Voilà des minutes, de longues minutes que je lorgnais mon reflet dans le pseudo miroir qu’avait formé le Saké dans mon verre. Je détournais mon faciès du pyrex déposé sur l’hectopièze du bistrot dans lequel j’avais trouvé refuge de l’hydrométéore qui s’abattait sur le domaine de la foudre. Songeuse, j’apposais ma petite main sous mon menton, adoptant un air nostalgique et soucieux. C’était un de ces jours, ou la mélancolie de sa perte s’emparait de moi, plantait ses férules dans ma peau opaline, déchiquetait ma chair, mon cœur tapi dans les profondeurs de l’obscurantisme. Je m’abandonnais alors totalement à l’hypocondrie de la désolation, relâchait l’emprise sur ma deuxième personnalité, qui m’aliénait, peu à peu, fragilisait ma coque. Ma démence pouvait alors ressortir à n’importe quel instant, ce qui pouvait me rendre potentiellement dangereuse, pour autrui, pour moi même.

Sortant finalement de ma léthargie, ma main se déplaça nonchalamment vers le breuvage, agrippa l’oreille fermement, remonta vers mes délicates lèvres. Dans un geste de barbarie assez apparente, je bus le contenu du verre d’une seule traite, cul sec. Et puis mon pessimisme me rattrapa. J’aurais tant aimé qu’il soit avec moi, à boire et à folâtrer. Mais désormais, il n’était plus. Je me rappelais encore de nos balades, comme si c’ était hier. Et si je tendais la main, je pourrais encore caresser son visage, encore une fois. Mais malheureusement, ce n’était plus le cas.

Cette fois ci, un nouveau bruit attira mon attention. Près de moi, un homme de la trentaine, lègerement chauve, venait de se lever de son siège, soudainement. Le bruit assourdissant du grincement de son tabouret m’avait totalement sortie de ma confusion. Mais ce qui paraissait encore plus étrange, était le fait que quelques minutes auparavant, il était tout comme moi plongé dans une profonde reflexion. La façon dont il s’était levé était elle aussi étrange. On aurait dit qu’il était saoul. Or, il n’en était qu’à son premier verre. Et même si il ne supportait pas l’alcool, ce n’était pas possible.

Mais ses actes suivants furent encore plus biscornus. Il alla tapoter le dos d’un homme, qu’il ne connaissait probablement pas. Lorsque celui ci c’était retourné, il avait décoché un sublime coup de poing dans sa face, l’envoyant sur le pseudo ring au centre. Ignorant momentanément la bagarre, je me penchais sur le bar, jusqu’à agripper le verre de mon précédent voisin, l’inspectant d’un air inquisiteur. Un léger voile blanc reposait au fond, et son odeur avait quelque chose d’inhabituel. Je relevais la tête, regardant le voisin de mon voisin, c’est à dire, une jeune femme. Serais ce elle ? C’était tout à fait plausible, mais il ne fallait pas en être sûre. Cependant...

Un bruit, un cri viril. Je n’ai pas pu m’empêcher de me retourner, recevant un choc cerebro-visuel. Mon cortex se convulsa, intérieurement. Mes narines jouissaient, mon esprit mutait, s’emplissait de folie et de scélératesse. Le deuxième moi prenait le contrôle à la vue de cette anarchie, de ce sang. Mon visage resta cependant sobre tandis que je me jetais dans la mêlée générale, avec un autre but que de me défouler. Je voulais briser, endolorir, faire mal... Tuer. J’agrippais violemment une personne, lui assenant un coup dans l’entre jambe. Puis le mit à terre, bondissant sur lui avec hargne, et malgré mon accoutrement qui n’était pas tout à fait préconisé pour la bataille, je restais sur lui, à lui infliger nombreux coups de poings à la figure. Il ne devait pas être un shinobi. Je n’était pas vraiment très forte pour une ninja physiquement parlant, aussi l’homme ne devait être qu’un simple civil. Plus ou moins rapidement, la bagarre cessa, sauf pour moi. Le temps s’écoulait lentement lorsque j’étais sous l’emprise de mon démon intérieur. Les différentes personnes présentes dans le bar me regardaient alors avec un mélange de dégoût pour mon comportement, et d’admiration pour mon corps féminin qui se battait avec volonté et furie.

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