Que veux-tu prouver ?

Ce n'était pas la première fois qu'Amano s'approchait du QG du Kakumeigun. Avait-il quelque chose à prouver à quelqu'un ? Sans doute à lui-même. Il avait envie d'aller plus loin, de pousser cette porte et de demander à en voir le chef, devenir une ombre dans Suna et les protéger même si pour le faire au mieux il devait se faire haïr d'eux.
Sa main était depuis longtemps entachée par le sang, les prisonniers, ce jour là à la prison, les fans fous de sa femme, et cette petite fille. Son visage ne le quittait pas mais il vivait et n'avait pas l'intention d'aller embrasser la mort maintenant.

Le fils du sable avait trop pensé aux conséquences de ce qu'il ferait, vis-à-vis de son clan, vis-à-vis de sa femme. Allaient-ils avoir de nouveau le bonheur de la savoir enceinte ? Allait-elle donner la vie enfin ?

Pourtant, en parlant de sa femme, les hommes qui le suivait depuis qu'il avait quitté le temple devaient sans doute travailler pour elle. Il les avait regardé et les avait défié. De quel droit le surveillait-elle ? Pour le protéger ? Il n'en avait pas besoin et elle le connaissait suffisamment pour connaître son point de vue. Alors, elle devait vouloir savoir ce qu'il faisait.
Mais dès le premier jour il les avait semé, allant et venant entre Suna et le désert avant de se rapprocher du QG du Kakumeigun.

Cette fois il se décidera, c'était la cinquième fois qu'il s'approchait du bâtiment et il s'était sentit suivit dès la première visite, par des hommes qui n'appartenaient pas aux Kawaguchi. Il était pourtant confiant et ne craignait pas ses camarades ou ses supérieurs. Amano n'avait rien fait contre Suna, et ne comptait pas commencer. Après tout...

Tu veux tous les protéger n'est-ce pas ?

C'est la main sur son œil meurtri qu'il s'avança en souriant, la tête haute et la démarche fière. Ses doigts effleurèrent une seconde la porte et il vit les ombres l'entourer rapidement. Devait-il s'en douter ?

En son fort intérieur il chassa les pensées de son père et afficha un sourire bienveillant avant de faire une petite révérence. Il attendit de voir un peu mieux les ombres pour lever la voix, légère et calme.

- J'ai une requête à formuler... peut-être pourriez-vous prévenir votre supérieur.

Il n'avait pas chercher à savoir qui était le chef du Kakumeigun, il avait eu trop à penser avec son propre clan pour s'inquiéter de Suna et ses protecteurs. Advienne que pourra après tout, c'était ainsi qu'il vivait sa vie depuis son retour.
Tout en venant se retourner vers ses ombres, il leur donna son nom.

- Dites-lui donc que Kawaguchi Amano souhaite s'entretenir avec lui.

Il n'était pas un homme plus connu que n'importe quel shinobi, et il ne désirait pas l'être, bien au contraire. Plus il passerait pour un homme lambda, meilleur seront ses possibilités pour surprendre ses ennemis et protéger les siens.

Prétentieux !

Oui, peut-être pour cette fois, en ce jour étrange. Pourtant son poing droit serré le long de son corps après avoir quitté son œil caché puisque perdu démontrait qu'il n'était pas en position de force. Mais il était déterminé à avancer, à aller bien plus loin que les espérances de son maître pour lui et pourtant au fond, s'ils se revoyaient, il était certain de se dresser contre lui, d'une manière ou d'une autre, pour le raisonner, pour le faire changer. Son sourire ne tarissait pas, bien au contraire. Amano était heureux bien que triste de ce pas qu'il allait faire dans sa vie, de son propre chef cette fois.
Croyez en lui, juste un peu, haïssez-le et laissez-le vous protéger.

Tu es indigne d'être un Kawaguchi !

Il le sait et se sent pourtant bien plus un Fils du Désert à agir ainsi qu'à suivre aveuglément Tali. Elle n'était pas sa cheffe de clan... elle était... la remplaçante de Kira, elle était l'Inquisitrice. Son seul chef restait le blond à l'humour étrange. Il l'avait relevé il lui devait bien cette dévotion, envers et contre tous.

Patiemment devant les portes, il attendit qu'on vienne le chercher et qu'on lui dise que le chef était prêt à le recevoir. Il attendrait, peu importe les secondes, les minutes, les heures ou les jours, il ne bougerait pas.

L'oeil clos il attendait patiemment sans savoir dire combien de temps s'écoula ente le moment où il avait donné ses mots et où la porte en face de lui s'ouvrit. Sans demander son reste il suivit son guide jusqu'à arriver probablement devant la porte du bureau du chef de cette organisation. Au fond de lui, son cœur battait fort. C'était plus fort que lui. Après tout, il entrait dans un univers qu'il pensait ne jamais pouvoir effleurer même du bout des doigts.
Son souffle se stoppa lorsque la porte devant lui s'ouvrit et qu'il fut annoncé. Mais son cœur manqua un battement en distinguant la silhouette un peu plus loin dans la pièce. Kazushi !
Son œil rond donnait la mesure de son étonnement, mais bien vite, un sourire amusé pris place sur son visage avant qu'il ne le salut à son tour.

- Bonjour Kazushi.

Comment ne pas rire de sa situation. Il avait ouvertement provoqué cet homme pour une femme, et pas n'importe quelle femme, une amie, Ruri. C'était aussi un peu pour elle, un peu pour Kuzushi, son ami, qu'il avait pu franchir le cap et se poster devant la porte une bonne fois pour toute.
Entrant dans la pièce sans prendre garde ni au décor, ni aux hommes présents, son œil se focalisa sur son hôte et, à moins d'une facétie, le chef du Kakumeigun.

Tout en s'approchant pour s'asseoir, même si le cœur ne lui en disait rien, le blond inspira lentement pour reprendre ses esprits.

- Merci ça ira.

Le Kawaguchi n'était pas là pour faire des courbettes. Il comptait bien entrer rapidement dans le vif du sujet quand les mots qui suivirent la proposition du Ketsueki le laissèrent rire légèrement.

- Je n'ai pas envie de retenter l'expérience, vraiment pas. En revanche...

Il laissa son œil voyager du verre de son hôte au visage de celui-ci avant de continuer.

- Je compte jouer franc jeu.

Instinctivement, Amano serra son poing droit contre son pantalon tout en tenant le regard rouge en face de lui.

- J'ai longuement réfléchis sur moi-même, j'ai pris le temps de peser le pour et le contre et j'ai pris le temps d'imaginer les conséquences. J'aimerais... entrer au service du Kakumeigun, pour Suna, pour Kaze, pour Ki... et tous les clans qui y vivent. Et pour tous ceux qui ne le veulent pas, je suis prêt à me salir les mains.

Sa voix était devenue plus ferme à mesure qu'il énonçait les faits, aussi ferme que son cœur lui faisait mal. Il n'avait pas l'habitude d'exprimer ce qu'il désirait réellement sans qu'on se moque de lui, comme le faisait souvent son maître, ou sans qu'on ne cherche à le rabaisser.

Tu es un faible et tu trahis ton clan !
Non ! Non il ne trahissait pas les siens, au contraire, il faisait ça pour eux, dans leur intérêt, pour garder l'image si noble de leur clan, pour garder l'unicité de leur famille, lui qui a vécu à part, lui qui n'a jamais connu les siens que depuis qu'il a rencontré son maître. Il voulait garder leur honneur sauf, leurs mains aussi propres que possible. Il se chargerait du travail salissant, sans peur, son honte ni remord, quitte à devenir une machine.

Chunin, il ne l'était pas et selon lui il ne le méritait pas encore, sans doute parce qu'il ne se sentait pas d'encadrer une équipe, de pouvoir devenir un référent quelconque ou encore d'enseigner. Pourtant, malgré lui peut-être, il savait aider, soutenir quelqu'un et son maître lui avait apprit à prendre des initiatives.
Son poing se desserra lentement. A son tour d'écouter, il pouvait enfin arrêter de parler, pour un moment, un long moment espérait-il. Son esprit commençait à tourner à vive allure. Kazushi était heureux de l'avoir vue venir vers eux, vers lui ?
Le blond le laissa continuer, observant ses faits et gestes, ce cigare, cette fumé qui le fit plisser son regard, jusqu'à ces mots : « prouve le moi »
Un long frisson parcouru son échine, le glaçant sur place. Devait-il encore une fois avoir du sang sur les mains ? Le jeune homme qu'il était devra apprendre à oublier et à faire sans regrets. Chose qu'il ne savait pas faire pour le moment.

Toute vie est précieuse.
Les mots de sa mère qui voyait la vie d'un autre œil que son père. Durant une longue seconde il garda son œil fermé, laissant Kazushi mener la barque.
Le désert était son essence même et ses habitants étaient ceux qu'il désirait ardemment protéger, même s'il s'agissait des clans haï par le sien. Il était un fils du sable avant d'appartenir à un clan, bien qu'il en soit fier.
Son esprit ainsi que son cœur se calmaient enfin.

Ses pas plus que son ombre le firent tourner le visage vers la porte de la pièce. Deux bruits distincts, un homme, un signe et une phrase.
Amano se leva et se pressa légèrement dans la direction qu'on lui donna jusqu'à arriver devant une salle et plus précisément, une vitre. L'esprit du blond ne fit qu'un tour. Il devra ôter la vie à une personne pour montrer l'étendue de la vérité des mots qu'il a prononcé plus tôt.
Mais, il l'écouta sagement une nouvelle fois, sans l'interrompre une seule seconde.
Un fugitif, un traître et un assassin.

Son œil se ferma lentement et de sa main droite il vint toucher son bandage sur son œil meurtri. Il avait prit cette mauvaise habitude depuis qu'il était parfaitement soigné et ne risquait plus de saigner s'il y touchait.
Il lui expliqua qu'il ne risquerait rien. Qu'importe même s'il devait y laisser un doigt ou du sang, il ferait son devoir.
Son regard se tourna dans la direction des armes dont Kazushi parla. Il les regarda doucement et hocha négativement la tête avant de laisser ses mains effleurer les lames avant de saisir un petit poignard à lame fine. Il ne comptait pas opérer de décapitation. Il avait bien la prétention de regarder sa victime dans le blanc de l'oeil.

Faible.
Lentement Amano poussa la porte et entra dans la pièce noire où se trouvait entravé le condamné. Il écouta Kazushi donner la sentence et allumer la lumière.
Son cœur s'arrêta net et sa main faillit lâcher l'arme. Son visage se décomposa lentement tout en regardant les traits du visage de son maître. Etait-il réellement un traître ? Avait-il cherché à nuire à Suna ? Sans le croire, de le voir ici captif ne pouvait en être que la preuve irréfutable.
Ses doigts se resserrèrent autour du manche du poignard, fort, si fort que ses phalanges blanchirent et qu'il en eu mal.
Son regard ne se détourna pas, ne questionna pas le dirigeant du Kakumeigun sur le pourquoi.
Un haut-le-cœur qu'il eu du mal à réprimer le fit relever sa main libre vers cet organe de vie et serrer le tissu qui couvrait sa peau alors qu'il fit un pas de plus pour se trouver à quelques centimètres de son maître.
Serrant ses dents, il s'agenouilla lentement devant lui et afficha un sourire un peu triste. Lui qui lui avait tant apprit, lui qui l'avait relevé devait terminer sa vie ainsi, misérablement seul des mains de son élève ?
Sa main tenant l'arme trembla mais il la releva et fit briller la lame sous la lumière artificielle de la pièce. Aucun son ne sortit d'entre ses lèvres mais il s'approcha encore un peu, quittant le champ de vision du condamné et ne le voyant plus par la même. Leur visage côte à côte, il ne parvint pas à retenir une larme de douleur de son œil gauche.
Posant une main sur l'épaule de son maître, relevant la lame vers le cœur de ce dernier, il laissa malgré lui passer un :

- Je t'avais dis qu'un jour... je te dépasserais...

Et un sourire amer se forma sur ses lèvres alors qu'il plantait la lame dans le cœur de la victime non sans trembler.
Il n'avait jamais eu aussi mal en lui-même. Choisir entre l'avenir et le vœu sacré qu'il s'était fait de protéger et sauver son maître envers et contre tout.
Il resta un instant ainsi, se forçant en se disant que peut-être ainsi il l'aidait vraiment et le libérait d'un poids qu'il ne supportait plus.

Un long et silencieux souffle quitta ses lèvres avant qu'il ne se redresse chancelant. Son esprit n'était pas sûr et son corps lui répondait.
Quand enfin il réussit à tourner les yeux vers Kazushi ce fut pour lui lancer un regard de douleur mêler à de l'incompréhension. Amano savait au fond de lui qu'il n'avait pas été le plus parfait d'entre eux, peut-être même avait-il était le pire, mais il ne méritait pas cela, pas comme ça et pourtant... pourtant il l'avait fait.

Traître !
Le flot d'émotion le submergeait mais il tenait bon et restait debout, droit.

Lorsqu'il tenta d'avancer il sentit ses genoux trembler et ce fut en se donnant une claque mentalement qu'il fit un pas lent puis un autre, serrant sa main qui avait ôté la vie du criminel. Aux côtés de Kazushi il baissa son regard sur le sol, le suivant jusqu'à arriver de nouveau dans son bureau où il s'assit et acceptant un verre d'eau avec le plus grand plaisir. Son regard se perdit dedans avant qu'il n'écoute les mots du chef de l'unité spéciale.
Son compliment avait un goût métallique dans sa bouche, comme s'il n'en voulait pas. Levant lentement son verre vers ses lèvres pour boire un peu, la suite le fit ciller rapidement, trop peut-être.
Son cœur accéléra, battant à tout rompre et douloureusement dans ses tempes.
Amano manqua d'avaler sa gorgée d'eau de travers et toussa légèrement en braquant son œil sur le brun. Une mise en scène, un test... son maître était en vie... quelque part en vie...
Pas submergé par ses sentiments ? Mais voyait-il dans quel état il se trouvait maintenant ? Oui, ou peut-être arrivait-il à gérer cela malgré lui.
Sa bouche s'ouvrit, comme s'il voulait protester, ajouter quelque chose, crier ou simplement se faire entendre, mais rien ne s'en suivit et il baissa lentement son regard de nouveau dans le verre qu'il tenait entre ses deux mains.

Rassembler ses idées, ne pas parler sous le coup d'une trop forte pression ou émotions. Peser chaque chose, calmement.
Calme-toi.
Inspirant lentement alors qu'il attendait la suite, il souffla de la même manière et réduit le rythme des battements de son cœur, se concentrant sur l'intonation de l'homme en face de lui. Il lui parlait de Kira. Son maître ? Savoir qu'il était vivant et qu'il n'était pas un traître à Suna ou au pays du vent lui suffisait amplement. C'était un grand garçon après tout, et s'il ne revenait pas vers lui c'était sans doute pour le pousser un peu plus de l'avant. Enfin, c'était ainsi qu'il traduisait son comportement. Il fallait dire qu'Amano avait une confiance si absolue en son maître, que même si devant lui il lui arrivait de se pavaner ou de le contre-dire ou de lui désobéir, il n'empêchait qu'il était de loin l'homme le plus important pour qui il déplacerait des montagnes s'il lui demandait de l'aide un jour.
Un sourire détendit les traits du Kawaguchi en écoutant la suite. Il n'était pas fou au point de vouloir désobéir.
Mais la suite lui fit perdre son sourire. Le surveiller lorsqu'il serait Chunin, il voulait dire par là qu'il approuvait sa candidature au sein du Kakumeigun ? Son esprit fusa, rapidement, trop peut-être et il eu du mal à mettre de l'ordre dans sa tête.

Finissant son verre d'une traite, Amano se leva et s'inclina lentement en se tenant bien droit.

- Kazushi, je ne compte pas te décevoir, et je n'irais pas à la recherche de mon maître temps que je ne serais pas officiellement affecté à la mission de sa surveillance. Je devrais sans doute m'insurger ou peut-être hurler pour la petite mascarade qui a eu lieu mais c'est presque le contraire.

Il se redressa doucement, l'oeil fixe sur Kazushi.

- J'aimerais te remercier. Je n'étais pas sûr de savoir le faire, de passer outre mes vœux pour le bien de tous, je sais maintenant que je pourrais le refaire si cela permettait de protéger notre pays.

Il osa esquisser un sourire. Amano avait maîtrisé une partie de ses émotions.

- J'ai cependant une requête...

Il attendit quelques brèves secondes pour être certain d'avoir toute son attention.

- N'hésite jamais à me solliciter, pour quoi que se soit, quels que soient les risques.

Inclinant lentement sa tête pour montrer qu'il n'avait rien d'autre à ajouter et qu'il comptait sur lui, le blond afficha un franc sourire.