Aaaaah, le printemps. Le soleil brille, les oiseaux chantent, la verdure renaît. Et après trois mois d’hiver à manger de la raclette, à comater sur le fauteuil en regardant la télé emmitouflé dans une couverture en pilou, un chocolat chaud à la main – et comme je n’aime pas le chocolat, c’est généralement un thé glacé malgré le froid. Une vision presque paradisiaque, je vous l’accorde, à un détail près : nous sommes shinobis, et en dehors de quelques pouvoirs qui ne nécessitent pas une forme physique olympique (au contraire, je rêve d’être Akimichi), nous devons nous entretenir un minimum.

J’avais donc pris ma matinée, laissant la gestion des affaires courantes à Bankichi et à Natsuki, me dirigeant vers la forêt, un peu plus à l’écart du village, pour être sûre de ne pas être dérangée. Je me dirigeai vers un coin reculé, que je connaissais bien pour m’y entraîner très souvent : une cascade donnant sur un lac d’eau claire, au cœur d’un bosquet dont les arbres laissaient passer quelques rayons du soleil. Prenant un grand bol d’air frais, je m’assis sur l’herbe, sortant quelques armes que je disposais autour de moi. Mais avant cela, j’enlevai ma tunique, me retrouvant en maillot de bain. Avant de m’entraîner, il fallait que je reprenne un peu d’endurance.

Pendant une heure environ, je fis des longueurs dans l’eau fraîche du lac, m’arrêtant l’espace de quelques minutes sous la cascade pour me ressourcer. Parfois également, je me laissais couler quelques longues secondes, profitant du calme et de la sérénité que m’accordaient la profondeur de l’eau. Je sortis enfin du lac, m’essuyant et me rhabillant pour faire face à une souche d’arbre grossièrement taillée pour ressembler à un mannequin d’entraînement. Puis l’entraînement débuta. Un kunaï, puis deux puis quatre, puis huit. Tous arrivaient à l’endroit voulu.

Les mouvements s’intensifièrent, les combos s’enchaînaient. J’étais en sueur, essoufflée, j’haletais, mais je ne lâchai rien. Me reposant un instant, je fus interrompue par un toussotement venu de derrière moi. Me retournant, je reconnus l’un des samouraïs de Konoha. Même au fin fond de la forêt, des gens s’y perdaient ?

« Veillez m’excuser Hokage-Sama, je ne savais pas que vous étiez présente ici. Je ne vais pas vous importunez plus longtemps. »

Je soufflai du nez dans un semblant de rictus. Bien sûr qu’il ne le savait pas. Personne ne le savait : et c’était bien le but. Ramassant ma serviette, je m’essuyai le front en le regardant.

« Pas de soucis. Mais maintenant que tu es là, Shingen, tu veux bien m’assister ? »

Après tout, l’entraînement sera plus efficace à deux. Nous nous mîmes (quel horrible verbe dis donc) en place. J’avais entraîné mon endurance et mon Taijutsu. Il me restait une chose à entraîner. Eux.

« Je t’en prie. Attaque-moi. Et ne te retiens surtout pas. »

L’adrénaline des combats. La pression de la défaite. L’ivresse de la victoire. Tout un tas d’émotions que je ne connaissais plus depuis plusieurs années maintenant ; la chute de l’Empire a engendré la création de Konoha, au sein duquel j’ai toujours occupé des postes administratifs. Pour être honnête, j’ai rarement quitté le village durant toutes ces années, en dehors de quelques missions diplomatiques m’obligeant à voyager ; quant à trouver la dernière fois où je me suis réellement battue… Un samouraï, Chûnin de Konoha, était un adversaire parfait ; le genre de combattant qui réserve des surprises et qu’il ne faut absolument pas prendre à la légère ni sous-estimer sous peine de revirement.

Shingen ne se fit d’ailleurs pas prier : après un léger bruit de son sabre qui sortit de son fourreau, il fondit sur moi à une vitesse fulgurante et me porta un coup, que j’esquivai agilement d’un bond en arrière. Il ne s’arrêta cependant pas là puisque, presqu’aussitôt, il enchaîna avec une salve de coup que je ne pus stopper qu’à l’aide d’un bouclier de fortune dôton que je créai dans la foulée. Lui envoyant un coup de pied dans le thorax pour me dégager de son emprise, je me replaçai habilement à la suite d’une pirouette aérienne. Je remis une mèche de cheveux, en souriant légèrement.

« Pas mal… Mais tu m’as demandé de ne pas me retenir, n’est-ce pas ? »

Je portai mon pouce à ma bouche, me faisant saigner mon doigt, assez pour pouvoir tracer dans la paume de mon autre main un trait rouge vermeil…

***************Quatre ans auparavant***************

En plein milieu de la forêt, à un endroit similaire où nous étions dans le présent, deux shinobis se faisaient face. La lune brillait d’une lueur malsaine, éclairant les deux protagonistes. D’un côté, debout dans son costume violacé, le maquillage macabre, ses cheveux en bataille, le Shodaime Hokage, qui croisait les bras, se balançant sur ses talons à la manière d’un homme ivre. Il faisait face à une jeune femme, blonde, exténuée, à genoux, haletante, se mèches de cheveux collant à son front. Son regard soutenait celui du Shodaime avec insistance, avec mépris même. La zone autour d’eux était ravagée, presque détruite. Pourtant, Suguato ne semblait même pas essoufflé. Il était même impeccable dans ses vêtements de gala. Il fit une mimique buccale avant de prendre la parole.

« Je n’arrive pas à comprendre comme tu as pu le vaincre, Ayumi. Ce que tu me montres là, ce n’est qu’un ersatz de ce qu’il était capable de faire. »
« TAIS-TOI ! »

La jeune femme chargea une nouvelle fois en direction de l’Ombre, mais fut stoppée une nouvelle fois par cette chose qui se terrait sous lui et qui surgissait dès qu’elle essayait de s’approcher de lui, dans un grognement à glacer le sang. Une nouvelle fois, la jeune blonde frappa cette manière visqueuse et se trouva face à cette énorme bête horrible, qui lui hurla dessus, dévoilant au passage toutes ses dents et toute sa monstruosité. Une fois de plus, la bête lui asséna un coup direct, qui la fit vaciller, et elle fut mise à terre par un simple coup du Shiaijin qui semblait s’être simplement téléporté face à elle et qui ne semblait même pas avoir dû forcer son coup pour l’envoyer valser dans un nuage de poussière.

Cette fois, « Ayumi » ne se releva pas. Passant sa langue sur se lèvres, un « pouf » se fit entendre sous terre et l’immense bête disparut. D’un pas lent et peu assuré, le Shodaime s’avança vers son élève, et lui tendit la main.

« Ce sera tout pour aujourd’hui. Tu dois t’endurcir et te servir de tes émotions d’une façon moins impulsive. Demain nous passerons à la vitesse supérieure. Demain, nous lui demanderons s’il accepte de pactiser avec toi. »

***************Aujourd’hui***************

Je joignis mes deux mains et les posai au sol, générant par la même un écran de fumée. Rien n’apparut, mais elle se fit d’abord entendre. Alors, elle sortit de terre, derrière moi qui croisai les bras, dans une bourrasque de vent qui fit envoler mes cheveux. J’eus un petit sourire lorsqu’elle se positionna juste dans mon dos, regardant elle aussi Shingen.

Spoiler:

De sa voix rauque qui semblait venir de l’au-delà, à glacer le sang, elle prit la parole.

« Tu m’as appelée, maîtresse ? »
« Attaque-le. Doucement. C’est un entraînement. »

Elle grogna et replongea sous terre… Avant de ressortir juste devant le samouraî pour tenter de le mordre à la jambe…