Konoha était sortie finalement de sa torpeur et s’était battu pour defender ce en quoi elle croyait. J’avais fait également partie de cette force protectrice contre l’envahisseur Sunajin. La guerre avait été rude, et notamment pour la nouvelle génération. J’avais eu le cœur brisé de voir tant de jeunes ninjas envoyés sur le front pour défendre des idéaux qu’ils suivaient aveuglément. Etait-ce cela que de protéger son village ? Mourir, se faire mutiler, pour celui-ci ? Sur l’ordre d’un seul dirigeant, devions-nous vraiment nous battre ? Car lorsque nous pensions nous battre pour le peuple, pour l’épargner, le protéger, il s’était avéré au final que tout avait été fait sur le désir d’une poignée d’hommes, qui à défaut de régler leurs problèmes entre eux s’étaient retirés derrière leurs hommes et villages respectifs. Où était cet Aare à présent ? Cet initiateur de la guerre, qui au final n’avait même pas eu la volonté de mettre à bien son projet de destruction. Lorsqu’on imposait une telle chose à ses hommes et à ceux d’autres, il était nécessaire de l’assumer.

Cependant le nouveau Kazekage n’était guère mieux loti. Il avait continué dans la voie toute tracée par son prédécesseur, aveuglé par un esprit de conquête vengeresse. On le disait fervent partisan du désir à mettre un terme à la vie de la manipulatrice de feu. Mais comment savoir s’il ne se réfugiait pas derrière ces mots pour cacher aux yeux du monde ses propres desseins. Avait-il perdu un être cher à cause de cette femme nommée Makka ? Si ç’avait été le cas j’aurais pu sans doute le comprendre. Cela faisait quelques années déjà que je m’étais laissée allée à la folie destructrice de la haine et de la vengeance, et que j’avais assouvi ces pulsions qui parcouraient à l’époque tout mon être. Un pincement léger au cœur m’effleurant, je n’aurais su dire clairement avec des mots ce que je ressentais à présent concernant l’honneur que je disais avoir sauvé de l’homme que j’avais aimé, qui m’avait chéri. Ce que je ressentais à présent, et ce que j’avais ressenti alors que j’avais achevé de mes propres mains le ninja qui avait mis fin à ses jours, dans les larmes et le sang. Un vide peut-être. Cela ne l’avait pas fait revenir.

On disait les femmes bornées mais la vérité était que les hommes l’étaient bien plus. Tout semblait toujours être une question d’honneur pour eux, de volonté. Ils n’étaient mus que par des instincts primaires, vengeance, haine, amour, paix étant les notions qui revenaient le plus souvent. Passions. Ce Kazekage –si sa conviction était réelle-, semblait être prêt à tout. Un meneur. Un ninja. Un sot. Un assassin. S’il combattait et désirait venger les siens, ne s’était-il pas rendu compte que ce pour quoi il tentait de combattre se voyait répété partout dans son sillage ? Nous autres Konohajins avions été les victimes de cette volonté acérée. Ne pensait-il pas que la haine et l’envie de vengeance hanteraient nos cœurs ? Bon nombre des nôtres étaient tombés, proches, amis, inconnus. Nous étions tous liés par notre amour pour notre village. Nos pertes avaient été lourdes. Beaucoup de soldats n’étaient jamais revenus du champ de bataille. J’avais appris à me créer un masque d’insensibilité derrière lequel me réfugier dans ce genre de situation, mais je n’en étais pas pour autant moins affectée que les autres. Je m’étais résignée depuis à ne plus m’attacher pour ne pas ressentir ce déchirement au moment d’une perte.

Cependant malgré la réputation d’insensibles que nous avions chez les Aburame, ce facteur n’était et n’avait jamais été véritablement contrôlable. Je pensais m’être fait une amie ces dernières années. Nous avions été de nombreuses fois envoyées en missions ensembles. Son caractère avenant contrastant avec ma nature plus renfermée, intime. Elle m’avait aidé à plus m’ouvrir au village, à partager son point de vue, à profiter des petites choses qui faisait du village ce qu’il était. Les enfants qui couraient dans les rues, un couple qui fêtait un anniversaire de mariage au restaurant. Tout plein de petites attentions que bien que les voyant auparavant, ne m’étaient jamais restés en mémoire car je m’étais toujours bornée à voir les choses dans leur ensemble. C’était non pas un village que je me devais de protéger mais ses habitants. Et maintenant elle n’était plus. Tuée par cet homme qui avait annexé Konoha pour un idéal qui lui était propre et qu’il voulait faire partager. J’aurais dû le détester, le haïr, tout comme tant d’autres devaient le faire. Mais avec le recul nécessaire, cela ne m’aurait rien apporté. Et ne lui aurait rien apporté à elle. Ses funérailles avaient déjà eu lieu, mais je n’y avais pas pu y assister. Je la pleurerai dans les jours à venir sûrement, une fois que le cimetière se sera vidé de ceux qui y veillaient encore leurs morts. Les roses jaunes étaient ses fleurs préférées m’avait-elle dit un jour. Peut-être que cela lui ferait plaisir là où elle se trouvait à présent.

Arrêtant de méditer, je me concentrai sur l’arrivée sur le balcon d’un Konohajin assez particulier. Anciennement Nukenin, il n’était cependant pas arrivé si tard après la construction du village. Me figeant d’avantage que je ne l’étais déjà, je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils alors qu’il annonçait la domination évidente de Suna, sa nomination au poste d’Hokage et la dissolution du Conseil. Il avait décidé de porter un coup bas aux Grands Clans de Konoha. Il le regretterait sûrement tôt ou tard. Plus tôt que tard d’ailleurs, car certaines personnes du conseil, pour les avoir déjà rencontré car plutôt active quant-aux décisions de mon clan, m’avaient toujours semblé trop vives. Cependant même s’il prenait un risque sur le long terme, une telle position lui assurait cependant de pouvoir agir pleinement, d’avoir les pleins pouvoirs dans la limite du possible sans attiser la colère des villageois ni celle des vainqueurs de la Guerre. Il allait falloir voir comment cet individu s’en sortirait en ayant bafoué les principaux clans fondateurs du village. Souriant légèrement, je me fis bousculer par des jeunes Konohajins alors que les premières protestations émanaient, reconnaissant parmi d’autres certains représentants de clan, sauf les siens qui comme à leur habitude se taisaient. Nous devions sûrement être les seuls à garder notre calme malgré la sorte de disgrâce que nous avions subi comme les autres. Cependant nous ne nous étions jamais réellement non plus basés sur notre appartenance au Conseil, car bien qu’impliqués dans la vie politique, le pouvoir n’avait jamais été le motif d’aucun Aburame.

Suivant des yeux les jeunes qui venaient de me bousculer l’air pressés et fronçant les sourcils, je les vis interpeler une femme légèrement vêtue que j’avais eu l’occasion d’entrapercevoir pendant la guerre à Kawa. Non pas que je me souvenais de chaque shinobi aperçu mais cette dernière m’était restée en mémoire pour son habilité particulière. Elle avait si souple, comme désarticulée, tout son corps s’étirant alors qu’elle esquivait une attaque. J’avais entendu parler d’anciennes rumeurs sur des nomades du désert du sable avec de telles particularités mais le voir directement était une toute autre chose. La fin des combats et le retrait de nos troupes dans la forêt de Konoha avait empêché un affrontement, et il était possible que cela m’ait été bénéfique. Me détachant de l’arrière de la foule, je m’approchais alors calmement, les gamins se montrant de plus en plus osés dans leurs gestes. Ils faisaient honte à Konoha. En reconnaissant un avec qui j’étais parti en mission, j’haussai un sourcil derrière mes lunettes teintées, plus déçue que surprise. Il n’y avait pas à dire il n’était pas le même seul qu’avec ses amis. L’effet de groupe peut-être.

« Ne t’en prends pas à eux Sunajin je t’en prie. »

M’adressant à la femme du désert tout en continuant à me rapprocher, les gamins dardèrent sur moi un regard mauvais, me détaillant de haut en bas à leur tour. De toute façon ils n’auraient que peu d’indices sur mon allure, mon large imperméable m’emmitouflant. Au moins ma capuche était-elle rabattue dans mon dos et laissait apparaître mon visage au grand jour. S’apercevant qu’ils n’avaient pas affaire avec un Sunajin venu protéger sa belle, leur expression changea du tout au tout, le seul Genin que je connaissais dans le lot, virant au rouge fushia, n’assumant visiblement pas ses actes. Dommage. L’un d’eux commençant à ricaner cœur, il souffla quelque chose au Genin pivoine, celui-ci visiblement mal à l’aise et pour cause.

« C’est … c’est pas c’que vous croyez, on… C’est juste que ces Sunajins ont rien à faire ici ! On voulait juste la faire partir quoi, et qu’elle revienne plus, comme tous les autres ! »

« Je vois. »

A vrai dire je ne voyais pas tellement, partagée entre le fait qu’ils avaient véritablement voulu s’en prendre à la jolie blonde et le fait que tout ceci ait été une méthode pour l’intimider. Je n’allais pas rapporter la scène que j’avais surprise comme ils devaient l’espérer, mieux valait qu’ils s’arrêtent là dans leur blague, et cessent ce genre d’interventions, désastreuses au niveau politique. Il était clair qu’aucun Konohajin ne devait être satisfait de la tournure des évènements, mais les faits demeuraient, et dans un souci du bien-être de la population, il fallait parfois savoir courber l’échine et pactiser avec celui qui avait été notre ennemi, et ce malgré la difficulté de la tâche. Voyant à leur expression qu’ils souhaitaient partir, j’acquiesçai, les voyant s’en aller en courant, l’un rigolant, les autres étant moins fiers, inquiets. Ils ne s’étaient pas excusé, et je ne leur avais pas demandé de le faire. Après tout pourquoi l’auraient-ils fait ?

« Je te remercie Sunajin de ne pas avoir eu recours à la violence. Et ce particulièrement en étant au fait de tes prouesses au combat. »

La faible alliance entre les deux villages n’avait pas besoin d’une autre escarmouche qui aurait pu la mettre à mal, et cette Sunajin avait eu la clarté d’esprit de s’en rendre compte. Intéressante.