J'étais de retour à Suna. Jamais je n'aurais cru que le sable et mon pays me manqueraient autant. Le désert brûlait mes pieds nus, mais pas assez. Je voulais m'enterrer, laisser le sable m'engloutir, le laisser consumer chaque centimètre carré de ma peau sous son soleil de feu ; et ne jamais plus respirer l'air lourd et humide des forêts de Hi no Kuni.

J'étais vivante et libre, et ça grâce au choix difficile que j'avais dû faire dans la plus grande précipitation. C'est ce qui faisait de nous des shinobis : prendre des décisions rapidement, qu'importe la situation. Même si j'étais sûre d'avoir pris la bonne décision, les conséquences restaient gravées dans mon âme. J'avais choisi de sacrifier mon partenaire. J'allais devoir rendre des comptes. J'espérais qu'il comprenne mon choix, même si je n'espérais pas obtenir son pardon.
Malgré son résultat, cette mission m'avait fait grandir. Elle m'avait changée. Je me connaissais mieux, je savais de quoi j'étais capable. Je savais que j'aurais pu tuer un homme et ramener son cadavre jusqu'à mon village sans le moindre remord. J'avais su prendre mes responsabilités et suivre les ordres. J'étais maître de ma vie, je choisissais la tournure que prendrais mon destin.
Même avec cette ambition nouvelle et ces bonnes résolutions, je me sentais vide. Exténuée, épuisée. Je n'avais dormi que d'un oeil tout le long du voyage, aussi long fut-il. J'avais usé chaque jour de ma sensorialité pour nous protéger et mon chakra avait du mal à se rétablir complètement. J'avais besoin de me ressourcer, et de quelques nuits de sommeil profond.

Étrangement, je n'avais pas du tout envie de rentrer à la maison. Je voulais encore jouir de cette toute nouvelle liberté. Retourner dans ma cage n'avait pas de sens. Pas envie non plus d'aller immédiatement faire mon rapport. Tout s'embrouillait encore dans ma tête, et j'avais besoin d'éclaircir certains points avec Amano. Cela faisait tellement longtemps que nous étions partis, il y avait certainement eu de grands changements au sein du village. Ogami avait-il mis son plan à exécution, comme il nous l'avait confié ? Je n'en avais aucune idée. Ce n'était pas mon soucis pour l'instant.

J'errais dans les rues de Suna, à la recherche d'un but qui n'existait pas. Sans faire attention à ce qui m'entourait, mon esprit était déconnecté, j'avançais en prenant des directions au hasard, jusqu'où mes pieds acceptaient encore de me porter. En arrivant devant la porte de Kazushi, je réalisais que peut-être, inconsciemment, c'était l'endroit où je désirais vraiment me rendre. Quel jour étions-nous ? Et à quelle heure ? Depuis combien de temps j'errais ? Il faisait nuit. Peut-être que le soleil venait juste de se coucher, ou peut-être allait-il bientôt se lever.
D'autres questions me venaient à l'esprit : Était-il rentré de sa mission ? Était-il blessé ? Était-il seulement encore vivant ? Je n'avais qu'une seule chose à faire : frapper à sa porte. Le bois fit résonner mes faibles coups. Les secondes qui passaient me paraissaient interminables. Lorsqu'il ouvrit la porte, un air stupéfait se dessina sur son visage. Il était sûrement très tard, ou alors j'avais vraiment l'air en piteux état. Peut-être les deux. Je n'avais rien à lui dire pour justifier ma présence ici. Moi-même, je ne savais pas.

Je sortis mon carnet et écrivis d'une main tremblante, au point que le crayon faillit m'échapper des doigts. Je lui tendis un bout de papier sur lequel était écrit "Je peux rester chez toi ce soir ?", d'une écriture presque illisible.

Soudain, mes jambes ne me soutenaient plus et le sol se rapprocha à une vitesse fulgurante, sans que je ne puisse rien faire. Le trou noir s'empara de ma vision et de mon esprit.

HRP:

La nuit est belle et comme à son habitude, je n'arrive pas à dormir. Je réfléchis beaucoup ces jours-ci. Pourquoi je n'ai rien pu faire pour Tetsui et Yui, mais aussi, qu'est-ce que j'aurais pu faire ? Je me suis installé sur le petit salon pour lequel j'ai eu l'autorisation de construire sur mon toit. Depuis la dernière fois, j'y ai apporté tout le confort d'une maison traditionnelle Sunajin. L'électricité y est présente, tout comme l'eau potable. De ce fait, j'ai construis une petite et très simple cuisine, de quoi faire du thé et quelques trucs très facile en cuisine. De plus, avec l'aide d'un ami Saibogu, nous avons créé un mécanisme afin que je puisse entendre tout ce qui se passe dans mon appartement, comme quelqu'un qui toque à la porte.

J'allais commencer à me faire du thé et lire sous la lumière des étoiles et de la lune lorsqu'un faible bruit s'est fait entendre dans mon appartement. Je suis donc descendu pour ouvrir la porte. Mais qui peut bien venir chez moi à cette heure ? M'attendant au pire, je pris une grande respiration avant d'ouvrir...Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir... Ruri. Elle est donc rentrée. Saine. Et sauve. La stupéfaction a rapidement cédé sa place à la joie, avant de laisser elle aussi sa place à la panique.

Ruri tombe, raide. Ni une ni deux, mes réflexes ainsi que mon entraînement au taïjutsu ont fait surface afin d'amortir la chute de la malheureuse. Elle est ainsi venue s'écraser sur mes genoux. Face contre ciel, inerte. Je réagis rapidement en l'appelant, la secouant, lui donnant de petite tape sur le visage, rien. Je me décide de contrôler son pouls, ok. Respiration, ok. De savoir que ces deux paramètres sont encore là me rassure un petit peu. Je décide de la monter en haut, sur le toit, afin de pouvoir profiter de respirer l'air frais de la nuit Kazejin.

Je décide de l'installer sur le lit prévu pour la lecture, la mettant sur le côté afin qu'elle puisse continuer de dormir en toute sécurité. Je lui prépare un thé, au jasmin, son préféré. Je sors aussi quelques biscuits de leur boite avant de les poser près d'elle. Moi, je me suis assis, devant elle avec un thé à la menthe, veillant ainsi sur le repos de Ruri. Attendant patiemment son réveil, afin de pouvoir discuter tous les deux.

Un bruit désagréable. Un bourdonnement, qui s'approchait de mon oreille, m'agaçant au plus haut point. Puis repartait, comme si de rien n'était. Et quand je croyais retomber dans le sommeil, il revenait m'exaspérer, inlassablement. Que faisait cette abeille dans ma chambre ? À moins que ce soit une mouche ? Elle n'avait donc rien de mieux à faire que de m'empêcher de dormir ? Toujours endormie, je me retournais en espérant dissuader l'énervant insecte de récidiver. Mais le soleil sur mon visage me brûlait. C'était étrange, en temps normal, les rayons du soleil n'atteignaient pas mon lit...

Je me relevais brusquement en réalisant que je n'était pas dans mon lit, pas dans ma chambre. En réalité, je n'était même pas dans une chambre. Il y avait bien un toit, trois murs, mais il en manquait un, et le soleil m'éblouissait. Baissant mes yeux encore ensommeillés pour me protéger, je vis une tasse et une assiette de biscuits posés juste devant moi. Cette tasse m'était familière, mais mon esprit était encore trop embrumé pour faire le rapprochement. Est-ce que j'étais encore en train de rêver ?

Kazushi se trouvait à quelques pas de moi. Il dormait assis, adossé contre une sorte de cuisinière, la tête penchant subtilement dans le vide, les lèvres entrouvertes. Je me saisissais de la tasse ; un thé au jasmin. Il connaissait bien mes goûts, maintenant. La gorge asséchée, je vidais le récipient en quelques gorgées. Vu la température du thé, il l'avait sûrement préparé il y a plusieurs heures.

Les éléments de la veille me revenaient tout à coup. Est-ce que je m'étais vraiment évanouie devant sa porte en plein milieu de la nuit ? En tout cas, je ne me souvenais pas de m'être couchée dans ce lit. Le rouge me montait aux joues et un sentiment de honte m'envahissait, suivi d'un sentiment de culpabilité. S'il avait passé toute la nuit dans cette position, inutile de dire qu'il n'avait pas vraiment eu une nuit très reposante. Et il était en plein soleil ! Vu la position de l'astre dans le ciel, il devait être aux alentours de midi.

Je ne voulais pas le réveiller après la nuit qu'il venait de passer, mais je ne pouvais pas me résoudre à le laisser en plein soleil. On était en été et il allait attraper une insolation, si ce n'était pas déjà le cas. Essayant de le tirer jusqu'à l'ombre, il ouvrit un oeil, me fixant. C'était maintenant que j'allais devoir rendre des comptes sur mon comportement plus qu'étrange...

Je m'appuyais contre la cuisinière afin de pouvoir veiller sur Ruri tout en étant dans une position plus ou moins confortable. La fatigue me rattrapant peu à peu, je me suis moi aussi endormis. La nuit a été calme, mais pas très reposante et encore moins confortable, mais il n'y a aucun problème avec ça. J'ai l'impression de cuire et de me vider de mon eau sous un soleil de plomb lorsque j'ai senti que quelqu'un essayait de me déplacer. J'ouvris un œil, toujours la tête dans les vapes et je ne vis que Ruri qui essayait tant bien que mal de me déplacer pour m'éviter le soleil qui, à cette heure-ci, est bien haut dans le ciel et tape bien fort. Je souris et, tout en regardant Ruri, lui adresse pour la première fois de la journée la parole.

"Bonjour Ruri ! Comment vas-tu ?"

Je peux la voir rougir, mais je ne comprends pas pourquoi, il n'y a aucun mal à aller chez quelqu'un que l'on connait lorsqu'on ne se sent pas super bien.

"N'ai pas honte Ruri, tout ce qui m'importe c'est que tu sois rentrée de Hi no Kuni saine et sauve..." C'était à mon tour de rougir cette fois-ci.

Je me lève et m'étire, mon dos est douloureux, mais c'est le prix d'une nuit assis contre un meuble. Et je n'ai aucun problème avec cela. Je me décidais ensuite à cuisiner afin que Ruri et moi-même puissions nous restaurer.

"Je vais faire le petit déjeuner, des préférences ? Salé ? Sucré ? Jus de fruit ? Thé ?"

Je sais que je vais faire de tout, mais je demande quand même, afin de savoir quoi mettre sur le plateau que je vais préparer pour Ruri. Je sors des oranges du réfrigérateur afin de les presser pour en faire du jus d'orange bien frais. Du pain, de la confiture, du beurre. Tout cela est facile car déjà fait.

"Est-ce que tu veux des œufs avec de la viande grillée ?" J'attends quelques secondes avant de reprendre. "Au plat ? Ou d'une autre manière ?" Lui dis-je avec un grand sourire.

Je sais que les miens, je les veux au plat avec du lard grillé. Je casse donc deux œufs sur le lard déjà un peu grillé et me retourne afin de savoir ce que souhaite Ruri.

« Hum... Je préférerais du sucré, s'il te plaît.»

Le rouge sur mes joues ne disparaissait pas, de même que le sentiment de honte qui allait avec. Je prenais quand même la peine de répondre à la question de mon hôte, c'était la moindre des choses. Lorsque Kazushi pris les escaliers pour descendre dans son appartement, je fis de même. La terrasse avait beau être emménagée et très jolie, il y régnait une chaleur cuisante. Il aurait presque pu cuire son petit-déjeuner sur le sol, tellement le soleil le rendait brûlant.

Je m'assis donc à la petite table de la cuisine, en face du Vampire qui me tournait le dos pour préparer le petit-déjeuner. En baissant les yeux, je réalisais dans quel état j'étais : mon kimono était sale et déchiré par endroit, cheveux étaient en bataille, et je pouvais sentir mes yeux cernés et gonflés par la fatigue.

J'essayais tant bien que mal de coiffer mes cheveux avec mes doigts et de lisser mon habit, mais rien n'y faisait : j'avais toujours l'air aussi misérable. Mais bon, s'il m'avait accueillie chez lui et me proposait en plus de rester pour le petit-déjeuner, il ne devait pas trop s'en soucier.

Je remerciais Kazushi pour le verre de jus d'orange : il avait même pris la peine de presser des oranges fraîches. Je pris du pain et entrepris de faire des tartines, pendant qu'il s'asseyait en face de moi avec son assiette. Je n'osais pas lui dire, mais l'odeur de viande grillée me retournait l'estomac. Malgré la faim qui me nouait le ventre, ma gorge était serrée et le pain avait du mal à descendre ; depuis combien de temps n'avais-je rien mangé ?

Les souvenirs de la veille me revenaient petit à petit mais demeuraient toujours très flous. Je n'étais pas rentrée chez moi et pour preuve, mon sac de voyage était posé dans le coin du salon.

Le repas terminé, j'aidais le Ketsueki a débarasser la table et insistais pour faire la vaisselle ; il n'y avait pas grand-chose : deux assiettes, deux verres, quelques couverts et une poêle. Puis je lui tendis ce mot en m'inclinant.

« Merci de ton hospitalité. Je vais rentrer chez moi pour ranger mes affaires et me laver, mais est-ce que je pourrais revenir un peu plus tard, en début de soirée ? Je pense qu'il faut qu'on discute... »

Ruri et moi avons pris la direction de ma cuisine intérieure, il est vrai que la chaleur du désert remplissait déjà ma terrasse et toute la ville de Sunagakure. Ruri désire du sucré, je ne sais pas pourquoi, mais je m'y attendais. Je sortis donc quelques bouts de pains préalablement coupé par le vendeur ainsi que le nécessaire pour faire des tartines. Beurre et confiture. Mes œufs cuisaient tout pendant que j'installais le nécessaire sur la table, pain, verre, jus, assiettes et couverts. Rien de bien sophistiqué, je n'ai pas vraiment eu le temps de préparer mon appartement pour une visite, et encore moins au milieu de la nuit.

Nous avons mangé et bu tout ce qui était sur la table, vers la fin du repas, Ruri insista pour ranger et faire la vaisselle, ne voulant pas la frustrée, je l'ai laissée faire. Mais je l'ai bien sûr aidée pour le tout, à deux, nous sommes plus rapides. Les cheveux en bataille et les habits sales et déchirés de Ruri ne me dérangeaient pas le moins du monde. Je ne lui ai pas demandé d'où elle venait, mais je pense connaître la réponse. Et vu son état, je ne pense pas que tout se soit déroulé comme prévu. Je respecte son silence, je sais qu'elle m'en parlera lorsqu'elle se sentira prête. Et le mot qui suivi a eu comme effet de donner une réponse à ma question, ou du moins c'est ce que j'en pense.

"Bien sûr, tu es la bienvenue quand tu veux... Ma maison... est la tienne. Viens aux alentours de dix-huit heures. Et dis à tes parents que tu ne manges pas à la maison." Lui répondis-je avec un grand sourire.

La suite de la journée est toute tracée, sieste, course et rangement. Je déplace ma réservation du terrain d'entraînement numéro neuf pour demain vingt heures. Je n'aurais pas le temps avant et certainement pas l'envie demain matin.

J'ai couru une bonne partie de l'après-midi à travers tout Suna, à la recherche du meilleur saké, des meilleurs ingrédients pour réaliser des sushi et un petit tartare de thon, avec l'avocat en option, je n'aime pas ça. Quelques achats de provisions plus tard, il ne me restait plus beaucoup de temps avant l'arrivée de Ruri. La table à manger était décorée d'une nappe rouge ainsi que de bougies noires et orange. Des couleurs sombres, je sais. Mais il ne me semble pas que Ruri soit très adeptes des couleurs vives. Le reste de la maison était tout simplement rangée et ma terrasse de même.

À peine le temps de me doucher que j'entendais qu'on toquait à ma porte, pas de doute possible, ça ne peut-être que Ruri, elle n'arrive jamais en retard.

J'ouvre la porte avant de l'accueillir le plus amicalement possible.

"Bienvenue Ruri, entre seulement." Tout sourire, comme à mon habitude.

Je passais la lourde porte de maison, traversant ses couloirs en espérant ne croiser personne. J'étais de retour "chez moi" après ces mois passés en dehors des frontières et pourtant je ne m'y sentais pas chez moi. Je n'avais jamais eu d'affection ou d'attachement particulier pour cette maison, mais à présent je m'y sentais comme une étrangère. Qu'est-ce qui avait changé depuis mon départ ?

Ma mère se trouvait là. Je crus voir une faible lueur s'allumer dans ses yeux vides et éteints depuis des années, mais cruellement, je n'avais ni l'envie ni le besoin de la voir. Un sourire et un salut très rapide et formel suffirent. Je filais dans ma chambre en prenant soin de refermer la porte. Même cette chambre me semblait froide et sombre à présent, alors que j'y passais la plupart de mon temps il y a moins d'une année. Je jetais mes affaires dans un coin sans prendre le temps de les défaire ; je devais faire quelque chose de plus important, prendre une longue douche.

L'eau bouillante qui ruisselait sur ma peau m'arracha un soupir de soulagement. Mes muscles se dénouaient petit à petit. Ma nuque n'était plus aussi raide qu'il y a quelques minutes. Je laissais l'eau chaude couler sur mon visage, même si elle me brûlait. Je massais mon cuir chevelu, enduisant mes cheveux jusqu'aux pointes d'une quantité astronomique de savon.Je frottais ma peau, mes ongles, presque à les arracher. Il fallait que chaque particule de ce pays maudit disparaisse de mon corps.

Même avec la vapeur qui emplissait l'air, je respirais mieux à présent. Mon esprit semblait être nettoyé, lui aussi. Je passais des vêtements propres, puis brossait mes dents avant de brosser longuement mes cheveux. Ils étaient longs. Cela faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient plus trouvés aussi bas dans mon dos.

Le soir tombait lorsque je frappais à la porte de Kazushi. Il y a quelques temps, j'aurais rougi et me serais enfuie à la vue des bougies et de la volonté du Ketsueki. Mais plus maintenant. À présent, j'étais heureuse de voir que quelqu'un tenait à moi. Nous étions passés tous deux à côté de la mort. Comme quoi, il fallait être sur le point de perdre quelque chose ou quelqu'un pour se rendre compte à quel point nous y étions attachés. Et si ce n'était pas le cas il y a quelques années, désormais j'aimais la vie. Je savais ce que je voulais faire de la mienne et je voulais que Kazushi en fasse partie.

J'ouvrais la porte pour y découvrir une Ruri rayonnante, une vision bien différente que ce que j'ai pu avoir avant, mais pas plus charmante. J'aime Ruri, ses bons, ses mauvais côtés, peu importe, tout ce que je souhaite c'est une Ruri heureuse. J'abaissais légèrement le torse tout en lui faisant signe d'entrer dans mon appartement. Je prenais ensuite les affaires de Ruri, celles dont elle souhaitait se débarrasser, afin de les poser sur le porte-manteaux se trouvant à l'entrée de mon appartement. Ruri pris ensuite place à la table joliment décorée pour l'occasion. Ruri, elle est différente, avant Nami, avant Hi, elle aurait certainement fuit à la vue de tout cet attirail et pourtant, aujourd'hui, elle est là.

"Qu'est-ce que je peux t'offrir ? Saké ? Breuvage alcoolisé ? Non alcoolisé ?"

Ruri me réponds, à sa manière, qu'un saké fera l'affaire. Le saké que j'ai prévu pour l'apéritif est à consommer tiède, c'est donc immédiatement que je m'en vais le mettre au bain-marie afin de le réchauffer, qu'il soit à la bonne température. Tout en ramenant la bouteille fraîchement chauffée sur la table, j'amenais aussi une assiette de sushi, comprenant des maki ainsi que des nigiri, thon, saumon, légumes, il y en a pour tous les goûts et pour deux pièces de chaque sorte, un bel apéritif avant l'entrée. Une fois les sushis terminés, nous sommes passés à la suite du repas, l'entrée sera plus légère que les rouleaux de riz. Soupe miso et salade de choux, tout simplement.

"Bon appétit, Ruri." Lui dis-je avec un grand sourire.

La suite du repas se déroula sans problème, le plat principal, du riz parfumé accompagné de petits dés des thons crus et d'avocat, le tout surmonté d'un jaune d'œuf.

"J'ai mis l'avocat à côté, car malheureusement, je dois être l'une des seules personnes à ne pas apprécier cet aliment." Toujours avec le sourire.

Nous arrivons enfin aux désert, des petites pâtisseries faites à base de riz, fourrées avec une pâte de haricots rouges. Le repas est terminé et à mon avis, il a été apprécié.

"J'espère que tu as apprécié ce repas..." Je marque une légère pause avant de reprendre. "Je peux te servir quelque chose à boire ? Thé ? Digestif ?"

Tout en attendant sa réponse, je suis allé chercher une nouvelle bouteille de saké au réfrigérateur, celui-ci se boit frais, avant de m'en servir un verre et de me retourner vers Ruri.

Un saké, c'était exactement ce dont j'avais besoin pour ce que je m'apprêtais à faire. Habituellement, je n'aimais pas vraiment boire de l'alcool avant un repas, ou boire de l'alcool tout court. Mais actuellement, un coup de pouce était le bienvenu. Je fis donc signe à mon hôte que je prendrais la même chose que lui.

Il emmena bien vite le repas sur la table, était-il pressé ? En tout cas, il avait de nouveau mis le paquet : sushis, makis, - déclinés dans tous les goûts - et même une soupe miso ainsi qu'une salade de choux. Il avait dû passer toute l'après-midi, à cuisiner tout ça ! Je fis honneur à tous ses plats, même si j'avais l'estomac un peu noué, et pas pour les mêmes raisons que ce matin.

Le tout s'enchaînait très vite et aucune occasion ne se présentait pour ce que j'avais à lui avouer. Mais alors que je pensais que le repas était terminé... Il emmena un deuxième plat sur la table. Je reconnus le plat qu'il venait de servir : c'était ce que j'avais commandé au restaurant, la dernière fois que nous étions allés dîner avec notre sensei. Une bouffée de tendresse m'envahit et je me mis à sourire bêtement. Il faisait attention aux moindres détails pour me combler, et je ne pourrais jamais lui être assez reconnaissante de toute l'attention qu'il me portait, mais au moins j'essaierais. J'étais certaine de mes sentiments.

Il avait cuisiné ce plat même s'il n'aimait pas l'avocat. Je trouvais ça étrange, de ne pas aimer l'avocat ; c'était un de mes légumes préférés. Je nous voyais d'ailleurs assez bien en avocat. Un avocat coupé en deux. Il serait la partie qui aurait conservé le noyau, et moi je serais la partie qui aurait besoin de l'autre pour être complète.

Vint le dessert puis l'habituel thé de fin. Ce n'était pas d'un thé dont j'avais envie maintenant, mais comment lui dire ? Par écrit ? Non. Trop plat, sans émotions. Lorsqu'il vint se rasseoir à table, je su que ma chance était là. Je me levais de mon siège, l'adrénaline parcourant tous mes membres, paralysant ma cage thoracique. Je fis le tour de la table jusqu'à me trouver devant lui.

Fermant les yeux, je posais délicatement mes lèvres sur les siennes.

Ruri a fait honneur à la nourriture que je lui avais préparé. Elle a tout mangé et ceci, malgré la quantité. Est-ce qu'elle se forçait ? Je ne sais pas, mais elle n'a pas l'air d'avoir forcément trop mangé. Je suis allé chercher une bouteille de saké dans le frigo avant de me servir un verre pour ensuite retourner m'asseoir avec Ruri, à la table du salon. Mon verre à la main et la bouteille dans l'autre.

J'étais assis et je la regardais, lorsque soudain... elle se levait, s'approchant de moi, de mon visage. Elle ferma ensuite les yeux pour venir poser sur lèvres sur les miennes. J'ai passé les premières secondes du baiser les yeux grands ouverts. Ne comprenant pas trop ce qui m'arrivait. J'étais choqué, pétrifié... et heureux. Je ne sais pas si je l'espérais, mais je sentis au fond de moi un poids se délester et tomber dans l'océan de mon esprit, parti, il ne reviendra jamais. Soulagé et heureux, voici les émotions qui me traversent actuellement.

Je fermais à mon tour mes yeux pour m'abandonner au baiser donné par Ruri. J'avais trop peur de faire moi-même le premier pas, de peur de la brusquer, ou alors de me tromper totalement sur ce qu'elle pensait. Il se trouve que je pensais juste, Ruri ressent quelque chose pour moi et j'en suis le plus heureux. Le baiser ne s'éternisa pas pendant des heures, il dura une dizaine de secondes tout au plus. Nous décollons nos lèvres afin de nous regarder, tous les deux gênés par ce qu'il vient de se passer.

Je regardais Ruri droit dans les yeux, encore perturbé par ce qu'il venait de se passer. Je ne sais pas tellement comment réagir, ce que je sais actuellement, c'est que notre relation a fait un grand bond en avant.

Cette surprise de la part de Ruri est la plus belle chose qu'elle pouvait m'offrir, j'hésite presque à lui dire "je t'aime", mais je pense que cela irait trop vite. J'ai dû être bien trop patient jusqu'à maintenant pour tout gâcher, pas maintenant. Je me penchais ensuite une nouvelle fois vers Ruri afin de poser mes lèvres sur les siennes afin de l'embrasser une nouvelle fois. J'aurais voulu que ce moment dure une éternité.

Les secondes passaient horriblement vite et affreusement lentement en même temps. Combien de temps était censé durer un baiser ? Je n'en avais pas la moindre idée. Les seules choses que je connaissais sur "ça" étaient celles que j'avais lues dans des romans à l'eau de rose. Et la durée n'était jamais mentionnée ! J'ouvrais discrètement les yeux pour observer la réaction de Kazushi avant de me reculer de quelques centimètres.

Il devait sûrement penser que j'embrassais bizarrement... Les seules fois où j'avais vu des personnes s'embrasser étaient celles que je croisais par hasard dans la rue et en général, je détournais bien vite le regard. Mes parents ne s'embrassaient jamais, ou en tout cas pas devant moi. Mais au moins, il ne m'avait pas repoussée. J'étais trop embarrassée pour regarder son visage alors je fixais mes pieds, le sol, n'importe quoi. Mon coeur battait tellement fort que j'étais étonnée qu'il ne se soit pas encore échappé de ma poitrine.

Ne pouvant pas rester dans cette situation plus longtemps, je me risquais à lui jeter un coup d'oeil. Son sourire était timide mais ses yeux me fixaient avec intensité. Ses joues s'étaient légèrement teintées de rouge, ce qui le rendait encore plus irrésistible à mes yeux. Contrairement à lui, c'était mon visage tout entier qui avait viré au rouge cramoisi.

Et lorsqu'il s'approcha pour me rendre mon baiser, c'est avec plaisir que je m'y abandonnais. Dans le feu de la situation, je m'autorisais même à passer une main timide dans ses cheveux. J'avais imaginé ce moment un bon nombre de fois, mais rien n'aurait pu me préparer à l'intensité qui parcourrait la pièce ainsi que mon corps tout entier.

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Une fois la vaisselle faite et la table rangée, je savais qu'il était normalement le temps pour moi de partir. Mais je n'avais pas envie d'être à nouveau seule après ce qu'il s'était passé. Je voulais dormir avec lui - en toute innocence - cette nuit et toutes les nuits à venir. Je voulais toucher sa peau, enfouir ma tête dans ses cheveux pour respirer son odeur et qu'il soit la première chose que je verrais en ouvrant les yeux au réveil. Je voulais qu'il soit mon point d'ancrage lorsque je perdrais pieds après mes habituels cauchemars.

C'est donc tout simplement que j'écrivis sur un mot à son attention "Est-ce que je peux dormir chez toi cette nuit encore ?" Et sans attendre sa réponse, j'empoignais mes affaires et allait m'enfermer à la salle de bain. Je me brossais les dents et enfilais la tenue de nuit que j'avais spécialement achetée pour l'occasion. Est-ce que j'étais vraiment prête à mettre ça ? Bon, je n'avais rien à perdre. J'espérais seulement que les sceaux qui décoraient tout mon corps ne lui feraient pas peur ou m'enlèverait le peu de féminité que j'avais l'impression de posséder. Soufflant un bon coup, j'ouvris la porte de la salle de bain et me dirigea vers sa chambre.

Une fois nos baisers terminés, nous avons échangé un regard plein d'amour et de gêne en même temps, nous ne savions pas tellement comment réagir. C'était la première fois qu'une fille me montrait autant d'amour et je n'avais absolument aucune idée de comment réagir. Je me trouvais face à elle, un peu désemparé et surtout gêné.

Nous avons terminés le repas avant de ranger tous les deux, comme un couple. Vaisselle, table, tout y passait. Il était maintenant tard et l'heure pour Ruri de rentrer. Pour moi, il n'y avait pas de doutes. Le message de Ruri m'annonçait son départ. C'est uniquement en le lisant que j'ai compris ce qu'elle désirait. Je l'ai regardé un peu bêtement, plus rouge qu'une tomate avant de lui répondre.

"Bien sûr, tu seras toujours la bienvenue."

Je montre une certaine assurance, mais pourtant c'est loin d'en être le cas. Je ne sais absolument pas quoi faire. Lorsqu'elle s'en allait dans la salle de bain afin de se préparer au repos, je courrais dans ma chambre afin d'y préparer un lit convenable. Je sortais mes plus beaux draps, rouges et en soie. Un deuxième coussin afin qu'elle puisse dormir convenablement ainsi qu'une couverture très légère noire et rouge, en soie de nouveau. J'ai à peine eu le temps de me vêtir qu'elle arrivait, vêtue d'une tenue/kimono de nuit noir. J'étais moi-même vêtu d'un kimono beaucoup plus court et léger que celui de jour, il était jaune et rouge avec quelques motifs d'oiseau sur lui.

Nous nous retrouvions tous les deux, seul dans ma chambre à ne pas vraiment savoir quoi se dire. Je prenais ensuite mon courage à deux mains afin de prendre la parole.

"Tu es tellement magnifique, Ruri."

Je devenais ensuite encore plus rouge que mon kimono. J'abandonnais une nouvelle fois mes lèvres aux siennes avant que nous allions chacun dans le lit, par chance mon lit est un lit "moyen" et sera parfaitement confortable pour deux personnes. Nous étions maintenant couchés et à chaque fois que ma peau touchait la sienne, je me raidissais comme un bout de bois, retenant ma respiration. Mort de honte et de gène.

Reprenant à nouveau le taureau par les cornes, je me tournais afin de la serrer dans mes bras. Son visage enfui dans mon torse. Nos peaux respectives se touchaient de partout et nous étions plus proches que nous ne l'avions jamais été. J'ouvrais ensuite la bouche afin de murmurer trois mots, je pense que je peux enfin les prononcer.

"Je t'aime."

Je me laissais aller, profitant de ces instants magiques aux côtés de Ruri, un peu de douceur dans ce monde sale. Je la serrai ensuite un peu plus fort que tout à l'heure et m'abandonnait à ses bras.

Arrivée devant la porte, j'attendais encore quelques secondes pour lui laisser le temps de se préparer s'il en avait besoin. Je lui imposais déjà ma présence, je ne voulais pas l'embarrasser encore plus ; même si j'imaginais assez facilement son expression au moment de me découvrir dans mon "pyjama"... Je me risquais à passer la tête dans l'encadrement de la porte. Kazushi s'était lui aussi s'était préparé et il se tenait debout au centre de la pièce, attendant ma venue.

Une nouvelle pointe d'adrénaline élança ma poitrine au moment de faire mon apparition. Ne sachant pas trop quoi faire, je restais figée dans une pose pas très sexy, en tordant mes doigts derrière mon dos. C'est à ce moment-là que je réalisais à quel point mon kimono était court... Il couvrait seulement le haut de mes cuisses, dévoilant totalement mes jambes gravées de sceaux.

Mais Kazushi ne s'attarda pas dessus. Non, il ne les voyait même pas. Il ne voyait que... moi. Son compliment ravala tous mes doutes. C'est avec un sourire sur les lèvres et des papillons dans le ventre que je m'avançais vers lui. Cette fois, le baiser n'était pas mon initiative ou la sienne. Il venait de nous deux. Ce geste qui me terrifiait tant il y a quelques heures me semblait à présent naturel. C'était comme si nous avions toujours fait cela, alors que ce n'était que la deuxième fois. J'avais besoin de sentir ses lèvres sur les miennes, son souffle sur mon visage. J'étais devenue accro.

Une fois couchés, nous fixions tous les deux le plafond, couchés sur le dos et à une bonne distance l'un de l'autre. Un silence gênant s'était installé... Est-ce que nous allions nous endormir comme ça ? Je me tournais sur le côté, face à lui, espérant amorcer une réaction de sa part. Immédiatement, il se tourna à son tour vers moi et me prit dans ses bras. J'enfouis mon visage contre son torse, inspirant profondément pour graver son odeur dans ma mémoire. Sa peau était chaude, à tel point que j'avais l'impression de n'avoir connu que le froid jusqu'à présent.

Ses bras enroulés autour de mes épaules, nos jambes entrelacées, j'aurais voulu que ce moment dure pour toujours. Pour la première fois de ma vie... je me sentais en sécurité.