Être utile au village [Apprentissage avec Ruri]

L'ambiance était devenue rapidement lourde dans le bureau du docteur Shishio. En désirant lui faire comprendre qu’il doit comprendre la réalité des autres, participer à cette dernière et faire des concessions, le psychologue a rencontré un mur : Akai s’est renfermé. Complètement fermé à la discussion, le jeune Genin encore fraîchement sorti de l’académie la moue sur le fauteuil en ayant les bras et jambes croisés.

« Allons, Akai, » tente de reprendre l’homme à la barbiche blanche. « Il faut poursuivre! »

L’interpelé ne répond qu’avec un claquement de langue agacé.

« Je sais que tu as eu de la difficulté avec les autres à Odaichi, à l’école et aussi à l’académie, mais là c’est différent! Tu es Ninja, tu dois participer aux entraînements, tu dois t’intégrer et essayer de faire confiances aux autres! »

Akai secoue la tête, affichant une expression découragée. Le docteur note que l’adolescent aux cheveux blancs serre sa poigne sur ses biceps sans savoir pourquoi.

« C’en est assez! » s’énerve le professionnel. « Tu agis comme un gamin! Tu veux jouer à ce jeu? Hé bien, je révoque la permission de sortir que tu avais! »

Aussitôt, le Shinobi se redresse et se tourne vers le docteur Shishio. Il affiche maintenant un regard surpris, voire outré.

« Non! » dit-il.

« Si! » éclate l’homme.

« Mais, docteur! Je voulais voir mes parents! Ça fait des mois… »

Le professionnel se calme, bouge un peu dans sa chaise et prend quelque chose en note.

« Bien. Si tel est le cas, tu devras me prouver que tu veux faire des efforts. »

Le médecin change de page dans son carnet. Akai, quant à lui, secoue la tête de plus belle, apparemment terriblement importuné.

« Je viens tout juste de terminer les examens et d’avoir mon bandeau! »

L’homme ne quitte pas son cahier dans lequel son stylo glisse encore.

« Écoutez, docteur Shishio! J’ai fait beaucoup d’efforts déjà et… Et, personne ne veut de moi! Ça ne fonctionne jamais. Je veux juste aller me détendre un peu chez moi! »

Le quinquagénaire arrache un papier et le tend à son patient qui le prend.

Note de Shishio:

« Quoi? » demande le Genin après avoir lu.

L’homme se lève et se dirige vers son bureau.

« Il te faut un droit de passage pour sortir, Akai. Je vais faire un appel, à l’instant, pour m’assurer que les gardes ne te laissent pas passer sans. Si tu veux te rendre chez toi pour te détendre, il faudra compléter un entraînement. »

Irrité, l’adolescent se lève d’un bond en chiffonnant la page. Il se dirige vers la porte d’un pas enragé.

« Hé! Tu auras besoin de le faire signer! Ramène-moi cette page-là! »

Il hoche de la tête une seule fois, la main sur la poignée.

« Et cesse de faire l’enfant! Tu es un Shinobi, pardi! Tu t’entraînes à tuer des gens! Ta vie est en danger et la sécurité du village aussi, si tu es trop décontracté ou peu sérieux. »

Et, cette nouvelle notion le frappe avec puissance.

*C’est vrai! Depuis le début, depuis que les chasseurs de têtes ont dit que j’avais le potentiel de devenir Ninja et m’ont apporté à Sunagakure, je me laisse diriger, mais maintenant j’aurai des missions et des aventures dangereuses!*

« Vous… Vous avez raison, » répond-t-il en dépliant le papier et en le rangeant dans sa poche. « Je reviendrai avec une signature. »

Le Genin quitte la pièce vers les terrains d’entraînement alors que le docteur s’assure que quelqu’un y sera pour lui montrer ce dont il est capable, lui enseigner plus que ce dont il était question dans les livres et les cours à l’académie.

Comme tous les jours, j'allais relever le courrier de notre boîte aux lettres. Je n'étais pas vraiment surprise d'y trouver une demande d'apprentissage à mon nom. Cela arrivait de plus en plus fréquemment : Suna me demandait d'entraîner des jeunes gens. J'appréciais la confiance qui m'était accordée. Cela me motivait encore plus pour mon projet et me confirmait que j'étais sur la bonne voie. Les jeunes shinobis de Suna avaient besoin de plus de stabilité.

Aujourd'hui, cette demande différait un peu différente des précédentes. Elle venait bien des hautes instances de Suna mais la demande en elle-même ne venait pas du Genin en question, mais de son docteur. Son psychologue, plus exactement. C'était assez surprenant, mais ce n'était pas cela qui allait m'empêcher d'enseigner à ce jeune adolescent. Quelques mots décrivaient brièvement le shinobi : "Jeune homme solitaire, à tendance parfois dépressive, cherchant sa place dans la société. De nature calme." Ces mots étaient assez réducteurs pour toute une personne, mais soit.

Le jeune homme était donc un introverti un peu perdu. Bien sûr, l'idée de mon centre m'était tout de suite revenu en tête. C'était pour des adolescents comme ça que je souhaitais l'ouvrir. S'il se sentait seul et perdu, je voulais que la communauté - qui allait bientôt voir le jour - soit un endroit où il se sentirait en paix.

____________________________________________________________

Les terrains d'entraînement étaient, comme d'habitude, le lieu de rendez-vous. Et comme d'habitude, je portais ma tenue d'entraînement. J'allais être le sensei, mais je m'apprêtais aussi à être une oreille attentive si l'adolescent décidait subitement de se confier. J'étais pile à l'heure, je n'avais plus qu'à attendre que le dénommé "Mashiro Akai" se présente.

Un jeune homme arriva sur les terrains. Cheveux blancs, yeux de différentes couleurs, c'était forcément Akai. Il était vraiment grand, pour son âge. J'allais à sa rencontre. Avec un sourire, je le saluais de façon traditionnelle japonaise, comme d'habitude, en baissant légèrement le haut du corps. Je lui tendis ensuite un petit papier sur lequel était écrit :

« Je suis Chikamatsu Ruri, enchantée de faire ta connaissance. »

Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais écrit ces mots. Je poursuivis sur mon petit carnet :

« Cela doit te surprendre, mais ces petits messages sont ma seule façon de communiquer. Je suis désolée. »

Toujours avec un sourire rassurant et amical. Pour la technique que je devais lui apprendre aujourd'hui, j'avais pensé à une protection. Pour un jeune garçon introverti, la protection me semblait correspondre et surtout pour un premier contact.

« Est-ce que ça te dirait... d'apprendre ça ? »

Je posais un sceau au sol et reculant de quelques pas pour ne pas me retrouver dessous, j'activais le sceau, libérant un dôme doton.

Lorsqu’il arrive aux Terrains d’Entraînement, devançant de quelques minutes l’arrivée d’un long Stratoscumulus privant toute la région des chauds rayons du soleil, l’adolescent ne réalise pas que son enseignant s’y trouve déjà. Il allait se retourner pour s’installer sur une des hautes pierres qui entourent les dalles pour observer le groupe sur la plateforme plus éloignée pratiquant une série de mouvement alors qu’une dame vient à sa rencontre, souriant.

Son sourire gène Akai qui fronce des sourcils inconsciemment.

Elle lui présent un carnet sur lequel il est inscrit son nom ce à quoi le Genin n’a de réponse qu’un haussement perplexe du sourcil. La seconde page que la prénommée Ruri lui montre explique sa condition et, aussitôt, Akai se sent ridicule d’avoir été sur la défensive. Cependant, avant même qu’il ne puisse bredouiller quoi que ce soit comme excuse, elle tourne la feuille qu’il lit aussitôt.

*Ah!? Ruri sera mon enseignante donc!* pense-t-il alors qu’elle s’éloigne de quelques pas. *Mais, quelle vision machiste et puéril j’avais, de croire que tous les Ninjas sont des hommes aguerris aux cicatrices visibles et aux attitudes sombres et froides!*

Ruri pose un symbole au sol et recule un peu sous le regard encore incertain d’Akai qui n’a toujours pas prononcé un seul mot ni émit un seul son.

*Évidemment que n’importe qui peut être Shinobi! Il suffit de bien comprendre la Chakra et d’avoir l’intérêt de s’entraîner pour s’améliorer! Pratiquement n’importe qui dans cette cité peut être un Ninja et il serait possible que je ne le sache jamais!*

Soudainement, une sphère sort de la terre!

Surpris, le Genin sautille vers l’arrière, sur la grande roche.

*Si elle avait voulu me blesser, elle aurait pu le faire sans que je ne puisse faire quoi que ce soit,* réalise-t-il intérieurement.

Devant lui, un dôme suffisamment grand pour contenir quelqu’un prend une petite partie du terrain en tuile. La forme orbiculaire est faite de terre, de roches et de sable. Les dalles se trouvant à proximité sont toutes brisées et déplacés.

*C’est tellement loin de ce qu’on apprend à l’académie! Utiliser le chakra pour courir sur des surfaces difficiles ou créer des clones de soi-même…* pense l’adolescent en redescendant de son perchoir.

Il contourne l’objet et va à la rencontre de son nouveau maître. Il cherche à l’observer profondément dans les yeux pour y dénicher quelque chose, mais n’arrive qu’à baisser le regard.

*Elle est muette et elle vit dans un monde de morts… Son handicap ne la retarde pas…*

Brusquement, le jeune homme se sent terriblement insignifiant. Il a l’impression d’être un fainéant, d’être la raison de son mal et de n’être rien de plus qu’un enfant gâté même si ce n’est pas le cas.

*Si Ruri peut arriver à ce niveau malgré le fait qu’elle ne puisse pas parler, si elle arrive à chercher à enseigner et à sourire pour les autres, pourquoi suis-je si renfermé et pourquoi est-ce que je n’arrive jamais à m’intégrer? Peut-être que je ne faisais pas des efforts suffisants… Peut-être ai-je simplement été malchanceux!*

Finalement, après un instant d’introspection, le Genin trouve la force de soutenir le regard de son enseignante. Il lui sourit subtilement et hoche doucement de la tête pour confirmer qu'il veut bien apprendre ce pouvoir.

*J'ai tant à apprendre avant de réussir à être utile. Je ne laisserai pas mes craintes et mon angoisse cannibaliser mon futur!*

Tiens donc, le jeune adolescent n'avait pas décroché un mot depuis notre rencontre. Pas de bonjour, ni de présentation, ni même de "oui" clair et précis à ma question. Il était seulement passé par tout un tas d'expressions faciales intéressantes. Etait-il muet, lui aussi ? Impossible, je l'aurais certainement lu dans son dossier. C'était donc ça, être introverti... Pourtant, pour établir une relation de confiance, je devais réussir à le faire sortir de sa coquille.

« Dis Akai, tu voudrais que je te dise le secret de la réussite ? » écrivais-je d'un air très sérieux. « Tout le secret tient en un mot : MOTIVATION ! »

Je lui montrais les phrases au fur et à mesure, mais n'ayant toujours aucune réponse de sa part, je continuais d'écrire :

« Ce n'est vraiment pas une blague. Si tu penses des choses négatives sur toi-même ou sur les autres, tu as beaucoup moins de chance de réussir ce que tu entreprends, car tu dictes toi-même à ton cerveau que cela va mal se passer. Alors que si tu pars en te disant que tu vas réussir (et c'est le cas, je te le promets), tout viendra plus facilement. C'est là tout le secret de notre monde : la négativité attire la négativité. »

Je ne savais pas vraiment pourquoi je lui disais tout cela. Bien que nous ayons des parcours différents, je me retrouvais sûrement dans l'adolescent perdu et enfermé dans une spirale de malheurs. Depuis que j'avais décidé moi-même de prendre ma vie en main, les choses positives venaient à moi comme par enchantement. Même si nous ne pouvions éviter certains évènements malheureux dans notre vie, le tout était d'y croire sincèrement. La recette n'était pas complète sans un minimum de chance et un maximum d'efforts, mais ce serait la leçon de la prochaine fois.

« Alors crois en toi, Akai ! Moi, je crois en toi. Lance-moi un : "Oui, je veux apprendre !" plein de bonne volonté ! Je ne t'y oblige pas, bien sûr. »

Je lui souriais sincèrement car d'une, le sourire est parfois communicatif et de deux, je croyais vraiment en ce que je lui disais. Libre à lui d'appliquer ou non ces conseils, chacun suivait sa propre destinée après tout. Il était maintenant tant de commencer la leçon en tant que telle.

« Tu pratiques le Ninjutsu, c'est bien ça ? Je fais cela en Fuinjutsu, mais c'est facile d'adapter la technique à ta Spécialité. Après tout, nous manions tout deux le Doton ! »

*La motivation?*

L'enseignante Chikamatsu Ruri-sama a une méthode pédagogique particulière; elle cherche non seulement à transmettre une habileté au Genin, mais aussi à lui inculquer une nouvelle vision ou approche par rapport à la vie. Évidemment, comme un os fracturé qui a pris une mauvaise forme en se réparant seul, il sera difficile de le redresser sans le briser. Quelqu'un qui s'est toujours senti au second rang, d'être qu'un figurant, n'arrivera pas à devenir le héros de sa propre qu'avec des mots, aussi encourageant soient-ils; il est primordial qu'il le veuille.

Ces faits sont connus à la fois du mentor et de l'apprentis. Nonobstant, les deux sont prêt à tenter le coup malgré les efforts et, potentiellement, risques qui en découleront. Ainsi, la dame montre différents papiers les uns après les autres sur lesquels des messages de plus en plus stimulant sont inscrits et Akai les lit avec attention, l'expression toutefois perplexe.

Lorsqu'il quitte le message lui demandant de s'exprimer, il est pris d'un curieux vertige. Non pas qu'il soit effrayé de parler à des gens qu'il ne connait pas, mais plus il distance sa premier phrase, sa première parole, plus le Genin sent qu'elle doit être bonne, qu'elle doit être intéressante.

*Oui... Je veux apprendre!* pense-t-il croise le regard de sa professeure, la bouche entrouverte.

Cette dernière soutient son regard un moment, sans le moindre malice, et sourit. Son visage éclaire d'une manière que le Shinobi n'avait jamais vu auparavant.

*Cette femme, elle est différente.*

Elle lui explique la différence entre leurs capacités, chose qui ne choque pas l'adolescent. De ce fait, il ne connait pas très bien ce qu'est que le Fuinjutsu, si ce n'est que des symboles inscrit sur des parchemins qui permettent de faire apparaître des objets. Il sait aussi qu'il est possible d'emprisonner des gens ou de pouvoir suivre, d'une certaine manière, le trajet d'un item grâce à cette spécialité. Au final, il ne sait que les points importants nécessaires à l'obtention de son bandeau, c'est-à-dire les réponses aux questions de l'examen écrit de l'Académie.

Et, elle reste ainsi, soudainement plus silencieuse, souriante. Akai se gratte nerveusement le dos de la main puis l'arrière de la nuque. Ses yeux reviennent difficile à la rencontre de ceux de Ruri, mais il baisse aussitôt le regard. Il secoue la tête et soupire longuement.

Il prend une inspiration.

« Je veux apprendre, » dit-il de sa voix fébrile, mais profonde. « Je connais les Mudrā et je sais comment malaxer mon chakra ainsi que l'utiliser, mais je n'ai encore rien de concret à faire avec. J'ai fait des tests pour l'affinité du chakra et j'aurais un penchant pour le Dôton, mais je ne m'y sens pas réellement lié. »

Un sourire en coin apparaît subtilement.

« J'avais bien pensé à faire sortir une main du sol. J'aimais l'idée que la terre soit le prolongement de mon corps. »

Akai passe son autre main dans ses cheveux, regardant les autres personnes sur la section élevée des terrains d'entraînement.

« Sauf que je ne vois pas comment y arriver. »

Son attention revient à son mentor.

« Dame Chikamatsu. Je suis peut-être un peu en retard sur les autres et je ne connais pas beaucoup de choses sur le monde des Ninjas, mais... »

Il penche respectueusement la tête.

« Mais, je veux apprendre. »

Ce n'était pas tout à fait le cri de motivation que j'espérais mais toutefois, il avait parlé ; il avait émis son souhait d'apprendre et ça, c'était déjà un grand pas en avant. Il parlait également de ses capacités, qu'il pensait moindres. Le jeune ninja ne connaissait que les bases théoriques de l'Académie, voilà tout. L'expérience venait justement... en expérimentant.

« Tes limites sont celles que tu t'imposes toi-même, Akai. »

Décidément, je disais des choses très profondes ces temps-ci. Il y avait quand même du vrai dans ce que je disais. Ses limites, actuellement, ne relevaient pas de la puissance ou des capacités : elles étaient seulement mentales.

« Il faut un début à tout. Tu veux apprendre ? Voilà un très bon début. Le début de ta vie de Shinobi ! »

En plus, il avait des idées. Pourquoi ne les mettait-il pas simplement en application ? Ce garçon se posait beaucoup trop de questions. Attendait-il que quelqu'un lui montre, lui ordonne ? Son état d'esprit était beaucoup trop passif.

« Tu ne te sens pas lié au Doton ? Ce n'est pas grave, nous allons commencer par t'y lier. Assis-toi par terre. »

Une phrase que je répétais beaucoup ces temps-ci. Moi-même, je m'essayais sur le sol pour l'inviter à faire de même.

« Tout ce qui nous entoure possède son énergie propre. Il est facile de la voir chez les êtres vivants, les humains, les animaux. Mais la Terre en possède aussi. Chez les Shinobi, nous appelons notre énergie le chakra, tout simplement. »

Et la preuve de ces fondements était là : lorsque nous sommes vidés de notre chakra, nous mourrons. Mais inutile de parler de la mort maintenant.

« Pose la paume de ta main contre le sol. Peut-être ne sens-tu rien, peut-être ressens-tu des vibrations, cela dépend des personnes. Mais quand tu auras fini de lire ce message, tu fermeras les yeux et tu visualiseras ton chakra, parcourant tes bras pour arriver dans tes paumes et finalement s'infiltrer dans la terre. Le chakra circulant entre la terre et toi sera votre lien. »

Je me prêtais moi aussi à l'exercice, fermant les yeux. C'était un exercice que j'adorais, d'ailleurs. Mon expérience la plus marquante s'était déroulée dans la forêt de Ki no Kuni, lorsque j'avais partagé mon chakra avec l'Arbre-Dieu. Je n'essayais pas d'espionner le jeune Genin pour voir s'il se prêtait au jeu. Il devait faire cela pour lui, pas pour moi. Ma place ici ne tenait qu'au simple guide.

Suivant les instructions de sa nouvelle Sensei, l’adolescent s’assoie. Il fronce des sourcils, concentré à sentir la force du sol ou son énergie sans y arriver pour autant. Il est écrit dans le cahier de Ruri un conseil : de fermer les paupières et de suivre le trajet du chakra à partir de ses membres. Akai tente l’expérience.

Sa main se pose contre la dalle du terrain d’entraînement. Elle est plutôt chaude vu la température, malgré le grand nuage occupant la majeur partie du ciel. Par la suite, il focus sur son énergie comme il l’a appris à l’académie, comme lorsqu’il a dû montrer sa capacité à créer des clones sans réellement en avoir retenu la leçon. Le Genin arrive à sentir le flux de son énergie, son chakra. Il peut même s’imaginer son trajet et son mouvement.

Il reste ainsi un moment à chercher de l’obliger à communiquer avec la terre, à dévier sa trajectoire vers l’élément avec lequel il est supposé être lié. Au loin, on peut entendre les jérémiades et gémissements des combattants ainsi que les sons des oiseaux se trouvant dans les environs.

Akai a un rictus irrité.

Il n’y arrive pas.

Après encore quelques secondes, il ouvre les yeux et inspecte sa main. Pourtant, rien n’indique qu’il n’est pas en contact avec le sol.

*Alors, pourquoi est-ce que je n’arrive pas à sentir la terre?*

Et, soudainement, l’illumination; il a une épiphanie!

*Je ne touche pas à la terre!*

D’un mouvement brusque il se relève et se rend près du dôme de dame Chikamatsu où il se replace en position du lotus. Là, les dalles sont brisées et, à certains endroits, émiettés. Il appose ses doigts contre la terre fraîche et humide. Avant de fermer les paupières de nouveau, il aperçoit quelques insectes fuir sa présence sous les tuiles et la rocaille.

Utilisant la même méthode, il cherche à prendre contact avec l’énergie de la terre que mentionnait Ruri. Le Shinobi veut réellement y arriver.

Peut-être même trop.

*Aller! Fonctionne! Connecte-toi, la terre!*

Sa volonté se confronte à ses peurs et à son irritabilité. Il sent monter en lui la rage de l’impuissance. Sa concentration en est perturbée si bien qu’il a de la difficulté à garder les yeux clos.

*Qu’est-ce que je fais d’incorrect? Ma main touche la terre directement! Je peux sentir le flot du chakra! Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à le voir se dissiper dans le sol! Merde! Merde! Merde!*

Il ne ressent pas de vibrations ni de force, le jeune homme n’arrive pas à entrer en relation avec la planète, avec l’énergie du monde.

*Je n’y arrive pas! Pourquoi? Je ne suis pas assez… bon? Pas assez compétent?*

Il lève le poing avec le ferme désire de le fracasser contre cette damnée terre qui ne veut pas communiquer avec lui, mais il stoppe, net. Les encouragements de Ruri lui reviennent en tête.

« Dis Akai, tu voudrais que je te dise le secret de la réussite ? Tout le secret tient en un mot : MOTIVATION ! »

« Si tu penses des choses négatives sur toi-même ou sur les autres, tu as beaucoup moins de chance de réussir ce que tu entreprends »

« Crois en toi, Akai ! »

« Tes limites sont celles que tu t'imposes toi-même, Akai. »

Il secoue la tête et expire.

Sa main touche la terre de nouveau, calmement.

*Aller, la terre! On est coincé ensemble!*

Il se force même à sourire, en espérant que ça lui donne une petite chance additionnelle.

Quand, par surprise, il discerne un picotement au creux de sa main. C’est une sensation similaire à celle d’un vaccin ou d’une prise de sang. Quelques secondes plus tard, quelque chose de nouveau s’éveille en lui. Au loin, très loin, vraiment très loin, il dénote une sorte de pulsation. Inconsciemment, son visage se tourne dans cette direction générale, mais ses paupières restent fermées.

« Oh! »

*C’est comme des petites rivières. Le sol bouge, je le sens.*

Un bruit très près de lui le surprend et l’oblige à ouvrir les yeux.

Devant lui, une minuscule stalagmite est érigée. À côté de cette colonne, il y a un morceau de dalle cassée en quelques pièces.

« Je l’ai fait, » dit-il sur un ton neutre, son visage affichant cependant un réel étonnement.

Après avoir ressenti les pulsations de la terre, j'ouvrais quand même les yeux pour vérifier si mon apprenti avait des problèmes. Il s'était prêté au jeu et était assis sur les dalles du terrain d'entraînement. Je l'épiais discrètement, ne voulant pas gâcher sa concentration. Au vu de ses sourcils froncés et de son air renfrogné, il avait certainement des difficultés pour ressentir le chakra de la terre. Mais il semblait persister, ce qui était en tout cas un bon point.

Il se leva brusquement et s'éloigna rapidement. Etait-il frustré au point de quitter l'entraînement sans un mot, sans se retourner ? J'étais sous le choc. Mais ce fut de courte durée, car l'adolescent se rassit au sol, tout près du dôme que j'avais invoqué quelques minutes auparavant. Oh ! Je comprenais, à présent. Il voulait toucher la terre directement.

En ayant un lien direct avec la terre, il avait réussi l'exercice beaucoup plus vite : une petite colonne s'était même formée, preuve qu'il été lié avec l'affinité. Je me levais et m'approchais, tout en tapant dans mes mains pour le féliciter. Il déclama un : "Je l'ai fait." tout à fait neutre, sans une once de fierté, mais je ne m'en formalisais pas.

« Tu vois, tu en es capable ! C'est très bien. Mais maintenant, nous allons aller sur les terrains non dallés, histoire de ne pas tout détruire. D'accord ? »

Je n'avais aucun doute sur le fait que la facture me serait envoyée pour réparer les dégâts, mais il fallait tout de même mieux se déplacer dans un endroit sans dalles. Arrivés sur place quelques mètres plus loin, je posais à nouveau le sceau du dôme au sol et l'invoquais, pour avoir un modèle sous les yeux. Esquivant la technique de quelques sauts périlleux arrières, j'arrivais tout près d'Akai.

« Voilà ce que tu vas faire maintenant. Exactement pareil que tout à l'heure, mais à la place d'une stalagmite il faudra donner à la terre une forme de dôme. Quand tu auras compris le principe, tu pourras le faire facilement avec des mudras. Mais pour l'instant, apprentissage ! »

Personnellement, je ne maîtrisais pas le Ninjutsu : je ne pouvais donc pas lui montrer le pas à pas. Les invocations de Fuinjutsu étaient déjà crées de toutes pièces.

« Comme tout à l'heure, tu te concentres et tu envoies ton chakra dans la terre. Mais cette fois-ci, tu dois forcer pour lui donner une forme précise. La terre suivra naturellement le cours du chakra. Je compte sur toi pour essayer jusqu'à la réussite ! »

Le mentor et l’élève marchent ensemble jusqu’à un autre terrain situé à quelques minutes, au pied d’un escalier en bois. Là, le sol, fraîchement ratissé, occupe la totalité de l’espace entre les bâtiments à l’extrémité du village et les murs protectifs. Il y a plusieurs autres groupes qui discutent, pratiquent des techniques ou s’affrontent.

Le nuage laisse place au soleil, laissant passer ces aveuglants rayons. Le Genin place une main en visière pour observer Ruri qui se positionne plus loin. Elle utilise la même technique : le Dôme de Terre.

Même si techniquement Akai comprend le lien entre son chakra et la terre et s’il arrive à communiquer avec l’énergie de la planète, un inconvénient l’empêche de pouvoir avancer plus rapidement : il ne sait pas comment utiliser le Fuinjutsu.

L’art des Sceaux écrit dérive largement de celui des Mûdras. L’enseignante lui explique qu’il doit canaliser son énergie dans le sol et que la terre réagira conséquemment, mais le Shinobi aux yeux hétérochromes en doute fermement. Il fronce les sourcils et plisse les yeux, prenant une position de réflexion avec une main sur le menton et l’autre la soutenant.

*Si je me souviens bien, les techniques Dôton se terminent souvent avec Serpent et débutent généralement avec le Sceau de la Confrontation.*

Inconsciemment, sa main se déplace jusqu’à l’arrière de sa tête, sur sa nuque, et il tient cette position, pensif.

*Seulement deux symboles? Ça me semble peu. Tous les mouvements que j’ai vu en avait au moins trois ou quatre. Dragon est souvent utilisé en Ninjutsu aussi. Donc, le Sceau de la Confrontation pour entamer, Dragon pour canaliser le chakra et Serpent pour communiquer avec la terre.*

Ses mains délaissent sa nuque et bougent d’elles-mêmes alors que les lèvres du Genin bouge doucement. Après quelques tentatives durant lesquelles il variait le flot de son chakra au-travers de ses mains, il secoue la tête et fait une moue, incertain.

Néanmoins, Akai avance de quelques pas et produit les symboles tout en malaxant son chakra. Son énergie est bien moduler et il sent le sol sous ses pieds. Les énergies communiquent ensemble, mais rien n’apparait; ses mouvements n’ont pas l’effet escompté.

Le Genin ferme les yeux et souffle pendant un instant.

*Comme je tente d’affecter le sol directement, je dois claquer le sol pour invoquer la terre! C’est ce que dame Ruri voulait dire par entrer en contact avec le sol.*

Il reproduit tous les mouvements rapidement, comme il venait de le faire et, à la fin, tous ses doigts encore entremêlés, il s’accroupie en un seul bloc et tape le sol, en ouvrant ses mains qu'au dernier moment.

Il sent une vague de chaleur provenant de son nombril jusqu’à sa main et, en une fraction de seconde, cette force pénètre le terrain d’entraînement.

Le Shinobi impact effectivement le sol, mais il manque quelque chose puisque une toute petite sphère se forme devant lui au lieu du dôme. Elle n’est pas plus grande que son pied.

« Oh… » soupire le Genin, ses traits montrant son irritabilité.

Reprenant la même position de songe, Akai analyse son résultat.

*C’est minable! Ce n’est qu’une toute petite boule! Je ne pourrai protéger personne avec ça!*

Il détourne le regard et observe le combat entre deux hommes, plus loin. L’un d’eux attaque l’autre en alternant poings et pieds. Pourtant, le second reste bien solidement ancré au sol, parant le tout avec ses mains et ses bras.

*Je pensais à envoyer une biffe avec ma connexion avec l’élément Dôton, mais peut-être que je devrais plutôt me protéger avec mes mains plutôt que de frapper.*

L’image du combattant se défendant en tête, l’attention du jeune homme revient à sa misérable sculpture circulaire au sol.

*Je pourrais ajouter Tigre,* réalise-t-il soudainement, se rappelant d’un exemple dans un des livres à l’académie. *Même si c’est un symbole habituellement Katon, Tigre permet de grossir les choses et d’utiliser les éléments!*

Hochant vivement dans la tête, Akai se met en position.

« Serpent, Dragon, Tigre, Confrontation, » murmure l’adolescent avant de faire un petit saut vers l’avant et de fracasser sa paume contre le sol.

Et, le sol réagit. Il tremble.

La vague qu’il avait ressenti la fois précédente n’a rien à voir avec celle qu’il ressent lorsqu‘il entre en contact avec la terre.

Deux mains se forment en un instant et englobe Akai entre leurs paumes. Avant que la prison de terre ne l’enferme, le Shinobi se retourne et fixe désespérément la professeure, les yeux écarquillés, surpris par l’effet.

La poigne de la terre enferme l’adolescent dans les ténèbres.

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