La Brume floutait l'heure. Début ou fin de journée, l'impression était la même. Pourtant, le Soleil annonçait l'après-midi. Et dans l'ombre du zénith, le triumvirat des ténèbres veillait au grain. Étrangement, Baku, Tengu et Kitsune, étaient souvent à proximité du dénommé Sora. Bien que le dompteur de cadavres ne soit pas le frère d'armes favori du Tsar, il ne pouvait nier cependant qu'il s'agissait d'un redoutable ninja, tant au combat qu'au quartier général du Misuto. Et en cette journée embrumée, le nécromant se dirigeait vers le sanctuaire du Mizukage, accompagné d'un métèque. Les trois ombres de la Nuit suivaient avec une discrétion et une précision digne de leur pénible formation le tandem. Déployant leur armada sensorielle, les hommes en noir identifièrent ainsi de leur mieux l'individu, qui répondait au nom de Kiezan Fumei. Son chakra, bien que médiocre, était empli d'une aura iridescente, et ne comportait pas la moindre once d'obscurité. Un candidat parfait pour s'entretenir avec le Tsar Insane, en somme.

Sans interférer dans le déplacement du pèlerin et du nécromancien, le trio de lémures continua sa mission, et pensa à prévenir mentalement son supérieur de la venue imminente du moine de Ta. Le tyran en question stoppa dans les airs sa main, prête à marquer du sceau de Kiri un document administratif. Comme à son habitude, l'Illusionniste éborgné acceptait toujours la venue d'un bon visiteur, et cela pour deux raisons : la première, c'était que le visiteur libérait le Mizukage du joug infernal de la paperasse. La seconde, c'était que ce même visiteur pouvait divulguer des informations auprès de l'Ombre de l'Eau, mais aussi s'éponger d'une opinion plus personnelle de l'Oblat Belliqueux. Une sorte de promotion publicitaire par les idéaux, en somme.


Lorsque l'ermite et le despote des charognes franchirent le seuil du palais, le Ryūzoji était prêt à les accueillir. Son bureau avait subi un brin de rangement, et sa tenue officielle de Mizukage lui octroyait de larges manches albescentes. Nonobstant sa coiffe, pour s'assurer d'un air plus authentique, le Cyclope n'en restait pas moins plus… solennel. L'arrivée du moine de Ta et du Kirijin se traduisit par la venue devant la porte de son bureau de l'autocrate, guidant les deux personnes dans la salle, afin de leur attribuer une place. Sora était libre de rester, ou de disposer.

✗ Je vous souhaite la bienvenue sur les terres brumeuses de Kirigakure no Satō, moine de Ta no kuni. J'ai été prévenu d'avance de votre traversée dans le village. Je me présente : je suis Ryūzoji Yoru, Sandaime Mizukage de ce village. Certains me surnomment le Fou Pourpre de Kiri. Et vous, à quel nom répondez-vous ?

Le dit Fou cessa son escalade de titres, afin de marquer une pause. Le Cyclope n'avait pas pour habitude d'employer ce ton envers les étrangers. Pourtant, Yoru avait un certain respect pour les moines de Maskine. Isolés du reste du monde, ils vivaient en paix dans la foi et la contemplation divine. En excluant le côté religieux de la chose, les moines du Pays des Rizières adoptait la même philosophie d'autarcie que Kiri. L'un suivait la voie de la Foi, l'autre de la Force. Une raison particulière qui poussait le Mizukage à rester respectueux auprès de son "invité."

✗ J'ai cru comprendre que vous souhaitiez vous entretenir avec moi-même. Et bien, je suis tout ouï : quel sujet désiriez-vous aborder ? Je serai ravi d'échanger quelques idées avec un moine Kiezan.

Effectivement, le Kobold Corrompu n'attendait qu'une chose : évoquer leurs voies respectives.

Voici donc la fin des Longs Tunnels du village de la Brume. C'était la première fois que l'opportunité m'était donnée de pénétrer à l'intérieur d'un des fiefs de ces Grandes Nations. Plusieurs sentiments me tiraillaient, dans le bon sens du terme. C'était un mélange de profond respect et d'humble humilité. Mes premiers pas à l'intérieur de la cité ne furent que curiosité, émerveillement et contemplation. Depuis que j'avais initié mon voyage je m'étais tenu à l'écart des grandes ville, préférant les chemins de traverses et autres routes détournées aux séjours dans des villes de plus ou moins grandes envergures m'échappant volontairement à l'entassement des hommes. J'avais besoin d'une certaine liberté, un endroit où je pouvais méditer sans stimuli néfastes extérieurs.  Mon accueillant avait soulevé un point important pendant que nous marchions. Devait-il arrêter de se battre alors que son kage lui dictait de faire l'inverse. Que lui dictait sa conscience ? Que lui dictaient ses convictions ? Mes deux questions n'attendaient pas de réponses de sa part, j'espérais juste que cela soit une prise de conscience pour lui même si au fond de moi j'étais persuadé que pour l'heure cela n'aurait que peu, voire pas d'impact.

Ma première visite dans le village caché de la Brume était quelque chose de fantastique et de surprenant, à la fois pour moi mais également pour les personnes autour de nous.  Hommes, femmes, enfants, j'étais le centre d'attention de beaucoup d'entre eux. Etais-je à leurs yeux une étrangeté ? Vivaient-ils eux aussi reclus, à l'écart des autres Nations pour être dévisagé de la sorte ? C'était l'une des nombreuses questions que j'avais.  Mais pour le moment je n'en avais qu'une à poser au kirijin.

- Merci pour cette pomme, cependant, je ne saurais m'en sustenter pour l'heure, n'en soyez pas irrité, au sein du temple nous avons un rythme de vie que je tente de préserver au mieux encore aujourd'hui. Je me contenterais de votre don plus tard.

Ce fruit mûr rejoignit mes maigres affaires, cela me servirait de frugal repas après ma méditation. Arrêté au milieu de la foule, j'écoutais attentivement  les paroles de mon hôte.

- Je comprends les raisons pour lesquelles vous vous battez. Mais combien d'enfants ne verront plus leurs pères ou leur mères ? Combien de parents enterrerons un fils ou une fille ? Je conçois que vous cherchiez à protéger votre village et toutes ces personnes, pourtant dans un monde en Paix, une paix stable et durable, où personne n'aurait à se soucier d'un ennemi inexistant, chacun pourrait vivre dans une harmonie pleine et entière en profitant de ses proches avec bonheur.

Mais il était temps de se remettre en route. Ce n'était surement ni l'endroit ni le moment de débattre à nouveau sur de tels sujets d'envergure. Je suivais donc mon guide en direction des hauteurs, demeure du Mizukage. En toute franchise je ne savais pas à quoi m'attendre d'un tel homme. La fonction de kage était une charge nécessitant de nombreuses responsabilités et un certain altruisme afin de préserver ses citoyens des conflits mais je n'avais aucune idée de la manière dont il menait cette politique. Introduit dans le bureau, la première image que j'avais de l'Ombre de l'Eau fut celle d'un homme borgne d'une certaine stature, à l'allure à la fois fière et distinguée, surement vêtu pour l'occasion, une telle tenue n'étant surement pas adaptée pour la vie quotidienne d'un shinobi. Ryūzoji Yoru, le Fou Pourpre de Kiri, sandaime Mizukage. Un nom et un titre à ne pas oublier. En revanche j'avais une vague idée de la manière dont il avait pu être affublé d'un tel surnom et cela m'attristais d'un certain point de vue. Les mains jointes que je portais à mon front en fermant les yeux, je saluais là mon hôte. Pas de révérence, pas de mots, les hommes étant tous égaux aux Yeux de Maskine. Mais avant tout j'avais une question fort simple afin de ne pas froisser cette frêle relation.

- Je vous remercie de m'accueillir en votre sein. Mais avant de vous répondre, de quelle manière souhaitez vous que je vous nomme, je ne souhaite point insulter mon hôte en me montrant désobligeant envers le protocole des shinobis.

C'était là avant tout une marque de respect, espérant instaurer un cadre serein à cette rencontre qui je l'espérais serait en mesure de m'apporter une partie des réponses que je cherchais.

- Comme vous le savez surement déjà, je me nomme Kiezan Fumei, je suis un ainé de l'ordre des moines de Maskine. Laissez moi m'excusez pour l'agitation que ma venue a provoqué au sein de votre village et vous remercier pour le temps que vous consacrez à mon humble personne.

Le fait qu'il veuille échanger quelques idées avec un moine de Kiezan comme il le disait si bien me confirmais dans l'idée qu'il n'ignorait en rien qui j'étais et qu'il était fort probable qu'il connaisse déjà le motif de ma visite. Pour autant, je ne pouvais laisser sa question sans réponses. De mon habituel ton calme et posé je reprenais à mon tour ma tirade.

- Comme vous le savez peut être déjà, les moines de Kiezan vivent en autarcie, coupés en partie du monde extérieur. Pourtant nombreux sont les hommes à nos portes en quête de conseils et de sagesse. C'est cette vie recluse qui m'a poussée à voyager afin de découvrir le monde, découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles coutumes, connaitre ceux qui nous entourent afin que de notre côté notre ordre ne périclite point. Comment pourrions nous être d'un quelconque secours si nous ne sommes pas en mesure de comprendre les maux de ce monde. Pour apporter une réponse, il faut sortir de cette ignorance qui nous consume et nous voile la face petit à petit, jours après jours. C'est pourquoi j'ai quitté les miens, afin de comprendre ceux qui m'entourent, de comprendre ce qui pousse les hommes à s'en prendre à eux même et de les pousser à tendre vers une Paix durable qui ne laisserait ni orphelins, ni haine, ni désir de vengeance au cœurs de vos Grandes Nations.