Ordre de Mission :

Nouveau jour, nouvelle mission. À chaque jour son aventure, comme on dit. Cette fois, il s’agit d’espionnage. Un repérage simple et qui, pourtant, constitue un objectif des plus dangereux. Voir des troupes ennemies agir dans leur coin, pourquoi pas. Être vus par ces troupes, moyen. Pour faire, Yuka se retrouve en équipe avec … Kaguya Tenzö ?! C’est une blague ?! Du repérage avec un mauvais senseur ? Mais c’est … C’est … ! Elle reste bouche bée, et ne sait pas comment le prendre. Ah, Yoru. Des fois, quand il fait des choix, on dirait qu’il ne réfléchit pas. Caser sa chère sabreuse avec un Kaguya fonce-dans-le-tas n’est pas le choix le plus judicieux qui soit. Cependant, il est temps de faire confiance à quelqu’un d’autre, pour une fois. Il faudra aussi appliquer une stratégie sans faille, pour qu’il n’y ait aucune bavure. Chercher la perfection, en voilà une idée. Cet idéal n’a jamais été atteint, et Yuka n’a jamais pensé le toucher ne serait-ce que du bout des doigts. La perfection, une utopie que tout le monde rêve de goûter un jour, mais qui reste un mirage. Un rêve. Un doux rêve.

M’enfin. Ce n’est pas le moment de se décourager. Il est possible que la mission soit une véritable réussite, et que les suppositions de la belle ne soient que le fruit de sa vision pessimiste. Terre-à-terre, sur le coup, elle ne l’est pas. Au contraire. En cherchant à se rabaisser d’office, la brune cherche à se préparer à une éventuelle défaite. Un échec qui lui serait fatal, surtout vu ses capacités de senseur. Yuka ferme les yeux et soupire. De toutes les façons, ça ne peut pas être aussi dramatique. Elle est capable de beaucoup de choses, en tant que kunoichi. Ce n’est pas une mission de rang B en apparence très difficile qui va la rebuter ! Elle fera de son mieux pour la mener à bien et rabattre le caquet de tous ceux qui la croient trop peu maligne pour gérer ça. Ouais, comme ça, ça ira vite beaucoup, beaucoup mieux.

Pleine de motivation, la kunoichi décide alors de se rendre au point de rendez-vous. Guillerette malgré son stress, elle dit bonjour à chaque villageois, même ceux qui sont du genre à entamer de longues conversations dès qu’ils vous croisent. Ces commères, qui savent tout sur tout le monde, et racontent la vie de X à Y, histoire que ce dernier se cultive et s’imprègne un peu plus de son village. Un moyen comme un autre de participer à la vie citoyenne, d’une certaine manière. Ce qui la pousse à rester n’est pas le contenu, mais bien la bonne humeur de ceux qui racontent. De cette façon, Yuka s’en imprègne et se donne un peu plus de courage. Encore une fois, c’est une façon comme une autre d’obtenir de la force, haha.

Au bout d’une dizaine de minutes, la demoiselle stoppe le vieillard qui lui a déjà raconté toutes les expériences psychiatriques de sa pauvre femme. Enfin. Pauvre est un grand mot, puisque finalement, il a rit de cette petite histoire. Tristement, il a l’air heureux que sa dulcinée soit aujourd’hui encore en plein traitement pour ses maladies mentales. Ainsi, il ne l’entend plus crier, et se dit qu’à sa sortie, elle ira mieux. Ça, ça reste relatif, mais Yuka ne peut pas l’empêcher de rêver. Avec un grand sourire, elle lui dit au revoir, et accélère le pas pour se rendre à l’entrée du village, non-loin des longs tunnels, qui seront le point de rendez-vous pour la mission.

Se postant tranquillement sur un rocher, la brune attend son partenaire avec impatience. Dans sa tête germent déjà des plans tous aussi différents les uns que les autres, bien que ces derniers ne lui plaisent pas du tout. Ils ont toujours une faille, et cela la dérange. Tout doit être parfait, et personne ne doit les repérer. Personne. Ou alors, un petit lapin, mais il sera mort et caché. Ah, ça, c’est du bon Metal Gear. Encore une fois ! Finalement, ça peut promettre. Il suffit juste d’attendre, histoire de voir ce que ça donnera par la suite.

Un gland. Un gros gland incapable de se sortir les doigts du trou pour capter qui est là. Un mec nul en sensorialité, mandé pour une mission d’espionnage. Si ce n’était que ça, bon, pourquoi pas. Mais quand le mec lui-même a conscience qu’il fera de la merde, ils sont encore moins bien barrés ! Cette mission s’annonce être un véritable fiasco et, à vrai dire, abandonner une mission ou la rater n’est pas dans les plans de Yuka. De ce fait, soit ils se démerdent, soit … Soit rien du tout. Il n’y a pas d’autre solution possible. Ils se débrouillent pour que tout soit le plus parfait possible et que le plan se déroule comme sur des roulettes. Sinon, toutes les têtes tomberont. Toutes. Celle de tous les mecs là-bas, et celle de Tenzö. Pas celle de Yuka, puisque c’est elle la meurtrière. Ou alors, le suicide. Un bon petit coup de couteau dans la gorge, et hop, le tour est joué. Mais non. Cela ne se passera pas comme ça. Parce que finalement, le Kaguya se démerde pas mal avec son idée. Il a beau paraître aussi con qu’un Magicarpe, il semble pourtant qu’il en ait dans la tête. De quoi sauver la mise. Même si le plan reste à peaufiner. De beaucoup. Parce que déjà, jouer sa femme, c’est mort. Mort, mort, archi-mort. Non mais, sérieusement. Être la femme d’un mec aussi laid ? Il a vu la vierge ou quoi ?! Même une femme aveugle ne voudrait pas de lui ! Faut pas déconner ! Être sa sœur ? Ouais bon, pourquoi pas. Mais c’est une honte d’avoir un frère hideux. Le frère renié, ça sonne bien ! Mmmh …

« — Ok pour l’histoire des frères et sœurs, mais tu prendras des tatanes pendant toute la mission. Parce que ça me fait rire. »

Une connasse ? Non, pas du tout voyons. Yuka est gentille comme un agneau. Lui glissant un clin d’œil complice, elle lance la marche en direction du port. Pendant le voyage, ils ont beaucoup à préparer. Déjà, pour ne pas se faire choper. Ensuite, pour récupérer toutes les informations nécessaires. Pour faire, il faut une histoire qui tienne la route. Du coup, pour les touristes, il faut trouver mieux. Et la kunoichi a sa petite idée.

« — Plutôt que de leur faire croire que nous sommes en voyage touristique, j’propose qu’on se fasse passer pour des exilés de Yuki no Kuni. Poussés à fuir suite à la conquête de Kiri. Comme ça, on a un truc béton pour se ressourcer au sein même de leur camp et on peut leur soutirer des infos. Du coup, nous pouvons même être des ninjas, il faudra simplement qu’on se cogne un peu, histoire de rendre notre récit plus réaliste. »

Se casser un ongle n’a jamais tué personne, surtout pas la Mitsuharu. De ce fait, s’il faut pousser le vice jusqu’aux coups, pourquoi pas ! Ça n’en sera que plus facile à mettre en scène. Après, si monsieur est gêné de taper sur une femme, aucun problème. La mutilation, tout le monde sait faire. C’est con, mais c’est comme ça. Quand on ne peut pas compter sur l’autre, hein. Haha.

« — Faudra cradosser nos vêtements aussi. J’espère que t’as pas peur de la poussière ou de la boue. On devra un peu les déchirer, les abîmer, tout ça. Encore plus réaliste. Pour le reste, on verra comment ils réagissent. Mais ça devrait aller. »

Yuka accélère alors le rythme. Une fois arrivés au port, ils embarquent rapidement dans le premier bateau qui passe, menés par un marin un peu vieux qui lance des blagues de merde quasiment toutes les dix minutes. Ça l’aide à rythmer sa balade, si on peut dire ça ainsi. Ça aide aussi nos shinobis, surtout la brune, qui continue d’imaginer tout plein de scénarios différents. Puis, à un moment, elle regarde Tenzö et, sans crier gare, lui flanque un gros coup de poing en pleine face. Le marin se redresse d’un coup, alarmé.

« — Vous en faîtes pas mon vieux loup d’mer, c’est prévu. Il va m’en foutre un aussi. On cassera rien sur vot’ bateau, j’vous l’promets ! »

Sur ces mots, Yuka fout une nouvelle pêche, sur l’autre joue cette fois-ci.

« — Allez cogne ! Faut que ce soit beau ! Bien violet et tout ! Mais pas trop hein, parce qu’on doit aussi se faire saigner après. »

Le marin lève un sourcil, sans comprendre. Yuka, folle ? Mais non, mais non. Y a aucune folie là-dedans !

Elle y croyait sérieusement ? Qu’elle allait me tatane sans que je me rebiffe je veux dire ? Ca la faisait marrer en plus ? Elle ne me connaissait pas encore la morue. Pas moyen qu’elle me mette une seule baffe sans que l’effet boomerang ne se fasse ressentir. Oui oui. Je me laisse déjà pas faire face à Aoji, alors ce n’est pas pour me laisser dominer par une femme avec des seins gros comme des melons transgénique… Enfin bref… Je ne relevais pas, levant simplement les yeux en ciel. Ce qui suffisait sans doute largement. Du reste ça passait. Exilé ou touriste, moi personnellement je m’en battais les mirettes comme de l’an 1. Je n’allais pas la contredire. Sinon je sentais le clash venir, et franchement je ne me sentais pas l’âme. Quant aux fringues. Honnêtement je l’emmerde. Je suis habillé du matin au soir comme un clodo. Ce n’est pas pour en plus, en rajouter, sinon pour le coup je ressemblerais plus à rien… Et vu avec quels yeux elle me regardait, clairement, j’étais pas à son gout. Mais entre nous.

La suite vous la connaissez. Nous marchons et nous faisons chier jusqu’au port. En même temps, je n’avais pas grand-chose à lui dire. Surtout je n’avais pas envie de lui dire quoi que ce soit. Cette mission était bien assez chiante comme ça. Je n’allais pas rajouter du copinage inutile. D’autant en montant sur la bicoque qui devait nous servir de bateau… Bref, c’est à ce moment, que devant le mec, elle me mit une baffe… Je vous jure ! Une vraie en plus. Ce qui me fit lâcher un magnifique « petasse ! », puis elle m’en remet une deuxième sans même me prévenir ! Je voyais rouge, clairement, voilà enfin qu’elle me demandait de lui rendre l’appareil…

-Alors là ma grosse…

Je ne me fis pas prié, lui assenant une baffe, non, une giga mega baffe, capable de lui faire faire quatre tours sur elle-même. Elle voulait du violet ? Elle aura même du bleu ! Cela, d’un revers de main évidement, sinon ce n’était pas marrant vous comprenez bien. Le marin n’en revenait pas. Oui je n’avais pas qu’à peine retenue ma frappe. Mais bon, elle l’avait cherché non ! Et puis je le rassurais sur le moment pour lui rappeler qu’elle était shinobi. Les coups elle devait avoir l’habitude.

-Non mais c’est bon paniquez pas. Ce n’est pas une vraie femme en plus. Elle l’a demandé hein aussi. Alors me faites pas votre regard étrange ! On arrive quand d’ailleurs ?! Je vais pas trainer sur ce rafiot vingt piges moi !

« Tu veux te battre ? Vraiment ? »
Un grand sourire naît sur les lèvres de Yuka. Elle reçoit la baffe sans broncher, sentant sa pommette la lancer doucement. La sensation de douleur sur son visage, cela faisait longtemps ! Ce pincement, la peau qui enfle, les muscles qui se crispent. C’est particulièrement agréable. Son côté kunoichi lui donnait ce petit penchant pour la douleur, ce trait masochiste qui donnait des frissons aux non-initiés. Ce trait ésotérique, commun à beaucoup de ninjas, a pour habitude de repousser tous les civils. Une personne qui ne se soucie plus de la douleur, au final, est-elle toujours humaine ? D’autres peuvent, cependant, être beaucoup plus sensibles à cette dernière. Yuka, par contre … Toujours souriante, elle colle une nouvelle pêche en plein dans la mâchoire de son partenaire. Puis, comme si de rien était, la brune attrape un kunai et se coupe le bras, répandant le sang qui en coule, l’étalant le plus maladroitement possible sur ses vêtements.

« — Faut pas avoir peur de se tacher ma belle ! »

Yuka colle alors son bras sur la joue de Tenzö, se servant par la suite de son kunaï pour déchirer ses vêtements. Lui qui n’est pas forcément classieux à la base … Au moins, sa tronche de SDF passera toute seule dans cette mission ! Pour une fois que ça lui sert à quelque chose, à ce gland ! La kunoichi se détache alors, faisant de même avec ses propres vêtements. Sa jupe s’en voit alors réduite en véritable charpie, tout comme ses collants. Elle soupire. Ah, encore une tenue à refaire. M’enfin, la mission compte plus que le côté féminin. Faut arrêter de se prendre la tête avec le fameux « Sois belle et tais-toi ». Yuka est une brute lorsqu’il s’agit d’exploser des têtes, alors autant être brute jusqu’au bout.

Après s’être littéralement transformée, couverte d’ecchymoses et d’éraflures, ainsi que d’autres diverses blessures, la brune décide de se poser sur son siège, tranquille. Ses yeux observent l’eau avec intérêt. Cette dernière semble se transformer au fur et à mesure qu’ils s’approchent de l’île. Sale, dénuée de cette jolie couleur qu’elle arbore aux alentours de Kiri, la mer d’ici semble … Triste. Abîmée par la haine qui a animé la terre non-loin d’elle. Découragée, affaiblie par la violence qui a consumé Haï no kuni pendant toutes ces années. La mer est morte, paix à son âme.

Le bateau amarre alors aux côtes les plus sombres du pays de la cendre, sur des rives totalement désertes, qui n’ont plus aucune vie. Une odeur désagréable monte aux narines de Yuka. Ses prunelles parcourent les alentours, lui donnant toujours plus de raisons d’être morose. Ces terres sont devenues presque invivables, parcourues d’une énorme vague de tristesse. Quelque chose plane ici, quelque chose de mauvais, de déplaisant. Yuka soupire, puis se tourne vers Tenzö.

« — Bon bah … On y va, hein. Aie l’air naturel ! »

Avec l’atmosphère des lieux, la Mitsuharu semble n’avoir aucun mal à se mettre dans le bain. Et dire que cet endroit a porté le destin d’un monde entier … Elle n’y a pas survécu. La brune avance plus vite, au hasard, faisant mine de boitiller. La marche est lente, mais suffit, au bout de quelques temps, à les amener dans un camp. De manière parfaitement inattendue, Yuka s’écroule, et remue doucement, faiblement.

« — De … De l’eau, s’il vous plaît … »

Elle tend la main vers les personnes face à elle, priant intérieurement pour que Tenzö ne fasse pas foirer le plan. Ses paupières se ferment, s’alourdissant à mesure qu’elle approfondit son petit manège. Lourd, lourd … Le – faux – sommeil pèse sur ses épaules …

Puis, rideau. Le noir complet. Seules ses oreilles vont lui servir, désormais. Alors Yuka se concentre sur son ouïe, histoire d’en savoir au maximum. Mais déjà, une chose est sûre : Leurs camps sont très petits, et extrêmement mal organisés.

Finalement. Cette mission allait peut-être m’amuser… Premièrement le fait de cogner une femme légalement. Ce n’est pas comme si c’était tous les jours ! Deuxièmement la voir se cogner toute seule… Je ne savais pas tellement comment réagir. Tout de même… Non que j’étais choqué… Mais elle me retirait la seule partie amusante de la chose. A savoir lui mettre des baffes. M’enfin… De la suite. Elle n’en faisait pas un peu trop ? Là c’était plus à des réfugiés que nous ressemblions. Mais plutôt à rien du tout… En même temps. C’était elle la patronne. Moi je n’allais pas aller aussi loin qu’elle. Du reste. Nous atteignons sagement la fameuse de cendre. Ancienne terre de Makka. Chargé d’histoire de guerre et de conflit sanglant. Cela voulait dire quoi ? Que c’était une terre comme une autre au final. Personnellement. J’y trouvais un charme des non moins négligeable. Une terre de braise. Cela me rappelait bien des souvenirs. Si pour Yuka, cela paraissait être désagréable. Cette terre stérile. Déserte. A moi, elle n’évoquait qu’une passion troublante. L’ardeur de cette île me paraissait être en effet égale à la passion. Consumant si je pouvais dire…

Elle me demandait d’avoir l’air naturel pour la suite. Bouffonne murmurais-je. Je ne faisais jamais de faux semblant moi. Toujours fidèle à ma personnalité dans ce qu’elle avait de plus trouble et de plus désagréable. Si cela pouvait me porter bien souvent préjudice. Le reste du temps cela me servait bien. Au moins, on ne pouvait m’accuser de traitrise ou même de mensonge. Aussi, faire la tronche de déterré qui revient de pays en ruine et pourchasser, cela correspondait assez bien pour dire qu’il n’y avait pour moi aucun rôle à jouer. Il me suffisait simplement de faire la même tête qu’à l’habitude.

Lorsque nous sommes tombés sur un camp… Sans déconner, quelle actrice ! Je suis certain que son mec ne cogitait rien quand elle simulait. Enfin je dis, si elle en avait un… Parce que voilà le morceau qu’il faut se coltiner hein… Elle tendait donc la main vers le premier type venu. Comme une désespérée. Qu’étais-je sensé faire moi ? Debout à côté d’elle… Même pas elle m’avait prévenue de sa supercherie. Me voilà comme un con… Alors improvisation totale. Assez simple en réalité. Il suffisait de mélanger le réel et l’irréel. Je lui mettais un petit coup de pied au cul… Tout simplement. Puis en rajoutait une couche en m’adressant au mec devant elle.

-C’est ma sœur… Juste pour plus l’entendre brailler il faudrait lui donner à boire. Même si pour moi il y’a rien. Plutôt crever de soif que de continuer de l’entendre se plaindre… Si elle n’était pas si grosse en plus…

Le mec en face se trouvait être un bourrin de premier ordre. Barbu, la quarantaine, visiblement soldat mais pas shinobi pour autant. Du moins je le sentais ainsi. Il a littéralement éclaté de rire. Mais genre à plein poumon. Se trouvait donc que nous étions tombé sur le mâle typique habitué à vivre en camp d’entrainement et donc à dénigrer la gente féminine au possible.

-Ha ces femelles. Toujours en train de chialer. Je te comprends. Aller ramasse là, je vous emmène au camp vous aurez à boire.

Victoire ! Donc maintenant. L’heure était venue de se venger. J’attrapais Yuka par le col et la portait en sac à patate sans la moindre considération ou ménagement.

-Aller sœurette. Tiens-toi tranquille et dis merci au monsieur. Ca aurait été que moi je t’aurais laissé sur le bord de la route.

MAIS QUEL GROS CONNARD DE MERDE ! Un enculé comme elle n’en avait jamais croisé jusque-là ! Il profite tout simplement de sa faiblesse pour lui en mettre plein la tête et la foutre plus bas que terre ! Il mériterait limite qu’elle se redresse et lui colle une giga-baffe dans la gueule. Mais non ! C’est pas possible ! Parce qu’il y a une mission à accomplir ! Et il ne faut surtout pas la rater ! Bein ouais ! Les ordres, ce sont les ordres, faut jamais déroger à la règle. Yuka se promet de lui en foutre une énorme au retour à Kiri. Parce que là, mais là, il la mérite vraiment. Une belle tatane sur le coin de la figure, juste pour le faire taire jusqu’à la fin de ses jours. Oui, c’est une menace de mort, et alors ?! Le prix à payer pour un tel ridicule n’est autre que celui-ci ! D’ailleurs, pendant qu’il la porte comme un sac à patates, Yuka en profite pour écraser un point rageur et violent sur son dos. Un sourire amusé égaye alors son visage, tandis que du bout des lèvres, elle lui murmure un « Salopard », en toute amitié.

Il finit par enfin la reposer, dans une sorte de tentes où beaucoup d’hommes sont amassés, et où peu de femmes semblent se faire une place digne de ce nom. Yuka regarde alors alentour, scrutant chacun des détails. Le camp est relativement petit, et il n’y a que peu de monde. Peut-être se sont-ils séparés, pour ne pas tous être décimés en même temps ? Beaucoup de questions auxquelles la brune se doit de donner une réponse. Mais pour l’heure, il faut boire ! Oh oui, de l’eau, de l’eau. Elle chope le verre, gratifiant d’un ris radieux la demoiselle qui le lui a apporté, et le descend d’un seul trait.

Peu après, une gamine déboule en courant, accompagnée d’un grand homme aux cheveux bruns. La petite fille se jette sur les jambes de Yuka et la prend dans ses bras, en la serrant suffisamment fort pour l’étouffer. L’homme en question se met à rire doucement et prend place. Il a l’air gentil, étrangement. Bah, après, ils ne sont pas tous des monstres non plus, ils ont juste la malchance d’avoir choisi leur route. Être contre les villages, hein ? C’est triste …

« — Excusez Emi, elle est toujours enthousiaste quand on voit des visiteurs qui ne nous sont pas hostiles. » Hum. Malheureusement, il a tort, mais bon. « Je m’appelle Kazuho, je suis celui qui dirige les troupes actuelles. D’où venez-vous, tous les deux ? »

Yuka hoche doucement la tête, puis détourne le regard. Une histoire dramatique, une histoire dramatique, vite avant que l’autre n’ouvre la bouche … Vite … Et bam, elle se lance, ne suivant que son instinct, en priant pour ne pas faire de gaffe ridicule. Sa main caresse en même temps les cheveux d’Emi, ce qui lui permet d’apaiser son stress, et lui permet de garder un visage marqué par une souffrance factice, pourtant enjolivé par un sourire timide.

« — Nous venons de Yuki no Kuni, nous avons décidé de quitter ces terres lorsque Kiri a pris le contrôle sur le pays. Nous avons été traqués pendant un moment pour désertion, et avons atterri ici suite à un très long voyage. Nous sommes contre leur commandement, nous ne voulons que la liberté, qui devient tellement difficile à acquérir … Je me nomme Aemi, et voici mon frère, Tei. »

L’homme acquiesce plusieurs fois, avant de soupirer. Emi plonge ses prunelles dans les rubis de Yuka. Les émeraudes de la gamine sont larmoyants.

« — Je te protègerai, moi ! »

La kunoichi lui sourit, avant de la serrer plus fort contre elle. Les explications de Kazuho suivent alors.

« — Emi a perdu sa grande sœur récemment, et, à vrai dire, elle vous ressemblait plutôt pas mal. Quant à sa motivation, c’est celle que nous enseignons à tous ceux qui vivent ici, pour que jamais nous ne nous retrouvions seul face à l’adversité. Solidaires jusque dans la mort. Si nous mourons, nous mourons tous. »

Une mentalité des plus honorables, mais qui leur coûtera cher. Yuka soupire, puis fait oui de la tête, tranquille. Elle assimile toutes ces informations, pensive. Beaucoup de choses se déroulent dans son esprit. Sont-ils ainsi avec les membres du camp, ou avec tous les autres qui vivent probablement ici ? Combien sont-ils, d’ailleurs ? Et comment s’éparpillent-ils ? Mystère, mystère …

Et ouais. Je suis comme ça moi. Je profite de toutes les situations pour rappeler que je suis le mâle dominant ! Ce n’était pas son coup dans le dos ou même encore son « salopard » qui allait changer cela. Sur le coup je pensais simplement « en attendant tu es bien obligée de fermer ta gueule greluche ». Mouahahaha. Vous voyez ? C’est ça la classe. Quand la femelle ne peut simplement plus rien faire pour cause de circonstance atténuante ! M’enfin bref ! Pour l’heure je la lâchais comme une daube au sol pour qu’elle reçoive son breuvage. Me calant ensuite dans un coin de la tente pour me curer le nez j’observais l’air de rien chacune des personnes présente et le campement. Entre nous, ils n’avaient pas l’air bien menaçant. Une bande d’idéaliste qui espérait pouvoir tenir tête aux grandes puissances du monde… Comme d’habitude quoi. Croisant enfin les bras, il nous apparut ce qui semblait donc être le chef de ce campement de fortune. Ce qu’il nous confirma d’ailleurs. Une petite fille avec lui qui se jetait dans les bras de Yuka.

Me voilà plus intéressé d’un seul coup.  Car d’une part l’excuse de Yuka passait comme de la crème. Par contre j’arquais un sourcil quand elle me donna mon faux nom. Tei ? Le même prénom que le frère d’Aoji que nous élevons ensemble. Voilà qui était une curieuse coïncidence. Cependant il y eu pire… De quoi me faire perdre mon air assuré et niait quelques instants. Cette petite fille avait perdu sa sœur disait le grand bonhomme. Mon regard devint triste. Un souvenir rejaillissant sans que je ne puisse le contrôler…

Flashback-
Cet assaut est flou dans ma mémoire… Je ne me rappelle pas tout. Ce n’était que violence. Haine. Boucherie… Un paysage de braise et de cendre. D’horreur même… Quelque chose n’avait pas tourné rond… J’avais perdu l’esprit. Perdu conscience de moi-même. C’était comme si quelqu’un d’autre se battait à ma place. Dans la mêlée nous avions été séparés les uns des autres… Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’était passé… Quand la charge avait été ordonnée je rompis tout ce qu’il y eut en moi de saint et de bon sens. Perdant le temps de cette bataille le sens de la mémoire et de la conscience. Je ne me souviens que du sang, des cris, d’un enfant, moi-même à genou, qui cherchant à s’expliquer l’horreur humaine ne parvenait plus à sortir le moindre mot. Le visage dans les mains, comme maudit, mes yeux fuyaient les flammes, fuyaient les corps, fuyaient la haine et la nuit… Un Kaguya me prit l’épaule et me secoua vivement pour me sortir de ma torpeur et des larmes balbutiante. Il me lâcha alors une phrase simple. Sans autre forme de compassion. « Ton frère est mort », je tournais le regard larmoyant sur ce Kaguya. Visage désarçonné, incompréhensible. Que c’était-il passé ? Puis il rajouta avant de se détourner, détendu et tout à fait conscient de l’horreur. « Le mari de ta sœur aussi, lève-toi, nous devons entasser les cadavres » Je restais prostré… Pas même une excuse. Mon frère et mon beau frère étaient tombés. Dans l’ignorance la plus totale. Sans gloire. Sans honneur. C’était ça la vraie guerre. Tout le monde ne partait pas en faisant résonner sa voix. La majorité n’était que des anonymes qui disparaissaient sans laisser quoi que ce soit derrière eux… Je me relevais difficilement… Puis déambulant dans la forteresse en ruine, évitant de piétiner les cadavres… Je trouvais le reste de ma famille… Je me rappelle m’être dit… Une fois mort… Ils ne sont plus ennemis… Ils ne sont que des cadavres. Un silence… Non… Pas un silence. Personne ne parlait dans ma famille. Ma sœur était à genoux, les larmes coulaient sur ses joues. Mais elle ne lâchait pas le moindre son. Son visage était vide. Je ne la reconnaissais pas. Mon père demeurait fier. Cachant la moindre parcelle de déception. Il mimait la fatalité qu’il acceptait. Ma mère n’était pas là… Elle était en train de rassembler les cadavres avec mon autre frère. Préférant dans sa dureté, ne pas montrer la moindre faiblesse. Et moi ? Je me demandais où j’étais… Si ce n’était pas un cauchemar… Si j’allais me réveiller. Ils étaient mort pourquoi ? C’est tellement dérisoire… Même aujourd’hui je n’arriverais pas à le dire… Le lendemain. Ma sœur se jetait du haut d’une falaise… Sans n’avoir dit quoi que ce soit de son projet à personne. Le plus étrange. C’est qu’elle avait eu l’air d’aller mieux… Elle souriait… Comme si elle avait acceptée ce qui c’était produit. En vérité, sachant qu’elle allait mourir, qu’elle allait enfin se libérer de la douleur qui lui pressait le cœur. Elle se trouvait soulagée… La mort était libératrice… Une nouvelle leçon que je n’oublierais jamais… Aucun d’eux n’avait eu les moindres funérailles. Le moindre mot… Cela me choquait… Mes parents, mon frère et Shu. Tous faisaient comme si de rien n’était… Ils se voilaient tous la face. Car la réalité. C’est qu’on ne riait plus. Nous étions tous vide… J’ai alors rencontré pour la première fois la solitude…
Flashback-

Ainsi je redressais le regard sur l’homme un instant. Il fut grave. Emplit d’une tristesse compatissante. Ce qui pouvait nous servir. Après-tout nous étions sensés être traumatisés. Alors pour une fois que les maux de mon passé pouvaient nous servir à quelque chose… Je lui répondis très simplement. Pourvu d’une intonation basse que je rompis un instant en fixant la petite fille dans les bras de Yuka.

-C’est un deuil difficile à supporter. La perte d’un être si cher... Les shinobis des grandes nations ne se sont jamais encombrés de la compassion. Ils ignorent comment un homme ou une femme peut souffrir de leur soif de pouvoir. Nous vous aiderons. Ma sœur également. De toute façon où pourrions-nous aller si ce n’est ici…

Voilà qui plut fortement à Kazuho et sur cette belle parole, il nous proposa une tente pour nous deux. Ce que sans demander à Yuka j’acceptais directement. Nous étions maintenant infiltrés dans le campement et nous devions discuter ensemble de la suite. Il me fallait maintenant quelques temps avant de chasser mes mauvais souvenirs mais l’habitude me faisait penser que j’y arriverais bien assez tôt. Kazuho nous emmenait alors dans la tente qui devait être notre nouveau lieu de résidence et nous proposa de nous reposer avant le repas du soir. A peine étions-nous seuls, que je m’installais sur mon lit en posant mon bras sur le front et lui adressais la parole.

-Bon alors ?