Le jeune homme à la chevelure verte se préparait pour une journée intéressante qui l’attendait. Mais ce n’était pas en tant que simple soldat de l’empire qu’il allait agir, non, cela ne serait qu’ennuyeuse monotonie. Non, cette fois-ci, il allait accomplir les grands desseins de l’empire sous la peau du Judicateur de la Terre, ce rôle si prestigieux qui lui a été confié il y a quelques temps. Le rôle de cet ordre de l’ombre était d’apporter la paix sur les territoires du Shûkai en employant des moyens que d’autres n’oseraient imaginer… Et Higeki n’était pas de ces peureux qui pensent que l’on arrive à obtenir une harmonie avec des fleurs. Pour avoir la paix, il faut se préparer à la guerre, que l’on dit après tout…

Le masque enfilé donc, le voilà à voyager entre les ruelles sombres d’Iwagakure pour rejoindre le lieu où il espérait retrouver sa cible-pardon, l’homme qu’il devait interviewer. En effet, Taisa Fuka semblait avoir des informations intéressantes sur la cible prioritaire de l’empire, après le village qu’était Kumo : la Rébellion. Ces chiens, non, ces rats qui voulaient essayer de ronger le Shûkai de l’intérieur devaient être arrêtés à tout prix, et cet homme était, selon les dires de son supérieur, une piste qu’il serait intéressant d’explorer. Mais hélas comme bien souvent, il est difficile de contacter des personnes pour leur demander de venir se faire torturer pour soutirer des informations.

C’est pourquoi Higeki avait choisi d’y aller de manière plus subtile. Enfin, lui indirectement. Les joies d’être nommé chef d’une région venaient avec une bande de fidèles sous ses ordres. De ce fait, il avait choisi d’envoyer ses hommes le surveiller un peu, l’observer de loin pour essayer de tirer quelque chose de ces escapades. Mais il semblerait que les rapports le concernant étaient vrais : il était doué en sensorialité, impossible de tirer quelque chose d’intéressant lors de ses sorties. Il décida ainsi d’aborder une nouvelle approche, essayant de le convaincre de le rencontrer. Envoyant un des sous-fifres qui n’était pas parti en repérage, il le força à lui donner le message simple qu’est le suivant : « Je sais à propos de Samehada. Rencontre-moi demain au bout de cette même rue. »

Et comme vous le devinez, Higeki était maintenant en poste, son masque de Judicateur sur le visage, à attendre que Taisa Fuka se montre. Il n’avait absolument aucune idée de ce qu’était Samehada, mais si on lui a dit que cette information pourrait l’aider, il n’allait pas hésiter à s’en servir. Observant brièvement les alentours, assis sur son siège de fortune en attendant son cher « invité », des bruits de pas finirent par l’interpeller. Tournant la tête, le visage toujours caché, il ne chercha pas à découvrir qui approchait, se contentant de le saluer de sa voix.

« - Et bien, et bien, on s’est perdu ? »

HRP:

Il était paré et harnaché pour le combat. Outillage shinobi et Samehada fixée dans le dos, Fuka s’observa une dernière fois dans la glace de sa chambre avant d’en sortir. Il fila à travers les toits pour gagner du temps. Le visage extrêmement sérieux et fermé, il ne se laissait pas distraire de sa route. Le chemin était imprimé dans son esprit et ses pieds réalisaient le déplacement mécaniquement. Ce qui lui laissait au moins l’occasion de songer quelque peu aux derniers évènements.

Depuis son retour du village de Kumo, les choses n’étaient plus les mêmes. Seul rescapé de la rencontre avec les émissaires de Kumo ou le Patriarche, le Taisa était regardé de travers par beaucoup de ses congénères. Des trois envoyés Shukajins, il était le seul à être de retour et c’était le village des Nuages qui l’avait escorté jusqu’ici. De quoi se poser des questions. Mais ce sentiment de doute à son égard avait tendance à l’agacer. De ce fait il se renfermait un peu plus, préférant continuer ses actions habituelles et ses missions. Le temps suffirait à envoler les soupçons sur sa personne. Si ce n’était pas le cas…

Il fut interrompu brièvement par les agitations urbaines en contrebas. Evitant une corde à linge tendue entre deux bâtiments, il prit de la hauteur pour ne pas être importuné une fois de plus. Toute cette histoire avait amené son lot de problèmes, comme celui qui l’amenait dehors aujourd’hui. Un étrange messager qui lui avait dit être au courant pour Samehada. Même la concernée semblait dubitative. Mais une telle provocation l’avait motivé à se rendre au fameux point de rendez-vous. Ce ne serait pas un ennemi mortel de la nation au vu du lieu, en plein village. Mais l’idée de mettre une raclée à un de ceux qui le considéraient comme un traître lui offrait un certain petit plaisir.

Il arrivait finalement à destination et profitant de son perchoir aérien, il observa en contrebas pour tenter de repérer les lieux à la recherche de pièges ou d’embuscades. Une précaution qui lui permit de repérer quelqu’un isolé parmi les ruelles sombres de la cité. Redescendant, il approcha sans prendre la peine de se cacher. Il ne comptait pas faire dans la dentelle et encore moins de manière subtile. L’arme à la main, il avança sans prêter attention aux mots qu’il lui adressa. Le bras déjà levé, l’arme pointée sur son interlocuteur, il trancha l’air de sa voix :

- T’as très mal choisi ton moment pour venir chercher des noises. Donc soit tu t’expliques maintenant, soit tu t’excuses soit je t’épile. A toi de voir.

Samehada jubilait déjà du moment à venir.

- J’ignore totalement qui c’est mais j’ai déjà hâte de le déguster !

Cela ne se voyait peut-être pas directement en observant le masque du jeune Judicateur, mais derrière cette surface à l’apparence pittoresque, le Mamoru riait d’avance de l’évolution de la conversation. Non pas qu’il pensait que tout allait bien se passer, ou alors qu’il se sentait entièrement en sécurité face à l’individu. Mais que voulez-vous, pour ce nouveau rôle qui lui fut donné pour défendre les intérêts de l’empire, avoir quelqu’un sous la main qui serait capable de le rapprocher de la Rébellion, et surtout, de son démantèlement, était quelque chose d’excitant.

Il n’avait vu qu’une seule fois ce Taisa Fuka, mais chose était sûre : il serait soit un très intéressant allié, soit un vaurien qui mourra dans la déjection qu’il était s’il était un fidèle de cet ordre chaotique. Cette discussion aurait donc l’occasion de répondre à cette interrogation. Le voyant s’approcher avec autant d’agressivité, il comprit ainsi que le sujet de « Samehada » semblait en effet important pour le faire venir. Pourquoi ? Aucune idée, et il s’en moquait. Levant les mains devant lui en signe de paix, il garda son ton détendu, mais cette fois plus neutre.

« - Allons, allons, il est inutile d’en venir à des méthodes aussi violentes ou brutales que celles-ci. Prenez donc le temps d’écouter mon exposé, et je me complairai à répondre aux diverses interrogations que vous pourriez vous poser. »

Sentant la tension monter toujours, il n’y avait pas d’autres possibilités que de suivre ses consignes. Soupirant en laissant tomber ses épaules pour montrer son ennui, il se leva et fit une révérence exagérée, une main tendue sur le côté et l’autre sur sa poitrine, annonçant son regret d’une voix monotone.

« - Veuillez dans ce cas accepter mes excuses, Fuka-san. Je me devais de prendre contact avec vous pour des raisons importantes : la paix de l’empire, ni plus ni moins. Si cela puis vous rassurer : je ne sais absolument rien sur ce que serait « Samehada ». »

La curiosité naturelle du vert aurait aimé le pousser à poser la question sur le sujet, mais même lui sais quand ne pas trop s’aventurer en chemin dangereux. Et l’homme devant lui semblait plus dégager l’aura d’un prédateur plutôt qu’un homme civilisé. Soit. Se redressant pour s’assoir, il montra de sa main ouverte un autre endroit pour faire de même. Libre à lui d’accepter ou non.

« - Pour vous dire la vérité, mon supérieur, dont je ne connais pas l’identité, donc inutile de me demander, m’a informé que si je voulais vous croiser, parler de « Samehada » saurait éveiller votre intérêt. Je vais ainsi aller droit au but avec vous, mais avant, une question assez brève, que je considère tout membre de l’empire se doit de savoir répondre : que savez-vous de la Rébellion ? »

L’homme masqué tentait à présent d’apaiser le dialogue. Il jouait sur la provocation puis voulait se faire passer pour un simple interlocuteur en quête de dialogue. Tout ça en gardant son identité dissimulée bien sûr. Et il se pensait honnête ?! Fuka n’aimait pas la tournure des évènements. Même s’il ne semblait pas y avoir d’intentions belliqueuses à son encontre, il ne pouvait s’empêcher de flairer un coup fourré.

Il se répandit en excuses, boniments et belles paroles. Un moyen d’amadouer le Taisa qui ne baissait pas son arme malgré la petite courbette qu’il lui servait. Il maniait les mots pour ne pas en venir aux mains. Un talent certain dans un monde corrompu jusque dans les plus hautes sphères. Un domaine que jamais le Sabreur n’avait espéré approcher, ou même comprendre. C’était des préoccupations de bureaucrate, ni plus ni moins. Rien qui serait susceptible de l’intéresser. Son air toujours aussi froid ne déplissait pas.

D’un geste de la main, le lâche masqué lui présenta un coin où s’asseoir pour discuter. Une belle tentative d’apaiser le jeune bretteur encore une fois. Un échec encore une fois. Fuka resta statique, les sens aux aguets, prêt à répliquer aussi bien verbalement que physiquement. Mise à part des provocations, l’homme face à lui n’avait rien fait encore. S’il devait y avoir affrontement en plein dans la capitale, il faudrait justifier la légitime défense et donc ne pas frapper en premier. Mais s’ils en venaient aux mains, le Taisa ne souhaitait qu’une seule chose pour son adversaire potentiel : ne pas le louper, car lui ne lui laisserait pas d’opportunité de s’en tirer.

Après de grands mots alambiqués pour se faire bien voir, ironiquement le masqué décida d’aller « droit au but » selon ses propres mots. Il y avait de quoi mettre en doute la légitimité de sa formule mais Fuka n’est pas du genre à jouer sur les mots. La question fut donc enfin directe et simple. Il lui demandait de partager ce qu’il savait de la Rébellion. Ne retirant rien à sa posture de garde et à son ton violent, le bretteur répondit :

- Pas grand-chose à vrai dire. Leur nom parle de lui-même. Ce genre de trucs ne m’intéresse pas. C’est un problème politique plus qu’autre chose. En tant que soldat, je n’ai ni le droit ni l’envie de m’en mêler. Alors si c’est dans ce seul but que tu m’as fait venir ici, navré de te dire que tu as perdu ton temps.

Le Taisa aurait pu en rester là. Rengainer et retourner à ses occupations. Mais en vérité, il était intrigué par ce rendez-vous soudain qui lui avait été fixé. Surtout pour parler d’un tel sujet.

- Mais pour que tu te présentes comme ça au détour d’une rue en tentant de m’attirer avec un stratagème aussi simpliste pour parler d’un tel sujet, j’en conclus que tu dois pas tremper dans des affaires très officielles. Donc qu’est-ce que l’Officieux peut bien avoir à faire de mon avis je te prie ? T’es là pour un sondage électoral ?

En plein régime impérial, ça serait du pur fonctionnariat.

Higeki devait le savoir depuis le temps : le social n’est et ne sera sans doute l’une de ses compétences premières. Il avait beau essayer de se montrer des plus amicales avec l’individu en face de lui, ce dernier ne semblait pas aussi réceptif qu’il le pensait à ses invitations. En même temps, pour un maître des arcanes de l’épée, utilisant un instrument de cette envergure… Il doutait de ses capacités à communiquer en exprimant autre chose que des menaces dans le vide avant de frapper. Barbare, voilà le mot. Et dire qu’à une époque il était son subordonné pour la bonne et dut forme. Il allait devoir un peu ses relations avec ses supérieurs et apprendre à imposer son opinion un peu plus.

Enfin, malgré toute cette tension construite, il put tirer malgré tout une réponse de la part de l’épéiste. Il n’était hélas pas très satisfait de la réponse de l’homme, qui se présentait comme un homme désintéressé de toute cette confrontation entre l’ordre et les rebelles. Décevant. Il expliqua ainsi que sa position de soldat ne le permettait pas (ou plutôt ne l’obligeait pas) à s’investir dans la traque des rebelles. Il enchaîna ainsi sur une hypothèse de leur rencontre assez ridicule, qu’Higeki ne put s’empêcher de ricaner. Repoussant d’un geste de la main l’idée, il argumenta sa réaction.

« - Voyons voyons, si j’avais vraiment voulu obtenir votre simple avis sur la question, je vous serez apparu à visage découvert, un coupon à remplir, et des cookies pour vous amadouer à répondre. Allons, vous êtes plus malin que ceci, j’en suis sûr. »

La phrase pouvait paraître provocante, mais en soit, il se voulait légèrement irritant. S’il voulait le faire répondre à ses questions, le Mamoru se devait de faire réagir l’épéiste pour avancer dans son enquête. Et il se doutait bien que jouer sur ses nerfs était probablement un excellent déclencheur pour enchaîner la discussion. Mais seulement à petites doses, il n’était pas fou non plus au point de se risquer à un affrontement de fond sans la moindre compétence au corps à corps. Croisant une chambre sur l’autre et joignant les mains devant lui, il continuait donc.

« - Soyons sérieux quelques instants. Vous vous définissez comme soldat, n’est-ce pas ? Et le rôle des soldats n’est-il pas de protéger l’empire et ses habitants de la moindre nuisance à la paix et l’ordre du Shûkai ? La Rébellion menace l’équilibre mis en place par le Kamui qui est, certes… Point idéal, mais ne pourra pas atteindre cet état tant que des obstacles l’en empêcheront. »

Les rebelles étaient exactement ceci, une nuisance empêchant l’évolution vers un royaume qui ne connaîtrait pas la discorde et le conflit en interne. Tout simplement en éliminant les incarnations du conflit. Simple, clair, efficace. Du moins, c’était la solution d’Higeki, et bien qu’il pensait que c’était efficace, beaucoup trop de personne le trouvaient « extrémiste »… Ils ne savent pas ce qu’ils perdent. Se sortant de ses réflexions, il se reprit son exposé.

« - La Rébellion étant un obstacle vers la paix de l’empire, soit ce pourquoi nous, soldats, nous battons, il est de notre devoir de nous battre pour la démanteler… n’est-pas votre avis ? Pourquoi être aussi laxiste à propos de ce mouvement ?... A moins que vous sachez quelque chose que la plupart ignore sur eux, dans ce cas, je vous invite à m’éclairer. »