Ma boisson, et le plat du jour. Une se contentait d'un unique signe de la main pour indiquer que je voulais moi aussi tel plat, et voilà que le serveur nous abandonnait, revenait à des tâches plus passionnantes concernant son magnifique emploi. Ou pas.

J'observais avec amusement la moue de mon partenaire, au moment de goûter ma boisson. Amusante, tout le monde ne pouvait être doté du palais délicat dont j'avais été divinement graciée. J'étais sûre qu'il était du genre à apprécier le saké et autre boisson de basse extraction d'ici. Je ne l'en voulais pas, comme dit il n'y a pas dix secondes, j'avais la chance de pouvoir profiter entièrement de ce qui était le meilleur ! J'étais juste un peu triste, pour lui.

Nan en fait, il a raison, c'est vraiment pas bon. Mais il a pas besoin de savoir ça.

Bref, il réfléchit à mes paroles. Cherche une réponse satisfaisante à donner. Et finalement, il commence à se révéler, brièvement. Il n'était pas là pour le tourisme, étonnement. Je veux dire, les paysages sont magnifiques ! Les villages sensationnels ! Kaminari est un peu le lieu à la mode pour partir en vacances, c'est connu ! Ou sinan, c'est que je vais un peu trop dans le sarcasme, et c'est pas très bon. Bref, donc, il serait là en fait pour retrouver un ami ? Et il pense pouvoir le retrouver dans le coin ?

Hmm ... M'ouais, c'était, un peu tiré par les cheveux. Après, il pouvait très bien dire la vérité, mais venir quelque part en espérant que par le plus grand des hasards on croiserait une personne bien déterminée c'est ... Pas très intelligent. Après, je me doute qu'il doit avoir un moyen de le repérer. On ne va pas si loin si nos chances de réussir ne sont pas élevées, oh ça nan.

Mais je ne me sentais pas obligée de lui demander comment il retrouverait ledit ami, moi j'avais des idées, et lui devais en avoir bien plus.

- Je vois, je vois ...

Je m'attaque à mon plat, quoi qu'il en soit. Et après la première bouchée, devinez quoi ? J'ai envie d'appeler le serveur pour la lui recracher, parce que disons le direct : c'est PAS bon. Je toussote, bois une gorgée de vin pour faire passer la chose. Mais en fait, ça empire la situation. Saleté de patelin de merde, je me vengerai. Un jour. Le brun ténébreux reprenait alors la parole, pour me demander ce que je cherchais, et comment j'allais m'y prendre, ce qui était indiscret en effet.

Je prenais le temps d'avaler la viande caoutchouteuse avant de reprendre, l'air de rien.

- Les Uchiwa.

Jouant avec mon verre, je le remplissais à nouveau avant de continuer.

- Même si il est peu probable que les Nuages sachent quoi que ce soit, n'importe quel indice est bon à exploiter ...

Je bâillais, de façon négligente.

- Et, vous savez, il y a des organisations aux Cascades dont le nom inspire le respect. Et j'ai la chance de pouvoir le porter sans inquiétude aucune.

Sourire, énigmatique, alors que je plongeais mes pupilles dans les siennes.

- Vous devez beaucoup tenir à votre ami, pour faire le voyage en cette terre inconnue, sans aucune assurance de pouvoir ... le retrouver ...

Je buvais une gorgée de vin, l'air amusé.

Une nouvelle fourchette de nourriture failli rester en l’air alors que la demoiselle lui faisant face répondait à sa question. Elle recherchait des informations sur les Uchiha. Rien que ça ?! Enfin c’était quand même difficile à croire. Bien idiot était celui qui n’avait jamais entendu parler de ce clan mythique de Konoha.

Un clan dont les membres étaient décrits comme de parfaits guerriers surpuissants capables du meilleur comme du pire. Mais personne ne pouvait le confirmer puisqu’ils étaient morts il y a de cela bien longtemps. A une époque où encore aucune nation n’existait et où Konoha n’en était qu’à ses premiers gazouillements de nourrisson potelé.

Hikari ajouta immédiatement après coup qu’il était peu probable que Kumo puisse la renseigner sur le sujet. En effet. Pour un clan originaire d’Hi no kuni, pourquoi y aurait-il des informations sur eux à Kaminari no kuni ?! Etait-ce des conneries ? La jeune kunoichi pouvait aussi très bien lui mentir sur la réalité de sa présence en ce lieu. Ce qui semblait le plus envisageable au final. N’importe qui recherchant à en savoir plus sur les Uchiha se présenterait à Konoha pour cela. Hors là, elle était à des lieux du village de la Feuille. En quoi les Nuages pouvaient-elle l’aider ?! Ça n’avait pas de sens. Ça ne pouvait être la vérité. Mais ça en devenait tellement absurde qu’on pouvait du coup se dire : pourquoi pas ? Mais là Michiki partait dans du trop philosophique pour lui !

Il fut dévié de ses interrogations par une référence à des organisations de Taki no kuni. De quoi pouvait-elle parler ?! Le nécromancien n’avait pas entendu parler d’une quelconque organisation basée là-bas. Il ne se prétendait pas le mieux informé du continent, du moins pour le moment, mais cela l’étonnait d’apprendre ici et dans ces circonstances l’existence d’organisations. Car la jeune fille avait bien mentionné qu’il s’agissait de plusieurs organisations ! A quoi pouvait-elle faire référence sinon ? Elle était plus que mystérieuse décidemment. Cela poussait le Fossoyeur à ne pas écourter cette rencontre depuis qu’elle avait commencé. Cette demoiselle dégageait un je ne sais quoi d’inconnu et de mystère qui suscitait le désir de savoir ce qu’elle pouvait bien abriter derrière cette carapace de faux-semblants. Pour cette raison que le binoclard restait assis à cette table à se farcir une bouffe immonde en discutant avec elle. Pour justement en savoir un peu plus.

Elle rebondit ensuite sur les propos du nécromancien. Le pourquoi était-il là. Elle s’étonna de voir qu’il devait énormément tenir à son ami pour venir jusqu’ici dans l’espoir de le retrouver sans avoir la moindre assurance que cela pourra se faire. Il n’y avait eu en effet aucune piste sûre ou fiable l’indiquant qu’il devait se rendre à Kaminari. Juste l’instinct du nécromancien qui l’avait mené sur cette piste. Etant donné le passé et les manigances de cette sale fouine de Gekei, il ne s’en serait pas étonné. Et puis au final, il avait eu sa réponse et sa piste confirmée par les dires du chef Hakushi.

Elle avait terminé ses mots sur un regard vers les pupilles du Shinda, qui avait soutenu cet échange non verbal. Face à ses interrogations, il y répondit :

- C’est un ami qui m’est très précieux en effet. Mais ça n’a rien à voir avec l’effort d’avoir dû traversé des lieues pour le retrouver. Je n’avais en effet aucune assurance de tomber sur lui ici. Mais c’était encore le pays où il était le plus susceptible que j’obtienne une piste sérieuse.

Il tenta de faire passer le goût infect des aliments par un verre d’eau. Il ne tenait pas à réitérer l’expérience de l’alcool bon marché qui leur avait été amené. Une ou deux gorgées lui suffirent à se rendre compte d’une chose, c’est que même l’eau semblait dégueulasse ici. Il ne le manifesta pas ouvertement même s’il en mourrait d’envie. Il était plus concentré dans sa réflexion que sur son palais. Il ignora donc ces incommodités mineures pour en revenir aux sujets de conversation évoqués :

- N’était-il pas plus approprié et plus…logique de se renseigner à Konoha plutôt pour les informations qui vous intéressent. Et encore. Je suppose qu’ils seraient peu disposés à vous aider. Surtout selon la nature des informations que vous recherchez.

Il retira un instant ses lunettes pour les essuyer. Il profita d’avoir ses yeux au clair sans un écran violacé pour plonger son regard azur dans les émeraudes de la jeune Hikari à qui il demanda :

- Vous me feriez un topo de ces fameuses organisations dont vous parliez ? J’ai été un moment hors du monde, ne me tenant pas informé du tout, et j’ai du retard à rattraper. Si vous avez la patience de m’en apprendre plus.

Il ponctua par un petit sourire en coin au moment où il rajusta ses hublots sur l’arrête de son nez. Puis il reprit le verre devant lui et avala une gorgée. Grossière erreur, il en avait oublié la saveur immonde !

Quelque chose me disait que je n'en saurai pas plus sur cet ami en question. Pas que cela me concerne, cela dit, ne m'intéresse. Après tout, il était peu, très peu probable que je le connaisse, ou que son nom puisse m'apporter quoi que ce soit d'utile. Et même si ça avait été le cas, je n'étais pas prête à faire les efforts nécessaires à l'investigation. J'étais ici pour Kumo, pour rien d'autre. Et même si mon pragmatisme me poussait à en savoir plus, je la faisais taire. Pour le moment. Après tout, j'avais le droit d'être une flemmarde. De profiter de l'instant, même si le repas était clairement moche.

- Comme c'est charrrmant ...

J'avais roulé le "r" exprès, je ne sais pas pourquoi. Pour le style, sûrement. Il ne disait pas tout, c'était évident. Mais on avait tout quelque chose à cacher, moi la première.

Donc quand il me fait remarquer, très justement, que les informations que je recherche risquent de ne pas se trouver aux Nuages, je me contente de sourire. Comme si je savais quelque chose qu'il ignorait. Juste pour me donner un air tout à fait agaçant. Puis, dans un ronronnement, je me contentais de chuchoter, amusée.

- Konoha est la clé, oui ... Mais comme vous l'avez dit, pourquoi seraient-ils prêts à me donner des informations aussi sensibles, moi, une étrangère ? Certes, j'ai de trèèès bonnes recommandations, mais même comme ça ... On n'est jamais sûre. Kumo a peut-être affronter Konoha dans le passé, et peut-être ont-ils gardé quelque chose sur leurs rencontres. Je doute que Kumo se préoccupe d'informations d'un autre village, sur un clan qui est reconnu comme éteint ...

Je gloussais, en buvant une gorgée de l'alcool tout naze. Je faisais genre que ça allait être facile, mais ça ne le serait pas. Personne n'était prêt à offrir ce qu'il possédait, même les choses avec le moins de valeur. C'était beaucoup de discussion, de négociation, de flirt et d'alcool qui m'attendaient. Et c'était même pas sûr pour l'alcool.

Puis je continuais, sur l'autre sujet qu'il amenait sur la table.

- Je ne vous connais pas assez pour vous en parler, mais sachez qu'elles sont puissantes. Je vous conseille de vous renseigner sur ce qui se cache derrière les Cascades ...

Je lui servais un magnifique sourire, avant de m'essuyer les lèvres avec ma serviette.

- Par contre, si ça ne vous dérange pas ... Je vais m'absenter un petit moment. Vous savez ce que c'est, d'être une femme ...

Je lui jetais un coup d’œil amusé, en me levant de mon siège. Je doutais qu'il sache de quoi je parlais, et ce serait inquiétant si ce n'était pas le cas.

Michiki ne comprendait jamais la gente féminine. Définitivement. Des comportements tels que son « C’est charmant » prononcé dans un roucoulement presque félin lui faisait prendre conscience qu’il était réellement peu habitué au contact avec les vivants. Trop de temps dans la morgue vous rend si associable ?! Difficile à croire.

Mais les sujets les plus intéressants de cet échange vinrent à point nommé. Comme il lui avait fait souligné, pour les Uchiha, autant s’adresser à Konoha plutôt que de venir ici à Kumo. Dans son raisonnement à elle, Kumo serait plus susceptible de lui transmettre des informations par rapport à Konoha qui défendrait jalousement ses secrets. Ce qui était une façon de voir les choses. Mais là encore, c’était un bien piètre argument. Il se chargerait de lui faire remarquer plus tard néanmoins.

Elle en vint également à ces fameuses organisations qu’elle avait mentionnées. Peut-être se montrerait-elle plus causante sur ce sujet. Mais c’était comme espérer qu’un borgne vous laisse son œil par gentillesse. Ceci dit il pouvait comprendre. Ils étaient deux inconnus l’un pour l’autre, il était peu probable qu’elle discute de choses comme celles-là aussi librement avec désinvolture. Elle se contenta d’un simple conseil. Se renseigner de ce qui pouvait se cacher derrière les Cascades. Elle faisait sûrement référence au pays des Cascades vu la manière dont elle en avait parlé. Mais là encore, c’était difficile de savoir puisqu’elle s’évertuait à rester évasive.

Elle coupa court au discours, prétextant qu’il s’agissait d’un problème de femme et que le nécromancien était censé voir où elle voulait en venir. Elle partit sans vraiment attendre de réponse en retour. Et encore heureux car le Shinda tirait une tête qui en disait long. Le serveur passant à ce moment pour débarrasser dissimula un sourire. Il eut le droit en retour à un regard des plus noirs de la part de Michiki. Il repartit donc vite fait, laissant le binoclard à son verre qu’il se contenta de regarder. Hors de question de reboire ce truc. Ni vu ni connu, il versa le reste dans le verre de la demoiselle. Ça lui apprendra à se barrer comme ça et à avoir commandé cette pisse.

Comme elle n’était pas encore revenue, il se décida de s’occuper d’une certaine façon. Il se leva et se rendit au comptoir où traînait leur serveur. En voyant le nécromancien arrivé, il tira lui aussi une tête de six pieds de long. Il devait sûrement penser qu’il viendrait se plaindre de la qualité du repas ou de son air moqueur d’il y a quelques secondes. Au lieu de ça, Michiki se contenta de demander :

- Vous savez ce qu’il avait fait le mec là-bas ? demanda-t-il en désignant vaguement la direction de la place publique.

- Itsuki ?! Oui c’était un peu l’idiot du village et il trempait dans quelques trafics pas très nets. Puis c’est allé trop loin y a pas longtemps.

- Dans quel sens ?

- Accusé de meurtre. On l’a retrouvé dans une maison, le sang de toute une famille sur les vêtements. Un vrai cinglé apparemment. Il gueulait des trucs incompréhensibles nous ont dit les autorités.

- Du style ?

- Des trucs à propos d’un corbeau qui aurait fait le coup apparemment. Ou je ne sais plus trop quoi.

Le regard de Michiki s’embrasa. Il rabaissa ses lunettes, fixant son interlocuteur avec un air carnassier. Comme le prédateur affamé reniflant l’air avide de l’odeur de sa proie à peine retrouvé :

- Vous avez dit ?

Mais il n’eut pas le temps d’avoir de plus amples explications. Un mouvement fit détourner les yeux à Michiki qui remonta par la même ses verres sur son nez fin. Son accompagnatrice était revenue de ses petites affaires. Leur serveur en profita donc pour leur demander :

- Je vous fais venir le dessert ?

Un simple regard entre les deux convives. Un instant de doute clairement perceptible. Puis Michiki prit les devants :

- Non ça va aller je pense. Si vous pouvez nous amener l’addition à notre table.

Le Shinda partit se rassoir. Il digérait encore ce qu’il venait d’entendre. Le Corbeau aurait frappé ici aussi ?! Pourquoi ? C’était un vieux trou à rats. Pas son genre de s’attaquer à de si petits gibiers. Mais il fit abstraction de cela alors qu’un souvenir lui revint en mémoire :

- Je viens de repenser à ce que vous aviez dit. En effet, Kumo aurait moins à perdre à révéler quelques informations sur un clan. Mais en ce qui concerne les Uchiha...

Il lui jeta un regard lourd de sous-entendus par-dessus ses verres :

- On ne parle pas d’un petit clan lambda sans grand intérêt. Je doute qu’on vous aiguille dans le moindre village. Pour parvenir à vos fins, il faudrait procéder de manière…plus subtile. Mais je ne vous apprends rien dans ce domaine, non ?

Un sourire tout aussi évocateur accompagna ces derniers mots. Il avait bien quelques idées mais va savoir, elle y avait peut-être déjà fortement songé !