Cela faisait maintenant quelques jours que Setsuna avait reçu l'autorisation d'entrer au Shozaichi. Aokiji lui avait donné les informations essentielles pour se repérer puis il avait du se plier à l'appel du devoir. En étant membre de l'Ōdā il avait évidemment moins de temps à disposition qu'elle pour se balader dans la ville. La noiraude l'avait remercié pour sa précieuse aide et était alors partie de son côté pour découvrir le Shozaichi. Elle avait trouvé une auberge un peu plus tard et avait réservé une chambre pour les deux semaines suivantes. Ce qui devait largement lui donner le temps d'en apprendre plus sur le Shûkai.

Après une bonne nuit de sommeil, la jeune femme était alors partie en quête d'informations sur le Shûkai. Elle s'adressa aux marchands des quartiers commerçant et à leur clientèle en leur demandant poliment leur avis sur l'alliance et leurs sentiments au sujet de ses dirigeants. La plupart s'accordaient à dire que la réunion de ces pays étaient une bonne chose et qu'ils se sentaient davantage en sécurité. Certains rouspétaient pour la forme. Chaque nation avec ses éternels insatisfaits après tout. Un brin déçue de voir que le Shûkai ne semblait pas être le monstre qu'elle avait voulu imaginer, elle avait consacré pratiquement le reste de sa journée à en apprendre plus sur l'histoire du Shûkai et l'attaque des Furyous sur le Shozaichi. Le soir venu elle en venait à envisager la possibilité de postuler pour rejoindre les rangs de l'alliance...

*Ne te presse pas trop, tu as le temps de réfléchir à tout ça avant de prendre une décision. Patience est mère de sûreté...* s'était-elle alors rappelée avant de sombrer dans le sommeil.

La seconde journée fut plus calme, la noiraude décidant de s'accorder du temps pour elle. Hormis la soirée passée dans la station thermale en compagnie d'Aokiji, elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle s'était accordée un moment de détente. Une échoppe dédiée au tatouage avait attiré son attention et après avoir vaguement hésité, elle s'était résolue à se faire tatouer un dragon le long de son bras gauche, les flancs et une bonne partie du dos. L'animal mystique lâchait un rubis enflammés le long de l'échine de la jeune femme et masquait en grande partie la cicatrice qui lui barrait le dos. Ce n'était pas par hasard d'ailleurs...

Elle dépensa le reste de ses économies pour une longue dague de bonne facture qu'elle glissa à l'arrière de sa ceinture puis un passage chez le coiffeur. Satisfaite de sa nouvelle apparence mais complètement fauchée et bandée sur une bonne partie du corps à cause des tatouages frais, elle décida alors de poursuivre ses investigations. L'oisiveté avec ses limites! Setsuna se demanda si elle avait voulu changer d'apparence pour plaire à Aokiji, effacer un peu l'impression de viol mental de Len - comme si ça avait pu changer quelque chose - ou si c'était simplement la marque d'un nouveau départ.

*Que...!*

Elle eut juste le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait qu'elle percutait de plein fouet une personne au détour d'une ruelle. La noiraude tomba en arrière sur les fesses, un brin sonnée et totalement surprise. Ceci fait elle releva les yeux vers ladite personne:

- "Ça te ferait mal de regarder devant toi quand tu marches?" invectiva-t-elle le "responsable".

Ha, la mauvaise foi...

De retour au Shozaichi. Aokiji s’étonnait de voir à quel point cette ville pouvait lui manquer parfois. Il s’y plaisait vraiment, et c’était peu de le dire. Il avait rapidement pris ses marques. Il avait rencontré des personnes qu’il commençait bizarrement à apprécier. Sa nouvelle position dans l’armée du Shûkai lui plaisait. En bref, se nouvelle vie correspondait à ses attentes. Il avait également pu améliorer ses relations avec son clan, donc le bilan général était plutôt positif.

Plusieurs jours s’étaient déjà écoulés depuis que le Samui s’était séparé de Setsuna. Len avait autorisé la présence de la jeune femme à la capitale, lui laissant ainsi l’opportunité de récolter les informations qu’elle recherchait tant. Malheureusement, compte tenu des obligations relatives à son poste au Shozaichi, Aokiji dû quitter la vagabonde, la laissant ainsi livrée à elle-même dans cette immense cité. Malgré le fait qu’il lui avait donné quelques informations afin qu’elle puisse se déplacer dans le village, le jeune homme regrettait quelque peu de l’avoir abandonné de la sorte.
Rapports, réunions, entrainements, l’emploi du temps du Samui avait été pour le moins chargé depuis son arrivée. A chaque retour à son lieu de résidence, il espérait voir la jeune femme l’attendre à l’entrée du bâtiment ou au moins avoir reçu un message de sa part. Mais rien. Sa déception en était encore plus grande alors que les jours défilèrent. Il n’avait toujours aucune nouvelle de la sombre Setsuna, et à vrai dire il commençait sérieusement à douter de la sincérité de la vagabonde à son égard. En effet, elle lui avait caché sa rencontre avec Katano Yusuke, sans compter toutes les informations qu’elle avait secrètement pu communiquer à Len lors de leur échange mental. Que pouvait-elle lui cacher ? Si ça se trouve, Aokiji se montrait un peu trop parano. Dans ce cas, pourquoi n’était-elle toujours pas venue lui rendre visite ? Elle s’était peut-être tout simplement servie du jeune homme et maintenant qu’elle était arrivée à ses fins, elle n’avait tout bonnement plus besoin de lui.

Toutes ces pensées noires traversaient l’esprit tourmenté du Genin qui se baladait dans le centre-ville. Il avait enfin un moment de libre, il allait donc pouvoir se détendre un peu. A part quelques courses à faire, Aokiji n’avait en fait rien de particulier à faire en ville. Il ne voulait pas se l’avouer mais il espérait secrètement tomber nez-à-nez avec Setsuna. Mais dans une cité aussi grande, cela revenait à chercher une aiguille dans une meule de foin.

La tête levée au ciel, le jeune homme avançait, le regard vide. Soudain, il se heurta malencontreusement à une personne dans la ruelle.

« Je suis confus. Je ne regardais pas devant moi. Excus… »

Aokiji s’arrêta net alors que son regard venait de se plonger dans celui de la jeune femme qu’il venait de bousculer. Des yeux de couleur rouge écarlate, aussi sombres et profonds qu’ils lui étaient familiers. Sans compte cette longue chevelure brune qu’il lui rappelait étrangement…

« Setsuna ? »

Oui, il s’agissait en effet de la vagabonde. Le Samui ne croyait pas vraiment au destin, mais cette rencontre tombait à pic. Les deux compagnons de route étaient enfin réunis après ces quelques jours de séparation. La jeune femme semblait avoir fait quelques modifications au niveau de son apparence. Alors qu’il l’aidait à se relever, Aokiji ne pouvait s’empêcher de sourire en fixant la personne qui avait occupé son esprit depuis son retour.

« Je m’excuse, c’est ma faute… Euh… Sinon… Tu vas bien ? La capitale te plait ? »

L’officier de l’Oda était quelque peu gêné car il ne savait pas trop comment Setsuna allait réagir. Après tout il l’avait quasiment abandonné et cela le contrariait beaucoup. Dans un tout autre registre, il avait du mal à contenir l’enthousiasme qu’il ressentait maintenant qu’il l’avait retrouvé.

Le hasard fait bien les choses! C'est du moins ce que les gens aiment dire dans ce genre de circonstances. Et Setsuna ne pouvait pas leur donner tort puisque de toutes les personnes qu'elle aurait pu percuter, il avait fallu que ce soit Aokiji. Ce dernier était d'ailleurs en train de s'excuser lorsqu'elle releva le regard les yeux pour croiser le regard azur de celui qui fut son guide. Il était d'ailleurs en train de s'excuser avant de remarquer que c'était elle.

- "Aokiji?" fit-elle en même temps que lui.

La jeune femme accepta presque immédiatement la main que ce dernier lui tendait et épousseta ses vêtements une fois sur ses jambes. Elle répondit à son sourire de la même manière, un brin gênée par cette rencontre inattendue. Ils ne s'étaient pas revus depuis quelques jours et la noiraude ne se savait pas comment la Samui allait réagir. Elle fut donc rassurée de voir que ce dernier ne semblait pas s'en formaliser plus que ça. Elle écarta une mèche de cheveux sombres de sa joue et la glissa derrière son oreille avant de lever une main apaisante lorsque Aokiji s'excusa:

- "J'aurais aussi pu faire plus attention où je mettais les pieds..." avoua-t-elle. "Et puis c'est plutôt une bonne chose qu'on se soit... heu... rencontrés à vrai dire. J'envisageais justement de venir te rendre une petite visite."

Elle resta ensuite quelques instants silencieuse, le regard dans celui d'Aokiji. Il lui fallut un petit moment pour se rappeler que ce dernier lui avait posé d'autres questions. Décidément...

- "Oui de mon côté ça va bien! Étonnamment bien, même... Mis à part le fait qu'on me fait surveiller, je n'ai pas à me plaindre!" fit-elle en désignant d'un signe discret de la main en homme derrière elle, plus loin dans la ruelle.

Setsuna avait fait presque deux jours pour le remarquer malgré la méfiance dont elle faisait preuve. Mais elle était maintenant pratiquement certaine que l'homme en gris qui la suivait était chargé de s'assurer qu'elle ne faisait rien d'illégal. Que le Shûkai veuille assurer la sécurité de ses citoyens ne la dérangeait pas outre mesure. C'était parfaitement logique, même...

- "Et la capitale est splendide, oui! Je m'attendais à beaucoup de choses en venant ici mais j'ai clairement sous-estimé la beauté du Shozaichi. Et puis les gens sont accueillants. Enfin, presque tous!"

Ce n'était pas très compliqué de comprendre à qui elle faisait allusion avec sa dernière phrase. La rencontre avec ce morveux de Len n'était toujours pas digérée... Mais Setsuna n'avait pas envie de penser à cette rencontre maintenant et comptait bien profiter de la présence d'Aokiji pour le remercier comme il se doit pour l'aide qu'il lui avait apportée. La noiraude était pratiquement ruinée mais elle trouverait le moyen de se refaire. Le travail ne manquait pas ici...

- "Dis, ça te dirait d'aller manger quelque chose? On s'est séparés un peu rapidement la dernière fois et c'est la moindre des choses que je puisse faire pour te remercier. Après tout c'est quand même grâce à toi que je n'ai pas été jetée en prison ou pire encore. Si je m'étais présentée seule aux portes, on m'aurait sans doute réservé un accueil moins chaleureux alors je te dois bien ça! T'en dis quoi?" lui proposa-t-elle, le regard malicieux. "À moins que tu aies peur qu'on te voit en compagnie d'une errante? Je comprendrais tu sais?"

Pas vraiment en fait... La jeune femme accepterait mal un éventuel refus de sa part et la remarque était uniquement destinée à le motiver davantage. Ils avaient quelques points à éclaircir de toute façon! Elle glissa un bras autours de son coude et l'attira doucement après elle.

- "Allez ne te fais pas prier! Je m'en remets à toi pour le choix du restaurant. Et puis en route tu vas pouvoir me raconter ce que tu as fais depuis ton retour! Je suis curieuse de savoir ce qu'un membre de l'Ōdā fait de son temps libre à la capitale!"

Setsuna ne semblait avoir aucune rancœur vis-à-vis d’Aokiji et ce dernier en était ravi. Il était également heureux de voir que leur relation semblait être restée intacte et qu’ils pourraient donc continuer à en apprendre plus l’un sur l’autre. Le jeune homme ne voulait pas pour le moment soulever la question de l’entretien avec Len et voulait avant tout passer un agréable moment avec son amie. Oui, il pouvait désormais la considérer comme telle. Cette dernière semblait plutôt satisfaite de son séjour pour le moment. Elle souligna le fait qu’elle fut mise sous surveillance depuis son arrivée mais cela ne semblait pas la déranger plus que ça. Aokiji comprenait parfaitement les raisons pour lesquelles ces mesures avaient été mises en place et ne voulait pas non plus s’attarder sur le sujet. La jeune femme en profita pour le remercier pour son soutien aux portes du Shozaichi, ce à quoi le Genin répondit avec un large sourire. Elle lui proposa ensuite de poursuivre cette conversation dans un bon restaurant. Le Samui accepta volontiers.

« Je suis ravi que tu te plaises ici alors. Pour être honnête, je ne suis pas très familier avec les animations de la ville mais je connais un bon restaurant où l’on pourrait aller déjeuner. On y va ? »

La jeune femme acquiesça et le duo se mit donc en route vers l’établissement qu’Aokiji avait choisi. Tous deux se baladaient donc côté à côté dans les diverses rues de la capitale tel deux tourtereaux. Cette situation était du gout du Samui qui jubilait intérieurement, mais il ne voulait pas non plus laisser un trop long silence s’installer. Il décida donc d’aborder un point qui l’interpella un peu plutôt.

« Je vois que tu en as profité pour changer de coupe de cheveux et de vêtements par la même occasion ? Pourquoi ce changement ? T’en avait marre de ton ancien look ? Ou peut-être que tu avais envie de plaire à quelqu’un en particulier…? »

Aokiji taquinait Setsuna. Il n’était pas du genre à penser que les femmes ne faisaient attention à leur apparence que pouvoir attirer le regard des hommes. Du moins, il ne pensait pas que son ancienne compagne de voyage était ce genre de personne. Mais cela serait surement drôle de voir comment elle allait réagir face à cette remarque. 

« Quoiqu’il en soit, j’aime beaucoup. »

Le soldat de l’Oda n’en dit pas plus alors qu’ils arrivèrent au fameux restaurant. Il s’agissait d’un établissement plutôt traditionnel, simple mais plutôt populaire dans le quartier. Par chance, ils leur restaient une table pour deux quelque part dans le fond, à l’abri de toute l’agitation. Alors qu’ils prenaient place, Aokiji ne pouvait s’empêcher de se remémorer sa première rencontre avec Setsuna. Il avait presque une impression de déjà-vu. L’un assis en face de l’autre dans ce bar à Kusa no Kuni. Il s’en était passé des choses depuis.

« Eh ben dis donc, on peut dire que j’ai de la chance. En générale, je ne vais jamais plus loin que le premier rendez-vous ! »

Le Samui laissa échapper un léger fou-rire alors qu’une serveuse s’approcha d’eux afin de prendre leur commande. Il opta pour leur plat du jour, accompagné une bouteille de Saké. Il n’était pas en service après tout donc autant en profiter. Il laissa Setsuna choisir puis posa la question à 1 000 000 de ryos.

« Alors, ton intégration au Shûkai, c’est pour quand ? »

Ah la pauvre... Ah si elle savait qu'une fois encore elle n'allait pas pouvoir se reposer... Quelle ironie ! Chaque matins elle se levait dans l'espoir de pouvoir prendre un peu de temps pour elle. Mais bon, une fois c'est une mission, une fois il faut allez sauver la voisine d'une inondation. Au final elle passait plus pour une héroïne du quotidien, toujours en train d'aider les autres même si elle ne le souhaitait pas vraiment. Aujourd'hui pourtant, tout s'annonçait bien. Elle se levait de bon matin pour prendre un peu de temps et... encore une fois la sonnette de chez elle retentissait. Cela la désespérait.

Au final c'était un petit garçon, à peine 9-10 ans quelque chose dans le genre qui venait parler à la Kirigaya. Il avait entendu parler d'elle comme quoi elle était un véritable cordon bleu. Du coup, le petit garçon qui était le fils d'un grand cuisinier demandait son aide. Son père possédait donc un très grand restaurant luxurieux néanmoins plusieurs des cuisiniers étaient absents pour cause de maladie. Asuna se retrouvait donc à ne pas pouvoir refuser à un si gentil garçon quelque chose comme ça. Alors bon... elle allait directement se préparer pour venir en aide au restaurant.

Au pire, cela allait encore bien l'entraînée à la cuisine. Mise en situation, elle allait pouvoir vraiment sentir ce que s'était de cuisiner comme une professionnelle. De ce fait elle se retrouvait déjà en cuisine, dans son tablier rose, au milieu de tous ces hommes qui la prenaient pour une moins que rien. Ah ! La tête qu'ils firent au même où Asuna préparait les plats demandaient par les clients, passant du magret de canard au St Jacques avec une légère sauce sucrée. Elle s'y connaissait, s'était son territoire et personne ne pouvait la dominer, oh bien sûr que non.

Et puis, au mieux elle allait ramener de monde grâce à sa cuisine tout droit sortie du paradis. Elle savait exactement quels épices allaient ensemble, quelle doit mettre ou ne pas mettre. C'était vraiment un don, quelque chose qui venait de nul part. Du jour au lendemain elle connaissait tous les aliments qui s'accordaient, ceux qui faisaient des désastres culinaires. Certaines étaient bien jalouses d'Asuna: en plus de pouvoir charmer les garçons qu'elle souhaitait avec son corps et son sourire, elle pouvait littéralement les envoûter avec de bons petits plats. Heureusement qu'elle ne profitait pas de cela...

Mais bon, les garçons aussi machos qu'ils pouvaient être ne succombaient pas à sa supériorité. Et du coup, on lui demandait d'aller prendre les commandes ET de cuisiner. Ils voulaient la tester mais surtout la rendre complètement folle. Ils pensaient bien qu'en la surchargeant de travaille elle allait abandonner et rentrer chez elle. Mais rien du tout, elle était ici pour aider et puis elle allait aussi se faire énormément d'argent donc bon. On connaissait bien la Asuna téméraire qui n'abandonnait jamais, ici elle reproduisait exactement la même image.

Donc la voilà partit faire les tables. Elle prenait les deux-trois premières commande. Rien de bien fou, des menus enfants par-là, de la dinde rôtie, enfin des commandes vraiment très basiques. Cela arrangeait bien Asuna qui ne voulait pas se retrouver avec une commande du style « poulet sans oignons avec de la sauce poivron mais sans légumes verts juste des jaunes. ». Mais bon, il fallait bien encore un élément inconnu qui allait... comment dire... surprendre Asuna, oui. Arrivée à une table, avec le sourire, voilà qu'elle faisait face à son cinglé de partenaire pervers sur les bords. Elle ne put s'empêcher de faire une remarque, forcément.

« Je sais Ô combien tu m'aimes, mais de là à me suivre à la trace, ça fait peur... »

Ah mince, il y avait une fille. Encore une pauvre enfant qui devait s'être fait charmé ou un vieux chantage. On le connaissait le Aokiji, tout pour toucher des seins ou encore voir des femmes nues ! Oh qu'elle allait s'amuser aujourd'hui Asuna. Au final, une journée de repos, où Aokiji était son divertissement.

Puis, en un seul instant, elle regardait la fille, elle ne devait rien comprendre la pauvre. Mais Asuna devait bien passer pour quelqu'un de normal, alors elle lui sourit, sortit son bloc-note.

« Vous prendrez ? »

Le jeu commençait !

Le duo marchait tranquillement en direction du restaurant, discutant de tout et de rien. Aokiji avait été plus facile à convaincre que ce que Setsuna avait imaginé de prime abord. Elle ne s'en plaignait pas, bien au contraire. Et puis le Samui eut même la délicatesse de remarquer qu'elle avait quelque peu changer d'apparence physique. Bon, ce n'était pas très étonnant vu qu'elle avait le bras et une partie du dos bandé à cause des tatouages. Sans parler de ses cheveux qui avaient gagnés en longueur. Mais ça faisait toujours plaisir quand un homme remarquait ce genre de "détails"...

- "Mais non qu'est-ce que tu vas t'imaginer?" répondit-elle lorsque le jeune homme lui demanda si c'était pour plaire à quelqu'un. "J'ai juste l'impression que mon arrivée au Shozaichi va changer beaucoup de choses dans ma vie et j'avais envie de marquer ce nouveau départ..."

L'explication n'était guère convaincante et la noiraude en était consciente. Elle détourna le regard, gênée par tant de spontanéité de la part d'Aokiji. Et lorsqu'il ajouta qu'il trouvait sa nouvelle apparence à son goût, elle ne fut capable de répondre qu'un vague et timide "merci". Setsuna n'avait guère eu le temps de pratiquer le jeu de la séduction durant sa vie et il était certain que le Samui avait une longueur d'avance sur elle dans ce domaine. Voir carrément deux ou trois...

Et le jeune homme ne semblait pas vouloir s'arrêter en si bonne route puisqu'il ajouta qu'il était rarement allé plus loin que le premier rendez-vous. Ce simple repas prenait des allures de rendez-vous galant. Et autant ça plaisait à la noiraude, autant cette dernière ne savait pas comment réagir à ces marques d'attentions. Elle fit donc ce qu'elle savait le mieux faire: elle détourna une autre fois le regard sans toutefois parvenir à réprimer un sourire sincère.

- "Un premier rendez-vous, carrément?" s'amusa-t-elle. "Tu ne vas pas un peu vite en besogne toi?"

C'était bien le cas pourtant, inutile de se voiler la face. Setsuna se détendit quelque peu et reporta son attention sur le jeune homme lorsqu'il décida de revenir à des sujets plus anodins. Lorsqu'elle lui demanda pour quand était l'intégration au Shûkai, elle haussa légèrement les épaules avant de répondre:

- "La question n'est pas quand, mais si. Je vais déjà laisser mon chaperon m'étudier autant qu'il le voudra et lorsqu'il aura été faire son rapport j'essaierai de postuler. Il faut laisser le temps au temps comme on..."

Elle ne termina pas sa phrase car la serveuse s'approchait pour prendre leur commande. Mais cette dernière ne se contenta pas des simples salutations d'usage et de leur demander s'ils avaient fait leur choix. Elle s'adressa immédiatement à Aokiji et lui demanda s'il la suivait. Setsuna ne savait pas qui était cette jeune femme mais une chose était certaine, elle semblait plutôt bien connaître le Samui. Que ce soit à cause du ton ou des termes utilisés, Setsuna se renfrogna. Elle avait certainement été stupide de croire qu'Aokiji s'intéressait à elle.

*Je ne suis qu'un trophée qu'il essaie d'accrocher à son tableau de chasse...* songea-t-elle.

Elle fut surprise de constater à quel point cette conclusion lui faisait mal. D'un autre côté ça lui rappela pourquoi elle ne s'ouvrait pas aux gens en règle général. Précisément pour éviter d'être blessée...

- "Je vais prendre un poulet sans oignons avec de la sauce poivron. Mais sans légumes verts, juste des jaunes. Et une bouteille de saké pour accompagner le tout!" commanda-t-elle.

Vu les circonstances, elle comptait bien se montrer pénible. La serveuse en elle-même n'était pas vraiment responsable de tout ceci mais c'était tellement plus simple de se passer les nerfs sur elle. Si ce travail était ingrat, ce n'était certainement pas pour rien... Setsuna attendit ensuite patiemment que ladite serveuse s'en aille avant de reporter son attention sur Aokiji.

- "Qui est cette fille?" demanda-t-elle sur un ton cassant. "Une de tes conquêtes je présume?"

C'était plus fort qu'elle: la noiraude n'arrivait pas à faire abstraction de ce qu'elle venait d'entendre. Et même si elle faisait son possible pour donner le change et paraître indifférente, c'était peine perdue. Une boule se forma dans sa gorge et elle déglutit avec peine. Et lorsque le saké arriva enfin, elle en versa rapidement dans son ochoko et le vida ensuite d'un trait. La brûlure de l'alcool dans sa gorge eut au moins le mérite de réveiller son amour-propre.

- "Tu sais, j'ai presque cru à ce que tu m'as dit sur les marches qui menaient aux portes de la capitale..." ajouta-t-elle. "Je suis vraiment naïve, hein?"

La question était purement rhétorique et n'appelait pas de réponses. La déception était parfaitement perceptible dans la voix de la jeune femme qui ne faisait même plus l'effort de la cacher. Mais finalement il valait peut-être mieux en rire qu'en pleurer. Et l'alcool, vu les circonstances, se révélerait peut-être sa meilleure alliée de la soirée. Setsuna versa donc une seconde fois du saké dans sa petite coupe en bois avant de la porter à ses lèvres.

Asuna serveuse ? Il ne manquait plus que ça. Cette fille semblait avoir le chic pour s’imposer comme un cheveu sur la soupe. Parmi toutes les jeunes femmes qu’il y avait au Shozaichi, il fallut qu’Aokiji tombe sur son ex-coéquipière. Et puis depuis quand s’était-elle trouvée une vocation de serveuse ? Elle n’était pas censée être une konoichi ? Le Samui fut donc très surpris de le croiser dans une telle situation et fut également très contrarié que cela se produise durant ses retrouvailles avec Setsuna. Il resta donc plutôt froid quand Asuna s’adressa à lui.

« Dans tes rêves ma pauvre… »

Aokiji murmura alors qu’il faisait semblant de parcourir la carte. Il savait déjà ce qu’il comptait prendre, il ne voulait juste pas avoir à croiser le regard de la Genin et encore moins celui de la vagabonde. Cette situation était plutôt embarrassante à vrai dire. Il ne savait pas comment son ex-compagne de voyage allait réagir. Le Samui ne voulait pas qu’elle le prenne pour un pervers. Il décida donc de se débarrasser rapidement d’Asuna afin qu’ils puissent à nouveau se retrouver seul.

« Je prendrais le plat du jour, avec du saké également. Ce sera tout, merci. »

Expéditif. Au fur et à mesure que la serveuse s’éloignait, Aokiji pouvait ressentir un certain sentiment de soulagement, qu’il exprima par un soupir à moitié dissimulé. Mais ce répit fut de courte durée. Setsuna sembla très intriguée par la nature de la relation qu’entretenaient Asuna et le Samui. Ce dernier eut également du mal à cacher son mal l’aise. Il est vrai que, durant un bref instant, des sentiments pour le moins ambigües s’étaient installés entre les deux ninjas du Shûkai. Cependant, cela ne les mena nulle part et rien ne fut réellement consommé... Aokiji tenta néanmoins de rester le plus naturel possible afin de répondre à son invitée.

« Pas du tout ! Elle s’appelle Asuna. Il s’agit ni plus ni moins que d’une camarade du Shûkai. Nous avons eu l’occasion de travailler ensemble par le passé mais rien de plus. »

Cette réponse ne sembla pas contenter la jeune femme qui réagit de manière plutôt curieuse. En effet, son comportement était des plus étranges depuis qu’Asuna s’était présentée à eux. Se pourrait-il qu’elle soit jalouse ? Cette situation qui était initialement gênante, s’avéra être plutôt comique en fin de compte. Aokiji décida donc de jouer là-dessus afin de tenter de détendre l’atmosphère.

« Ne t’en fais pas Setsuna-chan, aujourd’hui je n’aurais d’yeux que pour toi. »

Malgré l’air moqueur que prit le Samui, cela ne sembla pas suffire à rassurer la jeune femme. Cette dernière ne cacha pas sa déception quant à cette situation. Cette maudite Asuna, elle ne savait décidément pas rester à se place.

« Mais non ! Il ne faut pas la prendre au sérieux. Elle peut se montrer très impulsive par moment, voir même jalouse… »

Aokiji tentait de limiter la casse comme il le pouvait. Pourtant, le jeune homme était réellement sincère et cela le frustrait de voir que sa ex-coéquipière était parvenu à semer le doute dans l’esprit de Setsuna.