Shinichi, m'voyez, c'est mon pote. Ouais, on est deux bons potes, le Lutin Bleu et moi. Ce mec est sympa, il sait déconner, et surtout, il se bat pas comme une tantouze. Qui sait, dans une autre vie, c'était mon frère ? En tout cas, même si on en a pas l'air, on se ressemble pas mal. On a quasiment le même job, on a fait des guerres ensembles, des missions, des entrainements aussi. On a même partagé mon anniversaire - et pas n'importe lequel, mes dix-huit ans ! - au bar, où on a pris une bonne murge entre Lutins ! Il n'empêche que malgré tout ces moments de déconnade, depuis que je suis Genin, et lui Jônin, j'ai toujours développé une forme discrète de rivalité à son égard. Autrefois mon modèle, j'ai rattrapé rapidement mon homologue à oreilles pointues. Encore aujourd'hui, il a un petit écart entre nous, trop flou à mon goût, mais je ne rêve que d'une chose : me mesurer à lui. Voir ce que je vaux face au Nidaime Mizukage, au Lutin Bleu, à mon camarade de beuverie ! Une bonne baston, ouais. Mais pour ça, il nous faudrait une île, un cadre idéal, avec personne, une grande frite et un soda.
Bref, tout ça pour dire que Shinichi, l'est cool, l'est sympa, c'est mon poto … mais putain qu'est-ce qu'il est long pour ramener son cul dans la bataille !
C'est vrai, sans déconner ! Je suis là, agissant en solo tel un payous dans son champ de blé. Sauf que le blé ici, vous le remplacez par des cadavres, des soldats en colère, et des hommes qui sont dans l'état intermédiaire ! Après avoir donc détruit le joujou de Numara, je me débats de mon mieux pour… pour… bah pour survivre. Je n'ai pas d'autre plan en tête à l'heure actuelle, étant plutôt occupé avec une horde d'hoplites assoiffés de vengeance. Entre le massacre qu'ils ont causé, l'usine que j'ai dégueulassé avec ma recette de grand-mère, les gardes que j'ai torturé et fait cuire à la vapeur, et les coups fourrés qu'on a élaboré dans leur dos, je crois qu'ils ont autant de raison pour essayer de vouloir ma peau ! Histoire d'augmenter mon espérance de vie en ce jour guerrier, j'active pour la seconde fois mon armure de vapeur. Auparavant, on m'a lacéré, tailladé les bras, le dos, les jambes. J'ai négligé la douleur, au point de sentir la vapeur lécher mes plaies comme une sadique. Je me retiens alors de geindre comme un gosse. Face à ce concentré d'eau à l'état gazeux, et à haute température, les armes ploient devant moi ! Face à mon aura de Futton, katanas, naginatas, tonfas et autres armes en carton qui finissent en a ne sont que de vulgaires mèches de cheveux qui cassent en l'absence d'un bon shampoing. L'espace d'un instant, je me sens alors fort, tellement fort, que je me souviens aussi que mon armure me permet de booster mes coups. J'en fais l'essai devant le garde qui m'a méchamment tailladé l'épaule en premier. D'un coup de bras rotatif, je fais de la place autour de moi, et de l'autre, je lui décoche un direct du droit en plein dans le ventre. Il en perd les tissus, la peau, et saigne à souhait. J'en profite également pour lui en foutre une en plein dans les dents. Le choc lui a fait perdre son sourire. Maintenant…
✗ T'as un sourire d'enfer mon gars ! On dirait un piano !
Et sans plus tarder, j'achève l'homme au piano d'un dernier coup de poing qui le sonne pour de bon. Les meilleures plaisanteries sont les plus courtes. Une fois le premier garde achevé, je m'occupe du reste de la bande, et qui voilà ? Que dis-je, quel personnage se présente au moment où tonne le tonnerre ? Face à son arrivée inattendue - même pour moi, je pensais qu'il s'était endormi contre un rocher - la foule tourne la tête en direction du guerrier.
Et oui ! C'est bien Shinichi ! L'homme qui quand il se mouche, porte le surnom de Tornado ! Il arrive alors avec une classe déconcertante, fait appel à quelques jutsus et nettoie la zone, telle une femme de ménage avec sa serpillière. Quel acteur, ce Kitase ! Je me retiens de lui lancer une petite insulte, de lui demander ce qu'il foutait sur son rocher. On a plus urgent à faire. Numara a déjà relancé les hostilités, et n'a pas hésité à toucher mon comparse Mizukage avec une technique semblable à mon Zessenzan. Suite à cet assaut, Numara poursuit sa vengeance, formant dans sa main une incroyable hallebarde de flammes. De nombreuses flammes se forment autour de l'arme, et se condensent tant à travers le bâton que la partie tranchante. Je recule alors de mon mieux, et encaisse l'attaque qui me fait face. Le choc est assez déroutant : mon armure disparait, et n'a pas pu absorber tout les dégâts. Je me retrouve avec une partie du torse brûlée, avec des traces qui serpentent çà et là sur mon épaule, mon dos, et mon bras gauche.
Pendant ce temps, le Lutin Bleu a trouvé une stratégie. Hallelujah ! Moi qui n'avait pas le temps d'en élaborer une tout à l'heure, étant un petit peu occupé à me battre tout seul…
✗ Tiens toi prêt à exécuter le super combo des Lutins, l'ami. ✗ Ouais bien sûr ! Le fameux super combo des Lutins secret, tellement secret que… je le connais pas en fait.
Suite à cette remarque faite à voix basse pour moi-même, j'en déduis que Shinichi n'a pas appris son texte - ou alors qu'on a oublié d'écrire avant de se lancer dans la pièce la suite du scénario - et que du coup, en bon acteur qu'il est, il nous fait de l'impro' totale ! Recouvert d'un costume pour le moins original, à savoir un manteau de lave incandescente, il charge à toute vitesse son adversaire. Ayant depuis le début ma technique de télépathie active, le Kitase me fait parvenir la suite des opérations. Je le laisse poursuivre son attaque, que je j'ai jamais vu auparavant. Il prend énormément de vitesse, jusqu'à freiner sans perdre trop de vitesse face à Numara. Il en devient flou et semble littéralement traverser comme un fantôme son adversaire. Ce n'est que plus tard que je démasque la supercherie : grâce à son freinage bien contrôlé, il a rapidement pu reprendre sa course et contourner sur le côté son antagoniste. J'aurais bien aimé faire pareil et … pourquoi pas en fait ? Profitant du moment de déroute de mon adversaire, j'empoigne mon katana, l'enduit d'autant de chakra Raiton que possible pour améliorer son tranchant, et fonce à toute vitesse, porté par les vents de mes jets de vapeur. J'invite fortement le Kitase à partir, et le singe, avec moins d'impact que lui. J'accélère, freine ma course, et la reprend, mais au lieu de repartir simplement sur le côté, j'effectue une rotation, au cours de laquelle mon sabre en profite pour frapper violemment Numara, avant de donner l'illusion qu'une tempête de vapeur le traverse littéralement.
✗ Obake-Hikari-Tatsumaki !
Essoufflé, je constate l'ampleur de mes dégâts : je suis couvert de blessures, cautérisées légèrement et aléatoirement sur mon corps, je saigne, je suis fatigué. Quant à Numara… je lui ai tout simplement fait une large entaille plongeant dans ses entrailles au niveau du foie. Une gerbe de sang coule de sa plaie, et il crache du sang, tant la puissance du coup était intense. Il s'écroule dès lors, trop affaibli pour faire quoique ce soit de plus. Je tiens difficilement sur mes jambes, pour ma part : la mission doit prendre fin dans les plus brefs délais, car autrement je pourrais difficilement tenir plus longtemps…
Je me tourne alors vers Shinichi, et sans télépathie, sans paroles, je croise son regard. Il aura compris ce que je veux lui dire. Car au fond, nous sommes des frères d'armes, et pour cette raison nous nous comprenons.
Yoru ne voit pas de quel super combo il s'agit mais ce n'est pas grave car comme prévu, il est à la réception de ma magnifique passe. Mieux, il la transforme très vite en passe décisif en inscrivant un but. J'entends de là les cris des hooligans, les chants des supporteurs et les contestations des coéquipiers du Numara - du moins de ce qu'il en reste. Ceux-là doivent crier au hors-jeu, à la faute mais peu importe car dans notre sport, la seule règle c'est qu'il n'y a aucune règle. Tous les coups sont permis et celui-là, il était magnifique. Effectivement, il était puissant, violent, impressionnant et pourrait être qualifié par plein d'autres adjectifs se terminant par le son "-an". Au final, Numara est à terre. Mon camarade aussi en certain sens. Ceci-dit, les jours du Ryuzoji ne sont pas en danger, ce qui n'est pas le cas de ceux de notre cible. Le tyran ne va pas tarder à passer l'arme à gauche, à passer de l'autre côté de la barrière, à crever en somme. Le bougre saigne tellement ... Sans faire de mauvaises blagues, même un mouton égorgé perdrait moins de liquide pourpre que lui.
Au fond, ça me fait presque mal au coeur de le voir dans cette situation. Ce visage pâle, livide, ces lèvres souillée de sang, ce corps transpirant et sentant la mort à des kilomètres ... Écoeurant. Bon par contre qu'on se le dise ; cette vision d'horreur ne va pas m'empêcher de dormir ce soir. Cependant, d'un côté, un ninja talentueux comme lui ne peut pas finir comme ça. Mourir lentement de cette manière ne sied guère à un shinobi de son niveau, nukenin ou non, homme de valeur ou non. Étant de nature noble, je vais donc offrir à cet ennemi une mort digne de ce nom. En effet, je vais abréger ses souffrances et lui rendre honneur en l'achevant d'un coup d'épée bien placé. Aura-t-il mal ? Je pense oui. Mais il souffrira certainement moins que si nous n'agissons pas et le laissons agoniser.
Afin de ne pas heurter la sensibilité des plus jeunes et car ce genre de passage ne peut être décrit avec précision sans entrer dans la vulgarité ou dans le sordide, nous allons procéder à une petite ellipse narrative. J'ai effectué ma sombre besogne, Numara est mort. J'emmène son corps avec moi, aide mon comparse lutin à se relever et nous faisons venir dans les plus brefs délais une horde de shinobis de la brume. Il est l'heure pour nous de nettoyer la zone : les sbires, les gardes, le vieux, ils vont tous y passer sans exception. La mine doit être fermée pour le bien de tous et il ne doit rester aucune trace. Nous nous assurons aussi que tous les martyrs ont bien retrouvés leur village. Les femmes du harem sont reconduites chez elles, les hommes peuvent regagner leur village de pêcheur. Tout est rentré dans l'ordre, normal ; les lutins sont passés par là. N'empêche, cette aventure a été longue et éprouvante - et très drôle à certains moments. Moi qui, au départ, voulais simplement ramasser quelques mollusques, je me suis retrouvé embarqué dans l'un des plus grands merdier que l'histoire ait jamais connu. Conclusion de l'affaire : je crois que j'irai plus souvent à la chasse aux crabes et aux coquillages ...
Quoiqu'il en soit, de retour à Kiri, je fais soigner mes blessures et rédige un rapport complet. Yoru a sûrement dû faire de même. En tout cas nous ne serons pas trop de deux pour raconter tout ce qui s'est passé là-bas. Entre le village désert, la mine, le harem, les trahisons et la bataille finale, je crois qu'on peut facilement écrire un bouquin d'une centaine de page avec tout ça. La nukenin qui accompagnait le régent dites-vous ? Personne ne sait où elle est ni même ce qu'elle est devenue. Espérons pour elle que tout aille bien. Dans tous les cas, nous, nous nous portons à merveille. Bien sûr nous gardons quelques marques de notre aventure mais rien de bien méchant je vous rassure.
