Dans la rue, chargé comme un buffle, Kanshi portait de gros sacs de riz pour une autre mission. Maintenant qu'il avait commencé, il y prenait goût. Rendre service lui faisait un bien fou. Une seconde facette de l'entraînement du parfait shinobi, pour sûr.

Levé de bonne heure, là dès que les portes du Palais s'ouvraient, demandant sa mission, se désolant aussi d'être si en avance, il repartit léger. Aujourd'hui, un homme âgé le mandait pour l'aider à charger sa nouvelle cargaison de riz dans son restaurant. L'une des roues de sa charrette lui avait fait faux bond, une peu après l'entrée du village, alors qu'il venait de transférer les sacs du véhicule de son fournisseur au sien. Une mission expresse, en quelque sorte...

N'ayant pas d'argent sur le coup, il s'était arrangé avec Kanshi pour lui payer un bon repas, puisqu'il aurait travaillé durement toute la matinée. Satisfait de cette entente — ou intimidé par le puissant pouvoir de négociation de son employeur — le garçon avait vivement accepté. Il en était déjà à son second allé, trois sacs sur ses épaules, courbé vers l'avant, suant, les muscles tendus et commençant à être douloureux. Pourtant, malgré l'effort incroyable, il voyageait vite, d'un léger jogging jusqu'au restaurant, sur un kilomètre environ, pour revenir à la course folle, quelques dizaines de seconde à peine. Une fois rendue, il s'excusait de son énergie et se rechargeait...
À son rythme, s'il le soutenait — il le soutiendrait — il aurait fini dans une heure, voir une heure et demie. La quantité de sacs étant plutôt importante, l'ampleur de la tâche, au contraire de le démotiver, le remplissait d'une vive chaleur de défi.

Sur le chemin, civils étaient à éviter prudemment. Lentement, les petites rues de Suna se remplissaient de vie, compliquant sûrement la tâche du genin. Glissant, contournant, dérapant, Kanshi s'amusait un peu, alors que, d'un saut un peu trop forcé, un sac commençait à s'envoler, à glisser, à tomber. Mais c'était toujours avec adresse que le genin, soit d'un coup de pied, soit d'une contorsion du corps, le récupérait et le re-déposait au sommet de la pile.

Toujours ?

Non.

Par lorsque, sortant de nul part — d'une ruelle que le Yamada n'avait pas vu, sûrement — on se dressa sur son chemin. Ne pouvant faire mieux, le genin dérapa sans contrôler, tentant à la fois de bondir pour rattraper sa chute vers l'avant mais... s'échoua lamentablement, les sacs venant lui écraser le haut du corps dans un amas de poussière. Vautré aux pieds de la silhouette, il se releva, le visage en peine. Il ramassa ses sacs, les empila et tenta de les replacer sur ses épaules.

Une douleur le traversa de part en part.

Il mit un genou au sol, défait. À ses côtés, la silhouette, qui n'avait pas bougé, observatrice de tout son cirque.


- Désolé... Je ne vais pas réussir... D-d-d-d-désolé !

Le village était bien plus agréable au petit matin. Personne dans les rues. Pas un bruit. Le moment idéal pour profiter de la singularité des bâtiments de Suna qui offrait un spectacle assez éblouissant avec le lever de soleil. A se demander s’il se couchait vraiment dans ce pays ! Enfin pour avoir connu le désert de nuit, Kyogi savait parfaitement que la température chutait drastiquement pour atteindre des seuils que l’on n’aurait jamais crus possible quelques heures auparavant. Il profita depuis le haut du toit où il était posté la chaleur qui commençait à monter et qui venait agréablement lui lécher le visage petit à petit. Les yeux fermés, il profita un instant de ce moment privilégié. Jusqu’à ce que le village s’éveille. Il remit alors son chapeau haut de forme qu’il vissa jusqu’à ce qu’on ne voit plus ses yeux. Ses cheveux formaient le rideau habituel devant son regard qui restait à l’affût des détails.

Alors que les commerçants ouvraient leurs échoppes et que les premiers clients faisaient leur apparition, le marionnettiste sauta de son perchoir pour se retrouver dans la ruelle par laquelle il était monté. Atterrissant d’abord sur des caisses, il n’avait plus qu’un mètre à sauter pour se retrouver sur la terre ferme. Ceci fait, il rajusta ses vêtements un peu secoués par ses acrobaties. Un petit époussetage rapide et un reboutonnage éclair. En quelques secondes, il était présentable à nouveau et il quitta l’obscurité sereine de sa ruelle pour se fondre dans la masse des passants. L’exercice était compliqué. Tous à se bousculer et à piétiner pour aller faire leurs petites courses du matin. Des existences fades et pitoyables en somme. Kyogi lâcha un soupir d’exaspération. Il n’aurait pas dû se lever si tôt. Il s’ennuyait ferme.

Alors qu’il tournait à un angle de rue pour éviter un peu la foule grouillante, il se retrouva dans le chemin d’un garçon chargé comme une mule. Et à se charger d’autant de sacs, ce qui devait arriver arriva. Il s’étala de tout son long et se retrouva écrasé par son chargement. La poussière soulevée emplit son environnement à ras du sol alors que Kyogi le regardait. Un type à la carrure bien faite avec des cheveux argentés. Une cicatrice au-dessus de son œil gauche également. Rien de très impressionnant. Surtout quand on se fait écraser sous des sacs. Il rassembla son chargement répandu un peu partout et commença à se relever. Mais il retourna près du sol, un genou à terre. Si le chapeau n’était pas autant vissé sur sa tête, Kyogi aurait haussé un sourcil. En plus le type commença à marmonner à voix très basse quelque chose d’incompréhensible que le marionnettiste n’entendit pas. Il reporta donc son attention sur les sacs.

Quelle idée de se trimballer ses charges dans le village ? Pour un entraînement ? Non sinon pourquoi prendre le risque d’écraser quelqu’un avec. Pour une mission alors ? Oui ça semblait le plus logique. Une mission donc. De faible rang. Mais qui devait inévitablement rapporter des sous. Les émeraudes du marionnettiste luisaient de convoitise même si on ne les voyait pas. Un nuage de fumée l’envahit soudainement. Les passants alentours furent surpris et s’éloignèrent par peur. Lorsque l’écran de vapeur se dispersa, Kyogi n’était plus seul. Un humanoïde de bois se tenait à ses côtés. Un pantin basique. Par des fils de chakra, il lui ordonna de prendre les sacs au sol. La marionnette obéit sans broncher et s’exécuta. Après quoi, son maître s’agenouilla pour être au niveau du gars à terre et lui demander avec un sourire qu’il voulait bienveillant :

- Je dépose ça où ?

Les yeux ronds d'admiration, Kanshi regarde le bonhomme qui venait de lui porter secours, l'allégeant de sa charge. Un, puis deux, puis trois sacs dans les bras du pantin laissa Kanshi vide et inutile. Se redressant, le gamin se massait l'épaule, l'affreux élancement étendu dans son cou et ses épaules. Plutôt surpris, d'ailleurs, d'avoir aussi mal, pour lui qui, habituellement, forgeait son corps à l'extrême. Comme quoi la leçon de toujours faire attention aux mauvaises habitudes de l'entraînement était vraie. Le Yamada s'en voyait d'ailleurs désolé, vis-à-vis l'étrange monsieur au chapeau.

L'apparence de ce sunajin, shinobi à en croire par sa dégaine et sa superbe invocation de bois, ne laissait pas indifférent Kanshi. Pourtant, le garçon, bien que l'envie ne lui manquait pas, hésitait à lever les yeux, s'obligeait à fixer les pieds. Il ne voulait absolument pas provoquer, voir même insulter, son sauveur.
Le rouge aux joues, il pointa une direction à la question de Kyogi.


- C-c'est par là... bas...

De son air coupable, il prit les devants, un peu gêné. Marchait-il trop vite pour celui de derrière ? Marchait-il trop lentement ? L'autre le suivait-il toujours ? Un regard en arrière. Il croisa son rideau de cheveux. Gêne. Il ramena aussitôt ses yeux vers l'avant. Qu'est-ce qui lui a pris ? C'est malpoli. Est-ce que c'est malpoli ? Monsieur, c'est malpoli ce que je viens de faire ? Ah non, ne pas poser la question. Marcher. Avancer. Terminer la mission.

N'empêche...

Kanshi ralentit un peu la cadence et, sans réellement savoir sur quel pied danser pour exposer ce qui le tracasse, se mit au niveau de Kyogi, sur le côté où il n'y avait pas de pantins. Ses doigts s'entortillaient tandis qu'il avait le goût étrange de la roche qui lui remontait en bouche. Il salivait un maximum, le stress montant.


- Qui-qui vous a appris c-ce jutsu... Vous... Vous... Vous pourriez me l'apprendre ? Désolé.

Le Yamada parlait bien évidemment du pantin.


- Oh et... Je vais demander qu'on vous paie... Heu... Non... Je vais vous donner ma part... Heu... Oui, dé...

Il se ravisa de terminer par son mot fétiche, car un jour, un Grand homme lui avait dit que c'était faible.

Le fier gaillard lui indiqua l’endroit où les sacs devaient être amenés. Il avait pris la tête du cortège. C’était pas plus mal parce qu’avec tout ce monde c’était un peu imprécis l’endroit qu’il avait indiqué. Kyogi suivit donc le type qui s’était relevé pour le guider. Le pantin suivait, impassible et obéissant aux ordres de son maître. Il attirait quelques regards en biais mais le marionnettiste était habitué. Il avait un petit côté effrayant pour certains. Quand il parcourait les couloirs de certaines mafias où il était tombé avec ce dernier à ses côtés, on le fuyait ou on avait tendance à s’écarter. Il avait un côté glauque selon certains. Kyogi ne voyait pas en quoi. Il s’agissait seulement d’un humanoïde de bois. En quoi c’était…glauque ?

Le cortège suivit le chemin que la tête de file décrivait. Cette dernière tourna la tête pour regarder Kyogi qui resta aussi neutre dans son expression. La tête retourna à son emplacement initial, fuyant le regard, ou plutôt le rideau de cheveux, des yeux. Quel curieux type. D’autant qu’après, il ralentit sa cadence pour arriver au même niveau que le reste du groupe. Le pantin, le marionnettiste et le costaud marchait en ligne. C’était pas des plus pratiques pour guider vers l’endroit mais bon chacun sa manière de faire après tout. Kyogi n’accorda pas plus d’attention à ce geste et continua de marcher lorsque son oreille fut attirée par un faible bruit. Qu’est-ce que c’était que ça encore ? il mit un moment avant de comprendre qu’il s’agissait de son accompagnateur qui tentait de lui parler. Sauf qu’avec le bruit environnant, on entendait pas un traître mot de ce qu’il baragouinait.

Kyogi retint un soupir d’exaspération. L’avantage de sa coupe de cheveux atypique était qu’il pouvait lever les yeux au ciel sans se faire remarquer. Plutôt pratique. Il ne se gêna pas de le faire et réprima comme il en avait l’habitude ce qu’il éprouvait pour le tapir au plus profond de lui et agir en contradiction avec ce qu’il pensait. Il se tourna vers son guide et lui adressa un large sourire :

- Peux-tu parler un peux plus fort s’il te plaît ? Je ne t’entends pas avec tout ce bruit et je ne vais pas te manger tu sais.

Il garda son sourire un instant pour mettre le jeune timide en confiance. Il n’avait pas la moindre envie de perdre son temps inutilement alors soit il se mettait à balancer ce qu’il voulait dire soit il se taisait et il laissait Kyogi faire son boulot. Le sourire l’aiderait peut-être à ouvrir un peu plus la bouche quand il s’exprimait. C’était dingue comment un sourire pouvait en débloquer plus d’un. L’être humain avait tendance à voir ça comme une marque de bienveillance et de confiance. Chez Kyogi c’était plus sa monnaie d’échange et sa marque de fabrique. Toujours un sourire bien placé et bien amené pour obtenir et arriver à ses fins.

Il paraît que la sincérité offre plus que le mensonge. Quand Kyogi voyait ce que l’hypocrisie, la tromperie et le mensonge pouvaient lui procurer, il se disait qu’être sincère le rendrait bien trop pourri gâté ! Mieux vaut rester raisonnable donc et se contenter de ce qu’on a !

Kanshi fit mine de comprendre la demande de Kyogi. Il voulait manger, c'était compréhensible. Le travail, après tout, donnait faim. Justement, et heureusement, devant de dessinait la silhouette du restaurant de celui qui les engageait — enfin, engageait Kanshi qui engageait Kyogi. Ils arrivèrent d'ailleurs, sur le seuil de l'entrée, et Kanshi, toujours aussi muet et timide, le guida dans l'entrepôt où il avait commencé à empiler les sacs demandés. Là, il faisait silence. Si bien que même une mouche ne souhaitait déranger la sérénité du moment. Kanshi, lui, ne s'en priva pas — quoique s'il avait prit qu'il offusquait le silence, il lui aurait dédié une nuit de pardons.


- Vous allez voir... Vous serez... Je vous donnerai un bon pourboire ! En plus... Oui, les soupes ici sont excellentes... J'aime aussi la soupe au lézard, elle est vraiment exquise ! ah... désolé, peut-être n'aimez-vous pas ? Je vais leur demander s'ils n'ont pas d'autres soupes, excusez-moi... c-ce ne sera pas long.

Kanshi allait franchir la porte lorsqu'il s'arrêta, une jauge de rouge montant rapidement dans son front, le couvrant de gêne. Quel idiot pouvait-il être, parfois !

Il se retourna rapide, les miens bien visibles par-dessus sa cape, sur ses cuisses. Il était un peu penché vers l'avant, ne montrant que sa tignasse blanche au Yokoshima. Les yeux clos, on pouvait toutefois deviner qu'il avait les traits tirés. Il était complexé.


- M-m-mille excuses mais... Tout à l'heure je... Je.... Jen'aipasbiensaisivotreexplicationconcernantlespantins!... Oh ! Mille pardons ! J'ai parlez trop vite ! Désolé, désolé, désolé !!!

Et de s'accompagner d'un agenouillement au sol et de faire mille et une révérences. Aussi, avant mille et deuxième, Kanshi se redressa, assis sur ses talons et dit :


- C-c'est que... Si cela ne vous d-dérange pas... J'aimerais bien vous... Que vous !... M'enseigner l'art des marionnettistes ! Est-ce possible ?

Ses yeux brillaient d'innocence, il semblait complètement ignorer que ce ne l'était pas.


- J-je... je... je suis un... Yamada ! Yamada Kanshi, pour vous servir ! même si c'est vous qui m'aidez... Oh ! Je parle trop, désolé ! Mais je ferai de mon mieux, promis !!

Et il courba l'échine une fois de plus, pour s'excuser d'avoir tant parlé.

Alors qu’un bâtiment se profilait et laissait présager qu’il s’agissait de leur destination, Kyogi continuait de s’interroger à son accompagnateur. Ce type était vraiment louche. Le stéréotype même du fier à bras qui la ramène de trop à exposer ses muscles à qui le veut, ou pas d’ailleurs, et il marmonnait dans sa barbe comme un gosse. Le jour où ce type serait Chûnin ça allait être coton. A moins qu’il le soit déjà ? Non impossible. Les talents de senseur du marionnettiste l’en aurait informé et puis on n’aurait pas osé demander à un Chûnin ou plus de s’abaisser à un tel genre de mission. Le quotidien à ce grade c’était des missions de rang B à ce que Kyogi avait compris. L’organisation du village lui faisait encore un peu l’effet d’un cours sur la physique quantique. Certains mots lui permettaient de se rattacher à ce qu’on lui disait mais il n’en comprenait pas forcément le sens.

Ils entrèrent dans l’endroit et le jeune homme mena le marionnettiste et son pantin dans la réserve où il fallait ranger les sacs. Le mannequin de bois s’exécuta. Et comme sa tâche était finie, Kyogi le scella dans son parchemin. Puis le type recommença à bredouiller. Encore heureux que l’endroit baignait dans le silence car s’ils étaient encore dans la rue, il était prêt à parier qu’il n’aurait pas entendu la moindre chose comme tout à l’heure. Il commença à déblatérer une tirade sans queue ni tête sur des soupes qu’il servait ici etc. Il avait au moins parlé de pourboire. Ce qui était le principal. Kyogi n’attendait que ça et après hasta la vista. Il allait partir. Ah enfin ! Kyogi allait avoir sa récompense et il pourrait s’en aller. Mais non ! C’était sans compter pour les derniers mots du timide. Bon sang il n’en serait jamais débarrassé ! En plus pour débiter un flot de paroles à une vitesse insondable. Calme toi grand faut freiner les stéroïdes ça te réussit pas !

Mais au final après quelques tentatives, il réussit à s’exprimer enfin. Ou du moins le marionnettiste parvint à comprendre ce qu’il disait. Après s’être agenouillé pour faire un nombre incalculable de révérences. Putain il s’en sortirait jamais… Avec toutes ces conneries il aurait presque envie de repartir sans son argent. Mais il avait dû se bouger pour ça alors il ne pouvait pas partir sans paiement. Question de principe. Le jeune homme, se présentant sous le nom de Yamada Kanshi, lui demanda de lui enseigner son art. Un gars intéressé par le Kugutsu ? Après tout pourquoi pas. Là encore le service ne serait pas gratuit mais Kyogi ne le préciserait pas de suite. Pour l’heure il lui fit signe de le suivre en se rendant dans la salle principale.

- On y sera mieux que dans une arrière salle pour discuter.

Peu de clients en plus donc il pourrait continuer de déchiffrer parmi les bredouillages du Yamada. Ils prirent place à une table. Le patron vint les voir et Kyogi lui adressa un de ses plus beaux sourires :

- Bien le bonjour cher monsieur. Nous vous prendrons deux plats du jour. Euh non ! Une soupe au lézard pour mon camarade. Et une pour moi aussi en fait. Oubliez le plat du jour. Et comme nous venons de vous rendre un service, mettons que nous sommes quittes.

Il aurait bien appuyé la chose avec un clin d’œil mais son chapeau l’en empêchait. Il reprit donc la conversation comme si de rien n’était alors que le patron partait en grommelant. En même temps ça lui coûterait moins cher de leur offrir gratis à bouffer que de se payer les services de deux shinobis. Le marionnettiste sortit un rouleau qu’il déplia sur la table. Un cercle bardé d’inscriptions s’y trouvait. Il le toucha et un petit mannequin de bois en jaillit dans un écran de fumée. Ce genre de petit bonhomme qu’on trouve dans les ateliers de peinture pour apprendre à dessiner. Il laissa là le mini pantin et releva la tête vers Kanshi :

- Essaye de concentrer ton chakra à l’extrémité de tes doigts et tente de leur donner ensuite une forme de fils que tu attacheras à ces endroits.

Kyogi désigna chaque endroit alors que son esprit calculait. 200 ryos pour ce point, 300 pour celui-là et 500 s’il parvenait à avoir ces deux autres. Il souriait comme un professeur bienveillant alors qu’il s’imaginait déjà demander la note basée sur sa réussite dont il doutait déjà.

Lorsque les plats furent posés sur la table, Kanshi avait toujours la langue sortie, au coin de sa bouche : il se concentrait. Une main tremblante vers le petit pantin de bois, il tentait, comme indiqué, de projeter son chakra en fils, de l'envoyer par le bout de ses doigts, de... de... faire de son mieux, vainement. Car il avait beau forcer, se concentrer, espérer, le ninjutsu et la matérialisation du chakra, il avait toujours été foutrement nul. D'ailleurs, les nombreux conseils que put lui donner un jour sa soeur n'étaient utiles que pour lui bourrer le crâne, et le faire suer à grosses gouttes... et le faire sentir inutile.
Aussi, au bout d'un moment, Kanshi cessa sa position de jedi et se retourna vers Kyogi, auquel il balança un air fatigué et renfrogné. D'un soupir, il laissa transparaître toute sa morne déception et s'affala un peu plus sur sa chaise. Il n'avait même pas le courage de se requinquer dans la soupe chaude qui fumait devant lui, les bonnes odeurs de lézard et d'épices lui montant au nez et à la tête.


- D-désolé ! Je suis vraiment nul ! Désolé !!

Aussitôt, une grosse boule d'émotion lui assécha la gorge, une autre le prenant aux tripes. Kanshi se coucha sur la table, au côté de son bol, sur son bras, et sanglota, oubliant qu'il était en public. Tressaillant sous les pleurs, il ne semblait pas pouvoir s'arrêter lorsque...
Il s'arrêta, tout bonnement, au sec que cela avait commencé. Le Yamada se redressa sur sa chaise, bien droit, le visage serein mais les yeux encore rouges. Il respirait bruyamment, dû à la coulée de morve qui pendouillait misérablement à son nez. D'un ton neutre, il exprima :


- Il faut manger.

Sa voix transpirait de différence. Comme si ce sanglot l'avait délivré du poids de la gêne et de la timidité. Or, le Soleil seul savait que plus tard, le garçon timoré repoindrait. Mais pour l'instant...


- Hum... C'est salé.

Fit-il allusion à la morve qui se mélangeait comme une huile dans l'eau à la soupe qui avalait de grandes cuillères. En plus, il rajoutait un éclat sanglant à son repas, en pressant fortement la bouteille de sauce piquante, alors que le plat était déjà assez épicé.


- Hey... Mium Mium... Vous ne m'avez pas dit... Mium Mium... votre nom... Mium Mium... Moi c'est Yamada Kanshi... Mium Mium... Mais je crois que je vous l'ai dit. Pas vrai ? Mium Mium ?

Et de grands yeux, il regarda son partenaire de fin de mission de fortune, suspectant également qu'il n'aimait pas trop le soupe de lézard... Ou pas.