Je me fais de plus en plus vieux. Je le sais. Je le remarque. Je m’en rends compte lorsque je regarde les dunes de sables du désert. C’est étrange, cela ne doit faire que quelques mois que je me promène dans ces contrées arides et pourtant, je m’y sens chez moi. Je vois le désert comme une seconde maison. C’est un endroit paisible, il fait chaud le jour, froid la nuit. Il n’y a pas de surprise. Je ne me fais pas attaquer par derrière et aucun ennemi ne surgit des buissons environnants. Il n’y a pas de buisson. Ce que j’essaye de dire en fait, c’est qu’il est rare pour moi de me sentir complètement en phase avec un lieu. Pourtant c’est le cas avec le désert de suna. Alors, que dois-je en conclure, que je ferais mieux de partir le plus vite possible pour ne pas garder d’attaches ou au contraire, m’attarder un peu dans cette partie du monde. Je réfléchis et me questionne tandis que mes pas s’impriment de manière éphémère dans le sable jaune.
Je suis en marche vers une petite ville. L’un de mes agents de l’organisation est venu me voir ce matin. Il s’agissait de Near, mon préféré. Il m’a retrouvé grâce aux quelques messages que j’envoi de temps en temps à Goren. Ainsi, après avoir insisté sur le fait que ce fut particulièrement compliqué de savoir où je me trouvais, il m’a confié le fait que d’après lui, il y aurait un individu intéressant qui passerait dans l’une des petites villes environnantes. Bien entendu, je lui ai demandé plus d’information et tout ce qu’il a pu me donner concernait son physique. Pas de nom et pas vraiment d’indices sur la manière de le retrouver. Apparemment le type en question aurait eu l’habitude de fourber les civils avec des petits tours de genjutsu biens pensés. C’est généralement chez ce genre d’individus que l’on retrouve le plus gros potentiel. Voilà pourquoi je n’ai pas hésité à me lancer sur la trace de cette nouvelle recrue hypothétique.
Je marche longtemps sous le soleil de plomb et je n’arrive à la petite ville du désert qu’à l’heure du crépuscule. Le soleil mourant me procure une sensation de mélancolie qui me fait pénétrer dans la ville avec le cœur un peu morose. Je traverse les rues et demande mon chemin à un, puis deux passant. Ma question est simple : où se trouve l’auberge du coin. Si il y a bien un endroit où l’on peut trouver des informations, c’est à l’auberge de la ville. Le tavernier est toujours au courant de tous les derniers potins concernant sa cité et sa langue se délie aussi vite que se déroulent les billets. Je trouve donc la taverne et m’y précipite d’un pas décidé.
Je suis maintenant entré et mes jambes me mènent jusqu’au bar où le tenancier de l’établissement, ne démentant nullement le cliché persistant sur les barmans qui nettoient constamment leur comptoir me demande ce que j’aimerais qu’il me serve.
« Une simple bière s’il vous plaît. J’aimerais aussi savoir si vous avez appris quelque chose à propos d’un type roux et borgne. Son unique œil est vert. »
Le barman me pose ma bière sur son comptoir et me regarde d’un air suspicieux. Il doit se dire que c’est un peu louche et que vu que je trimballe avec moi deux sabres assez imposants, je ne dois pas chercher à parler à cet individu que je recherche mais plutôt à le tuer. Je cherche donc dans ma poche un rouleau de monnaie que je dépose sur le bar. La main du propriétaire s’écrase dessus et fais glisser l’oseille le long du bois pour retomber sous le comptoir. Il se racle ensuite la gorge et se saisit d’un bloc note et d’un stylo. Il écrit quelque chose de difforme puis arrache une page. Il me la tend. Sur celle-ci, une flèche pointant vers la droite. Je tourne la tête et remarque une porte isolée. Je me lève du bar tout en prenant ma bière au passage et me dirige vers la dite porte.
Sans une once d’hésitation je l’ouvre et m’engage dans les escaliers sur lesquels elle donne. Je descend lentement les marches et commence à entendre des bruits sourds de bois qui se fracasse et d’homme qui scandent un nom. J’arrive à la fin des escaliers et ouvre une nouvelle porte. Je me retrouve alors dans une grande salle ronde au milieu de laquelle se trouve un ring sur lequel deux hommes se battent. Des tables tout autour accueillent des clients fumant et buvant à flot. Ils tiennent des billets dans leurs mains et crient le nom de celui qu’ils aimeraient voir gagner.
Je balaye la salle du regard et trouve enfin mon inconnu. Il est assis seul à une table en train de profiter de la fin d’une cigarette. Il regarde le combat mais, a la différence des autres, est parfaitement calme. Je marche vers lui et me saisis de mes deux sabres, toujours dans leur fourreau. Je les pose sur la table dans un bruit d’acier muet et m’assied sous le regard interloqué de mon inconnu. Je le regarde dans les yeux quelques secondes et je baisse mon capuchon noir.
« Je suis Katano Yusuke et j’ai à vous parler de quelque chose… »
