Journée assez déroutante pour notre jeune Hakushi qui venait de sortir de la tour du Raikage … Non pas dans le sens d’une nouvelle grave concernant sa carrière de soldat au sein du village, mais plutôt un problème lié à l’administration. Malgré son désir de venir prendre une mission, les responsables du bureau en question le redirigèrent vers la salle des effectifs où siégeaient les fiches sur les différents éléments de leurs armées. Malencontreusement, suite à quelques soucis minimes de gestions, le dossier du Genin s’avérait être incomplet, notamment sur ses aptitudes et autres qualifications déjà acquises par le passé. On le retint ainsi un bon moment à tout revoir tranquillement, pour pouvoir vérifier en détail les faits auprès de son clan, puis de son Senseï. Bien qu’éprouvant, cette formalité ne fut pas vraiment ce qui ennuya Shinzen, mais plus le fait de devoir se tenir à l’écart des affaires militaires durant la journée, juste par mesures de sécurité. Dans un sens, la précaution se justifiait clairement, sans aucune visée personnelle, cependant ne rien faire contre sa volonté restait assez difficile à encaisser pour un soldat plutôt dévoué … Assit devant la table de bois, on ne lui laissa pas d’autres choix que d’acquiescer en obéissant respectueusement à la consigne transmise consciencieusement. Son visage n’en montra rien, juste un regard neutre se fermant comme par acceptation, avant que sa silhouette n’aille se diriger vers la porte de sortie. Là, ses lèvres relâchèrent irrémédiablement un soupir assez longuet, en cherchant désespérément une alternative d’activité, histoire de se rendre utile tout en continuant de s’améliorer. Interdiction de sortir du village, ni d’effectuer de missions officielles jusqu’au lendemain. Au moins, l’entrainement ou l’aide à autrui ne se virent pas contraintes de quelconque restriction.

Pour l’instant, le Genin s’élança simplement dans la rue les mains dans les poches, à un rythme de marche lent, l’air assez pensif. Rentrer étudier la théorique sur les arts ninjas ? Ce serait une idée surement … Bien trop usée malheureusement, il avait déjà passé énormément de temps à accumuler ce savoir en parallèles à ses études de politiques passées, imposées par la tradition récente de sa famille. Rejoindre le terrain d’entrainement, s’y exercer durant toutes ses heures restantes ? Cela représentait surement l’option la plus tentante, qui resta dans un coin de son esprit, car nécessitant la présence d’une tierce personne à ses côtés. En effet, tout seul, les possibilités demeurent limitées, en l’absence de comparaison ou conseils externes. Il devait nécessairement y avoir moyen de valoriser cette journée, peut-être d’une manière totalement différente. Se faire de nouveaux compagnons d’armes, voilà aussi un objectif qui l’intéressait énormément, au vue de sa quête maintenue secrète. Toujours en apprendre sur d’autres styles de combattant, et pourquoi pas, en faire un allié de taille décuplant ses propres techniques à l’aide d’une coopération naturelle. Encore indécis à titiller l’un de ses camarades dans sa situation embarrassante, le mystérieux manipulateur d’origami continua de marcher tout droit, un pied devant l’autre, à travers une foule moyennement dense, peut-être dans l’espoir de tomber sur quelqu’un et diverger vers une activité distrayante.

Combien de temps encore allait durer sa marche indécise parmi ces passants hasardeux ? Difficile a dire, si même l’envie lui venait de continuer éternellement dans cet état relativement accaparant … Si bien que l’intervention de l’étrange individu ne put qu’attirer une attention plongée dans la torpeur maladive d’une réflexion trop intense. Seuls ses yeux tournèrent en sa direction, laissant derrière un esprit peu enclin à accueillir la surprise brutale. Pourtant, l’interlocuteur lui faisant face présentait de nombreux aspects tout aussi intéressants que farfelus, comme cette manière enjouée d’aborder la conversation, ou encore la multitude de couleurs émanant d’un look peu conventionnel à vrai dire. La première impression ne put se décider entre le ridicule de tels habilles excentriques, à l’instar d’un chapeau géant presque trop imposant pour sa propre personne, et une admiration franche envers cette bouffé d’air frais osée, visiblement assumée, comparable à l’esprit d’un arc en ciel vivant. Cette dernière comparaison risquait surement d’être fantaisiste lancée à haute voix, cependant notre homme s’y accordait sincèrement. Après tout, nombreuses furent les légendes l’ayant nourri dans sa plus tendre jeunesse, de rêveries enchanteresse. Ici, la chose prenait forme physiquement, à son grand étonnement. Ce constat assez déconcertant réussit finalement à le réveiller totalement, forçant ses pensées à se concentrer sur l’invitation envoyée par l’inconnu. Nulles formalités ennuyeuses, il décida d’entrer en scène avec un jeu de carte correspondant parfaitement à sa tenue, surement afin de s’introduire. Quoi de mieux ? Malgré une méfiance imposée de sa mentalité de ninja, les divers traits du personnage devant lui attisèrent une curiosité plutôt saine. Sans se faire attendre, Shinzen porta son doigt sur le haut du paquet, longea sans toucher les cartes, puis s’en empara d’une et la porta face à son visage sans le montrer au plaisantin.

« Jouer ? Pourquoi pas. Ce n’est pas dans mon cas que je vais refuser ton offre. Voyons vers quoi cela m’entraînera. »

As de cœur. Voilà la carte tirée au hasard avec lequel devait jongler a priori cet intervenant opportun pour évidemment l’émerveiller d’un de ses tours de magies. Le jeune homme décida de se prendre au jeu sans s’embarasser d’autres questions brutales, au moins cela servait d’un échange indirect entre eux, en guise d’acceptation de cette rencontre soudaine. Le cerner complètement s’avérait déjà être une tâche assez ardue, tant ses choix de vies ne pouvaient appartenir à une simplicité innocente, mais plutôt un masque externe abritant éventuellement une personnalité ou histoire des plus complexes. Un peu comme lui d’ailleurs. Décidé à poursuivre, le shinobi débutant replaça lentement la carte dans le paquet, tout en le regardant avec une expression neutre, patient d’une démonstration annoncée. Il en profita par la même occasion pour entamer un semblant de discussion, toujours porté sur l’idée initiale, et en apprendre davantage à son sujet.

« Tu es d’une originalité bien évidente. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion d’observer un tel accoutrement aussi farfelue qu’enchanteresse. Serais-tu enclin à m’apporter une identité face à la curiosité que tu incites ? »

Enfin, la prestation allait s'exposer face à l'appréciation toute aiguisée du jeune homme. Celui-ci surveillait chaque détail, mouvement et autre signe pouvant révéler quelconque faille dans cette mise en scène au seul but de tromper le spectateur. Comme attendu, le magicien rengaina la carte précédemment récupérée, puis mélangea habilement le tas, sans faire remarquer quelconque méthode précise issu d'un subterfuge. Surement que cela devait venir lors du moment où ses mains séparèrent le bloc de carte en deux parties plus ou moins égales, avant subitement de tout laisser tomber en brisant toute logique cohérente. La démarche en elle-même produisait l'effet désiré, d'éblouir l'observateur sur la difficulté à retrouver l'exacte numéro associé à sa couleur. Cependant, un point demeurait bancal, du moins trop mystérieux et aléatoire pour duper l'esprit. Shinzen n'eut pas vraiment le temps de revenir dessus, puisque l'intervenant reprit la question de tout à l'heure, puis y apporta un semblant de réponse assez étrange à vrai dire. En quoi consistait cet axiome évident utilisé en tant qu'introduction à sa personne ? Balancer un constat de ce genre serait certainement utile lors d'un entretient philosophique sur les mystères de la vie par exemple, ou bien durant un enseignement imposé sur les arts de la réflexion. Ici, la phrase laissa son interlocuteur des plus perplexes tant la chose ne faisait pas avancer les idées désirées. Peut-être espérait-il étouffer l'invitation à se dévoiler davantage, en l'embobinant sous un prétexte d'effet de style. Dommage, le soufflé de départ retomba lentement, avant d'être rattrapé légèrement par un nom naturel accompagnant son apparence farfelue.

« Le clown ? Un peu simple, cela tombe sous le sens. »

Suite à quoi sa carte fut retrouvée d'un simple déplacement, conformément aux objectifs de cette démonstration. Là, vint le moment de rendre son jugement.

« Pour convaincre, ta technique m’a certes convaincu. Par contre, pour la magie, j’en reste dubitatif. »

Ses yeux s’affinèrent afin de l’amener vers une analyse basée sur l’intuition, avec derrières des acquis assez confiant sur la façon de cacher les choses subtilement. Au même instant, ses mains s’écartèrent légèrement, mimant la séparation du tas de carte en deux.

« Le problème n’est pas vraiment dans le résultat, mais dans la mise en scène. Le hasard intervient dans la première étape, lorsque tu mélanges tes cartes. Ensuite s’installe la logique de ton secret, dont l’intérêt se fait plus important que le résultat. Mais tu détruis toute la démarche en invoquant une deuxième fois le hasard dans ton lâché de carte. De là tu ne manipules plus les cartes habilement. Tu dois être un malin, mais un magicien tu m’accorderas le doute. »

Après sa déclaration, le jeune shinobi lui sourit légèrement d’un air complice, puis se baissa lentement afin de l’aider à ramasser les cartes au sol. À trop en faire, son envie d’impressionner le trahit involontairement. Les gens ne cherchaient guère la réelle magie dans un tour comme celui-ci, mais plutôt les arcanes se cachant derrière l’illusion. Ce n’était pas là un accident bien grave, sa démonstration réussit à grandement divertir le public initial. Évidemment, ça ne s’arrêtait pas là. Shinzen aussi se voyait maintenant le droit d’obtenir quelques informations sur les talents l’ayant permis de faire une prédiction exacte. Une fois l’ensemble du jeu ramassé, il en profita pour se relever, plongea l’une de ses mains à l’intérieur de sa veste afin d’en tirer une feuille et en fit un origami de cygne bien connu, rien qu’à l’aide de son chakra. Un moyen d’exposer directement ses atouts.

« Je suis Hakushi Shinzen et voici mon art. J’imagine que toi aussi, en possède un en particulier. »

La réponse du magicien fut assez décevante, d'autant plus que son « art » n'en était pas vraiment un, détournant injustement l'idée même de la magie par un subterfuge assurément peu licite. D'ailleurs, sa démonstration avait perdu tout côté féerique, laissant en arrière-gout une sensation d'inachevé, dont le secret fourbe ne serait peut-être jamais connu. Shinzen sauta cette étape de questionnement sans aller plus loin, en vue du refus opposé à sa proposition d'échange de confiances mutuelles. Le problème de ce choix compréhensible résidait dans le frein impliqué pour la suite de la conversation, jetant un certain froid naturel en l'absence de répliques utiles et attrayantes. Heureusement, cela ne le préoccupait guère plus, le savoir ou pas ne changerai pas son appréciation à son sujet ; Il s'agissait surtout de comprendre sa mentalité et les raisons le poussant à se montrer méfiant même envers un allié du même village. Pourraient-ils, un jour, se côtoyer lors d'un combat, face à l'adversité pullulant en dehors de ces frontières ? Le jeune homme ne vit d'autre choix que de défaire son origami lentement, comme si aucune pliures n'eut été fut, puis de la ranger à l'intérieur de sa veste. La suite de ses explications s'avéra fructueuse, puisque le clown exposa clairement les raisons le poussant à se renfermer sur lui-même au sein même de son peuple. Une règle apprise depuis toujours, dès le début de l'académie ninja. Certes, en un sens, elle demeurait un facteur de survie essentiel pour sa propre personne. Mais dans quelles conditions ? Ces directives aussi exigeaient une réflexion de l'esprit avant d'être appliqué studieusement. Surtout afin d'éviter une perte humaine au niveau des relations entretenues avec les autres. Là, le regard de l'Hakushi se fit soudain sérieux, fixant son interlocuteur gravement.

« Insinuerais-tu là les possibilités d'une intention à m'éliminer ? »

Sans même lui laisser le temps de répliquer, les traits de son visage se détendirent, confirmant que cette réaction ne tenait pas de la réalité. Une simple frayeur afin d'étayer ses propos à venir. Peut-être qu'en proposant son point de vue sur la question ...

« Ne t'en fais pas, ce n'était qu'un exemple. Ta ligne de conduite, est très académique. Mais je sais à quoi je m'engage en exposant mon art. J'aime à penser autrement, dans mon propre village. Ce genre d'échange reste la meilleure preuve de confiance entre deux alliés. Après tout, nous sommes tous ici voués à cohabiter pour l'épreuve d'une vie entière je l'espère. Cependant, les temps anciens ne sont plus. Les soldats de cette patrie doivent à présente suivre une même idéologie, malgré les caractères et idées divergentes. Mais pour cela, il faut bien y mettre du sien. Sinon ce serait l'inertie, et notre nation ne serait qu'en ensemble d'individu se cachant derrière l'illusion de la puissance d'ensemble. Quitte à risquer ma vie, j'en deviendrais l'un des premiers précurseurs.»

Suite à ces paroles, le Genin partagea un sourire complice avec son frère d'arme, puis fit un signe de la tête pour l'inviter à marcher un peu, histoire de ne pas déranger la foule. Il en profita pour donner sa conclusion finale, attendant ensuite un avis sur cette conviction qui constituait les fondements de Kumo.

« Et si jamais, on venait à me tuer sur cette place, pour ce don de confiance, je ne pourrais que le considérer comme l'ironie du sort. Si ma destinée n'est qu'une suite d'incohérence, que voudrais-j'y faire, moi, contre une fin si pitoyable ? À l’extérieur, les choses sont autres évidement ... »

La vérité venait enfin d’éclater, au grand étonnement du jeune homme espérant trouver dans ce nouveau village des âmes prêtent à la construire, plutôt que de s’y trouver à contrecœur ou par profit purement personnel. Visiblement, tout séparait les individus côte à côte, malgré un air enjoué de départ d’où germa l’idée même de la rencontre. À partir de là, Shinzen se confronta à une évidence désolante, qui le forcerait à remettre une quelconque coopération pour plus tard, du fait qu’une simple discussion ne puisse les partager. En fait, aucun des deux n’était préjudiciable, et ce fut bien là l’impasse présente, où le changement surviendrait après. Il acquiesça sans l’interrompre dans ses explications, tout en méditant brièvement sur le cas classiques et prévisible se montrant à lui, dont sa quête en faisait l’objet d’une certaine façon. Deux ans d’alliances, face à des années perpétuelles d’affrontements en tout genre à travers un monde chaotique ravagé par la guerre, les situations ne suffisaient pas à se compenser encore, ni par la force d’un unique être. Même si, de sa grande majestuosité, le Raikage en érigea la base la plus lourde, contre vents et marées. Le reste incombait à chacune des volontés constituant cet ensemble … Après avoir écouté attentivement les paroles de son interlocuteur, le Genin s’arrêta dans la marche actuellement entreprise, puis tourna la tête suffisamment en arrière afin d’avoir un visuelle complet du clown. Nulle amertume ni déception sur le visage. Juste une expression confiante et sincère, loin de toute agressivité.

« Tu sembles avoir plus de craintes que de volonté. Accepter une mort inutile ? Je ne pense pas que ce soit la question. Mais trouver idiote sa venue peut être. Si nous étions vraiment laisser qu’à nous même, sans ordre, alors nous devrions nous enfermer dans une grotte, à l’abri de tous. Ne serait-ce pas se laisser ronger par la peur, et vivre pour rien ? Je le pense. On peut aussi vivre pour rien, comme mourir pour rien. »

Le ninja débutant marqua une pause d’un soupir nécessaire et non expressif face à son introduction, puis en arriva à la conclusion sans trop s’étaler. Puisque finalement, le constat ne risquait pas de changer pour l’instant.

« Tes paroles me montrent que tu subis un monde impitoyable. Pourtant, toi-même en fait partie, en l’alimentant de tes propres peurs concernant ta vie, et donc ta cruauté imposée. Tu sembles être engagé dans un cercle vicieux en faisant du sur place. C’est bien là que nos chemins se séparent. Que le monde soit féerique ou impitoyable, une chose reste sûre, j’essayerais de convaincre ce village par mes actes, en restant guidé de ma volonté. Finalement nos visions s’opposent, sans que nous soyons ennemis. Puisque moi-même je te comprends en un sens. Il ne serait point utile de continuer cette conversation, comme tu le dis on ne changera pas en si peu de temps. Tous deux sommes sous le joug d’un même monde, mais nous prenons simplement deux avancées différentes. Je te laisse ici, frère d’arme, en espérant qu’un jour de mon évolution, j’en viendrais à te faire aimer la vision de l’ensemble. »

Sur un sourire amicale, il salua le magicien d’un geste de la main, puis le laissa à ses occupations en allant chercher une tâche à accomplir en cette journée. Cet homme était intéressant, le rapport naissant entre eux risquait surement de devenir fructueux à l’avenir. Mais pour l’instant, ils iraient simplement s’observer a priori, de loin mais vaillamment. Contrairement aux autres clans, les Hakushi adhérait à la paix, et un travail efficace entre membres d’une même patrie. S’y accorderait-il un jour ? Qui sait …