« J'avoue arriver parfois à court d'idée, Professeur. Surtout sur les thèmes récurants dont je pensais enfin ne plus avoir affaire afin de me tourner vers mon avenir. »
« Que voulez-vous dire par là ? »

Allongé sur le canapé, Natsuki observait le plafond.

« D'avoir à justifier ce que je suis par exemple. Comment voulez-vous que j'y parvienne une fois encore ? Le construire une première fois s'est fait naturellement. Y parvenir une seconde fois a demandé des efforts, mais rien d'insurmontable : j'avais des années devant moi. Mais une troisième fois... Comment même expliquer un retour en arrière sur ma propre maîtrise de moi-même, alors que je suis exactement le même que mon homologue d'avant reboot ? Comment tout reconstruire encore que j'ai envie d'aller de l'avant ? »
« Mr. Nara. Je ne vous cache pas que j'ai parfois du mal à voir là où vous voulez en venir. Vous êtes quelqu'un de cohérent et avec les deux pieds bien sur terre, et pourtant, c'est au sein même de cette cohérence que vous me décrivez notre monde comme s'il était fictif, régit par des lois différentes des nôtres, et servant de théâtre aux yeux d'individus que seul vous semblez avoir conscience. »
« Je sais. Cela me détend parfois de considérer le monde ainsi, de le percevoir de ce point de vue. Cela m'aide à supporter ma propre condition. »
« Je prends bonne note. Mais dans ce cas, auprès de qui cherchez-vous à vous justifier ? A qui avez-vous quelque chose à prouver ? »

Natsuki prit un moment pour répondre à cette question, comme s'il découvrait la situation sous un tout nouvel angle pour la première fois.

« Peut-être envers moi-même... » finit-il par dire. «  Peut-être parce que je n'arrive pas encore à lâcher prise de mon '' ancien moi '', et que j'attends trop de moi d'être aujourd'hui tel que j'ai été avant. Je veux dire, je n'ai pas de raison de me plaindre plus qu'un autre, tout le monde a été logé à la même enseigne. Mais... Ce n'est pas évident de repartir à zéro sur une maîtrise des pulsions meurtrières de mon corps, alors que j'étais au top après avoir construit et fait évoluer mon état sur des années. »
« Mais ce n'est pas vraiment un retour à zéro, n'est-ce pas ? »
« Non, je le sais... Je sais que le staff a été clair avec cela, qu'ils sont conciliants avec les gens dans mon cas, et que quand bien même il faut justifier un minimum sa situation, la barre n'est pas placée pareil. »
« A quand remonte votre dernier accès de colère, Mr. Nara? »
« Au printemps de cette année. Je me suis un peu laissé déborder par la fureur en me retrouvant prit dans une explosion qui m'a presque coûté la vie. Et un imbécile de Yamanaka a profité que je perdais le contrôle de mon corps pour sortir mon esprit de ma carcasse roussi, laissant ainsi libre cours aux pulsions qui l'animent et que je m'efforce de dominer au quotidien. Reprendre le contrôle à partir de cela a été une galère sans nom... Presque de quoi justifier un retour à mon état officiel actuel. »
« Vous continuez toujours les activités dont nous avions parlé pour vous aider à vous détendre ? »
« Oui. L’acuponcture, les massages, le sport, le yoga, la pêche... J'aime beaucoup la pêche d'ailleurs. C'est un peu comme le yoga, à part que je tue quelque chose. Et cela fonctionne : mes phases de crises sont de plus en plus rares. Je suis mieux, et beaucoup plus capable de me dominer grâce à tout cela. »
« Tuer vous procure un soulagement ou de la satisfaction ? »
« Pas du tout. C'est même souvent pire ensuite si je le fait dans mon état second. »
« Je vois. Bien, ceci conclut notre séance thérapeutique de la semaine. Vous avez des projets pour cet après midi ? Il est très important de vous garder l'esprit occupé dans les phases troubles pour vous. »
« Oui. J'ai un cours de taijutsu à dispenser à l'Académie. Ils m'ont contacté avant hier pour me dire que quelqu'un s'était inscrit à l'une des formations que je propose. Je vais aller le rencontrer tout à l'heure. »
« Bien. A la semaine prochaine dans ce cas. »

*********************

Arrivé au lieu de rendez-vous, Natsuki chercha des yeux si quelqu'un attendait. Il ne lui fallut pas très longtemps pour repérer la jeune femme non loin de l'entrée de l'Académie..

« Bonjour. Vous êtes... Katsuki ? » demanda-t-il après avoir consulté le formulaire d'inscription qu'il avait avec lui. « Je m'appelle Natsuki, c'est moi l'instructeur qui vous entrainera pour la leçon que vous avez demandé. »

Il lui tendit une main à serrer, la gauche étant donné que son bras droit était encore plâtré.

« Avant de commencer, j'aurai besoin de quelques précisions. Vous avez inscrit que vous désiriez avoir des leçons de renforcement sur le taijutsu/kenjutsu, mais je ne sais pas dans quelle branche exactement. Qu'attendez-vous des exercices pratiques d'aujourd'hui ? »

Il faisait encore beau en cet après midi d'automne, Natsuki allait donc certainement pouvoir en profiter pour dispenser sa leçon en extérieure.

« Taijutsu. » la renseigna poliment Natsuki. « La branche martiale qui regroupe toutes les manœuvres du corps à corps. Vous êtes chez la bonne personne dans ce cas. » lui assura-t-il avec un sourire. « Je ne suis plus la pointure que j'ai été jadis depuis mon accident, mais je me débrouille encore, suffisamment pour être capable de vous transmettre mon expérience et des conseils qui vous permettront de vous améliorer, si là est votre désir. »

Il réajusta son sac à dos sur ses épaules en tirant sur les lanières pour le serrer un peu plus.

« Bien, l'après-midi étant courte, autant nous y mettre sans plus attendre. Comme il fait encore à peu près beau, je vous propose d'aller rejoindre le terrain d'entrainement numéro deux que j'ai réservé pour aujourd'hui, et de le faire en courant pour nous échauffer. Vous n'aurez pas besoin de plus que ce que vous portez actuellement sur vous. »

Débutant ainsi la leçon sur un footing, Natsuki invita la jeune épéiste à suivre son rythme. D'abord lent, il augmenta progressivement la cadence à mesure qu'ils se rapprochaient du terrain d'entrainement. Si Katsuki manquait d'endurance, il avait besoin de voir où s'en trouvait la limite. Et comme la gestion du souffle entrait pleinement dans la balance, il profita du trajet pour lui poser quelques questions.

« Vous me disiez tout à l'heure que cela faisait un an que vous étiez arrivée ici. Mais vous parliez de l'Académie, ou de Konoha ? Je peux en tout cas confirmer que votre expérience avec les sabres, ou même les armes en général, est relativement récente : je l'ai senti à votre poignée de main. Qu'est-ce vous a décidé à vous orienter vers cette arme ? »

Arrivés en périphérie du Grand Rempart, la route était beaucoup plus dégagée jusqu'au terrain qui les attendait : de quoi courir un peu plus librement.

« Vous m'excuserez si je me montre un peu curieux, mais j'apprécie connaître un minimum les personnes à qui j'enseigne. Cela me permet de les cerner un peu mieux afin d'adapter mes leçons en fonction de qui ils sont. »

Natsuki avait comprit très jeune qu'il ne servait à rien de comprendre comment tournait le monde si l'on comprenait pas comment fonctionnaient les êtres qui le peuplaient. Surtout à sa position actuelle.

« Aussi n'hésitez pas à me faire savoir si ma curiosité dépasse les limites de ce que vous jugez acceptable : je ne m'offusquerai pas. »

S'il pouvait sans problème tenir sur une longue distance une cadence à 50 kilomètres par heures, il n'en attendait pas autant de Katsuki, surtout après sa présentation initiale. Aussi sitôt qu'il sentit qu'elle commençait à être en peine, il ralentit légèrement et se calqua sur ce rythme là : le but n'était pas d'arriver au terrain d'entrainement avec une étudiante déjà à bout de souffle, sans force pour la suite.

Terrain sur lequel ils finirent par arriver. Il s'agissait d'un environnement réduit à sa forme la plus simple, à savoir une plaine herbeuse, sans arbre ni rocher. Il n'y avait guère besoin de plus pour les exercices d'aujourd'hui. Natsuki posa donc son sac à terre, et en tira une bouteille d'eau qu'il tendit à Katsuki.

« Prenez un peu le temps de souffler avant que nous ne passions à la suite. Je vais déjà vous expliquer comment cela va se passer. Vous m'avez demandé de vous apprendre à être plus agile et plus endurante. J'ai déjà pu avoir un petit aperçu de ce que je voulais voir, mais ce n'est pas encore assez. Aussi, je vais dans un premier temps vous demander de m'attaquer. Cela va me permettre d'évaluer votre niveau et comment vous gérez vos assauts. Ensuite, quand j'en donnerai le signal, nous échangerons les rôles : ce sera à vous de vous soustraire à mes attaques de la manière que vous souhaitez. Vous comprendre après pourquoi. Si cela vous va, nous commencerons dès que vous serez prêtes. »

S'éloignant de plusieurs pas, Natsuki frappa du pied près de son sac. Un petit dôme de terre émergea alors du sol, et enveloppa le matériel pour le protéger. Il se tourna ensuite vers Katsuki, et lui adressa un sourire.

« Ne retenez pas vos coups, et soyez sans crainte : je ne suis pas si fragile. »

Disant cela, il effectua un simple signe de la main gauche. En réponse apparurent sur ses avant-bras tatoués et son visage des branches de fuinjutsu, dont le motif sombre laissait entendre qu'elles se prolongeaient bien plus loin sous ses vêtements. Il attendit ensuite dans sa position de garde habituelle, les jambes écartées, genoux fléchis, légèrement penché en avant, son bras gauche pendant devant lui.

Le départ appartenait à Katsuki.

« Il s'est désagrégé il y a quelques années en utilisant une technique de scellement. » avait répondu évasivement Natsuki à propos de son bras, sur un ton qui laissait entendre qu'il n'était pas particulièrement désireux de s'étaler sur le sujet.

L'idée d'avoir une prothèse ou le bras de quelqu'un d'autre en remplacement ne l'avait pas emballé, surtout connaissant la chirurgienne en charge de l'opération. Alors il avait fait plâtrer le tout pour ne pas trop montrer son état actuel.

Ce n'était pas qu'il n'aimait pas parler de lui, mais il n'avait pas forcément envie d'aborder certains sujets avec tout le monde, surtout quand sa '' maladie '' y avait un rapport. Il commençait tout juste à s'accepter tel qu'il était, et n'était pas encore prêt à affronter le regard des autres sur ce point.

De son côté, Katsuki répondit à ses questions sur le chemin avec moins de retenu. Son choix de prendre les armes relevait donc d'une raison assez courante, mais qui était tout à fait noble. C'était même la première de toute dans ce que l'on attendait de la part de quelqu'un : Natsuki ne pourrait jamais refuser d'enseigner à quelqu'un animé par ce désir.

Et ce fut sur le terrain d'entrainement qu'il le fit, un sourire aux lèvres alors qu'elle menait l'assaut.

« Une tradition chez nous ? Dois-je en déduire que d'autres avant moi ont déjà fait de même pour vous enseigner quelques leçons martiales ? C'est pourtant en forgeant que l'on devient forgeron. Comment voulez-vous apprendre l'art du sabre sans le manier ? Surtout quand cela ne se résume pas uniquement à frapper. Le vent est un bon partenaire pour apprendre la méthode, mais la finesse et la technique ne s'apprennent que contre autrui. Croiser le fer avec quelqu'un n'est pas forcément signe d'agression. »

Le pas souple, Natsuki se faufila entre les coups de lame, préférant l'esquive à la parade quand c'était possible. Son attention se focalisait sur la manière de bouger de Katsuki, la façon dont elle tenait son katana, dont elle déplaçait les jambes et se positionnait pour attaquer, dont elle inspirait et expirait entre deux frappes, selon qu'elle logique elle enchainait ses attaques. Tout autant d'informations qui était révélateur de son niveau général, de ses forces comme de ses lacunes.

« Vous n'avez jamais eu l'envie de vous mesurer à d'autres pour évaluer votre niveau ? Pour voir ce dont vous êtes capable dans le cadre d'une compétition saine, pour tester vos limites et les repousser, pour vous améliorer en même temps que vous aidez votre partenaire à progresser lui-même ? L'entrainement est essentiel, mais vous ne trouverez aucun artiste martial qui vous dira le contraire : une seconde de combat vaut amplement une heure d'exercice solitaire. »

Ce qui était son cas, par exemple. C'était en se battant que ses capacités s'épanouissaient.

Une fois qu'il en eu assez observé, Natsuki se lança dans une dernière manœuvre avant d'inverser les rôles : il s'immobilisa juste avant qu'une attaque le touche. Le sceau qui lui parcourait le corps assurait une protection équivalente à une armure, aussi il ne craignait pas d'être blessé. Ce qu'il cherchait plutôt à voir était si Katsuki maîtrisait assez son arme pour s'arrêter elle-même.

« Bien, puisque vous êtes bien lancée, l'on passe à la suite ? » glissa Natsuki avant de reprendre sa garde.

Cette fois-ci, ce fut lui qui mena l'assaut, en commençant doucement. Que ce soit de son poing gauche ou avec ses jambes, il prouva très vite que ce n'était pas parce qu'il lui manquait un bras qu'il était à prendre à la légère, car ses coups étaient à l'image de ceux de Katsuki : précis. Dépourvu de force destinées à blesser, ses frappes compensaient avec une vitesse qui augmentait progressivement. Une hausse du rythme destinée non pas à mettre Katsuki simplement en difficulté, mais à déterminer à partir de quand la sabreuse sera noyée sous les assauts.

Et tout en se faisant, Natsuki continuait de l'observer pour compléter ce qu'il avait pu voir en se laissant attaquer. Quels étaient ses mouvements pour se protéger, comment se positionnait-elle pour esquiver, est-ce que se laissait mener par l'assaut, ou en contraire esquivait à dessein pour s'offrir une position idéale lors du mouvement suivant ?

Le Nara tatoué continua de la sorte jusqu'à qu'il sente qu'il touchait le point de rupture de Katsuki, et qu'elle était débordée par ses attaques. Il s'arrêta alors, sans avoir à aucun moment fait davantage que l'effleurer.

« Bien, ce n'est pas mal du tout, tout cela. » complimenta-t-il en laissant à l'épéiste un moment pour souffler. « Pour quelqu'un qui ne s'exerce que depuis un an, vous avez de bonnes bases, et du potentiel à développer. Pour ma part, j'ai vu ce que je voulais voir, nous allons donc pouvoir passer à la suite. Avec un peu de théorie pour commencer. Pouvez-vous me dire, selon vous, quelles sont les critères d'une esquive convenable ? »

Premier indice : la question en elle-même montrait que l'on n'esquivait pas qu'avec ses muscles, mais aussi avec sa tête.

Natsuki remua le bras qui avait prit le coup de sabre comme s'il l'échauffait pendant que Katsuki lui répondait, puis hocha la tête en souriant lorsqu'elle eu terminée.

« Il y a de l'idée, oui, mais vous n'avez pas l'air excessivement sûre de ce que vous avancez. Ce Riku que vous avez mentionné est celui qui vous a entrainé, si je déduis bien. Ne vous a-t-il rien enseigné sur la question ? »

Il ne s'agissait pas ici de se moquer – surtout que le ton n'y était pas de tout -, mais vraiment d'inciter l'épéiste à réfléchir : il n'y avait pas de meilleur moyen que d'apprendre à quelqu'un. Lancer les pistes, et s'assurer qu'elle n'en s'écarte pas trop. Et pour le moment, elle tenait bon.

« La souplesse, que vous avez mentionné en premier, est un plus. Ce n'est pas le trait essentiel, mais les avantages qu'être souple procure ne sont pas négligeables. Pour autant, il ne sert à rien de se contorsionner dans tous les sens sans logique derrière, sans quoi l'on finit simplement avec des nœuds partout, dans une position inconfortable et ouverte à l'adversaire. Lorsque l'on se bat, la première règle à retenir est de ne jamais faire de mouvements inutiles. D'une part car cela fatigue, et de l'autre car cela entame sur notre temps de réaction. Chaque mouvement doit apporter un avantage, ou supprimer un désavantage. »

Il laissa passer une poignée d'instants pour que Katsuki intègre cette phrase, puis passa à la suite.

« Ensuite, vous m'avez répondu '' essayer de savoir où l'adversaire va frapper ''. Et là, vous êtes en plein dans le mille : la base de l'esquive est l'observation / réaction. Plus vous êtes capable de déterminer où et comment l'adversaire va frapper, et mieux vous pouvez envisager le mouvement le plus efficace pour vous protéger. En combat bien évidemment, ces moments se comptent en fractions de seconde, mais l'entrainement est là pour cela. Alors comment faire ? Personnellement, je ne connais que deux moyens : l'habitude et l'observation. Le premier est dangereux, le second compliqué. L'observation, même s'il vous en manque quelques clefs pour l'affiner, vous avez eu l'occasion de comprendre pourquoi. Mais pouvez-vous me dire le risque que présente de s'habituer au rythme du combat pour parer et esquiver ? »

Histoire que la demoiselle est un peu de matière à coucher par écrit.

« Je vous laisse le temps de la réflexion. En attendant, je poursuis. La rapidité que vous avez mentionné en troisième, avec un peu moins de conviction, est aussi un facteur important de l'esquive. Que ce soit dans la vitesse d'exécution, ou de réaction. Moins importante que l'observation, mais assurément plus essentielle que la souplesse, je dirai. Parce qu'un dixième de seconde plus loin que le fil d'une lame qui vise votre gorge est parfois ce qui fait la différence entre une tête encore sur les épaules, et une tête qui regarde ses orteils. »

Si vous voyez ce qu'il voulait dire.

« Analyse pertinente, réaction rapide, et positionnement intelligent. Voilà les bases d'une esquive réussi. La première se travaille avec l'observation, la seconde avec l'expérience, et la troisième avec la mémoire musculaire. Cela dit, cela reste mon point de vue, et je suis ouvert au débat si vous pensez qu'il y a autre chose / mieux. »

Et cela, il était important que Katsuki le comprenne : les leçons de Natsuki n'étaient pas figées, avec des ordres à suivre. Elles étaient interactives, et s'adaptaient autant aux besoins qu'aux aptitudes de ses étudiants. Il lui restait encore à les rendre un peu plus captivantes, ce qui était son plus gros point noir : il travaillait dessus, mais ce n'était pas encore tout à fait cela.

« Bien que ces trois aspects sont imbriquées, travailler l'un entraine un amélioration secondaire des deux autres. L'être humain est ainsi, il n'apprend jamais qu'une seule chose à la fois sur un même exercice. Y'a-t-il donc l'un de ces points qui vous intéresserait de travailler plus en détail ? » lui demanda-t-il en lui offrant le choix.

« C'est exactement cela. » acquiesça Natsuki en hochant la tête. « En s'entrainant et en affrontant toujours la même personne, l'on s'ancre de mauvais réflexes dans les muscles, et l'on se repose davantage sur un mécanique initiée par l'habitude plutôt que sur sa réflexion. Au fil du temps, les combattants expérimentés apprennent à varier leur style et le rythme au sein d'un même affrontement quand celui-ci perdure, afin de pas laisser leur adversaire prendre le pli. Cela peut même être une stratégie qui ouvre des failles dans la garde, si utilisée intelligemment. Mais bon, nous n'en sommes pas là, et ce n'est pas le sujet de la leçon. »

Il était juste bon d'avoir des notions pour faciliter des apprentissages lorsque les connaissances finissaient pas se croiser.

« L'observation donc. Qu'observe-t-on chez un adversaire ? Premièrement, et contrairement à beaucoup de croyance, ce sont les jambes. Un combat se mène avec les pieds, car c'est eux qui déterminent notre position, notre capacité à nous déplacer et jusqu'à où porte notre zone de menace. Frapper vite et fort ne sert à rien si nous n'avons pas la porté ou la position pour toucher. En fonction de comment votre adverse place ses jambes, des mouvements qu'il fait, vous pouvez déjà avoir l'information de quand et comment il va frapper. »

Mais bien évidemment, l'on ne pouvait pas se contenter de juste cela.

« En second, se sont les mouvements des membres du corps, particulièrement au niveau des articulations et des muscles. La façon dont la musculature bouge sur les axes articulaires donne des indications assez précises sur les mouvements qui vont en découler. Ceux qui maîtrisent beaucoup les feintes comptent sur les erreurs de jugements et le manque d'observation de leur adversaire pour porter leurs assauts. C'est aussi pour cela qu'ils portent des vêtements amples, ou des trompe-l’œil, afin d'induire en erreur. »

D'où l'intérêt de varier ses capacités martiales, pour savoir faire face peut-être pas à tout, mais à l'essentiel. N'importe comment, l'on ne tombait en général qu'une seule fois dans sa vie sur un combat dont l'on ne trouvait pas la solution.

« Mais tout cela, cela s'apprend avec l'expérience et la pratique, à l'image du troisième point : l'observation du visage. Un visage est très révélateur des intentions de quelqu'un, autant dans ce qu'il pense que ce qu'il fait. Être maître de soi et conserver une figure de marbre dans une discussion est une chose, mais en combat, c'est plus compliqué. Nous avons presque tous des mimiques faciales qui trahissent ce que nous allons faire, et qui informent l'adversaire de nos mouvements et nos cibles parfois même avant que nous y pensons nous-même. Bien évidemment, elles sont presque indécelables et il faut avoir l’œil pour les remarquer, les analyser et en faire quelque chose à temps, mais cela peut constituer un atout majeur dans un combat en offrant de précieux délais. »

Natsuki observa Katsuki pendant quelques instants.

« C'est ou évident ou trop vague ce que j'essaie d'expliquer, n'est-ce pas ? » s'excusa-t-il en pinçant les lèvres. « Le plus simple est encore de mettre en pratique. Bien évidemment, je vais vous éviter d'aller au-delà de déception en vous disant déjà que cela ne va pas fonctionner d'un coup juste parce que je vous l'ai dit maintenant. Vous ne deviendrez pas non plus incroyablement meilleure après seulement la séance d'aujourd'hui. Tout ce que je peux faire, c'est vous donner des conseils et des astuces à pratiquer au quotidien pour progresser. Aujourd'hui n'est qu'une marche de plus vers le niveau de votre mentor. »

Reprenant sa position de garde, Natsuki poursuivit.

« Bien. Je vais vous attaquer à nouveau, sans vraiment forcer. Votre but à vous sera d'étudier dans mon attitude ce que j'ai mentionné un peu plus tôt, afin de voir si cela vous parle un minimum. Certaines personnes sont plus instinctives qu'observatrices, aussi nous allons pouvoir voir si ce genre de méthode vous convient. »

Et comme tout à l'heure, Natsuki mena l'attaque. Ses coups n'avaient vraiment rien à voir avec l'échange précédent, quand il cherchait à déterminer le niveau de Katsuki, mais comme il l'avait dit, le but était maintenant tout autre. Alors il virevolta, variant ses positions et exagérant légèrement ses mouvements en attaquant ou en reculant. Et surtout, observer chez son étudiante du jour si cet exercice présentait vraiment un intérêt pour elle, ou s'il valait mieux essayer autre chose.

« Vous avez déjà eu l'occasion d'exécuter des missions pour le compte de Konoha ? » demanda-t-il pour voir si Katsuki savait rester concentrée. « Dans quelle type de mission vous sentez-vous le plus à l'aise ? »

Ou '' Où pensez-vous que vous vous sentiriez le plus à l'aide ? '' dans l'hypothèse où elle n'avait pas encore l'occasion d'en faire. Sachant que si elle ne s'était jamais vraiment battu à en croire ce qu'elle disait, il pencherait plutôt vers la seconde option.

« Malheureusement pour vous, nous ne vivons plus à l'âge de pierre. Nous avons accumulé tant de connaissances complexes qu'il ne suffit plus d'une démonstration, deux grognements et trois coups de bâton sur le crâne pour faire intégrer un apprentissage à quelqu'un. Mais ne vous en faîtes pas trop. Si dans une semaine, vous aurez retenu encore dix pourcent de ce que je vous enseigne aujourd'hui, ce sera déjà pas mal. »

Personne ou presque ne pouvait tout retenir, même lui et sa mémoire prodigieuse avaient leurs limites. L'essentiel était qu'il subsiste un support minimum dans l'esprit de l'étudiant attentif afin qu'il puisse le faire croître. Comme le disait le proverbe '' l'étudiant patient apprend lentement. L'impatient n'apprend pas du tout ''. Et malgré ses difficultés verbalisées avec la théorie, Katsuki se rangeait plutôt dans la première catégorie. Elle ne baissait pas les bras, et faisait de son mieux malgré tout : c'était tout ce que demandait Natsuki.

« Pas du jeu ? » se moqua le Nara tatoué à son tour. « J'ignorai que les combats étaient des jeux. Je reconnais bien là les dires de quelqu'un qui n'a jamais brandit son sabre envers autrui pour se défendre. Mais soit, considérons au moins les joutes amicales comme des amusements. Elles n'en reste pas moins des affrontements, et ces derniers n'ont de règles que celles que vous vous êtes fixées. Des règles que seule vous suivez, et qui peuvent être bien différentes de celles de votre adversaire. »

L'entrainement continuait de son côté, Natsuki attaquant avec d'amples assauts pour stimuler les sens de combat de Katsuki. Lui parler en même temps ne semblait pas être une bonne idée, mais d'un autre côté, Natsuki ne pouvait pas que faire entrer ses leçons à renfort de coups de poing.

« Où est passé l'instinct que vous me vantiez par ailleurs ? N'est-il pas censé prendre le relais sur ce que vous ne pouvez voir ? » poursuivit-il sans perdre le fin sourire de ses lèvres. « Tout s'observe, Katsuki, même les feintes. Où plutôt, elles se '' sentent ''. Mais j'admets que l'on les reconnaît davantage avec l'expérience. Voyez-donc cela comme la leçon qui entre. En attendant, observez mon souffle. Le rythme de ma respiration aussi est un indice. Une inspiration précède toujours un coup, car le corps a tendance à expirer pendant les mouvements vifs et violents. Les expirations demeurent des moments de grande vulnérabilité, car prendre un coup dans le plexus à cet instant à toutes les chances de vous mettre au tapis. Mais ce n'est pas la leçon du jour, alors ayez simplement cette information dans un coin de la tête. Car un combat n'est pas simplement un attaquant et un défenseur comme dans notre simulation : les deux doivent savoir passer de l'un à l'autre au moment opportun. »

Sous-entendu pour ceux qui lisait entre les lignes : frappe moi si tu en sens l'occasion. Et Natsuki en semait plus d'une au cours de leur échange.

« Il y a un bien encore un point que j'aime aborder sur l'esquive, en lien avec cette question d'attaque / défense, mais je crains que cela ne fasse trop en une seule fois. Alors nous allons continuer encore trois minutes ainsi avant de faire une pause. »

Et trois minutes dans un combat, c'était très long pour un corps, même habitué à l'effort. Surtout quand c'était Natsuki qui menait le rythme, et qu'il le corsait à mesure qu'il sentait Katsuki assimiler sa technique : il la privait de toute zone de confort possible.

« Moui. Il est vrai que de mon côté, j'ai certainement dû me tourner les pouces pendant la Révolution. » répondit sarcastiquement Natsuki, qui avait soudainement l'impression de faire face à une enfant voulant prouver quelque chose.

Dans le fond, elle n'était pas aussi aisée à cerner que l'impression qu'elle lui avait renvoyé initialement. Mais personne n'était simple, dans le fond. Lui le premier...

Et sur ces paroles, ils poursuivirent. Katsuki semblait un peu plus concentrée, et la leçon entrait tout doucement, ce qui n'était pas si mal. Comme il le lui avait dit, l'exercice ne s'arrêtera pas à aujourd'hui, lorsqu'ils se séparont. Il pouvait lui apprendre des mouvements de parades, comment la logique de l'esquive fonctionnait, mais jamais vraiment comment le faire en quelles occasions. Cela, elle devait l'apprendre par elle-même, à force de pratique et d'expérience. Une technique ne s'apprenait pas en une jour : elle s'intégrait sur des semaines, se peaufinait sur des mois, et se perfectionnait sur des années. Et si Natsuki ne devait en retenir qu'une, ce serait l'esquive. Celle qui lui avait le plus de fois sauvé la vie.

« J'en pense que y'a du potentiel en vous, bien qu'il va falloir forcer pas mal pour faire entrer les informations dans les muscles, si la tête sature trop vite. Si vous avez conscience que l'on ne gagne pas juste parce que l'on a la plus grosse, alors vous irez probablement loin, beaucoup plus que ceux qui pensent que la force brute suffit, et qui sont légions dans les cimetières. Si par contre vous pensez que je suis dans l'erreur – ce qui est tout à fait possible – ou si c'est assurément votre méthode qui vous convient le mieux pour apprendre – ce que je peux parfaitement concevoir -, eh bien je ferai au mieux pour m'adapter à vos besoins si jamais vous avez envie de prendre d'autres leçons avec moi. Il n'y a pas de mauvais élèves, seulement de mauvais professeurs. »

Un proverbe qui le laissait quelque peu dubitatif. Car à l'image de l'art ancestral pour forger le katana, l'on a beau développer des techniques extraordinaires pour compenser au mieux le matériel précaire à sa disposition, il y a des limites à ce que l'on peut réussir avec les ressources de bases. Mais Katsuki était très loin d'être une mauvaise base, bien au contraire. Les différences tranchées n'étaient dû qu'à l'absence de rodage entre l'entraineur et l'étudiant, une absence que seule le temps pourrait éventuellement combler.

Du moins, s'il devait y avoir une prochaine fois. Mais l'un dans l'autre, Natsuki gardera un œil sur cette jeune femme : il était curieux de découvrir son cheminement au cours des prochains mois.

« Bien, je pense que ce sera tout pour aujourd'hui. Vous avez montré de bonnes capacités, et même si ma méthode ne semblait pas vous convenir au mieux, nous avons réussit à arriver à semer une graine. Je vous souhaite sincèrement d'arriver à la faire germer. Aussi maintenant, si vous n'avez pas de question, je suggère que la peine d'aujourd'hui suffit à ce jour. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir, en ces circonstances ou en d'autres. »

Et de préférence, pas pour les funérailles de l'autre.