Tuer. C'était la seule pensée qui s'imposait à son esprit, s'affichant comme un besoin plus impérieux encore que celui de respirer.

Détruire. Il ne savait faire que cela, la raison même de son existence, l'essence même qui animait sa carcasse meurtrie sans effort.

Briser. Un but obsessionnel où rien ne pouvait le dévier de sa route, ni la fatigue, ni la douleur, ni la mort.

Ravager. Il ne comprenait même pas pourquoi ses jambes lâchaient, pas plus qu'il n'y prêtait attention ou le remarquait, sans rapport avec ses pulsions.

Fracasser. L'unique fonction des quatre bras noueux qui déchirèrent la chair de ses épaules et de ses aisselles afin de poursuite la course au sol.

Anéantir. L'unique obsession qui le rapprochait par tous les moyens de la créature fuyante.

Ses pieds labouraient le sol sans parvenir à prendre appuie, mais rien ne l'arrêtait vraiment. La douleur était noyée dans un torrent de haine. Une nouvelle peau sombre déchirait l'épiderme blessé pour le recouvrir sans pour autant améliorer les blessures subit. La fatigue était complètement soufflée par une rage explosive. Toute la mécanique du corps tournait dans un seul but, tuer ce qu'il voyait. La peur n'avait même pas voix au chapitre. Elle ne faisait qu'entrainer des réactions d'autant plus violentes encore, si c'était seulement possible. Une colère noir qui emplissait l'air et continuait de se développer sans connaître de limite. Une rage qui le dévorait aussi certainement que les flammes sur la prairie autour d'eux. Des projectiles filèrent sur lui, sans tirer la moindre réaction de sa part. Ceux qui ne ricochaient pas sur les zones cuirassées se plantaient dedans sans conséquence.

Natsuki tomba au sol comme un sac. Le monde était obscure autour de lui, sans haut ni bas. Mais lui était là, le visage éclaté par terre. Il se redressa de peur d'un coup sur ses genoux, et tomba sur ses fesses sans parvenir à se maintenir, avant de reculer sur plusieurs mètres dans cette position, comme s'il cherchait à fuir sa propre ombre. Il buta contre une sorte de mur invisible, et la terreur atteignit son comble : il tomba lourdement à quatre pattes avant de vomir à plusieurs reprises. Le visage ruisselant de larmes autant que de sueur, il était transit de peur comme au premier jour, misérable, tremblant.

« Cela recommence... » murmura-t-il sans un son, terrifié.

Mais il réalisa que l'air avait changé, son esprit n'était plus asphyxié par une haine sans commune mesure. Ce fut comme une bouffée d'air frais en jaillissant hors de la mer après s'y être enfoncé profondément trop longtemps. Tout était sombre, ou presque. Une lueur fade, comme le reflet d'un écran de télévision allumé, attira son attention. Péniblement, il retrouva l'enchainement compliqué pour se redresser sur ses jambes, et tituba jusqu'à elle.

Des sons, des images, des informations lui parvinrent. Il vit ce qui était devenu avec le temps son corps inerte au sol. Il regarda aussitôt ses mains encore tremblantes à cause du choc. La sensation ne lui était pas inconnu. Il tourna alors la tête sur le côté, dévisageant l'homme qui se tenait dans le fauteuil de tout ce système. Dans un soupir, sa peur panique se mua en simple horreur.

« Shigo, qu'est-ce que vous avez fait... »

Ce n'était pas une question.

La mécanique se remit en marche après avoir réinvesti un territoire à l'accès depuis trop longtemps interdit. La tête du corps jusqu'alors inerte se redressa brusquement, le regard plus meurtrier que jamais. Sans l'esprit parasite qui s'était installé en lui, le monstre sans conscience uniquement animé par la haine en revenait à son stade primaire initiale, sans plus rien pour limiter sa frénésie inextinguible. Il allait retourner à un état où Natsuki n'était même plus sûr de pouvoir le canaliser.

« Créez une image rémanente et contournez-le ! Il faut l'éloigner du temple ! » ordonna Natsuki à son nouvel hôte alors que la créature qui n'avait plus d'humain que vaguement la forme se jetait sur eux.

Natsuki prit appuie de ses mains sur le vide comme s'il se tenait sur une rambarde. Il était trempé de sueur, et semblait plus épuisé que jamais. Il tenta de retrouver son souffle, n'ayant que cela à faire dans ce lieux où il n'avait plus de contrôle sur aucun des corps engagés dans cette lutte. Mais ce n'était pas le moment de flancher, il savait à quoi il avait à faire – et c'était probablement ce qui le paniquait le plus.

« Maintenant qu'il est relâché et que je ne suis plus là pour le contenir, vous ne gagnerez pas de front. » annonça-t-il sans lever la tête, le visage tourné vers le sol entre ses bras appuyés. « Et si vous continuez de le leurrer trop longtemps avec des illusions, il va juste finir par exploser plus vite de frustration. »

Le corps du monstre était déchainé dehors, abattant sa fureur et ses poings toujours plus près de Shigo. Beaucoup trop près. Sa puissance était brute, elle avait perdu le semblant de maîtrise et de précision qu'avait apporté l'esprit de Natsuki à l'ensemble, laissant ainsi une période de flottement avant qu'il ne compense son manque de tactique par encore plus de violence. Il suffira alors de subir seule frappe pour entrainer la fin de la partie en mode héroïque...

« Il va falloir que vous me renvoyez là-dedans Shigo. » déclara Natsuki dont les muscles crispés trahissaient son appréhension. « Plus nous allons attendre, et plus il y a de risque qu'il m'empêche de le remettre dans sa cage. Et alors vous m'envierez de ne plus exister pour ne pas assister aux conséquences. »

Mêlant mensonge et vérité, il y avait au moins une chose d’assurée : Natsuki n'était pas certain de reconquérir ce corps en l'état. Mais il devait au moins essayer, car maintenant qu'il avait récupéré.

Il était prêt pour le tour de force.

Spoiler:

Les flots de haines étaient partout, envahissant l'espace pour nourrir des muscles qui ne connaissaient aucune autre forme d'énergie. Il n'y avait pas de mot pour décrire ce que Natsuki ressentit en retournant dans son corps, si l'on pouvait ne serait-ce que parler de sensations. Les choses étaient altérées ici, il n'y avait pas de réalité compréhensible avec des mots ou des images. Natsuki n'existait pas comme une conscience propre à l'intérieur d'un vaisseau à la dérive, tout au plus une goutte d'huile dans un océan déchainé. Il appartenait à l'ensemble tout en étant étranger à ce dernier. Et en cela, il était irrémédiablement noyé par la rage ardente qui régnait. Et il savait qu'il n'y avait pas de fond à cela.

Mais s'il devait vraiment formuler tout cela avec des mots, le plus proche serait peut-être de dire que son retour lui fit l'effet de percuter un sac de sable. Jusqu'alors, et depuis l'éveil de son corps, il avait toujours eu à supporter le poids écrasant des pulsions meurtrières qui le plongeait graduellement vers une folie sanglante. Il était pour ainsi dire une flammèches essayant de s'abriter sous une tuile pour ne pas vaciller alors que la tempête bat de son plein à l'extérieur. Cela n'avait jamais vraiment été facile, mais il était là depuis le début, à défendre la position.

Or là, la situation était drastiquement différente. Durant sa courte absence, le sable avait envahit partout, et les rôles s'étaient inversés : Natsuki n'était plus celui qui résistait à tout prix pour ne pas s'éteindre, il était devenu l'assiégeant désireux de gouverner le trône. Remonter le courant n'avait rien de simple, et occupait toute son attention. Ce qu'il se passait dehors était sans importance, il était concentré sur une seule chose : reprendre les droits qu'il avait acquit au terme de dix années de luttes acharnées

Son seul avantage était qu'il avait une volonté persistante : le corps lui n'était qu'une masse enragée sans raisonnement ni conscience. L'épreuve était la même qu'opposer l'homme à la force des éléments. Il avait la force et les capacités, il le savait, aussi tant que sa volonté ne pliera pas, il était parfaitement capable de résister sous la plus violente des cascades. Du moins, il essayait de s'en convaincre, car le cas échéant, tout était perdu...

Il n'était qu'une étincelle au cœur de l'orage, mais s'il avait la possibilité de ressentir la peur dans son état, sans doute qu'il serait terrifié, peut-être même autant qu'il l'était par le passé face à ce qu'il était, ce qui le dévorait et réduisait son existence à celle d'un cadavre ambulant. Mais il était hors de question que ce passé là revienne. Depuis sa rémission presque totale, il n'avait jamais cessé de vivre dans la peur qu'un jour, il finisse par revivre ce cauchemar, que tout lui soit reprit à nouveau.

C'était depuis ce jour qu'il n'avait jamais cessé de s'y préparer, et de transformer cette terreur en puissance capable de déplacer des montagnes.

Ses craintes n'avaient plus de fondement, il devrait le savoir, il ne devrait plus douter. Ce qui faisait peur, c'était l'échec, c'était les conséquences. Mais pourquoi avoir peur de quelque chose qu'il avait déjà réussi ? Il n'y était pas parvenu seul, c'est vrai. Sans tous ceux qui l'avaient aidé à s'affranchir de sa condition de monstre, il ne serait plus là aujourd'hui. Mais ce qu'ils avaient fait était de lui donner une arme que son état lui avait fait perdre : l'espoir de s'en sortir. Une volonté qu'il n'avait pas l'intention de quitter, un refus catégorique de se laisser tout prendre à nouveau. Il ne laisserait des pulsions immondes le perdre à nouveau.

Car quelqu'un l'attendait au bout du chemin.

Spoiler:

La course poursuite est épique.

Natsuki se débat avec son démon intérieur, et bien que ce dernier faiblit visiblement du à ses efforts, il tire de ses réserves une résistance hors-norme et arrive à maintenir le contrôle du vaisseau. Les 15 ans d'efforts de Natsuki semblent avoir redoublé la difficulté à reprendre la barre du navire. Ou peut-être est-ce juste Natskuki qui est faible en ce moment ?

Shigo semble particulièrement en forme pendant tout le long de ce marathon. Ses jambes sont pleines de vigueur, et il est en train de tenir plus longtemps qu'il n'a jamais fait en entrainement. Il dépasse véritablement les capacités de son corps et arrive à tenir bon, jusqu'aux portes de Konoha.

Et aussi incroyable que cela puisse paraitre, le démon de Natsuki a réussi à ignorer tous les dégâts subit quand à l'explosion de feu, et arrive à suivre Shigo sans jamais arriver à l'atteindre. Son corps et son coeur tiennent bon, et tiennent même mieux qu'on aurait pu s'en douter. C'est à la fois un bon et un mauvais signe. Une faiblesse aurait pu faciliter une prise du contrôle sur le démon, mais cela aurait mis en danger la survie de Natsuki.

Et ils ne croisent rien ni personne durant leur trajet à travers la cambrousse.

Si ce n'est... qu'en fait quelques gardes voient tout de même des arbres voler au loin.

Il se passe un truc bizarre. Et ça arrive sur nous. Préviens l'Hokage et n'importe quel haut gradé que tu croises. Moi, je vais fermer les portes.

Afin que le mythe tombe une bonne fois pour toute, il apparaît comme nécessaire de le dire ici : personne – sinon les Hayashi - ne fait rentrer de fruit dans une bouteille d'eau de vie. Il n'y a pas d'astuce pour le faire, tout simplement parce que cela ne se fait pas, pas plus que l'on crée une bouteille autour de la pomme/poire/autre. Ce qui est fait, tout simplement, nécessite de la patience et du temps. Il suffit en effet de s'y prendre tôt, lorsque le fruit convoité est à peine formé sur l'arbre. Il n'y a alors qu'à le glisser dans une bouteille en le laissant lié à la branche, et laisser la nature faire son office jusqu'à ce que la croissance du fruit arrive à terme. Il restera alors dans la bouteille sans possibilité de ressortir par un goulot devenir trop petit pour lui.

Une chose que les marins ont en passion, c'est de montrer les bateaux sur lesquels ils ont navigué. Et pour se faire, ils se sont mit à les recréer en maquettes – ceux qui étaient assez doués avec leurs doigts en tout cas. Et pour protéger ces réalisations fragiles des vents et marées, ou les vendre aux touristes plus tard, il a été plus moins adopté de les placer en bouteille. Et tout comme le fruit, la question du comment procéder a intéressé plus d'un esprit. Eh bien la maquette n'est pas montée dans la bouteille à l'aide de fines baguettes, car ce serait inutilement long et fastidieux. Elle est construit et peint à l'extérieur, avant d'être glissée par le goulot, les mats et les voilures à l'horizontale. Ces derniers ne sont dressés qu'à la toute fin avec une ficelle, scellant ainsi le bateau dans sa bouteille à jamais.

En décoration exotique, quoi qu'un peu ,certains aiment exposer des serpents ou des crapauds en bouteille, plongés dans l'alcool connu pour ses vertus conservatrices. Et autant un serpent, c'est relativement facile à insérer, autant un batracien, cela prend de la place avec son corps volumineux. C'est là qu'entre le processus d’assèchement et d’aplatissement du crapaud, aussi appelé '' momification ''. Car une fois plat et sec, l'animal s'enfile sans peine par le goulot. Et bien qu'il n'y ai qu'un faible pourcentage d'eau dans la bouteille – pour masquer au mieux le goût immonde que cela donne -, '' l'eau '' de vie imprègne les tissus du corps du crapaud qui recommence alors légèrement à gonfler et reprendre sa forme initiale. Ainsi se retrouve un corps trop gros pour le goulot dans un récipient où il se porte pas trop mal, quoi qu'un peu à l'étroit.

Il partageait beaucoup de points communs avec tout ceci. Il venait d'il y ne savait où, pas plus qu'il ne parvenait à expliquer comment ou pourquoi il était là. Simplement, il n'y avait rien d'autre que lui dans l'immensité, alors il avait pu y grandir, se développer, s'affirmer. Avec le temps, il était devenu celui que l'on connaissait sous le nom de Natsuki. Il avait fait de ce corps sa maison, de cette enveloppe sa possession.

Jusq'à ce que le titre de propriété soit disputé par l'ancien contenu du réceptacle dix ans plus tôt.

Une bouteille n'avait qu'une contenance limitée, et pas la possibilité d'expulser l'un des deux corps solides en trop. C'est ce qui en résultait la lutte entre les deux pour s'accaparer le plus de place. Du moins, jusqu'à ce que Shigo trouve pertinent d'arracher la poire hors de sa bouteille, de faire sortir le bateau de son bocal d'exposition, d'extraire le crapaud de son sépulcre alcoolisé. Car maintenant, quelles étaient les chances de les remettre dans la bouteille ?

Sauf que Natsuki n'était ni une poire, ni une maquette de navire, ni un batracien momifié. Il était une volonté persistante, un esprit indomptable qui ne laissera pas la taille d'un goulot l'empêcher de forcer son chemin. Et il ne s'agissait pas d'arracher sa victoire par la colère et la rage de vaincre, face à cette émotion il n'avait aucune chance : c'était sa détermination sans faille qui allait le conduire à reprendre ce qu'il avait acquit et revendiquait maintenant comme étant sien. Tel l'homme qui se tenait face à la mer pour défier ses vagues implacables, il ne se laissera plus jamais emporté : il était celui qui deviendra l'océan.

Celui que même la tempête qui éclatait aux portes de Konoha craindra.

Deux ans. Deux ans que j’étais à la tête de ce village. Et être Hokage, c’est comme… des montagnes russes avec ses hauts, ses bas, son rythme, ses passages à vide mais surtout ses moments où tu te dis « mais qu’est-ce que je fous-là ? ». C’est précisément de ce moment-là que je veux vous parler, ce moment où t’es prête à échanger ta vie contre n’importe qui, même si c’est David Charvet tu t’en fous tu prends.

Debout en veste de Kage dans une salle un peu trop chaude malgré le soir qui pointait, j’étais en conférence avec des grands commerciaux du pays sur des accords. En plein milieu de la réunion, alors que l’un des opposants les plus véhéments à ma politique était en train de prendre la parole, deux Chûnins firent irruption. La consigne était claire lors de ces évènements : l’interruption n’était possible qu’en cas de soucis majeur impliquant la sécurité directe du village. Ils s’approchèrent de moi, ignorant les plaintes de l’homme qui parlait et me chuchotèrent quelques mots à l’oreille. Restant stoïque extérieurement, tous mes sens s’éveillèrent à l’intérieur. Les remerciant, ils quittèrent la salle. Tapotant quelques secondes la table devant moi avec mes doigts, je finis par faire un sourire aux hommes d’affaire devant moi.

« Bon. On en a terminé pour aujourd’hui. Je vous recontacte pour la prochaine réunion. »
« Yamanaka-Dono ? Nous sommes loin d’en avoir fini pour ce soir ! »
« Je ne me rappelle pas vous avoir demandé votre avis. »

Je quittai la salle rapidement, les laissant pantois devant l’évident manque de diplomatie dont je venais de faire preuve. Trois escouades créées d’urgence se trouvaient à l’extérieur du bâtiment, dont le responsable de la surveillance de la forêt environnante. Attachant mes cheveux tout en marchant, j’écoutai le rapport de ce dernier, réfléchissant à toute vitesse.

Nara Natsuki. Fidèle bras droit, shinobi d’exception, homme d’excellence. Quelqu’un comme on en fait plus. Mais la nature fait apparemment bien les choses : elle équilibre le bien et le mal en chacun de nous. Toutes les qualités de Natsuki avaient un prix, un fardeau qu’il portait à bout de bras depuis des années. Le bien du Nara, son aura bienfaitrice était contrebalancé par un abominable démon, créature abjecte et destructrice qu’il avait appris à contrôler au fil des années mais qui, au demeurant, pouvait toujours reprendre le dessus parfois. Conscients de cet état de fait, nous avions fait en sorte de prévenir tout excès : le « démon » Natsuki était connu des services de renseignement de Konoha. Pas en tant que Nara Natsuki : mais en tant que « menace potentielle » dont l’Hokage se chargerait directement s’il venait à poindre.

« Une escouade va chercher Takeo. Vous lui dites de se tenir prêt à déclencher l’alerte maximale si le démon n’est pas canalisé. Une autre se charge de mettre en sécurité les habitants se trouvant proche du village. Une dernière va me chercher Bankichi. Dites-lui de me retrouver au plus vite aux portes. »

Les escouades e dispersèrent aussitôt. A peine arrivée aux portes du village qu’un cordon de sécurité s’y trouvait déjà, venu accueillir leur supérieur. Yamanaka Shigo était là, et criait des palabres incompréhensibles : mais il avait visiblement été la proie du Nara. Je me rapprochai de lui, les sourcils froncés.

« Le rapport attendra. Le démon dont tu parles est une priorité. »

Je me tournai alors vers un Jônin alentour.

« Amenez le au palais et garde le sous surveillance permanente. Et n’oubliez pas que c’est un Yamanaka. »

Sous-entendu : « ne restez pas seuls avec lui ». Ils emmenèrent le Yamanaka pour que je puisse m’en occuper plus tard ; en attendant, je devais m’occuper d’un problème plus grave. Je montai sur les remparts, regardant les cimes des arbres qui s’étalaient devant moi. Inutile d’être senseur pour ressentir cet aura qui approchait à grands pas. Je croisai les bras, le vent faisant vaciller ma cape d’Hokage et mes cheveux. Aucun sourire, aucune marque de moquerie sur mon visage. J’arborai un air très sérieux que peu me connaissait.

« Rentrez. Fermez les portes. Et ne faites rien tant que le démon n’est pas entré ou que je ne vous en donne pas l’ordre. Inuzuka Takeo a été prévenu. Hyûga Bankichi aussi. En cas de problème, référez-vous à eux. »
« Mais… Hokage-Sama ! »
« C’est un ordre. »

Ils restèrent interdits pendant quelques secondes avant d’acquiescer et de repartir, fermant les portes. Me laissant tomber pour faire face au démon, je me mordis le pouce, faisant perler quelques gouttes de sang. Puis, rapidement, trois immenses insectes apparurent, longeant les remparts, creusant sous le sol, montant dans les arbres. A peine furent-ils apparus qu’ils émirent un grognement : ils avaient compris.

Spoiler:

« Dès qu’il arrive, vous l’attrapez. Tous les trois. Et vous ne le lâchez pas. »

Tous trois acquiescèrent et se préparèrent. Il n’allait plus tarder. Quelques secondes tout au plus. Et il se présenta enfin. Le démon dont j’avais tant entendu parler. Activant une anticipation, je vis les trois énormes corps de mes invocations fondre sur lui pour le maintenir immobile. Je m’avançai vers lui. Je fixai le démon dans ce qui pourrait être ses yeux, l’air grave, dangereuse, alors qu’il était maintenu immobile.

« Te voilà donc... J’ai tellement entendu parler de toi, démon… »

Je m’approchai de plus en plus, essayant de faire rivaliser ma propre aura de chakra avec la sienne.

« Rends ton enveloppe à Natsuki… Ou les prochaines minutes te feront regretter l’enfer duquel tu es venu. »

Rien n'arrêtait sa course. Ni les pierres, ni les arbres, ni la fatigue. La créature qu'il poursuivait continuait de prendre la fuite, et creusait même la distance, sans que cela l'émeuve pour autant. Au contraire, cela ne faisait qu'attiser sa rage, laquelle supplantait complètement la douleur de ses blessures ignorées. Le corps ne se mouvait qu'avec une seule idée, celle de déchaîner sa puissance destructrice aveuglément : ce qui bougeait n'était que des priorités.

Peu à peu, la créature masquée disparaissait, mais pas sa piste. Son instinct le plus primaire le guidait vers elle, à moins que ce n'était simplement que dû au fait qu'il n'allait jamais ailleurs qu'en ligne droite. L'un dans l'autre, le sillon qu'il traçait dans la forêt finit par en rejoindre l'orée. Les remparts de Konoha s'élevèrent au loin dans la plaine.

Leur vue lui fit comme un choc, et l'espace d'un instant, il freina sa course progressivement jusqu'à s'immobiliser. Les bras pendant le long du corps, le souffle rauque et court, son regard enragé se posa sur cet horizon devenu familier avec le temps.

Puis le paysage se précisa, prenant la forme d'une autre silhouette qui l'attendait. Des monstres apparurent, immenses, mais leur taille ne fit même pas ciller. L'instant perplexe éclata. Il hurla dans une déferlante de rage, héraut de la mort qu'il semait, et s'élança sans la moindre appréhension vers les créatures qui venaient à sa rencontre.

Une première se jeta sur lui, titanesque, et se retrouva rejetée en arrière par une succession de violents uppercut. Mais cela ouvrit sa garde, et la seconde, plus petite, l'enserra dans les anneaux de son corps strié. Il poussa un hurlement rageur, jouant à force égale contre la créature pour se dégager. Il se débattait, ses forces décuplées par une colère viscérale, il criait, mordait, mais pour chaque bras qu'il libérait pour frapper, un autre des monstres le cinglait de coups pour le neutraliser.

Il avait beau se déchainer, même sa puissance dont la rage levait toutes inhibitions avait ses limites. Entre les blessures, la fatigue, et la coordination parfaite des trois créatures qui se montraient bien plus ordonnées que lui, il était devenu incapable de bouger. Ce qui ne l'empêchait pas de continuer d'essayer avec une détermination indéfectible.

La menace était partout, omniprésente autour de lui, mais lui, il ne la percevait pas autrement qu'une nuisance, un obstacle qu'il devait briser. La seule chose qu'il savait faire. La seule chose à laquelle il pouvait penser.

Et cette distraction était plus que bienvenue. Car si sa rage était semblable à un incendie, qui ne faisait que croître à mesure qu'elle consumait, une immense vague continuait de forcer son chemin sur des terres de feu pour tout engloutir. Le vent tournait.

Jadis, Natsuki ne pouvait pas réfréner des pulsions comme celles qui éclataient aujourd'hui. C'était comme vouloir empêcher un poisson de nager, c'était plus intense que la nécessité de respirer. Il pouvait tenter de retenir son souffle, essayer de résister, mais cela ne marchait qu'un temps. Car après, cela commençait à brûler, le besoin de happer de l'air se faisait plus insistant, plus intense. Et plus il essayait de résister, plus il tentait de faire taire cette envie qui le dévorait, et plus elle s'imposait à son esprit, devenant une idée fixe de laquelle il ne pouvait se détourner. Elle devenait le centre de son monde, elle l'obsédait, elle le consumait, elle l'acculait jusqu'à ce que la démence le pousse à succomber. Tout cela pour découvrir que l'air était empoisonné. Que céder à sa rage obsessionnelle n'apaisait pas ses pulsions, que sa soif n'était en rien étanchée. Que le seul antidote au poison, c'était le poison lui-même, et qu'il n'y avait plus que cela dans sa vie. Qu'il n'y avait plus de place pour quoi que ce soit d'autre.

Mais les choses avaient changé depuis. Grâce à différentes personnes, mais surtout, grâce à Oniri. L'incendie qui le consumait autrefois n'était plus qu'un petit tas de braises. Sans surveillance, sans contrôle, il pouvait très bien à nouveau grandir, mais plus jamais assez pour tout ravager. Car Natsuki était devenu l'océan insondable, il était la tempête sous laquelle les flammes étouffaient.

Ayumi avait cerné le feu durant un bref instant, celui qui fut nécessaire à la vague pour trouver la brèche : elle frappa. Elle frappa encore, s'abattant sur la faille pour la creuser, l'écarter, l'agrandir, la façonner jusqu'à pouvoir entièrement pénétrer. La rage qui brûlait ce corps se retrouva elle-même noyée. La furie sombra, et avec elle, sa force, sa soif de destruction, sa pugnacité.

Il se débattit encore, mais comme croulant sous un épuisement qui se rappelait soudain à lui, ses gestes manquèrent de plus en plus de conviction. Un éclat de lucidité revint alors que la fureur mourait. L'esprit reprenait ses droits sur sa conquête, tout en souffrant de toutes les séquelles de la bataille déraisonnable que son corps avait mené. Ses bois tombèrent, rompu, tout comme sa carapace qui s'effrita et s'émietta sous la compression exercée dessus.

Mais sans sa force colossale, il n'était plus qu'un homme aux prises avec des scolopendres titanesques. Natsuki était écrasé, il suffoquait. La douleur se rappelait à lui, s’additionnant au reste, atroce, mais il n'avait même plus assez d'air dans les poumons pour crier. Il ne pouvait qu'agoniser silencieusement, les yeux révulsés.

L'esprit encore embrumé et un corps laissé sur une bataille pas tout à fait terminée, l'issu était pourtant déjà certaine.

Les conséquences un peu moins...

Spoiler:

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La messe est dite.

L'Hokage elle-même est descendue dans l’arène pour sauver son bras droit de la destruction interne. Il ne manque plus que de le soigner efficacement, ce qui va durer un petit temps tout de même car son corps est véritablement exténué, poussé jusqu'à ses derniers retranchements. Une fois qu'il est confirmé comme étant de-nouveau sain d'esprit, il est rapatrié d'urgence à un centre hospitalier.

Le soulagement est bien présent parmi les spectacteurs de cet acte final. Ils sont également témoins de la capacité de l'Hokage à résoudre des problèmes graves et importants. Le bras gauche de l'Hokage, prêt à intervenir en cas de danger, s'autorise même un sourire avant de disparaitre dans les ruelles de Konoha.

Shigo, pour sa part et accompagné par deux gardes, est demandé dans une salle du complexe de l'ANBU pour un debriefing. Car personne ne sait exactement ce qu'il s'est passé dans ce temple.

Spoiler: