Il m’est souvent arrivé de parler avec la jeune Yuki. Pourtant, je ne me rappelle pas une fois où je n’ai pas été attendri par son innocence et sa capacité à rougir au moindre sourire. En tout point, cette fille me donne l’impression d’être un peu plus complet et je me complais dans sa présence. J’éprouve en effet pour elle une certaine attirance comme j’ai pu l’expliquer précédemment. Cependant, je ne pouvais à ce moment là encore rien concrétiser car les choses, dans la vraie vie, sont toujours plus compliquées que dans les histoires.
Toujours est-il qu’elle m’annonce que nous avons une mission à accomplir. A cet instant, je suis parfaitement en disposition. Je n’attendais qu’une nouvelle de ce genre pour pouvoir me défouler. En plus, si Yuki est avec moi, c’est tout bénef pour moi. Je m’empresse donc de lire le parchemin que la jolie Yuki me tend. Je lis attentivement, essayant d’analyser et de comprendre plus en profondeur, A cet époque, j’étais particulièrement minutieux dans mes analyses et dans mon travail.

Je comprends par ma lecture que le problème de la journée sera… des écureuils. Là pour le coup je suis sur le cul. Je n’avais pas compris que les membres de l’administration avaient le sens de l’humour, Mais il s’agissait bien de régler un problème d’écureuil. J’avoue que sur le moment, l’envie de rire me serra la gorge. Mais j’étais un ninja et un ninja ne rit pas lorsqu’il reçoit une mission. Et cela même si j’ai parfaitement perçu le petit ricanement de Yuki lorsqu’elle vit le rictus étrange qui se dessinait peu à peu sur mon visage au fil des pages.
Bien sûr, je m’apprêtais à énoncer mes premières impressions sur la mission mais avant que je ne puisse émettre la moindre suggestion, Yuki me prit le bras et me traina à travers les rues. C’était agréable de me sentir tiré ainsi… cela me faisait penser à lorsque j’étais enfant. Toujours est-il que nous arrivons bien vite en face de ce fameux restaurant.
A première vue, c’est un établissement tout à fait banal. Pas très grand, ni trop petit. Il est adapté à recevoir environ une trentaine de personne tout au plus. Devant l’entrée était éparpillée des pâtes de toutes sortes. Apparemment ce que j’avais pu lire sur le parchemin s’avérait exacte. Je remarquai également l’homme qui, devant la porte de l’arrière salle, faisait la tête d’un individu profondément désemparé.

Yuki, avant que je ne continue à avancer, rapproche sa bouche de mon oreille et commence à me chuchoter une suggestion sur la situation. Bien entendu je suis d’accord avec son avis et n’est aucune raison de ne pas l’être. Elle est si intelligente !

Je m’approche donc de l’homme qui est assis sur les marches qui mène à la porte de la cuisine (deux marches peu hautes). Il regarde le sol. Je ne dis rien tout d’abord. J’attends qu’il remarque ma présence. Dans ces cas là, parler le premier c’est faire une énorme gaffe. L’individu finit tout de même par relever la tête vers moi et me demande fébrilement d’une voix tremblante :

-C’est vous qu’on a envoyé pour m’aider ?

J’acquiesce de la tête et attend mais il n’en fait rien. Il se contente de me montrer la cuisine du doigt. Apparemment, il n’a rien à nous apprendre. Je fais un signe de tête à Yuki pour qu’elle comprenne qu’elle doit me suivre et, en évitant l’homme dévasté, nous entrons dans les cuisines.

L’endroit fait une forte impression. Lorsque j’y met le premier pied, je crois voir Beyrouth West et je suis surpris de voir un tel chaos. Les assiettes sont cassées sur le sol et les murs sont recouverts de pâte. Je suis sincèrement désemparé par l’étendu des dégâts et commence à comprendre pourquoi le type à l’entrée fait une telle tête. Après quelques secondes d’intense contemplation, je regarde Yuki avec un air sérieux.

-Je crois qu’on a suffisamment de pâte ici pour tendre un piège rongeur digne de ce nom non ? Je ne veux pas tuer d’animaux alors on va se contenter de les capturer. Je te laisse le soin de mettre en place le piège. Quant à moi, je vais aller voir où sont passés ces rongeurs et essayer de les attirer dans ta direction. Tâche d’être rapide.
Sur ces mots, nous nous séparons… Dur !

Je n’ai aucun regret lorsque je laisse Yuki seule dans le restaurant. Il faut dire que je la connais suffisamment bien pour savoir qu’elle n’a besoin de l’aide de personne et encore moins besoin de ma part. Elle est autonome et saura se débrouiller dans ce genre de situation. Après tout, elle est bien plus forte que moi physiquement bien que le psychique laisse encore un peu à désirer.

Je sors donc rapidement du restaurant et je regarde à nouveau la ruelle. Les morceaux de pâtes semblent former une espèce de sentier. Me disant qu’on ne sait jamais, je décide de me lancer sur les traces « «des » petits poucets. Je suis bien entendu conscient que cela peut me mener dans un cul de sac mais cela reste néanmoins une hypothèse à suivre.
Heureusement pour moi, mes efforts sont récompensés. Je marche pendant quelques minutes avant de découvrir un nouveau lieu de sinistre. Un banc complètement détruit par ce qu’on aurait pu croire un petit ouragan. Mais non, je reconnais bien là la patte de mes chers petits amis à poils hérissés et à queue. Je continue ma route…

J’arrive finalement prêt d’un autre restaurant. Lorsque j’entre à l’intérieur, je remarque avec apaisement que rien n’a encore été endommagé. Cependant, je ne vois pas la moindre trace de mes petits amis à griffes. O1u ont-ils bien pu s’être volatilisé ? Soudain, j’entends un bruit suspect dans mon dos…

-Scrouitch Scrouitch…

Je me retourne alors et je vois près d’une quinzaine d’écureuil devant la porte, attendant curieusement je ne sais quoi. Je me demande quelle réaction je dois avoir mais je n’ai pas le temps de réfléchir qu’ils se mettent tous à émettre des sons étrange. Je décide alors de foncer dans le tas et de tenter de les faire fuir. Mot d’ordre pour cette mission : Faut pas me casser les noix !

Je ne cesserais jamais d’être impressionner par ce dont est capable un animal qui se sent menacé. Effectivement, l’instinct de conservation est quelque chose de vraiment surprenant. Je ne suis pas vraiment sûr de le posséder moi aussi mais il est vrai que dans certaines situations, je ne suis pas non plus sans reste et je parviens à donner le meilleur de moi-même pour me sortir d’une situation embarrassante et ennuyeuse. Toujours est-il qu’aujourd’hui, ce sont des animaux que j’affronte et non des humains. Et ces animaux ont plus l’air de petits diablotins que de rongeurs. Je m’approche des rongeurs et tente de ne pas faire de bruit. Malheureusement, leurs sens développés leur permettent aisément de me repérer et, alors que je croyais pouvoir me lancer dans une attaque longue distance, ils tournent tous la tête en même temps dans ma direction. Je peux voir dans chacune des petites prunelles noires devant moi l’excitation et l’envie d’agir. Il est certains que ces écureuils ne se sont pas transformé ainsi juste comme ça. Il est évident que quelqu’un ou quelque chose y est pour beaucoup.

Ainsi, après m’avoir fixé pendant quelques longues secondes qui me paraissaient des minutes, ils se mirent enfin à agir. Ils sautillèrent vers moi avec une synchronisation parfaite. Heureusement, je suis un bon utilisateur du taijutsu et aucun d’eux ne parviens à percer ma défense. Ils sont à peu près une quinzaine mais leur nombre ne change pas grand-chose. Je me bats vaillamment pendant plusieurs minutes avant que je n’entende des pas particulier arriver du bout de la rue. Bien entendu, pour les avoir entendu, il aura fallu que je pousse tous mes sens à leur concentration maximale. Je reconnaissais là les pas de Yuki. Apparemment, elle avait décidée de se mettre à ma recherche. Elle a sans doute cru que j’étais en mauvaise posture. Bon, il est certains que je ne suis pas en mesure de pousser ces petites bêtes à aller dans la direction que je souhaiterais mais néanmoins, je ne suis pas pour autant leur victime et c’est plutôt moi qui mène la danse pour le moment et je ne crois pas que la présence de ma jeune partenaire me soit vraiment très utile.

Pour éviter de me faire prendre pour un incompétent, je décide que la plaisanterie à assez duré. Je ne souhaitait tout d’abord pas faire usage de mes techniques au cour de cet affrontement avec la faune urbaine mais finalement, je me dis que tôt ou tard, il allait bien falloir passer par là bien que cela ne me plaise pas beaucoup. Je n’aime pas faire souffrir inutilement mais lorsqu’il s’agit de faire un choix entre le travail et les sentiments, celui-ci est vite fait. J’effectue donc quelques mudras et pose ma main sur le sol tout en murmurant une incantation. A cet instant, et cela est surement dû au fait que j’ai élargie le périmètre circulaire de mon attaque, tous les écureuils se trouvant pieds au sol s’effondrèrent et il ne resta debout que les trois petits rongeur qui étaient restés sur les arbres aux alentours de mon emplacement.

Bien entendu, même si treize d’entre eux étaient hors services, je devais tout de même m’occuper des autres et les rendre eux aussi incapable de poursuivre les hostilités. Je saute donc vers le premier écureuil et lui assène un coup violent, puis je réitère cette action avec les deux autres. Et, alors que le dernier de mes assaillant tombe au sol, je vois la jeune Yuki entourée de… je ne sais quelle créature. Je la regarde un instant et tente de déchiffrer sa pensée à travers son regard. Je n’y arrive pas. Je crois que nous ne sommes pas encore assez proches pour être en mesure de communiquer de cette manière. Je m’approche d’elle en prenant bien soin de ne pas écraser l’un de mes petits copains à poils et je m’adresse à elle d’un ton simple et objectif.

«Je crois pour ma part que tu ferais mieux de ramener ces petites bêtes dans une réserve naturelle ou je ne sais quoi afin qu’ils ne causent plus de désordre. Il est trop tôt pour connaitre la raison qui les a poussés à commettre de tels actes. J’ignore pourquoi je pense cela mais il m’est presque évident que quelqu’un est derrière tout ça. Je vais tenter de mener mon enquête de mon côté. Même si notre mission se terminera lorsque tu remettras les écureuils là où ils devraient être, j’aimerais que tu m’accompagne pour comprendre le fin mot de cette histoire. Qu’en dis-tu Yuki ? »