Aujourd'hui aurait pu être une journée comme les autres, si les guets n'avaient pas rapportés avoir aperçu des troupes de Suna en amont du Nichi Taiga. Certes, ces dernières n'étaient pas au sein même de leur campement en haut des montagnes – et voir des soldats sunajin étaient relativement normal - mais les nomades restaient toujours prudents. Malgré toutes ces années installés ici et leur générosité naturelle, la tribu de Gogyou préférait toujours avoir une longueur d'avance sur les étrangers à leur clan, et encore plus ceux qu'ils laissaient entrer sur leur terrain d'emprunt. Ils avaient beau à présent se considérer comme des kazejin, ce n'était sûrement pas l'avis de tous. Fort heureusement, l'unité s'arrêta seulement à l'oasis aux pieds des montagnes pour probablement y faire halte, et se ressourcer auprès des villageois du petit hameau qui n'était même pas présent sur la carte de Kaze. C'était, en fin de compte, le cas d'un bien grand nombre de villages. Et puis, la carte serait trop surchargée ! Du haut de leur perchoir, les guets en poste continuèrent à observer de loin le groupe. Le rapport fut tel : Des soldats qui escortaient ce qui pourraient être des civils d'un autre pays, leurs vêtements ne correspondaient pas aux locaux habituels.

« ça m'rappelle Ki ! », lança tout sourire la jeune Ether.

Le veilleur auquel elle s'adressait eu la peur de sa vie, avant de se calmer en reconnaissant leur fougueuse élémentaire. Il lui rendit son sourire.

« Qu'est-ce qui te fait dire ça ? »
« Bah vous vous souv'nez qu'j'suis allée à Ki quand y'a eu l'tremblement d'terre, non ? Les morts qu'j'ai pu voir avaient des vêt'ments du genre. »

L'homme se souvenait de cet escapade.
Tout le campement avait cru ne jamais revoir la jeune fille, et à son retour, elle s'était probablement pris l'un des plus gros savons de son existence. Mais au fond, à bien observer ces civils, elle pourrait avoir raison. Même si tous ne se ressemblaient pas, c'était possible. De plus, d'après les nouvelles circulant dans le temple du vent parmi les moines, Ki no Kuni avait été annexée par Suna, ce qui voudrait dire que ces civils... Seraient davantage des prisonniers que des voyageurs. Alors qu'il allait, par pure précaution, prévenir la Gogyou de ne pas aller jeter un œil, il remarqua que celle-ci avait disparue depuis bien longtemps. Merde... Maintenant, c'était lui qui allait se prendre un savon si on s'apercevait qu'il l'avait laissé filer. Oups.

Effectivement, malgré sa récente nomination au rang de Première, Ether ne parvenait toujours pas à rester en place. Elle voulait voir ces nouveaux venus de plus près. Prenant soin de rester cachée, la demoiselle descendit discrètement la montagne et continua d'observer ces humains. Ils étaient fascinants avec leurs manières ! De derrière un rocher, elle balaya du regard ces inconnus. Certains semblaient tristes, pourquoi ? Curieuse, elle s’apprêtait à contourner la montagne exprès pour faire genre qu'elle venait du village, lorsqu'elle aperçut un jeune garçon s'éloigner du reste du groupe pour s'asseoir au bord de l'eau. Pourquoi celui-ci ne se mêlait-il pas aux villageois comme les autres ? Intriguée, la blonde décida finalement de faire la coupure. De toute manière, vu ses vêtements typiques des nomades du désert, aucun soldat ne lui dirait quoi que ce soit. Elle était autant une citoyenne de Kaze qu'ils ne l'étaient également. Sans faire le moindre bruit, Ether quitta sa cachette et s'avança tranquillement dans le dos de l'étranger. Au fond, être élémentaire de vent était un avantage. Elle était aussi légère qu'une plume, et même si elle pouvait alourdir son poids pour brouiller les pistes, lorsqu'il s'agissait de se mouvoir sans éveiller les soupçons de quiconque, c'était chose aisée.
Sans mot dire, la jeune femme s'installa aux côtés du garçon, les pieds devant elle et son corps soutenu par ses bras tendus derrière son dos. Sourire aux lèvres, la nomade tourna la tête vers l'inconnu au visage inexpressif. Il avait l'air perdu dans tous les sens du terme. Soucieuse de créer un semblant de vie sur cette face lugubre, elle fouilla dans son écharpe de hanche et en sortit un paquet froissé. Elle l'ouvrit puis le glissa entre les jambes du garçon pour que sa tête tombe directement sur l'intérieur : son contenu contenait des friandises qui ressemblaient à de la pâte de fruits enrobés d'une étrange poudre blanche. Toujours son éternel sourire sur les lèvres, la blonde fixa le ciel.

« Mange. C'ma mère qui les a faites ! C'super bon, j't'assure. », dit-elle sur un ton joyeux et avec sa façon bien à elle de s'exprimer.

S'il ne souhaitait pas parler, la demoiselle comprendrait et respecterait son vœu de silence. Après tout, l'on ne force pas à les gens à parler à de parfaits étrangers. Même si c'était ce qu'elle faisait actuellement en fait.

Comme d'habitude lorsque Ether apparaissait aux côtés de parfaits étrangers, celui-ci eut une réaction de surprise.
Mais, contrairement aux autres, l'on pouvait lire de la tristesse et un soupçon de colère dans le regard du garçon. Ne désirant aucunement le brusquer, la jeune femme lui répondit par un sourire sincère, puis tourna la tête pour observer les nuages se déplaçant dans le ciel. Ils ne parlèrent point durant de longues minutes. Maintenant qu'elle le voyait de plus près, effectivement ses vêtements n'étaient pas locaux. Même ses mains trahissaient ses origines étrangères. Il ne venait pas du désert et n'embrassait pas la voie du sable, c'était évident. Le désespoir qui se lisait sur son visage insinuait qu'il n'appréciait pas son voyage. Peut-être avait-il été forcé à l'exode vers le Pays du Vent ? Curieuse, la blonde examinait les traits faciaux comme physiques de l'inconnu. Traits tirés, joues légèrement creusées, lèvres un peu sèches... Il ne semblait pas très bien traité. La nomade tourna légèrement la tête pour jeter un œil en direction du village plus loin. Les soldats sunajin étaient aisément différenciables de leurs « invités » qui, eux, paraissaient méfiants voire craintifs. S'ils traversaient le désert contre leur gré, cela expliquerait le comportement prudent de son voisin. Ce dernier était donc probablement en plein transfert. Elle avait entendu de la bouche de certains des moines du temple que Ki no Kuni avait été annexé, mais pas que des citoyens étaient arrachés à leur pays. Serait-ce donc finalement le cas ? Mais pour quelle raison ?

Après quelques minutes d'hésitation, l'expatrié finit par goûter une des pâtes de fruits qu'Ether lui avait présenté, déclenchant un joyeux sourire chez cette dernière. Et elle entendit enfin le son de sa voix, un compliment naturel et sincère. Bien sûr que c'était bon, c'était la spécialité de sa mère !

« Tu peux garder l'sachet s'tu veux, t'auras d'quoi manger sur l'chemin ! », fit-elle toute guillerette.

Et il lui demanda qui était-elle, ce qui était tout à fait naturel.
Après tout, elle débarquait comme ça, hop, tiens que je te file de la nourriture sans aucune raison autre que du pur altruisme, et wesh ça va ? Le monde ninja n'était pas celui des Bisounours, il fallait se méfier de tout le monde, à la grande tristesse d'Ether, toujours prête à laisser une chance à son prochain. N'étant pas offensée le moins du monde, elle lui répondit jovialement en lui tendant la main. Depuis le temps qu'elle observait et interagissait avec les Normaux, la blonde avait bien finit par comprendre que la poignée de main était une coutume internationale.

« Ether ! 'Suis nomade du désert, on est dans l'coin avec ma tribu. Et toi ? », elle laissa un court silence avant de reprendre, tout en jetant un œil derrière elle, « Tu viens d'Ki, non ? Qu'est-c'tu fais ici ? … T'es pas là parc'que tu l'veux, ça s'voit. Ça va ? », dit-elle doucement en souriant.

Ether ne comprenait pas pourquoi Suna récupérerait des citoyens par la force.
A quoi cela leur servirait-il ? L'oiseau en cage rêvera des nuages comme disait feu Panthos, et il n'avait jamais autant eu raison.
Toute personne forcée à faire quoi que ce soit, ne le fera jamais aussi bien que s'il le souhaitait réellement. La jeune femme le savait très bien. L'on ne pourrait pas la forcer à se battre pour une cause en laquelle elle ne croyait pas. C'est pourquoi la guerre, très peu pour elle. Et puis, son clan – ou tout du moins sa tribu plutôt – étant pacifique, il n'y avait pas la moindre raison de prendre les armes, cela n'aurait aucun sens. A quelle vie ce garçon avait-il été arraché, et qu'est-ce que Suna pourrait bien lui « offrir » pour pallier à ce manque certain ? L'on ne remplace jamais un foyer par des chaînes.