Ayant déjà amplement discuté de la situation avec son homologue du Shukaï, le duo de hauts gradés avait bien assez tôt emprunté ces longs couloirs qui menaient aux geôles. Cela faisait longtemps que le Capitaine ne s’y était pas rendu. Il faut dire que la situation était relativement calme, et qu’il n’y avait pas de quoi enfermer grand monde pour l’instant. On en reparlera à la prochaine insurrection. Les cages ne contenaient alors que deux à trois prisonniers, dont certains étaient des légendes que le monde devrait un jour oublier. Mais une cellule en particulier devait attirer le Capitaine de l’Ôda en cette heure. Au fond, isolé des autres, l’homme pourrissait dans son trou, sans émettre son et sans vague produire … .

Sur l’invitation de Homura Jisetsu, confrère et pourtant opposé de Demon Jisetsu, Kakeshuou Samui prenait les devants et se présentait en premier devant les barreaux, suivi de près par le Jônin. Les bras croisés, sur toute sa hauteur, l’homme avançait sans piper mot, et posa ses yeux sur son interlocuteur du jour.
Tapis dans son trou, le Jisetsu ne semblait pas motivé à discuter. Il faut dire que les conditions de sa capture ne lui avaient probablement pas plu. A partir de là, tenter de trouver un terrain d’entente serait davantage un terrain miné. Mais peu importe ; le quinquagénaire avait des projets très arrêtés. Et s’il était venu en ces lieux, c’était assurément pour obtenir quelque chose.

~ Demon, te souviens-tu de moi …

Ayant pris les clés, celles-ci firent leur double-tour dans la serrure, faisant pénétrer les deux hommes. Inutile de craindre quoi que ce soit ; dans cette prison où toute communication avec du chakra est impossible, deux hommes d’âge mûr arriverait sans problème à maitriser un post-adolescent privé de force. Se plaçant directement face à son interlocuteur, le vieux combattant reprenait la parole, en espérant attiser la curiosité de son hôte entre ces quatre murs.

~ Je suis Kakeshuou Samui, actuellement Capitaine du Shukaï et habilité à donner la Justice entre ces murs. Je suis venu te voir pour discuter de ta possible libération en échange de quelques concessions de ta part … . Si tu es prêt à les écouter, naturellement ; ce qui est dans le meilleur de tes intérêts … .

Voilà de quoi réveiller le jeune homme et lui faire entrevoir une lueur d’espoir. Après tout, on ne pouvait qu’espérer que cette conversation permettrait de fonder quelque chose de positif pour l’avenir … .

Restant dans le silence, le captif préférait pour l’instant relever la tête et observer la suite de la discussion. Le trio se regardant dans le blanc des yeux pendant un court instant, il fallut un geste de la part du meneur de l’interrogatoire pour briser ce genre d’ambiance. Tournant un bref instant le dos à son interlocuteur, en sachant pertinemment que le haut gradé Jisetsu le sauvegarderait contre toute mauvaise tentation, le Capitaine de l’Ôda allait faire un rapide tour dans le couloir. Renvoyant d’un mouvement sec du doigt le garde qui patrouillait dans les couloirs des geôles, le quinquagénaire s’emparait des deux chaises de bois pour revenir dans la cellule. Les plaçant face à Demon, il prenait la liberté de s’asseoir, invitant – silencieusement – son partenaire à l’imiter. Le prisonnier pouvait toujours rester assis sur le sol froid ; pour être honnête, Kakeshuou Samui n’en avait cure … .

Se penchant en avant pour se montrer plus « intime », plus proche de l’interrogé, le vieux combattant croisait les doigts et n’hésitait pas à plonger son regard dans les pupilles brillantes de l’interpelé. On ne fait pas peur à Kakeshuou Samui ; c’est lui qui instille la peur chez ses adversaires ! Et si tu veux lancer un combat de regard, sache que l’Ancien est prêt à se crever les yeux pour garder les paupières plus longtemps ouvertes ! Ca, c’est de la détermination ! Bref, passons, ca devient ridicule … .

~ Tu es venu, semble-t-il, dans le but de faire transvaser les racines de ton Clan au sein de notre Alliance. Ce qui en soi serait très apprécié. Je me doute que ton arrestation sans avertissement ne t’encourage pas énormément à agir dans ce sens, mais ce serait dans l’intérêt de chacun qu’il en soit ainsi aujourd’hui … .

Se redressant, le Capitaine tâchait de faire le point. Convaincre le captif serait tout sauf une tâche aisée. Le tout était de montrer qu’il y avait encore moyen de s’arranger. Et déjà, en revenant sur les origines du contentieux. Si Demon Jisetsu était prêt à encourager les Siens à vivre désormais sous l’obole du Shukaï, les conflits se trouveraient bien moins fréquents. Chose qu’on ne pouvait que louer ! Mais certains, par désir de vengeance ou par bête empressement, peuvent parfois prendre des décisions pouvant coûter la vie à bien du monde … .

~ Voilà ce que je propose dans un premier temps. Pour commencer, le respect de ton corps et de tes droits, sans menace contre ton corps ni contre ta liberté. Celle-ci te sera d’ailleurs accordée dès que cette conversation sera achevée, et tu seras reconduit aux Portes du Shozaïchi. Autant dire que tous ces malheureux évènements seront oubliées, et tes fautes passées mises de côté à cette occasion.

Voilà déjà pour ce qu’il y avait à gagner. Une proposition raisonnable pour l’instant ! Le Jisetsu pouvait retrouver toute sa liberté, et partir dans l’heure s’il acceptait les différentes conditions à venir ! Le plus sage était certainement d’écouter maintenant ces fameuses demandes.

~ En échange de cela, je demande le maintien de ton accord premier avec ton confrère Homura. Que les Jisetsu puissent trouver abri et refuge au sein de l’Alliance des Pays Neutres. Dès que tu rencontreras un membre de ta Race, tu l’inciteras à se rendre chez nous, et tu nous en informeras pour que nous puissions le traiter à sa juste valeur : comme un Frère et un camarade de combat. Il me semble qu’une telle proposition est loin d’être insultante et inenvisageable, non ?

La dernière phrase s’était faite pour accompagner un mouvement de tête, qui devait se finir sur le visage de son collègue Homura. Ce n’était pas seulement une question d’avoir l’accord de Demon, mais aussi de s’assurer que Homura appuyerait cette demande, et qu’il en reconnaîtrait toute l’intelligence et l’utilité. La diplomatie était ce qu’il y avait de mieux pour se sortir de la situation. Alors, prêts à négocier ?

Spoiler:

Les arguments s'échangeaient entre les deux membres du Clan Jisetsu, mais aucun d'eux ne faisait preuve ici d'intelligence. Tous deux avaient des attentes beaucoup trop bornées, et espéraient devenir les maîtres alors qu'il n'avait dans cette cellule absolument aucun pouvoir ! Peut-être serait-il temps de les recadrer, et de leur rappeler quelle est la véritable, seule et légitime autorité dans ces murs ?

~ Je vous propose quant à moi une troisième option. Le prochain qui l'ouvre pour sortir ce genre de proposition n'aura pas l'occasion de participer « activement » à l'agrandissement de son Clan ! J'espère être assez clair … .

Voilà des paroles qui glaceraient les parties de beaucoup, par sa simple énonciation. Mais on ne peut s'empêcher d'imaginer la réalisation du projet lorsqu'il émane du Dernier des Kirijins. L'homme est assez autoritaire, rugueux et sanguinaire à ses heures perdues pour s''offrir quelque divertissement que les principaux concernés regretteraient amèrement ! Autant dire qu'on ne peut se permettre de dire n'importe quoi en présence du Capitaine de l'Ôda.
Ayant enfin droit à plus de silence et moins d'inepties, Kakeshuou Samui soupira un coup et se redressa sur sa chaise. Il ne pouvait pas autant compter sur son comparse qu'il l'eut espérer. Il allait donc revenir sur sa demande et tenter de raisonner les deux individus.

~ Si vous souhaitez faire un duel, c'est votre droit. Et je me contremoque des conséquences. En revanche, il est temps de revenir au sérieux de la situation, qu'aucun de vous ne semble saisir. Demon, ce n'est pas moi qui ai ordonné ta capture ; mais en tant que Nuke-Nin, celle-ci est plus que légitime, et tu l'as dit toi-même : tu as pris un risque en venant ici, ce qui signifie que tu pouvais t'attendre à ce résultat. L'objectif maintenant est de te sortir de là et d'éviter ce genre de situation pour tes Frères encore dehors … .

Un rapide regard noir vers Homura. « Si tu l'ouvres, je ne donne cher ni de cet accord ni de tes bonnes grâces au sein de l'Alliance ! » Espérons que le Samui parviendrait à instaurer un climat plus pacifique entre les deux hommes … .

~ Demon, je pense que tu es le premier à désirer la liberté ici. Et je comprends bien l'intérêt que tu portes à ton Clan. Si tu as initié ce projet d'unifier le Clan au Shukaï, aucune raison – pas même cette arrestation – ne devrait t'en dissuader aujourd'hui. Tes Frères sont détenteurs d'une pupille exceptionnelle ; tu ne peux pas les bannir de votre Clan, d'autant que vous n'avez aucun Chef légitime depuis la destruction de Kiri. En revanche, tu sais que tes Frères pourraient être traqués pour cette pupille. Ce que nous voulons tous éviter ici.

Présentons d'autres arguments sur la table. Qu'ils le veuillent ou non, ces deux hommes étaient cruciaux pour la réalisation de ce projet ; et les diviser n'amènerait rien de bon. Attendre d'eux qu'ils s'entendent aujourd'hui serait impossible ; mais on pouvait les unir sur le même centre d'intérêt : sauvegarder le Clan des menaces éventuelles à l'avenir.

~ Tu as parlé de conditions, que tu aurais formulé à ton confrère. Donne les moi, que je les connaisse. Et je peux te proposer non seulement ta liberté, mais aussi un rôle à jouer sur notre échiquier. Vois-y … un premier geste de confiance, par exemple ? Ce ne serait pas une mauvaise chose, n'est ce pas ?

ENFIN ! On allait pouvoir prendre de l’avance sur cette discussion, et trouver un arrangement. Qui serait accepté à l’amiable par chaque participant. Ayant prêté une oreille attentive aux exigences et aux attentes du Nuke-Nin, Kakeshuou Samui s’était fait une première idée sur les demandes diverses. Elles n’étaient pas si difficiles, et restaient même dans le domaine du raisonnable ! On ne pouvait pas toujours en attendre autant de la part d’un homme ayant juré fidélité à sa liberté et à ses propres envies plutôt qu’au Devoir et à la Patrie. Bref ; cela ne pouvait être que de bon augure pour le Capitaine de l’Ôda. Sa première inquiétude était de savoir ce qu’en penserait Homura Jisetsu. Après tout, même sous la menace, le quinquagénaire ne pouvait exclure ce membre important de son propre Clan. Une remarque, observation ou réponse de sa part était donc la bienvenue, tant qu’elle montrait de la retenue, de la réflexion et la capacité d’un discours intelligent et bien mené.

Ce qui fut le cas, au grand plaisir de notre vétéran des guerres passées. Bien que soulignant son point de vue sur l’intérêt de son confrère de Race, Homura semblait préférer se retirer et ne pas trop montrer les crocs. Un sentiment d’inutilité ou de délaissement ? N’aie crainte, Homura. Tu l’ignores peut-être, mais c’est ce genre de comportement qui est aujourd’hui attendu dans nos murs. Et ceux capables de faire passer les intérêts de cette Alliance avant les leurs sont ceux qui méritent d’avoir un rôle de premier plan … .

Le regard couleur glace des steppes gelées se tournait de nouveau vers le visage du prisonnier. Pas de signe approbateur ou autre manifestation de plaisir. Notre homme reste un politicien, qui se contente d’accepter les évènements tels qu’ils viennent. La joie ne traverserait pas son visage, même s’il obtenait pleinement ce qu’il souhaitait. Et c’était bien le cas ici.

~ En ce qui me concerne, ces conditions me conviennent parfaitement ! Puisque notre Confrère ici vient de nous le dire, j’accepte et j’entérine dès que possible la création d’un Quartier Jisetsu au sein du Shozaïchi, avec les Archives qui en ont été tirés hors de Kiri Gakure no Sato. Quant au Clan, Homura vient de donner son accord. Nous verrons donc bien si les prochains Jisetsu à nous rejoindre correspondront aux critères que tu nous demandes, Demon … .

Un petit mouvement de tête, alors que son regard observait la silhouette de Homura Jisetsu quitter la pièce. Tu es trop empressé … et trop fier. Mais peu importe, en ce qui me concerne, j’ai obtenu ce que j’attendais … sur tous les niveaux. Passons maintenant à la deuxième partie du contrat, concernant les informations sur les Furyous. Sur ce point, il serait difficile d’en faire plus ; mais on pouvait déjà faire preuve de bonne foi, et tenter de penser à un futur travail en commun, sur un accord de principe. Après tout, même s’il était étonnant de ne pas voir les Déserteurs devenir des Disciples et Serviteurs en puissance dès l’Annonce faite par Sa Majesté, on pouvait supposer que certains ne résisteraient pas à la tentation. Demon Jisetsu n’avait pas commis cet écart : lui restait-il un peu de bon sens et d’honneur, malgré ses actes … ?

~ Concernant tes attentes sur les Furyous … je ne peux hélas t’en dire beaucoup sans l’accord du Triumvirat. Ces informations sont d’intérêt national, et je ne peux pas passer au dessus des autres. Cependant, sois sûr que je te communiquerais nos informations dès que je le pourrais. Par ailleurs, et pour te soulager, car je connais tes sentiments vis-à-vis de cette personne ; sache que l’implication de Tenzö dans cette guerre en tant que Furyou n’était que le fruit d’un Edo Tenseï. Son cadavre a été retrouvé, et a été scellé. Ce fut une violation répugnante de sa sépulture, mais sois assuré que cela ne devrait plus arriver … .

La chose paraissait de bon augure, et si tout un chacun se posait des questions sur la personnalité et les intentions réelles de Kakeshuou Samui, tous savaient que l’honneur était pour lui un bien insaisissable, qu’on ne pouvait bafouer sous ses yeux.
Ayant sorti un document, l’homme se servait d’un support qu’il avait amené avec lui depuis le début, et commençait déjà à rédiger le document officiel. Il espérait bien obtenir une signature et un accord définitif avec son partenaire. Une fois cela fait, tout pourrait rentrer dans l’ordre : Demon Jisetsu serait libre, et le Shukaï pourrait sans doute compter sur un nouveau pilier. Pilier que le Capitaine de l’Ôda comptait bien garder à l’œil au début. Mais quoi de plus naturel, après tout … .

Il finit par lui présenter le document définitif et officiel.

~ Je pense que ce document devrait te donner pleine assurance de notre bonne foi, et de mon parole.




Le papier était entre les mains du captif. Il n’y avait que lui qui posait mettre la pierre angulaire à cet acte officiel. En espérant qu’il se tiendrait à ses engagements. En attendant, le vieux Jônin souhaitait malgré tout avoir quelques informations ; et pour ce faire, il continuerait à mettre son compagnon de discussion à l’aise … .

~ Dès que ce papier sera signé, tu seras libéré de tes chaînes et pourras quitter le Shozaïchi … en toute discrétion, cela va de soi. … Je souhaiterais cependant te poser une question, à laquelle tu n’es pas obligé de répondre. As-tu rencontré beaucoup de Déserteurs dernièrement … ? Se sont-ils ralliés à des Villages … ou des Organisations ? Je ne te parle pas forcément de Yusuke, mais d’autres … . Tu n’as pas d’obligation à me répondre, mais cela ne te contraint à rien, ni ne trahit qui que ce soit. Je suis sûr que tu comprends ma position, et mon interrogation.

Laissant le détenu exprimer ses derniers ressentis sur la question, Kakeshuou préférait pour l’instant garder le silence. On était dans une phase où le mot de trop pouvait mettre un terme à cet accord ; autant éviter de dire n’importe quoi, et de donner une mauvaise impression. A la demande concernant les deux soldats du Clan Jisetsu déjà compris dans l’Alliance des Pays Neutres, le Capitaine de l’Ôda se contenta d’acquiescer d’un mouvement de tête sans piper mot. Une fois le papier donné, le haut responsable le récupéra et se permit de jeter un œil sur le papier. Tout semblait en règle, la signature était bien réelle. Ne restait plus qu’à le conserver dans les Archives, afin que ce document jamais ne disparaisse ou ne puisse être perdu.

L’homme se redressa, en roulant le document et le plaça dans sa chemise, afin de le garder précieusement. Hors de question de se faire avoir ici d’une quelconque façon. Le tout était maintenant de respecter ses engagements. Comme il comptait bien le faire. D’un revers de manche, il récupérait la clé des menottes qui liaient Demon Jisetsu et la laissait tomber au sol, face à lui.

~ Je te remercie pour ta bonne foi et tes informations. Je ne doute pas que de nombreux fantômes doivent encore être en activité dehors … . Commençons par la clé de tes fers ; tu peux te détacher dès maintenant. Quant à ton départ du Shozaïchi, je te demanderais de patienter encore entre ces murs pendant une heure. D’ici là, un homme viendra te chercher et te conduira en secret hors de nos murs … .

Sur cela, le quinquagénaire avait tourné les talons et était passé par la porte de la grille. Il referma la geôle juste derrière, et la verrouilla. Une ruse ? Rien de tout cela ; notre homme tenait pourtant à ce que la venue du Nuke-Nin demeure secrète. C’était de toute façon dans l’intérêt de chacun : certains ne seraient pas prêts à passer un tel marché avec un personnage comme Demon ; et lui-même ne pourrait que s’attirer des ennuis s’il montrait le bout de son nez. Autant bien encadrer les choses pour éviter le maximum de tracas, pas vrai ?

~ Sois rassuré, tout se passera comme je te l’ai dis. Tu n’as donc pas à t’en faire. D’ici une heure, tu seras libre. N’oublie pas d’honorer la part de ton contrat. Je serais bien gêné pour toi qu’il en soit autrement.

Sur ce, l’ancien ajouta un léger signe de tête en guise de salut, et sortait du champ de vision de son interlocuteur. Passant les couloirs, tournant une fois à droite, puis à gauche, il ressortit le document qu’il venait de signer avec le Déserteur. La signature y était toujours, aucun doute à avoir. Dans cette cellule où aucun Jutsu n’était possible, et où le stylo était celui qu’il avait lui-même proposé, comment le prisonnier aurait-il pu le duper … . Les choses étant en ordre, le Capitaine rangea de nouveau le document et prit la direction de la sortie.

Spoiler:

* * *

Sortant de la prison après une bonne heure de tractation et de négociation, l’Ancien se devait d’avouer que la fatigue le prenait. Il n’allait pas tarder à envoyer un message à l’un de ses hommes de confiance, pour que ce dernier accompagne le prisonnier à l’extérieur de la Capitale. Après quoi, il devrait le pister pour un certain temps afin de s’assurer qu’il sorte bien des territoires du Shukaï. Une simple mesure de précaution, sans la moindre gravité ou importance.

Mais un sentiment déjà ressenti auparavant assaillit le vieillard. Et cette sensation lui fit immédiatement prendre une pause hostile. On l’observait ? Serait-ce une tentative d’assassinat ? Non, aucune intention mauvaise ne semblait filtrer. En revanche, cette sensation était familière. Et cela se confirma à la vue d’un homme adossé contre le mur de l’établissement, non loin de la porte de sortie. Une silhouette que le Capitaine de l’Ôda reconnut immédiatement.

~ Je te remercie pour ton aide et pour ta retenue, Homura. Veux-tu voir le document une dernière fois, ou as-tu des questions à me poser sur la raison de mes choix de ce soir … ?

Ayant tourné les talons pour faire face à son interlocuteur nocturne, Kakeshuou Samui se rapprochait de l’homme. Il avait bien senti, tout au long de cet entretien, que le Jônin du Clan Jisetsu n’était pas à l’aise. Évidemment, la situation n’avait pas été des plus agréables pour lui ! En arrêtant le déserteur des plus sinistres appartenant à sa Race, l’homme devait certainement espérer prendre les rennes du Clan et ne plus être redevable ou devoir se justifier devant ses confrères. Or, la conversation lui avait échappé, et le rôle du Capitaine de l’Ôda dans cette affaire n’était pas des moindres.

Préférant parlementer et obtenir des informations de cet homme en geôle, Kakeshuou Samui avait presque délaissé le Jisetsu, espérant ainsi obtenir davantage du camp ennemi. Une sorte de trahison en interne, dirons-nous. Et très rapidement, Homura s’était quasiment vu exclu. Si le vieux Samui avait défendu son honneur et sa place importante au sein de son propre Clan, il avait aussi fait comprendre qu’il était prêt à piétiner l’honneur et les objectifs du Jônin du Shukaï si c’était dans l’intérêt premier de l’Alliance. Un comportement que jamais notre homme ne nierait ni ne renierait, sachez le !

En signant ce pacte, qui scellait l’avenir des Manipulateurs du Temps au sein de l’Alliance, et en acceptant certaines conditions qui limiterait l’avenir de Homura au sein du Shukaï, le quinquagénaire était conscient qu’il avait foulé au pied les intentions probables d’un combattant en pleine évolution dans sa carrière. Était-ce quelque chose de judicieux ? S’était-il fait un ennemi, ou un allié ? D’après son rapport – chose dont le vieux Capitaine n’avait pas voulu parler avec son compagnon d’arme – l’homme ne semblait guère apprécier les Samui. Venait-il de l’encourager dans cette voie, ou de revoir son jugement ? La nature humaine et son rapport avec son dentier peut être parfois si mystérieuse et complexe … .

Il fallait juger de tout cela maintenant ; et instaurer un équilibre, une règle entre ces deux hommes. Se toiser du regard et tenter de voir qui aurait le dessus sur l’autre n’était pas la solution. En particulier si le Dernier des Kirijins visait à concrétiser son plan. Le tout était donc de consolider sa position auprès du Jisetsu, voire … de le lier à ses rangs. Qui devrait peut-être un jour compter sur le plus de soutien possible … .

~ Que les choses soient claires. Il est des occasions où le Shukaï se doit d’être la priorité. Je me doute que ce traité vient de couper net tes ambitions vis-à-vis de ton Clan. Mais la possibilité de rallier ta Race au sein de l’Alliance sera un atout majeur dans une éventuelle guerre. Par ailleurs, nous savons maintenant que les Déserteurs se font de plus en plus agités ; ce qui doit motiver notre mission de les localiser, de les identifier et – au besoin – de les détruire ! Par ailleurs, sache qu’il y a de nombreuses façons de mener un Clan vers la prospérité … . Et je pense être assez calé en la matière pour te le confirmer … .

Oooooh ? Notre guerrier vétéran était-il un politicien de l’Ombre ? Même si c’était un fait inconnu pour tout membre extérieur à la Race des Samui, c’était un fait presque avéré – et même dénoncé – que la proximité entre Kakeshuou Samui et Masayuki Samui, Chef du Clan devenait trop évidente. Entre les rumeurs concernant une relation cachée, la manipulation de l’Ancien, et la menace d’une prise de contrôle sur le Clan, les bruits de couloirs allaient bon train ! L’homme les laissait courir ; certainement parce qu’une partie des oui-dires étaient justes ; certainement parce qu’on n’en avait strictement rien à foutre. Sa position au sein de son Clan était indéniable, et il userait de toute son influence pour redonner à son Clan le luxe et la gloire passée que ce dernier pouvait afficher sous le Shodaïme Mizukage … .

Revenons à Homura. Le vieux briscard venait clairement de lui faire comprendre que sa vie n’avait aucune valeur face à l’importance du Shukaï. Une façon de le rabaisser ? Non, plutôt de lui faire entendre raison. Il était évident qu’il ne pouvait valider tout ce qui avait été dit ce soir ; en particulier l’importance donnée à Demon Jisetsu dans ces tractations diplomatiques. En revanche, son effort de retenue et son sacrifice pour le bien de l’Alliance des Pays Neutres devaient être soulignés ; et justement récompensés.

Posant une main rapide sur son épaule, comme pour le tapoter et lui accorder un minimum de crédits, le vieux Samui repartait sur des phrases énigmatiques.

~ Tu sais … faire don de sa personne est l’un des apanages exigés à tout homme voulant se hisser au dessus des autres. Tu as fait aujourd’hui un acte qui sera connu par peu, mais seulement par les plus puissants … . Être prêt à faire ce sacrifice … peut s’avérer parfois plus bénéfique qu’on ne pourrait le croire … . Bonne nuit, Homura.

Sur ces mots mystérieux, le vieillard et son épaisse chevelure blanche disparaissaient dans la nuit sombre, sans laisser de traces ni annoncer de retour.