Lors de mon voyage, je m’étais décidé d’avoir pour première destination le pays de l’eau. Un pays à l’effigie de mon premier amour, cette matière liquide si importante. Elle qui nous apporte la vie et le réconfort d’une fraicheur nécessaire à notre survie. Elle qui fait partie de ciel et mer et qui nous apporte transport et nourriture. Elle qui purifie le corps de ses impuretés et de ses péchés. Elle qui peut nous apporter la mort et la destruction si on ne la respecte pas. Mon corps et mon âme lui doit tant, plus que ne pourrais m’offrir quiconque sur cette terre. Je vis avec elle et elle m’aide à vivre.

Pour me rendre sur cette île, une barque m’attendait à la frontière du pays de la foudre. Dans un petit port pécheur isolé de la côte de ce pays, un homme m’y attend. C’est une rencontre que j’ai faite lors de mon voyage, un homme dans une petite taverne prêt à me confier un vieux rafiten échange de quelque pièce. Fière de mon affinité avec l’élément de la mer, je ne m’inquiétais pas de l’état dans lequel pourrais être le bateau. Je me trouvais donc sur le chemin qui menait à l’endroit destiné que le vieil homme m’a indiqué.

Ce jour-là était une belle journée, un beau soleil surplombait ma tête mais sa chaleur n’était pas du tout pesante. Une brise légère me rafraîchissait m’apportant par la même occasion les odeurs environnante. Le sol poussiéreux n’était recouvert ni de pierre, ni de plante laissant une allée longue et un peu triste, linéaire et d’enfonçant encore à perte de vue face à moi. Autour de moi, des plaines vides, légèrement vallonnée, le vert de l’herbe s’étendant sur de grandes surfaces laissant place à ma gauche, un fond de tableau muni de montagnes. Mon chemin allait être interminable autant trouver quelque chose à faire en attendant, mais que faire sur un chemin totalement ? C’est tout en pensant à cela que je vis au loin ce qui pouvait sembler être une auberge de passage, se trouvant à un carrefour. C’était parfait, j’allais pouvoir me reposer et me désaltérer un peu.

Qu'est-ce que je fous là, je vous le demande. A la base, je devais mener une petite enquête concernant le gosse que je traque pour qu'il m'ôte l'épine du pied. Je parle bien du petit Yahiko.
J'ai à coeur de négocier avec ce morveux la liberté de mon âme. Sa soeur m'a ensorcelé en mourant, elle m'a privé de mes furibondes passions. Je ne puis plus depuis lors éprouver le moindre sentiment malveillant, ce dernier étant immédiatement renversé de manière symétrique : de ce dont j'aurais souhaité le mal, l'altruisme s'insurge, et la loi des contraires fait sa besogne. Si j'avais voulu offrir à coeur une mandale à l'ennemi, il en naîtrait une caresse ; si j'avais à montrer mon hostilité, un sourire se ferait compagnon de mots tendres. Triste sortilège, vous imaginez bien, quand on est shinobi. Or j'ose penser que le cadet de la famille a su échapper au carnage de la guerre, qu'il a certes grandi depuis, mais qu'il demeure capable d'être amadoué. Je ne sais s'il éprouve encore de la haine à mon égard, je souhaite que ce ne soit pas le cas, sinon quoi il refusera certainement de lever la malédiction. Et puis, sachant que je ne pourrais pas lui en coller une, il en profitera certainement pour tenter de me faire la peau, afin de venger sa soeur. Je doute que son ressentiment se soit étiolé au fil des années, finalement.

Bref, au gré de mes recherches vagabondes, ne trouvant rien de plus idéal pour me repérer que les bars, je me fus arrêté ici. Les premiers instants furent très courtois, agréables dois-je admettre. Bien que seul assis sur une chaise, je sirotais du jus de litchi en toute quiétude. Mais vînt que je me mis à aborder le sujet qui justifiait la raison de ma venue. En interrogeant le barman, je ne su si ce fut mon timbre ou ma quête, mais quelque chose lui procura le désir de s'agacer. Il me plaça une remarque désobligeante qui parvint à me mettre hors de moi et, bondissant de ma chaise, tandis que j'aurais dû démolir son bar, je me fus proposé de lui donner un coup de main pour me faire pardonner.

Quand ce nouveau visiteur entra, je fus donc celui qui se présenta pour le servir.

Un vieil endroit miteux, voilà à quoi ressemblait l’endroit dans lequel j’allais me rendre. Au croisement de ces routes, aussi poussiéreuse l’une que l’autre se trouvait « L’herbe sèche », voilà ce qu’il se trouvait sur le panneau pendant de l’auberge en face de moi. Avec un nom pareil ça ne donne pas envie de se désaltérer, mais j’avais beau scruter les environs, il n’y avait ni de panneau indiquant un chemin, ni même un arbre sous lequel on pourrait se reposer : un endroit désert. Je glissa la main dans la poche pour en sortir une petite bourse afin de voir la somme d’argent que je possédais. Apparemment j’ai de quoi me payer un thé, après tout après le voyage que je viens de parcourir dans ces terres, un bon thé au jasmin me fera le plus grand bien. Je fis un pas en direction de la porte, mais je m’arrêta sur le coup mon regard attiré par la saleté des lieu. Des vitres rendue opaque par le manque de nettoyage, une poignée de porte à moitié pendante, les marches recouvertes de terre laisse entrevoir des traces de pas prouvant la présence d’individus à l’intérieur de celui-ci. A vrai dire, j’hésitais vraiment à entrer, qui sais sur qui je peux tomber ou même sur quoi je peux tomber. J’espère au moins que j’y trouverais du thé au jasmin, à moins que je ne tombe sur un psychopathe assoiffé de sang qui tenterait de me tuer pour me dévorer. Non se serait absurde, j’avançais donc à nouveau vers les lieux posant ma main sur la poignée, je pris une longue inspiration et entra.

A l’intérieur c’était bien comme je l’imaginais : sombre et lugubre. Sur la droite se trouvait un bar en piteux état, avec des bords cassé à la limite effrité, la base des pieds sont attaqués par l’humidité des lieux bien qu’il ne reste que trois pieds à se bar, l’un d’entre eux est remplacé par un tonneau. L’endroit éclairé par une ampoule faible rend l’atmosphère très glauque, sur la gauche se trouve quelques tables munis de leur chaises. Leur état est encore acceptable, si ce n’est que pour y boire juste un verre. Malgré l’état des lieux, derrière le bar se trouve un homme m’accueillant avec le sourire. Cet homme, bien qu’avec un regard hospitalier avait un visage marqué par la fatigue. Je comprends maintenant l’état des lieux, étant seul et ayant surement pas mal de problèmes il est difficile de bien entretenir l’endroit, j’en éprouve presque de la pitié. Face à moi se présente quelqu’un d’autre, pas du tout de la même trempe, grand et affichant une musculature plus que raisonnable, celui-ci ne doit pas habiter les lieux. Mais bien que je pensais cela, celui-ci m’invitant à m’assoir.

« Bonjour, j’aimerais un thé au jasmin s’il vous plait. Disais-je tout en prenant la chaise en main. »

J’allais en fin me désaltérer, mais je ne devais pas trop tarder en ces lieux, j’ai encore beaucoup de chemin à faire. D’ailleurs je ne sais pas trop où je me trouve, autant en profiter d’être ici pour poser la question.

« Où sommes-nous ? J’ai besoin de me rendre à la côte dans un petit port de pêche nommé Galu, pourriez-vous m’indiquer le chemin. Disais-je à peine assis. »

. Non !

Dis-je en écrasant son thé avec fracas. Bordel, mais qu'ai-je fait pour vivre un tel châtiment ? Je n'ai guère le désir de devenir altruiste en plus de gérer une tâche ingrate comme celle du service, ce que je n'ai pas l'habitude de faire pour ainsi dire. Si mon âme n'était pas si enclavée dans la coercition, je me serais même permis de lui en coller une, à ce gratteur, pour s'imaginer que je puis être une agence touristique. Et pourquoi ne pas déballer le tapis rouge à son arrivée, aussi ? Qu'il boive son thé et se casse, moins il y a de clients, mieux je me porte !
Et puis franchement, ai-je une tête à savoir où on se trouve ? D'ailleurs, comment cela se fait-il qu'il soit venu s'enterrer dans ce trou à rat sans se renseigner sur son itinéraire, ce benêt ? Même les vagabonds de mon ignoble race font preuve d'un peu plus de précautions, simplement pour éviter d'arriver tout penaud dans un territoire hostile ! Qu'aurait-il fait s'il avait pénétré par erreur une zone rouge comme celle qui appartient au village d'Ame, dont les habitants n'ont que mépris à l'égard des intrus, et qui ne savent pas faire dans la demi-mesure, ni peu ni proue, quand il s'agît d'obéir à leur politique d'extermination des menaces extérieures ? Ah, je vous parle de vécu moi !

Bon sang, c'est une loi vieille comme le monde que de fixer ses repères sur une carte avant de se lancer dans n'importe quel voyage, particulièrement lorsqu'on est seul. Heureusement qu'il n'est pas du sexe féminin, au passage ! Car alors là, son aventure était peine perdue. Je l'aiderais bien, ce misérable, mais...
Oui ! Voilà la solution pour que je sorte de ce bar !

Spontanément, je me décide à lancer un coup de poing en direction du maudit visiteur. Mais bien sûr, mon geste s'avorte avant même que d'avoir commencé. Et, de pair, pour corriger ce débordement, je me décide à lui procurer mon soutien : je me propose de lui indiquer le chemin du mieux que je peux. Et pour ceci, il va me falloir quitter ce vulgaire bar et l'accompagner moi-même, tant je me persuade qu'il est égaré.

. Non, je ne puis vous indiquer le chemin et vous laisser partir seul, Monsieur, voyons ! Il est de mon devoir de vous accompagner pour courir le trajet qui vous incombe. Laissez-moi jeter un oeil à ma carte.

Immédiatement, je me désintéresse de la corvée qu'était la mienne, laissant le barman faire seul sa besogne, puis me dirige vers ma place précédente, prenant mon sac et laissant les quelques pièces qui paieront ma boisson. Enfin, avant qu'il ne remarque le désaveu, je me précipite dehors, indiquant à celui que je dois désormais accompagner qu'il est judicieux de me suivre. Arrivés dehors, je pose mon sac et extirpe la carte que j'ai tracé au fur et à mesure de mes aventures. Je pointe du doigt la position où nous nous trouvons, et dessine de l'extrémité de mon index le chemin le plus court pour rejoindre la côté. D'ici à ce que nous y parvenions, il fera déjà nuit, de toute manière, il est donc probable que le trajet se compose d'un arrêt pour établir un camp sécurisé où nous pourrons dormir en toute quiétude. Il faut savoir que dans les régions où les villages n'exercent aucune influence, les menaces sont nombreuses et permanentes.

C’est avec brutalité que le serveur me déposa la boisson chaude. Qu’avais-je bien pu dire pour qu’il s’emporte avec tant d’animosité, et c’est sur un ton sec qu’il me répondit de manière négative à ma réponse. Il devrait faire part de plus de convivialité, surtout que l’état des lieux lui laisse à désirer. Je le fixai du coin de l’œil, n’exclamant aucun merci pour le thé. Cependant l’odeur du jasmin vint me chatouiller les narines, effaçant le mécontentement qui m’avait envahi, de toute façon ce n’est qu’un simple serveur et je ne le verrais certainement plus jamais par la suite. Son visage s’effacerait de ma mémoire rapidement, et très bientôt je n’en aurais plus rien à faire de cet homme. Je le regardais à nouveau de la tête aux pieds, et je restais sur mon opinion qu’il n’avait pas l’air d’un serveur, il faut dire parfois que les apparences sont trompeuses. Sur son visage, on pouvait voir son expressions nonchalante, limite s’était de la colère mais elle se transforma en un visage illuminé dans les secondes qui suivaient. Il ne me proposa non pas de m’indiquer le chemin, mais plutôt de m’accompagner jusqu’à l’endroit voulu, prenant des affaires et payant le serveur. Il se précipita vers la sortie tout en me faisant comprendre de le suivre.

Je me retrouvais seul dans ce vieil endroit miteux, mon thé à la main. Je ne comprenais pas trop ce qu’il venait de se passer, cet homme est vraiment étrange. Il n’était donc pas le serveur, mais alors qu’est-ce qu’il l’avait poussé à se présenter à moi et à me servir. Je ne sais si l’on peut associer cela à de la bonté ou de la folie mais quoi qu’il en soit, il avait décidait de m’aider et c’est le principal. C’est vrai qu’en tant que voyageur, il est certain qu’être sans carte ni quoi que ce soit pour m’orienter devais avoir l’air stupide à l’égard des individus. Mais c’était cependant une obligation, ce que je menais n’était pas une promenade de santé, ni même un voyage touristique, réussir à m’orienter était une des premières difficultés que je devais réussir à maitriser. Je suis parti de chez moi avec un sac vide, à moi de me débrouiller pour survivre. Bien que je pouvais avoir l’air bizarre aux yeux des autres, l’homme que je venais de rencontrer, et qui semble lui aussi être un voyageur, avait l’air bizarre également. Il faut dire que je n’ai pas encore rencontré une personne aussi lunatique que lui, mais autant en profiter à présent. Bon maintenant, il m’attendait dehors mais il me restait ma boisson à boire, je… je ne peux pas la laisser là… mais elle est brulante … et l’autre voyageur qui m’attend dehors. Je n’ai pas le choix je dois la boire cul sec, je levais la tasse qui me cramait la main, et goba le liquide bouillant. … Je gardais la tête basse les yeux fermés, tout en écrasant le récipient vide sur la table

« AAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!! FILE-MOI DE L’EAU LE VIEU !!!!! »

Je me précipitais vers le bar en courant en saisissant une carafe d’eau que me tendait l’homme au bar. Je versais tout le contenu dans ma bouche, tout en mettant les trois quarts du liquide sur moi. Bon ce n’était peut-être pas une bonne idée, mais il m’est impossible de laisser un tel breuvage. Je payais le thé ainsi que toute l’eau que je venais de boire avec l’argent que j’avais réussi à me faire jusqu’ici, saisis mon sac et me dirigea vers la porte.

Dehors, l’homme qui m’attendait se trouvait devant moi, son sac au sol et une carte à la main. Je m’avançais afin de voir celle-ci, l’homme m’indiquait le chemin à parcourir pour atteindre ma destination et il ne se ferait surement pas en un jour.

« Je me prénomme Kokochiyoi, je te remercie déjà de m’accompagner jusqu’à ma destination. Vu que nous allons parcourir un bout de chemin ensemble autant me présenter dès maintenant. »

Je tendais la main dans sa direction un grand sourire aux lèvres. C’est vrai, même si il a l’air un peu bizarre autant être en de bons termes. Et puis nous vivons tous sous le même ciel, alors nous ne sommes peut-être pas si différent l’un de l’autre.

. Appelle-moi Monsieur Kiranui.

J'aime à me faire respecter. Ca, le sortilège de mon refoulement exacerbé ne me l'enlèvera pas.

Nous prîmes rapidement la route, marchant vers le Nord-Est et ayant à coeur d'achever ce trajet au plus vite : lui pour remplir ses objectifs, moi pour retrouver la pleine liberté de mes moyens. Sa compagnie n'était pas trop désagréable mais je n'étais pas vraiment du genre loquace. La moindre expression manifestant trop philanthrope me semblait fortuite, alors je faisais l'effort de répondre à ses remarques avec un ton assez neutre mais qui relevait du bon sens.
Bien entendu, vous savez que tous les trajets du ninja sont parsemés d'embûches. Je m'attendais nécessairement, avec la chance qui est la mienne, à ce que nous tombions sur un imprévu inconfortable qui allait prolonger notre durée de voyage.

Nous avancions gaiment mais pas trop, de peur de pencher vers les tendances grecques, quand nous tombâmes nez-à-nez avec un commerçant. Ô misère, l'archétype du fieffé négociateur, du Lupin, de cette catégorie de charlatans en vadrouille, un professionnel de l'arnaque, juste devant nous, à cet instant précis, le faux-air joyeux, enthousiaste à l'idée de nous la mettre profonde, à cet instant précis où, dans ma nature atrabilaire, j'avais presque le désir de couper les pattes à son âne, lequel suivait son maître avec une tronche de benêt ataviquement acquise, lequel obéissait à ce menteur sans âme sans se découvrir le moindre soupçon d'intelligence pour s'émanciper, lequel était un misérable bigot donc ; ô misère, vous dis-je, quand vous savez que quoique vous fîtes, il vous aurait endormi sous ses discours distordant toutes les composantes d'un esprit humain.

Au départ, j'eus voulu alerter mon compagnon de fortune, et faire mine de ne rien voir, rien entendre, en poursuivant la route avec une attitude austère, et qu'il en fasse de même. Mais jouer les âmes patibulaires en faisant comme si nous avions mieux à faire que d'écouter la canaille piailler ses bonnes affaires et promotions, ça ne marche pas. On n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace. Je suis garant du témoignage auquel vous assistez : ce commerçant fut une vraie tare.

Spoiler:

Cet homme avec moi avait quelque chose de particulier, une personne aussi gentille que lui est rare en nos temps. J’ai beau être jeune, je suis capable de me rendre compte de cela, peut-être était-ce une manigance pour m’attirer dans un endroit isolé, où par la suite il me tuera pour me manger. Je le regardais bien en marchant pour voir s’il avait l’air d’un cannibale, mais la personne que je regardais avait plutôt l’apparence d’un ninja voyageur comme moi. Une autre chose me marquais, c’était l’automatisme de ses réponses, sans aucune réelle intonations ni même sentiment exprimé. Soit ne voulait-il pas me parler, soit il n’avait pas aucune envie de s’amuser et était quelqu’un de très sérieux, mais les personnes sérieuse ne s’occupent pas des inconnus sans raison valable. Dans mon cas je ne lui avais rien apporté, et le seul lien qu’il pouvait y avoir entre nous était le lieu dans lequel nous nous sommes rencontré. Je me posais beaucoup de question à son sujet, mais une chose qui était certaine était son geste de bonté envers ma part, et rien que ça était louche. Était-il vraiment quelqu’un de bon cœur prêt à aider son prochain comme on l’enseigne dans les philosophies humanistes remplies de dictons sur l’amour. Bonté ou pure folie cela ne me dérangeais pas car au final il m’emmènerait à destination, du moins je l’espérais.

Ma curiosité me titillait l’esprit et je voulais savoir pourquoi il m’accompagnait, pourquoi faisait-il ça mais quand je m’apprêtais à l’attaquer avec ma question, une personne malpolie vint me couper dans mon élan. J’étais sur le point de lui parler mais un marchand se trouvait sur notre chemin, nous interpelant afin de nous vendre de ses marchandises, le grand faux sourire aux lèvres plein d’hospitalité malhonnête. Je déteste quand on me coupe la parole, même si je ne l’avais pas encore prise cela m’énervait quand même, bien que cet homme ne faisait que son boulot. Je n’étais pas de nature agressive certes et c’est pourquoi je lui fis comprendre que nous n’étions pas intéressés par ses marchandises, n’ayant pas besoin des babioles qu’il voulait nous vendre. Je m’apprêtais à nouveau à adresser la parole au voyageur m’accompagnant afin de lui poser ma question mais le vieil homme insista en mettant sous mon nez une pipe à la forme d’un dragon.

« Tu veux une pipe ? Elle est pas cher ma pipe, pas cher du tout, c’est presque gratuit. »

Un accent on ne peut plus énervant, il voulait me vendre une pipe, il essayait même de m’obliger à l’acheter. Voilà le genre de comportement irrespectueux qui pouvait vraiment me sortir par les trous de nez, ce marchand était un obstacle pour mon objectif. Je ne sais pas comment réagissait mon « guide » mais devait-il surement pas être enchanté par la présence parasitaire de cet énergumène. Je louchais sur la pipe située à quelque centimètre seulement de mon visage, voyant la gravure de très mauvaise qualité, même si je fumais je ne le ferais pas avec un tel ustensile.

« Laisse-nous tranquille, lui disais-je d’un ton sec, nous n’avons pas le temps pour toi, poursuis ton chemin comme si tu ne nous avais jamais rencontré. »

Je repoussais la main tendue vers moi, montrant bien que je n’étais réellement pas intéressais par ce qu’il proposait. D’après ce que j’avais vu sur la carte nous avions encore pas mal de chemin à parcourir, rester quelque instant de plus serait une perte de temps.

La réaction de Koko fut aussi directe que franche. Je dirais même brutale, déroutante si j'avais été à la place du commerçant. Mais ce n'était pas le cas. Lui savait où il était, ce qu'il faisait, et comment se conduire à l'égard d'une réponse hostile. Ce savoir, c'était l'expérience. Les connaissances qu'il avait dû accumuler au cours de ses voyages et de ses rencontres avec les différentes populations lui permettaient de pouvoir trouver une solution à tout problème. A celui-là, il avait bien sûr une réponse. Le laissant s'adresser à mon compagnon de route pour n'être pas victime de ses sarcasmes, je m'effaçais discrètement de la situation à travers la technique du silence, donnant aux deux protagonistes le monopole de pouvoir gérer leur conflit eux-mêmes sans que je n'ai à me soucier de mon implication dans cette affaire qui, bien sûr, serait une arnaque pure et dure.

Koko avait commencé à repartir sans vouloir entendre rien de plus, mais ce ne fut pas sans compter sur l'intervention du vendeur qui l'interpella à nouveau. Il le félicita d'abord pour sa personnalité vivante et sincère, accusant le reste de la population d'être hypocrite, contrairement à lui. Un discours de séduction qui marche à tous les coups, habituellement : quand on commence à complimenter quelqu'un pour ce qu'il est ou ce qu'on veut lui faire croire qu'il est, il s'intéresse, d'ordinaire, immédiatement aux quelques louanges qu'on peut encore lui faire. Lançant donc le lasso de la démagogie autour du cou de Koko, le commerçant espérait ainsi se donner le loisir d'insister, ce qu'il fit sans attendre que sa cible ne lui donne une quelconque réponse.

. Quoique vous fassiez ou que vous êtes, j'ai quelque chose pour vous Monsieur. Si vous suivez ce chemin, c'est certainement que vous allez prendre la mer, n'est-ce pas ? Vous désirez vous rendre à Kiri ?

Le nom de Kiri m'alerta et créa un court moment de blanc. Le commerçant venait d'user d'un stratagème finement pensé qu'on appelle la pêche par anticipation : en devinant les projets de son client et en le lui faisant savoir, il était sûr de pouvoir le retenir. Le poisson à l'arrêt, calme, il pouvait désormais ferrer et ramener sa proie jusqu'à lui pour la sortir de l'eau. Adoptant un air sérieux et presque menaçant, il poursuivit sur un ton beaucoup plus bas et froid, pour donner de l'importance à la situation.

. On ne se rend pas là-bas sans se préparer, Monsieur. J'ai des informations qui pourraient sauver votre peau.

Calmement, le vieux marchand insista une dernière fois, ne vendant non plus cette fois-ci quelque chose de matériel, mais plutôt des informations. La connaissance est la clé de la réussite, mais elle est bien plus précieuse lorsqu’elle est acquise par sa propre expérience. Je ne savais pas trop quoi lui répondre, ayant juste envie de découvrir le monde. Je m’arrêtais donc, regardant Fuu à côté de moi, silencieux depuis le début de la rencontre avec le marchand, je le confirme une fois de plus cet homme est étrange. Serait-il timide, à un tel point qu’il n’ose dire mot, peut-être est-ce autre chose mais il doit bien y avoir une raison derrière tout ça, et cette raison je ferais tout pour la connaitre. Bien que je sois extrêmement curieux, je ne devais pas céder à sa proposition, je n’ai pas l’argent ni la confiance en ce marchand pour vouloir savoir ce qu’il a à me dire. Je me retournais donc, une dernière fois dans sa direction, le fixant directement dans les yeux. Son attitude sérieuse à présent faisait soupçonnée un semblant de vérité dans ses intentions, mais on ne peut avoir foi en des charlatans. J’avais bien l’intention de lui faire comprendre mes intentions.

« Ah ! tu es tombé sur la mauvaise personne, de plus nous nous rendons bien vers l’est mais, ce n’est pas pour rejoindre le pays de l’eau mais plutôt pour découvrir le paysage. Lui disais-je avec beaucoup de vigueur »

Je me retournais pour continuer mon chemin, si le vieux continuait de m’harceler de ses mots, je l’ignorerais tout simplement. Ma décision était bien prise, avant de me rendre au pays de l’eau, j’explorerais le pays de la foudre, après tout j’ai le temps devant moi. En plus, s’il me prévient que là où je voulais me rendre serait dangereux, il serait plus judicieux de m’informer au préalable, mais pas auprès d’énergumène dans son genre. Je n’avais pas pour intention de dire à mon accompagnateur que je ne me rendrais plus au pays de l’eau, cela n’a pas trop d’importance à ses yeux. Par contre ma curiosité me poussait à continuer le voyage en sa présence, afin de découvrir ce qu’il cache sous ce silence.

Nous marchions donc tous les deux, empruntant le chemin qu’il avait au préalable décrit, nous étions seul à présent. C’était le moment idéal pour m’intéresser à mon compagnon de voyage. Le plus important ce n’est pas d’avoir des réponses, mais plutôt de poser les bonnes questions.

« Sans vouloir être trop indiscret, j’ai remarqué que tu avais gardé le silence lorsque le marchand nous as abordé, y a-t-il une raison à cela ? »

Voilà ma question était claire, maintenant il n’y avait plus qu’à attendre sa réponse.