Nouvelle rencontre avec l'Ombre [Karasu Tsumei]

Le Seki marchait arpentait tranquillement les couloirs du palais du Raikage. Les lieux lui inspiraient beaucoup d’humilité, lui qui souvent devait paraître arrogant, ou du moins très sûr de lui. Ces lieux n’étaient, à ses yeux, que la parfaite représentation de la grandeur de Kumo. Les murs, les décorations, les senteurs, tout indiquait qu’on était en un haut lieu du pays de la Foudre. Tout ici, faisait énormément plaisir au Seki car il se sentait comme dans un sanctuaire. Dire que tous les Raikage depuis le Shodaime avaient successivement élu domicile en ces lieux… Dire que beaucoup de grandes décisions ayant eu un impact sur la vie de Kumo ont eut pour point de départ ce lieu, voilà tant de chose qui faisaient que le Seki accordait tant d’importance à ce palais. En tant que fidèle soldat du pays de la Foudre, en tant qu’inconditionnel amoureux de Kumo, Zennosuke ne pouvait qu’être très heureux de se trouver là où il était.

Pénétrant dans la salle d’attente du bureau du Raikage, le Seki n’eut pas à se présenter à celle qui faisait office de secrétaire. Tout le monde le connaissait déjà ici et dans Kumo. Un bref échange eut lieu entre Zennosuke et la kunoichi, puis cette dernière se leva et se rendit dans le bureau de Karasu Tsumei, laissant le Seki seul avec les deux autres ninjas en faction. Deux ninjas de l’unité d’élite. Le fameux Satoru… Zennosuke salua le duo d’un signe de main. Il savait qu’ils ne répondraient pas. Mais c’était pour le principe et au fond, le Jônin comprenait bien pourquoi le duo ne lui réagissait pas à la salutation.

La secrétaire revint à Zennosuke. C’était le moment de revoir Karasu Tsumei pour une nouvelle entrevue. Était-il nécessaire de parier sur sa longueur ? A priori non. Pour avoir étudié l’homme, Zennosuke avait le sentiment que l’Ombre du pays de la Foudre n’était capable que de courts échanges. Certainement que la trop grande charge de travail le poussait à raccourcir ses moments de "pauses". Question optimisation du temps.

Une fois dans le bureau de l’Ombre, le Seki posa un regard circulaire sur la pièce. Ensuite, il porta son regard sur Tsumei. Tous deux avaient appris à se connaître. Quelques discussions, quelques voyages ensemble, une participation à un combat… C’était déjà un bon début, même si Tsumei considérait Zennosuke comme un shinobi de l’ombre, titre auquel il n’avait pour le moment pas donné de contenu véritable. Était-il une sorte de bras droit ? De bras gauche ? Un espion ? Un informateur ? Ou était-il resté le simple Jônin qu’il était avec un titre factice ? Au fond, Zennosuke n’en savait rien. Il était au service de Kumo et c’était tout ce qui importait au final. Du moins, tant qu’il n’aurait pas atteint une posture pouvant lui permettre de guider au mieux ce village.

« Vous m’avez demandé Raikage sama ? » Zennosuke se tenait debout devant l’Ombre. Il était décontracté, l’air blasé. Peut être était-il fatigué après tous les derniers évènements notamment la blessure grave d’Hiryuu. Qui sait ?

Quatrième shinobi qu’il tenait absolument à voir, Seki Zennosuke était devenu l’un voire le Kumojin auquel Tsumei avait le plus compté ces derniers temps. Que ce soit pour des missions, le fait d’être le premier shinobi de l’ombre ou encore pour se battre contre les Furyou : le Jônin avait su s’imposer au sein du village. Et si une discussion entre les deux hommes aurait forcément été justifiée qu’importe l’état des choses, il y avait d’autres éléments importants à prendre en compte. Car aujourd’hui était un jour important pour le Karasu. Sans doute l’un des plus importants de sa vie.
Faire parvenir cette lettre à ce Kyos... Oh Zennosuke ! Il faudra que tu me rappelles de te confier une mission pour une lettre un jour.
Aussitôt, l'Ombre rangea la lettre frappée du sceau du Shodaime dans un de ses quelques tiroirs.

Ponctuel comme à l’accoutumée, Seki Zennosuke ne semblait cependant pas comme d’habitude. Les récents évènements ne jouaient effectivement pas en la faveur d’une quelconque bonne humeur. Surtout pour lui, en réalité, car il avait eu des histoires plus personnelles. Surtout une en particulier…
Oui. Je suis heureux pour Hiryuu.
Il aurait aimé plus s’y attarder, mais il n’était pas sûr que ce soit une bonne solution. Cela pourrait être déplacé, et puis en vérité, Tsumei avait d’autres projets en tête. Il se leva de son bureau pour le contourner, et attrapa son épée au passage. Regardant le Jônin, il ouvrit la porte de son bureau, et rangea dans son habit une lettre.
Suis-moi.
S’engageant dans le couloir, le Raïkage suivi par son shinobi montèrent des escaliers, en descendirent, traversèrent pièces et couloirs pendant de bonnes minutes. Le palais était immense, mais il l’était bien plus pour Tsumei. Car il y avait des lieux inconnus de la plupart des shinobis et même des conseillers. C’est ainsi qu’ils arrivèrent dans une pièce d’un étage relativement bas. Le Karasu poussa une étagère, dévoilant alors une trappe. Il fixa Zennosuke.
Il est temps de découvrir les secrets de Kuchibashi, et de préparer notre futur combat contre les Furyou.
Sur quoi il ouvrit la trappe, et y emprunta un escalier qui allait s’avérer long d’une bonne centaine de marches. Le tout dans un espace assez étroit, qui forçait Zennosuke à marcher à la suite de son Kage vers cet endroit sombre et inconnu. L’heure était venue, que ce soit pour Seki Zennosuke ou Karasu Tsumei.

Les premiers mots de l’Ombre furent réconfortants. Même sans trop en dire, montrer un minimum d’intérêt envers les préoccupations de ses subalternes est un bon moyen pour continuer à les motiver autour de soi, ou autour du projet que l’on veut bâtir pour eux. Karasu Tsumei, peut être sans l’avoir prémédité, venait de gagner quelques points en plus dans l’estime du Seki. Même si ce dernier lui en voulait toujours un peu d’avoir décrété une retraite face au Furyou, le Jônin commençait à comprendre qu’après tout, cela leur avait probablement valu la vie sauve à l’Ombre, au chef du clan Seki et à lui-même. Seulement, invariablement, l’idée qu’ils n’étaient pas restés assez longtemps pour en savoir plus revenait inlassablement. Avec le temps, il parviendrait à se pardonner lui-même et à pardonner le Raikage. Avec le temps, il parviendrait à tourner la page. C’était indéniable.

Karasu Tsumei s’était par la suite levé puis avait récupéré son épée à pouvoir : la fameuse kuchibashi, celle-là même qui avait le don de s’allonger et de se rétracter à volonté. Zennosuke l’avait vu à l’œuvre. Rapide, extensible, elle offrait véritablement d’excellentes perspectives de combat. Les deux hommes s’engagèrent pas la suite dans un dédale de couloirs pendant plusieurs minutes. Dans le silence, le Seki retenait le circuit qu’il empruntait. Simple précaution qu’il prenait. Non, ce n’était pas dû à un manque de confiance envers son Kage. Il s’agissait plutôt d’une sorte de réflexe. A priori il faisait bien car rapidement, le Jônin s’était rendu compte qu’il pénétrait dans des pièces où il n’avait jamais mis les pieds. Ce palais était décidément bien vaste. Lorsque les deux hommes arrivèrent devant une étagère et s’y arrêtèrent, le Seki comprit tout de suite que quelque chose s’y cachait. L’Ombre poussa alors le meuble dévoilant une trappe derrière. Le regard qu’il lança au Seki indiquait que quelque chose de relativement important allait se passer.

*Moi qui croyait déjà tout savoir de cette arme… Que peut-elle bien cacher d’autre ?* Se dit le Seki alors que l’Ombre empruntait un escalier qui allait dans les profondeurs de la terre. Soit, s’il fallait s’engager dans ce couloir, alors il fallait le faire. Le Seki se mit alors à la suite du Raikage. L’Ombre commençait à le connaître. Du moins, il fallait le croire car c'était comme s'il avait deviné certaines choses. Zennosuke n’aimait pas les surprises car justement il haïssait celles qui étaient mauvaises. Le fait que le Raikage passe devant était une chose qu’il appréciait. Après tout, lui savait où menait l'espèce de tunnel qu'ils allaient emprunter. Prendre les devant dans ce terrain inconnu, n’aurait pas été une partie de plaisir pour le Jônin.

Le temps paru long tandis que tous deux descendaient les marches. Peut-être était-ce du à l’excitation qui prenait de l’ampleur dans l’esprit du Seki. En tous cas, il était curieux de voir ce que le cachottier Karasu Tsumei lui réservait.

L’obscur escalier ne semblait pas avoir de fond. Pour autant, Tsumei savait qu’il y en avait un. Il était déjà venu ici à plusieurs reprises, mais cela devait être la première fois pour Zennosuke. Que pensait-il ? Il était sûrement en train de se poser une multitude de questions. D’ailleurs, n’était-il pas vexé qu’en apparence, ce qui allait se passer visait plutôt l’arme du Raïkage plutôt que lui-même ? Chaque homme avait sa petite partie de narcissisme, et peut-être que Zennosuke espérait s’entraîner avec son chef.

Mais peut-être que c’était ce qui allait se passer. A vrai dire, le Karasu n’en avait pas la moindre idée. Bien sûr qu’il s’avait où il allait, mais à partir du moment où le Seki et lui seraient arrivés à destination, ni l’un ni l’autre ne pourraient maîtriser quoi que ce soit.

L’escalier arriva à son terme, et présenta aux deux Kumojins une grande salle faiblement éclairée, donnant sur deux couloirs entourés de quelques chaises, tables et étagères. Tsumei se tourna vers le Jônin.
Kuchibashi a son histoire liée à Kiri et à Mizu no Kuni, mais je ne suis pas un voleur… Vois-tu, chaque épée à pouvoir possède son propre nom et sa propre force. Et ce n’est qu’avec la bonne personne qu’elle peut pleinement… vivre.
Il toucha lentement le manche de son épée, percevant alors des bruits que lui seul pouvait entendre. Des bruits secs similaires à des claquements de bec.
J’entends et je sens Kuchibashi, mais pas encore clairement. Mais, à l’époque, c’était suffisant pour savoir que cette épée m’était liée… Peut-être est-ce l’un des secrets de ces épées. Peut-être qu’il y en a une pour chacun d’entre nous ?
Tsumei se rapprocha de Zennosuke, et esquissa un sourire alors qu’il tapa de façon amicale son épaule. Puis il se tourna et alla vers une étagère. Se plaçant sur le côté, il la poussa, dévoilant une nouvelle trappe.
Encore une trappe, oui. Lorsque l’on tombe sur quelque-chose de caché, on ne se pose jamais la question de savoir si, justement, cette chose n’en cacherait pas une autre.
Il ricana et soupira. L’étagère était déplacée, et la trappe ne tarda pas à s’ouvrir. Un nouvel escalier, tout aussi sombre s’y plongeait.
C’était ici que je faisais mes rapports de shinobi de l’ombre à Kadoria Uriô. Mais notre destination est encore plus en bas.
Il emprunta l’escalier, d’une longueur proche du précédent. Et lorsqu’ils arrivèrent, ils ne trouvèrent pas de pièce, mais plutôt une sorte d’espace quasiment noir et gigantesque. Comme une grotte, mais qui semblait avoir des formes à l’intérieur. Comme des arbres…
Tsumei ? Es-tu enfin prêt à mourir ?
Oui.
La voix venait d’en haut, mais tout était trop sombre. Pourtant, on pouvait sentir plusieurs présences…

Zennosuke descendait les marches de l’escalier silencieusement. Tous deux entendaient les bruits de leurs pas tandis qu’ils marchaient sans échanger le moindre mot. Probablement que le Kage réfléchissait déjà à la petite surprise qu’il semblait réserver au Seki. Peut-être se représentait-il déjà les réactions du Jônin face à la situation qu’il comptait lui faire vivre. Serait-ce un nouveau test comme lors de leur première entrevue ? Fallait croire que oui. Restait à savoir si Zennosuke pourrait y réussir tout comme la première fois. Telles étaient les pensées du Jônin tandis qu’il semblait que les deux hommes étaient arrivés au bout de leur peine. Une lumière blafarde était visible au bout de l’escalier. Une grande salle se fit découvrir. D’un œil circonspect, le Jônin procéda à une rapide observation, histoire de bien vérifier si rien ne clochait. Sur ses gardes, comme d’habitude, le Seki s’arrêta et posa son attention sur le Raikage. Ce dernier s’était tourné vers lui pour lui expliquer certaines choses. Tsumei parla une nouvelle fois de l’épée et finit par laisser planer l’éventualité que Zennosuke puisse avoir lui aussi une épée à pouvoir dans ce monde qui l’attendait lui. Une épée qui puisse corresponde à Zennosuke, l’idée était en effet alléchante. Le Seki eut alors une pensée pour le ninja-tô qu’il portait toujours sur lui. Cette épée particulière qui décelait l’âme de Kadoria Hô, cet edo tensei qu’il avait scellé lors de la deuxième guerre de Hai no kuni…

« Raikage sama, où avez-vous trouvé cette épée ? Vous évoquez l’idée d’un voleur tout en faisant référence à Mizu no Kuni… Je suppose alors que vous avez dû la prendre à quelqu’un. Vous a –t-il fallut tuer son précédent possesseur pour que Kuchibashi soit liée à vous ? » Telles étaient les questions que se posaient le Seki. Si l’ancien possesseur de Kuchibashi était toujours en vie, s’il s’agissait d’un ninja d’influence, pour sûr il tenterait de supprimer Karasu Tsumei dès lors qu’il apprendrait où il est et ce qu’il est. Avec son ancienne vie de ninja de l’Ombre, Karasu Tsumei avait sûrement pu cacher jusqu’à son existence. A présent, le monde saurait rapidement qu’un kumojin possédait une épée à pouvoir. Ce type d’épée qui était dévolu aux kirijins. Le passé de Karasu Tsumei revient en tête du Seki. Qui était-il au fond ? Un shinobi de l’ombre… Voilà qui était bien peu au final.

Tsumei ouvrit ensuite une nouvelle trappe. Il avait raison. Personne ne pensait jamais à chercher une cache dans un endroit caché. Un trésor caché derrière l’emplacement d’un autre, voilà une idée plutôt astucieuse… Un nouvel escalier se dévoilait. Il semblait profond. Zennosuke espéra qu’il ne l’était pas autant que le précédent qu’il venait tout juste d’arpenter. Dans son esprit, le Seki se demanda combien était grand et profond le palais du Raikage. Vu de l’extérieur tout ceci semblait inimaginable. Et pourtant, l’endroit semblait infiniment grand. Après avoir marché à nouveau pendant très longtemps, le duo arriva à un espace que le Seki imagina ou plutôt ressenti, différent d’une simple pièce. Des choses semblaient emplir l’espace sombre qui se laissait voir dans le noir. C’est alors qu’une voix se fit entendre. Elle semblait provenir d’en haut et emplir tout l’espace dans lequel le duo se trouvait. Une menace, une menace qui visait personne d’autre que l’Ombre de Kumo. Curieusement, Tsumei se dit être prêt à mourir…

Des présences se firent alors ressentir. Que se passait-il ici ? A quoi jouait Tsumei ? Conscient de son rôle, mais incertain quand à ce scénario voulu par l'Ombre, le Seki se plaça tout de même devant Tsumei. Prêt à faire face à toute éventualité.

Etrangement, malgré avoir entendu la voix du Patriarche, Tsumei voulut répondre aux questions posées par Zennosuke, un peu plus tôt. Il ne l’avait pas fait parce qu’il avait été précédemment en pleine réflexion. Mais maintenant qu’ils étaient arrivés en-dessous, il semblait être libéré. Il savait quoi faire désormais.
Je n’ai tué personne, mais je l’ai bien volée là où d’autres épées à pouvoir étaient enfermées. C’était lors d’une mission que m’avait confiée Kadoria Uriô… Pas vrai, Patriarche ?
Tsumei, c’est lui ? Je ne l’ai jamais vu.
La voix venait toujours d’en haut. Et des bruits légers accompagnèrent l’atmosphère froide de tout cet espace noir. Tsumei avança de deux pas. C’est soudain que quelques bougies s’allumèrent et éclairent une grotte aussi étrange que magnifique. En effet, il y avait dans cette grotte une végétation luxuriante traversée par un ruisseau. Et un peu partout, des tas de chouettes restaient immobiles. Certaines tenaient des bougies grâce à leurs serres, d’autres volaient, et le reste observait. Un peu plus loin, il y avait une sorte de trou recouvert par une épaisse grille.
Je te présente les chouettes Kaminari. Elles ont toujours vécu au Pays de la Foudre, mais la Grande Guerre les a forcées à se replier quelque-part. C’est sans le savoir que Kadoria Uriô a fondé Kumo au-dessus de leur nouveau foyer.
Une grande chouette descendit du haut de la grotte pour se poser devant les deux shinobis. Elle portait une grande amulette en bois la sphère était gravée par le mot « Patriarche ».
Je t’avais prévenu. Maintenant que tu es allé si loin, tu n’as plus d’autre choix.
Je sais, chère Patriarche.
Il soupira, alors que celle qui commandait les autres chouettes fit un mouvement plutôt singulier. Une de ses congénères arriva, portant une petite valise de ses serres. Elle la remit au Karasu, qui se tourna vers Zennosuke. Il alla fouiller dans son habit et ressortit la lettre qu’il y avait glissé dans son bureau une fois le Seki arrivé. En la sortant, le Raïkage la tendit au shinobi de l’ombre.
C’est une lettre officielle que le Daimyô et moi-même avons signé de nos propres mains. Si jamais je devais mourir, elle te nommerait Godaime Raïkage.
Après qu’il ait pu vérifier par lui-même l’authenticité de l’écrit, le Yondaime rangea la feuille dans son habit, et invita le Seki à s’approcher de la grande trappe protégé par de nombreux barreaux.
Il était venu pour Tsumei le temps de mourir.

Nulle perspective de combat, nulle tension guerrière. Après avoir découvert une partie de ce que le mystérieux Karasu Tsumei lui cachait, Zennosuke comprit que l’heure n’était pas au combat. Si l’Ombre était venu sciemment dans cet endroit bizarre, c’est qu’il y avait affaire. Forcément.

Lorsque les bougies se furent allumées une à une, chassant l’obscurité jusqu’ici omniprésente, le Seki put découvrir tout le côté féerique de l’endroit. Il semblait qu’hormis le manque de soleil, cette grotte était un micro monde à elle seule. Une végétation luxuriante la tapissait de part en part. Il semblait que rien ne manquait à cet endroit et que la paix régnait ici. Rien ne manquait, pas même un ruisseau, source de vie pour ces chouettes qui devaient avoir perdu de vue ce qu'était la lumière du soleil.

Ce genre de coin existait donc en ce monde ? Étonné, le Seki se relâchait progressivement tout en abandonnant sa posture défensive petit à petit. Zennosuke s’était tourné tour à tour vers l’Ombre puis vers l’immense chouette qui s’était approchée du duo. À en juger par l’objet en bois qu’elle portait autour de son cou, il s’agissait de la patriarche ; celle-là même à qui s’était adressée l’Ombre. C’était aussi elle, dont la voix avait résonné dans la salle lorsque le Yondaime Raikage et lui étaient parvenus à l’entrée de cette grotte.

Zennosuke ne comprenait pas grand-chose de tout ce qui se passait ici. Tout ce mystère ambiant... Mille questions l’assaillaient déjà, car Comprendre le pourquoi du comment, savoir quelles étaient les motivations des uns et des autres était une préoccupation continue du Jônin. C’est en comprenant la manière d’être et de penser d’un individu que l’on parvient à anticiper ses actions, à réduire les chances d’être surpris par ce dernier. Car faut-il le rappeler, Zennosuke n’aimait pas les surprises. Il préfère de loin voir venir les choses de manière à pouvoir s’adapter au mieux à la situation. À vrai dire, depuis qu’il évoluait aux côtés du Yondaime, il n’allait que de surprises en surprises, sans jamais pouvoir, à aucun moment, parvenir à anticiper les actes de l’Ombre. Car, fallait-il le dire Karasu Tsumei était un personnage secret, bien trop secret pour que le Seki ne parvienne à lire dans son esprit. Il se sentait tout simplement désemparé face aux actions de l’Ombre, comme vulnérable.

Les échanges de la chouette et du Yondaime ne firent qu’enfoncer plus en avant le Seki dans le flou total dans lequel il se trouvait. Tous ici, savaient à peu près ce qui allait se passer et ce qui attendait l’Ombre. Tous, sauf Zennosuke. Pourquoi ? La sempiternelle question revenait hanter l’esprit du Jônin lorsqu’une chouette s’approcha du duo avec une valise dans ses serres. La valise fut remise au Raikage. Le Seki ne bougea pas. Il se contentait d'observer, conscient qu’il était, d’être totalement à mille lieux de se douter de ce qui allait se passer dans les minutes, voire les heures à venir… Et il n’avait pas tort de ne plus chercher à deviner, à anticiper. Aujourd’hui, il devait uniquement se contenter de laisser couler et d’être le spectateur de la pièce qui se jouait devant lui, pour peu qu’on le laisse à ce rôle de spectateur…

C’est alors que l’Ombre lui tendit une lettre tout en lui expliquant ce qu’elle contenait. Imaginez bien la surprise du Seki en cet instant précis. Son cœur se mit à battre la chamade tandis que ses yeux grands écarquillés devaient laissait paraître qu’une nouvelle fois, il était pris de court. Lui ? Godaime Raikage ? Son regard se posa tour à tour sur la lettre que lui tendait l’Ombre, puis sur l’Ombre elle-même. Était-ce une blague ? Si c’était le cas, elle était de bien mauvais goût ! Tout en pensant à cette éventualité qu’il avait toujours repoussé au fond de lui, le Seki décacheta la lettre et en parcourut le contenu. Ce qu’il avait lu était bien réel. Cela lui donnait des frissons, la chair de poule.

Même si ce n’était qu’une éventualité, cette perspective avait de quoi laisser démuni le type de soldat qu’était Zennosuke. Non, il n’était pas de ceux-là qui mettaient en avant leur intérêt personnel avant toute chose. Lui connaissait ses forces et ses faiblesses. Mais il savait qu'il avait pour force une loyauté indéfectible envers Kumo, ses institutions et ses populations. Au fond de lui, le Jônin savait que ce statut serait une ultime marche au sacerdoce qu’il vouait pour Kumo. Une sorte de cerise sur le gâteau qu’il n’attendait pas. Faut-il le rappeler, son but à lui avait toujours été d’intégrer le Satoru. Et là, Karasu Tsumei lui montrait un document officiel qui lui faisait dépasser ce cap. Encore sous le choc, le Seki marmonna ces quelques mots, tandis qu’il comprenait à son attitude, que Tsumei voulait qu’il lui rende la lettre :

« Pourquoi ? Pourquoi moi ? » Fit le Seki tandis qu'il rendait machinalement la lettre. Des mots simples de la part d’un ninja dévoué à la cause de Kumo qui en cet instant précis ne comprenait pas que le destin puisse lui faire porter de si lourdes responsabilités.

Lorsque l’Ombre lui désigna la seule trappe qu’il avait repérée au premier coup d’œil lorsque la grotte s’était illuminé, le Jônin reprit ses esprits. Le document que Tsumei lui avait montré n’était qu’une possibilité, une perspective, une sorte de plan B, qui pour qu’elle se réalise, nécessitait au moins un sacrifice énorme : le décès de Karasu Tsumei. Et ça, en tant que Jônin de Kumo, Zennosuke ne pouvait se le permettre. Pour cela, il devait comprendre. Savoir ce qui se tramait dans cet endroit, car si Tsumei lui avait montré ceci, c’était qu’il avait foi en lui et qu’il risquerait sa vie sous peu. Et si le Seki n'avait aucune idée de ce qui se passait ici, il serait inutile au moment de l'action.

« Raikage sama, je veux comprendre. Que va-t-il se passer ici ? » Zennosuke venait de s’arrêter devant la trappe que lui avait indiqué l’Ombre. Il ne l’avait pas touchée. Il l’avait seulement observée. Pourquoi Karasu Tsumei était-il si diablement secret ?

Tsumei avait du mal à réellement imaginer ce que devait ressentir son shinobi, au moment où ce dernier avait lu le contenu de la lettre. Devenir Raïkage, était-ce quelque-chose à quoi il aspirait ? Ou était-il apeuré à cette idée ? Certains hommes, voire même la plupart, n’ont jamais su être adroits tant qu’il n’y avait pas quelqu’un qui était « au-dessus » d’eux. La hiérarchie est un besoin primaire que beaucoup partagent. Mais qu’en était-il du Seki ?

Ils avancèrent jusqu’à la trappe, assez grande et surtout recouverte d’un grillage épais de métal, dont les trous faisaient à peine la taille d’un corps humain. Avec un peu d’habileté, il était possible pour un Homme de s’y engouffrer. Le fond était sombre, mais n’était profond que d’une dizaine de mètres tout au plus. Il semblait d’ailleurs y avoir une sorte de drap… un lit ?

Tsumei ouvrit la petite valise, dans laquelle reposaient deux petits flacons. Il attrapa le premier, le déboucha, et l’avala d’une traite.
Suis-moi.
Il s’engouffra alors dans un trou du grillage, et se laissa tomber. Un gouffre sombre, qui possédait bien un lit en son centre. Derrière, il y avait un passage. Et il était difficile de voir ce qu’il se passait maintenant en haut, mais il semblait que le Patriarche n’était plus là.
Je n’ai pas trop le temps de t’expliquer, mais ces deux flacons sont des liquides médicaux. Le premier détériore les cellules à tel point que ça provoque la mort par arrêt cardiaque. Le second est composé de globules et d’autres substances qui, si c’est administré rapidement après l’arrêt cardiaque, relance le cœur et combat le premier liquide. J’ai déjà bu ce liquide, je ne vais pas tarder à mourir.
Il s’assit, de gré ou de force, sur le lit et soupira. Il commençait à ressentir les effets. Le temps lui était compté.
Aucune chouette ne regardera ici, et les chouettes n’ont jamais voulu se mêler de Kumo. De plus, aucune ne peut venir à cause du grillage. Et même si une chouette arrivait ici, jamais elle ne pourrait avoir l’habilité avec ses serres pour m’administrer ou non un liquide.
Il toussa, deux fois. Mais il n’avait pas terminé. Il pointa difficilement du doigt le tunnel derrière lui, alors que son autre main enlevait le fourreau et son épée pour ne pas le gêner lorsqu’il s’allongerait.
Ce tunnel donne directement vers le Palais. Tu as compris, n’est-ce pas ? Si tu me laisses mourir, tu seras accueilli comme le nouveau Raïkage et non pas comme un criminel. Et si jamais la vérité venait à éclater, tu n’aurais rien à craindre : c’est moi qui ai voulu boire ce liquide, c’est moi qui me suicide devant toi. Jamais on ne pourra te blâmer de quoi que ce soit.
Il râla, et cracha du sang. Le Karasu n’avait plus la force d’être assis. Il s’écroula sur le lit. Mais il rassembla ses dernières forces.
La… décision t’appart…
Et il ferma les yeux. Tsumei s’imagea alors son corps s’enfonçant dans le noir.
Puis plus rien.

Spoiler:

Le Seki avait suivi le raikage tout en se posant un tas de questions. Il nota cependant que l’Ombre n’avait répondu à aucune d'entre elles, souhaitant probablement le laisser dans le flou le plus complet quant à ce qui se déroulait en cet instant précis. La chose avait de quoi frustrer un peu. Trop de cachotteries pouvaient rendre tout ceci un peu trop tiré par les cheveux.

Tous deux étaient à présent dans une petite pièce assez exiguë où un lit occupait une bonne partie de l’espace libre. Une sortie, autre que celle par d’où étaient venus les kumojins, se détachait au bout d’un tunnel d’où perçait une lumière blafarde. Le Seki avait tout remarqué du premier coup d’œil. Comme d’habitude, ses premières préoccupations lorsqu’il pénétrait dans un lieu, étaient d’en définir les limites, d’identifier les points de sortie, et les endroits propices pour résister en cas d’attaque. Même si personne ne semblait occuper la pièce, même si les chouettes semblaient avoir subitement disparu tout au-dessus de leur tête, le Seki nota que l’aménagement de la pièce était tout de même curieux. Quelle utilité de placer une pareille chambre, sans autre commodité qu’un lit, dans un endroit aussi profondément enfoncé dans la terre ? Pour quelle raison ? Cette raison, l’Ombre l’évoqua à demi-mot. Dévoilant le contenu de la valise, Karasu Tsumei avait ingurgité le contenu d’un des deux flacons qui y étaient stockés. Sourcils froncés, Zennosuke écoutait l’Ombre qui déjà, expliquait ce que les avait mené tous deux, dans cet obscur endroit.

Il s’agissait de mort. Une mort toute annoncée depuis que les kumojins avaient franchi le seuil de la grotte. Karasu Tsumei venait d’ingurgiter une solution empoisonnée. Un liquide qui allait tout simplement lui détériorer les cellules jusqu’à ce qu’il trépasse d'après ce qu'il affirmait. Et Zennosuke voulait bien le croire. Drôle de fin pour le Yondaime Raikage qui déjà, s’asseyait ou plutôt tombait sur le lit. Il semblait que le poison agissait vite et bien. Tandis que l’Ombre tentait de rassurer le Seki sur le fait qu’ils étaient seuls et que les chouettes ne pourraient rien pour lui, Zennosuke réfléchissait à autre chose. Sourcils froncés, il essayait de comprendre à quoi pouvait bien s’amuser le Yondaime. Pourquoi vouloir jouer avec le feu, pour quelle utilité ? S’il souhaitait juste tester la fidélité de Zennosuke, pourquoi aller aussi loin ? Déjà, le Jônin faisait le parallèle avec cette fois où le Yondaime l’avait nommé Shinobi de l’Ombre. Ce jour-là, Tsumei lui avait demandé de poser un acte aussi spectaculaire qu’inutile. Bien entendu, Zennosuke avait refusé, laissant le Yondaime face à ses responsabilité devant un ninja qui de toutes façons était dévoué à la cause de Kumo. Mais là… Les choses étaient allées un poil trop loin. Karasu Tsumei, consciemment ou inconsciemment éveillait les rêves les plus fous du Jônin. Lui qui avait toujours refoulé en lui toute idée de devenir un jour Raikage, voyait ce désir rejeté prendre forme, devenir presque palpable ! L'Ombre le testait à présent d'une manière bien plus... réaliste.

Tandis que Karasu Tsumei venait de sombrer dans l’inconscient, le Seki, lui réfléchissait, se tiraillait. Une toute petite partie de lui, grandissante tout de même, lui dictait de laisser à son triste sort le Yondaime. Car après tout, ce n’était qu’un pauvre fou. De longues années de solitude et de vie secrète avaient fini par altérer son raisonnement et impacter négativement sur ses actes. Car quel Kage lucide agirait de la sorte ? Quel Kage prendrait le risque de mourir tout en laissant une voie royale à une personne dont elle ne connaissait au fond pas grand-chose si ce n’est quelques rapports. Des écrits… Laisser une voie royale à cette même personne qui était la seule apte à le sauver... Oui, Karasu Tsumei était devenu fou. Et sa folie allait progressivement mettre en péril Kumo, son existence… Karasu devait mourir. C'était la seule solution. La bonne. Zennosuke, lui, pourrait apporter au village la grandeur et la stabilité qu’il souhaitait ardemment pour elle. Le poste de Raikage était la fonction idéale pour modifier en profondeur les manières de faire et d’êtres des kumojins. Il n’y avait que le Raikage, au fond, qui pouvait faire de ce potentiel inexploité, une puissante nation, respectée, adulée et crainte. Il n’y avait que sa propre volonté à lui, Seki Zennosuke, qui pouvait faire des kumojins un peuple de vainqueurs !

Pendant quelques secondes le Seki se voyait déjà Raikage. En réalité il l’était. Seulement, l’autre partie, celle qui avait encore voix prépondérante dans la balance du choix, lui dictait que tel n’était pas son destin. Du moins, son destin n’était pas de succéder à un Kage qu’il aurait tué passivement. Quel Raikage serait-il s’il devait prendre le pouvoir dans le chaos que ne manquerait pas de susciter une mort douteuse de la quatrième Ombre qu'ait connu Kumo ? Dans quel état d'instabilité installerait-il le village ? Au moment même où les terribles Furyous frappaient à la porte ? Quel Raikage serait-il, s’il devait vivre avec le poids de cette disparition ? Il aurait failli à son rôle, il aurait été déloyal à Kumo, telle est la vérité. Regardant sa main droite qui tenait le flacon qui devait ramener à la vie Karasu Tsumei, Le Godaime Raikage Seki Zennosuke choisi délibérément de suivre ce que lui dictait son cœur. Quel que soit son futur, il ne le volerait pas, il le mériterait pleinement, quelle qu'en soit la fin.

La main gauche du Jônin ouvrit la bouche du Yondaime tandis que la droite y déversait le précieux liquide qui devait ramener à la vie Karasu Tsumei. Il ne restait plus qu’à espérer que le Yondaime revienne à ses esprits. Car Zennosuke avait choisi et plus important, il avait compris les motivations de l’Ombre.

Le noir. Un léger bruit, peut-être une respiration. Des sentiments étranges et mélangés. Puis une seule et unique question : suis-je en vie ?

Karasu Tsumei ne se rendit pas compte de la faiblesse de ses membres. Pourtant, il du attendre quelques instants avant de pouvoir ouvrir les yeux. Un décor familier et sombre. Là-haut, une grille aussi épaisse que solide. Puis un visage, celui d’un shinobi accompli. De ces différents faits établis, l’homme allongé comprit ce qui s’était passé. Il était en vie.

Soudain, il entendit un murmure. Un cliquetis plus particulièrement. Des mots ? Non. Des pensées plus spécialement. Le Raïkage tendit son cou engourdi vers le côté. Tout cela venait de son fourreau. Kuchibashi était là. Il l’entendait ou plutôt, il la comprenait. A la manière d’un regard, à la manière d’une sensation : il n’y avait pas de mots mais de la compréhension. Et l’épée ne disait rien, pourtant le Yondaime comprit aussitôt qu’elle se dévoilait enfin à lui. Lui qui avait vu la mort. Il venait de tout comprendre. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, sans pouvoir encore bouger entièrement de sa position et de son lit.
C’était donc ça…
Toutes les zones d’ombre qu’il avait pu rencontrer, que ce soit sur les sabreurs ou sur d’autres choses, venaient d’être balayées en un instant. Un sentiment de profond soulagement remplit l’Ombre de la Foudre.
Je me suis toujours demandé pourquoi j’avais ressenti une attirance pour Kuchibashi. Je n’ai jamais été attiré par le pouvoir. Beaucoup l’auraient volée pour ce qu’elle représentait ou pourrait rapporter, mais pas moi. Je l’ai dérobée à des shinobis du Pays de l’Eau parce qu’elle le demandait. Mais je n’ai jamais su pourquoi, ni même si je n’étais pas devenu fou.
Tsumei se releva avec difficulté. A vrai dire, il souffrait légèrement. Une fois faiblement redressé et assis sur son lit il posa son regard sur son épée.
Personne n’a jamais su me dire pourquoi on n’avait jamais retrouvé ne serait-ce qu’un des forgeurs d’une épée spéciale dans le monde entier. J’ai enquêté sur le sujet, mais je n’ai jamais obtenu de réponse. Je suis sûr que même lui ne l’a jamais su…
Petite pensée pour Kentaro Hattan, qui possédait lui aussi une puissante épée « légendaire ». Et dire que de tout temps, on avait réellement cru que ces épées avaient quelque-chose appartenant à des légendes, à des mythes et presque à l’irréel. Mais tout a une explication. Tout a une raison.
Kuchibashi ne se laissait manier par personne d’autre que moi, c’était la seule raison – avec Kadoria Uriô – qui me faisait encore croire que je n’étais pas fou. Mais pour ce point-là non plus je n’avais pas d’explication. Tout n’était donc qu’une question de chakra et une sélection hasardeuse ? Non.
Il rassembla ses forces pour se lever. Ses jambes tremblèrent puis se stabilisèrent. Son regard se détourna de son épée, et s’en alla se perdre dans les murs sombres du fossé.
Kuchibashi était autrefois un shinobi, son créateur. La technique ancestrale dont certains shinobis de Mizu no Kuni parlent, c’est celle de pouvoir transférer son âme et son pouvoir dans une épée, à la manière de certains marionnettistes qui arrivent à devenir des sortes de « marionnettes humaines ». Voilà pourquoi j’ai senti que Kuchibashi m’appelait. Elle n’a fait que dégager de l’énergie pour que je le comprenne. Elle a sans doute perçu des qualités en moi, comme j’ai pu le faire pour toi Zennosuke. A l’instar d’une fille qui choisit un animal de compagnie dans un chenil. Il n’y a pas besoin d’être de la même race, du même sexe, il n’y a pas besoin de mots. C’est un sentiment. C’est universel.
Tsumei esquissa un sourire à Zennosuke, puis attrapa le fourreau de son arme, dont les cliquetis légers ne pouvaient être perçus que par le Raïkage. Des sentiments compréhensibles par lui et par lui-seul.
Voilà pourquoi personne n’a été en mesure de retrouver un forgeur de ce genre d’épées en vie. Voilà pourquoi je n’ai fait que « sentir » son appel : Kuchibashi était autrefois un shinobi, mais c’est aujourd’hui une épée. Et une épée, ça ne parle pas. Par le fait qu’elle ne se dévoile pas à d’autres mais qu’à moi, elle m’a fait persévéré dans ma recherche de vérité. Et maintenant, je suis en mesure de la comprendre, parfaitement. En mourant puis en ressuscitant, ou en frôlant la mort, j’ai imité Kuchibashi. Que c’eut été un homme ou une femme, ce shinobi – ou plutôt son corps – est mort, mais est toujours vivant dans cette arme. Ce point commun que nous avons désormais a changé des choses.
Le Karasu sortit son arme de son fourreau. Cette dernière dégagea une énergie grandiose. N’importe qui aurait été bouleversé de voir une arme dégager autant de « vie ». Mais Tsumei n’était pas surpris, lui qui partageait désormais les sentiments de Kuchibashi. Il se tourna vers son shinobi de l’Ombre.
Avant qu’on y aille, tu as sûrement envie de savoir ce qu’il y a après la mort non ?
Une nouvelle esquisse de sourire. Il fallait dire qu’en mourant ou en frôlant la mort, ce qu’avait vu l’Ombre l’avait satisfait. Lui qui n’avait jamais pu trancher cette question de paradis, d’enfer, d’au-delà ou de réincarnation, il était désormais fixé. Tout du moins de son vivant.
Il n’y a rien. Ta conscience est toujours là, mais il n’y qu’un noir profond, à la fois vide et entier. Tu es mort, mais il n’y a ni enfer ni paradis. Tu es seul, plongé dans une éternité comme si tu fermais à jamais les yeux. Et tu sembles n’avoir qu’une possibilité : celle de penser.
Soudain, une secousse des plus perforantes et grandes. Kuchibashi s’était en un instant allongée et avait fait sauter la grille du fossé.

Le Seki resta silencieux, immobile un moment. Un instant qui lui parut une éternité. Une attente pleine de tension dont l’aboutissement serait un soulagement total, celui de voir l’homme à qui il venait de manifester une preuve absolue de loyauté revenir à lui, et un désir empreint d’égoïsme : celui d’assister en direct au trépas du Yondaime Raikage. Des deux solutions, le Seki avait sciemment opté pour la première. Peut-être s’était-il exécuté trop tard, mais il avait choisi. Il avait préféré que celui qui avait été nommé par le Daimyo poursuive sa destinée sur cette terre. Quoi que l’on puisse penser, Karasu Tsumei n’avait pas terminé sa tâche, il ne pouvait voir sa vie prendre fin de la sorte. Mourir tel un inconnu dans un trou perdu, aux côtés d’un quelconque shinobi…

Et c’est à ce moment-là que le Yondaime choisi de montrer les premiers signes de vie. Des toussotements, des gestes involontaires et progressivement des réactions un peu plus normales. Son état physique se stabilisait peu à peu. Le premier regard que les deux hommes s’échangèrent confirmèrent qu’ils se comprenaient à cet instant précis. L’Ombre cherchait à savoir jusqu’où irait la fidélité du Seki. Il cherchait probablement à savoir aussi quelle était son niveau de maîtrise sur lui-même par rapport à ses ambitions, cachées ou révélées. Un homme, un vrai, un de ceux qui parviennent à exceller et à rayonner dans le monde, parvient toujours à se maîtriser lui-même avant de maîtriser les autres. Pour cet exercice, Zennosuke venait d’en démontrer les pleines capacités. Une saveur particulière de joie et de calme emplissait le Jônin. Le bon choix. Voilà ce qu’il avait fait. Se prouver à lui-même qu’il pouvait se dominer face à son désir caché le plus puissant, était un exercice des plus satisfaisants. Le sentiment de plénitude qu’il ressentait était indescriptible. Est-ce donc ainsi que se sentent les maîtres ? Les véritables ?

« Arigato Sempai » lâcha dans un murmure le Seki tandis que Kuchibashi, l’épée du Yondaime se mettait à s’agiter ; comme si elle aussi manifestait sa joie de voir le Kage revenir à lui-même. C’est à ce moment-là que le Raikage se mit à révéler des choses que le Seki aurait probablement mis des années à comprendre. Karasu Tsumei, le manipulateur de l’épée qui se tord, qui s’allonge et se rétracte à volonté, se mettait à expliquer ce qu’étaient en réalité les épées à pouvoir. Était-ce sa récente expérience de la mort qui avait permis au Yondaime de comprendre tout cela ? Probablement. Du moins, telle était l’explication logique que tout homme pouvait tirer face à cette situation et à ces révélations.

Très vite, à mesure que l’Ombre parlait, expliquait, révélait le pourquoi du comment, Zennosuke fit un parallèle avec lui-même. C’est éminemment curieux les nombreuses similitudes et à la fois les grandes différences qui existent entre l’Ombre et le Seki. Les vies, le parcours des deux hommes se rejoignaient sur bien des points, sur une foule d’autres ils étaient à l’extrême opposé. C'était amusant.

Le regard du Seki se porta vers l’arrière, comme s’il espérait regarder dans son dos. Lui n’avait pas de kuchibashi, et pourtant ! Une réalité, qu’il n’avait jamais confié à personne et que seul un être au monde savait, était que l’arme, quasi inutile, qui trônait dans le dos du Seki, contenait l’âme d’un ancien ninja. Un ninja pour lequel Zennosuke avait éprouvé une curieuse attirance et un profond respect dès leur première et début. Il s’agissait d’un ancien kumojin, Kadoria Hô, un vieillard au caractère noble, décédé et pourtant ramené à la vie par le biais d’une technique interdite : l’edo tensei. Un vieillard qui se faisait manipuler par de viles êtres; un vieillard qui avait tout fait pour éviter une mort certaine à Zennosuke, encore Genin, lorsqu’ils s’étaient affrontés. Au fond de lui, le Seki savait que Kadoria Hô s’était laissé sceller dans le ninja-tô du Genin. Il avait profité d’un bref relâchement de la technique de manipulation des morts pour se laisser condamner pour l’éternité dans la lame. Pouvait-il y avoir une chance que Hô se mette à réagir comme Kuchibashi à travers le ninja-tô ? Ou avait-il fini par trouver le repos éternel dans cette lame ? Une question tarauda l’esprit du Seki. Était-ce nécessaire d’en parler au Raikage ?

Pour l’heure, le Seki jugea que non. In fine, son ninja-tô paraissait toujours pour une simple arme, quoique à présent, le Seki constata qu’elle ne s’émoussait jamais, pas plus qu’elle ne se rouillait ou ne contenait une quelconque fissure. Un signe ?

C’est alors que Kushibachi détruisit la grille du fossé. La sortie. Au moment même où le Seki allait faire un pas pour quitter cet endroit, il se souvint des premiers mots de l’Ombre et fit le lien avec tout ce qui s’était passé jusqu’ici. Tsumei et le patriarche avaient parlé de la mort, de découvrir les secrets de Kuchibashi, mais aussi de préparer le prochain combat contre les Furyous. L’Ombre savait depuis le départ qu’il lui fallait frôler la mort. Il avait fait d’une pierre deux coups. En même temps il avait parfait sa connaissance et sa relation avec son épée, en même temps il s’était découvert un allié sûr. Restait à présent la préparation du combat à venir contre les Furyous… La maîtrise parfaite de Kuchibashi en était probablement le premier acte.

La grille s’était écroulée, comme des années de recherche et de question. La vie de Shinobi de l’Ombre du Karasu s’était éteinte en même temps que sa vie toute entière. Mais maintenant qu’il était revenu du royaume des morts – ou qu’il l’ait frôlé – il n’était plus le même. Ce n’était plus le disciple du Shodaime Raïkage qui avait du mal à rentrer dans ses fonctions, ce n’était plus un simple shinobi de Kumo, ce n’était plus un homme qui ignorait presque tout de l’arme avec laquelle il se battait. Tsumei le savait : il était devenu un véritable Raïkage. Il sauta, pour rebondir sur la paroi d’en face et répéta l’action jusqu’à remonter auprès des chouettes. Ces dernières vaquaient toujours à leur occupation, mais beaucoup s’étaient rapprochées pour assister au dénouement de tout ceci. Y compris la Patriarche, qui inclina son visage plumé.
Alors tu es toujours en vie.
Le Yondaime esquissa un rictus et se tourna un court instant vers son bras-droit. Il savait qu’il avait sans doute pris le plus gros risque de sa vie, mais les résultats étaient tellement importants qu’il ne regrettait rien. Que ce soit Zennosuke, Kumo ou lui-même : tous allaient ressortir grandis de cette étape primordiale.

L’Ombre de la Foudre fit un pas en avant, et porta son regard sur une chouette qui s’était apparemment concentrée pendant un long moment, du moins pour qui s’y connaîtrait un petit peu envers ces bêtes.
Alors ?
C’est la Partriarche qui battit de l’aile. Elle avait apparemment cherché elle-aussi à comprendre ce qui s’était passé.
Effectivement il n’y avait plus aucune trace de ton chakra lorsque tu es mort. Et maintenant que tu l’as récupéré, il n’a pas changé.
Tsumei soupira, et ferma les yeux un instant. Lui qui avait prévenu à l’avance ce qui allait se passer ici, les chouettes avaient pu l’aider dans son objectif d’en apprendre peut-être plus sur les Furyous. Certains seraient partis sur bien d’autres pistes, mais le Raikage avait décidé de s’intéresser au manque de chakra de l’ensemble des Furyous connus. Comme pouvaient-ils se battre – parfois avec des techniques demandant clairement du chakra – sans en dégager la moindre partie ? Il se tourna vers le Seki.
Les Furyous n’ont pas de chakra. Soit ils sont tous experts en sensorialité, soit une technique puissante les touche tous, soit c’est une technique semblable qui nous touche nous leurs adversaires soit… ils sont morts. Mais pourtant, ils doivent bien être en vie pour se battre.
Il soupira une nouvelle fois. C’était tellement complexe. Si les corps étaient morts, comment expliquer le fait qu’ils puissent se battre avec une volonté propre ? Si jamais c’était un Edo Tensei – qui est censé être une technique qui redonne momentanément la vie – comment expliquer le fait qu’ils n’aient pas de chakra ? Selon les informations de Kumo, cette technique interdite redonne le chakra. Et le nombre de Furyous est selon beaucoup de dires cinq. Comment peuvent-ils être neuf, sans compter Meteora et Gogyou Makka ?

Le Seki avait suivi sans mot dire l’Ombre dans ses mouvements jusqu’à la sortie. Là, par le même endroit où ils s’étaient tous les deux introduits, les deux ninjas étaient ressortis. Les chouettes étaient toujours présentes. Elles semblaient vaquer à leurs occupations pour la plupart, quoique bon nombre d’entre elles s’étaient aussitôt massées auprès des deux hommes. L’attraction était bien entendu le Raikage. N’était-ce pas lui qui était passé à deux doigts d’un trépas définitif ?

L’Ombre s’était adressé à la Patriarche. Il semblait que tous deux étaient de vieux amis. La vérité ne devait pas être très éloignée de ce postulat. Les observant, le Seki légèrement en retrait écoutait avec attention la suite de la discussion. Celle-ci porta rapidement sur le chakra en lui-même. Un vaste monde connu du Seki. N’était-il pas de ce clan qui manipulait au mieux le chakra ? N’était-ce pas ce clan qui était extrêmement bien outillé en matière de ninjutsu pur ? Tout ce qui touchait le chakra concernait forcément le Seki, ce type de discussion lui parlait comme on dit. Seulement une inconnue empêchait Zennosuke de se prononcer en spécialiste en la matière : les furyous. Ces êtres étaient comme qui dirait difficiles à cerner. Surtout ceux de la toute dernière génération. La preuve en était que le Raikage lui-même venait d’émettre 4 hypothèses concernant la manière de combattre de ces êtres, le moteur de leur puissance. Là où des shinobis usent du chakra pour déployer des prodiges d’énergies, eux en semblaient dépourvus tant ils pouvent utiliser quantité d’énergie sans limite à priori. Une chose avait fait sursauter cependant le Seki tandis que l’Ombre se prononçait : le fait que Karasu Tsumei soit persuadé que les furyous n’aient pas de chakra.

La chose méritait réflexion. Comment justifier en ce cas que ces furyous utilisent des techniques le plus souvent similaires à ce que savaient faire bon nombre de ninjas ? Hormis bien entendu ce fameux fluide décrit par ceux qui avaient combattu le furyou répondant au nom de « Sa majesté », ainsi qu’un de ses acolytes surpuissant, tout le reste utilisait des techniques pouvant être reproduites par l’homme. La seule différence entre l’homme, le shinobi et le furyou était la limite de la réserve d’énergie. Des dopés, voilà ce qu'ils étaient probablement. Quitte à se tromper, le Seki jugea utile de donner son point de vue sur la chose. L’Ombre était certainement bien en avance sur les questions qu’il allait aborder, Tsumei en savait déjà probablement beaucoup plus que la majorité des gens, de par son statut et le fait qu’il recevait par divers canaux d’informations plusieurs renseignements fort utiles. Seulement, peut être que ce que dirait Zennosuke ferait avancer la réflexion ou l’action à venir.

« Raikage Sama, Je doute fort qu’il faille considérer les furyous sans énergie, que l’on nomme cette énergie chakra ou autrement. Nous sommes dans un monde limité où toute ressource est limitée. Leur puissance, forcément, l’est et elle est basée sur un moteur, une énergie. J’en suis persuadé ; d’autant plus que bon nombre des techniques utilisées par les furyous sont similaires à ce que les shinobis savent faire… Hormis ce fluide… et peut être cette aura que nous avons vu sur le furyou que nous avons combattu. Quoique son savoir-faire se rapprochait beaucoup du kekei genkai des Kadoria… »

Le Seki pencha légèrement la tête sur le côté gauche et se tut un moment. À vrai dire il réfléchissait à haute voix. Peut-être dans le mauvais sens, peut-être dans le bon. A l’heure qu’il est, la majeure partie de l’humanité était dans le flou le plus total sur cette question. Lui, le Seki, ne faisait pas exception à la règle. L’énergie des furyous, ce sentiment de puissance infinie… Là résidait le véritable problème. Comment pouvait-il paraître sans énergie et pourtant réaliser des choses qui nécessitent en principe de l’énergie ? S’étant rapidement caressé le menton, Zennosuke poursuivit :

« Des quatre hypothèses que vous avez émises, si je devais en choisir une, ce serait la seconde : une technique puissante qui les toucherait tous… Ils pourraient également être experts en sensorialité, mais ce simple fait n’explique pas que le furyou que nous avons combattu nous ait attaqué en un laps de temps avec trois attaques démentielles, sans sourciller, sans paraître vidée d’une quelconque énergie. Même s'il était capable de masquer une quelconque débauche d'énergie, il n'aurait pas pu masquer les limites que son corps lui imposerait... La troisième option me parait également un peu tirée par les cheveux. Il serait très ardu de pouvoir berner l’ensemble des sens de tous les shinobis du monde. Si les furyous possèdent cet art, nous pouvons d’ores et déjà considérer l’humanité comme perdue. Pour le quatrième point, la mort... Peut-être... Peut-être sont-ils une forme évoluée de l’Edo tenseï ? Ce qui pourrait expliquer le lien si fort qui semble exister entre eux et leur Majesté ».

Pour cette dernière hypothèse, l’esprit du Seki lui rappela rapidement qu’un Edo tensei simple ne peut pas être tué en tant quel tel. À peine détuit, il se recompose totalement, tandis qu’un des furyous avait été détruit. La question est complexe. Bien trop pour être résolue avec si peu d’information. Voilà la conclusion du Seki et il allait la partager.

« Raikage Sama, je pense qu’il nous faut prendre une initiative, aussi dangereuse soit-elle. Il faudrait, au-delà de la nécessité de rassembler des informations sur eux par coopération inter-village, essayer d’en isoler un, de le pousser à bout, d'essayer de le vaincre et l’étudier plus en profondeur pendant le combat que nous mènerons... À ce propos, la dissection du furyou ramené par Kouga-san a-t-il rapporté quelques informations supplémentaires ? »

À présent, c’était Zennosuke qui inerrogeait l’Ombre. Des informations complémentaires sur le sujet, il en avait forcément. S’il avait mené le Seki jusqu’ici, peut-être était-ce parce qu’il souhaitait partager quelques-unes d’entre elles avec lui ?

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