Natsuki pénétra dans la forêt proche de Kareki, au Pays du Bois. D'après les informations qu'il avait collecté, l'homme qu'il cherchait se terrait quelque part dans ces bois. Ne restait plus qu'à le trouver... La chasse prit un bon moment, et ce n'est qu'au bout de trois jours qu'il découvrit la première habitation humain, subtilement dissimulée dans un escarpement rocheux si bien qu'elle n'était visible qu'une fois que l'on l'avait presque sous le nez. Prudent, il ne s'en approcha pas immédiatement, et la contourna pour y percevoir des signes de vie.

L'inspection fut courte bien avant d'être infructueuse, car un sifflement attira son attention sur ce qu'il se passait derrière lui. A peine le temps de se retourner qu'une hache se ficha dans un tronc d'arbre, à un poignée de centimètres de sa tête. Son reflet était visible dans la dent aiguisée de l'outil.

« Tu as du cran pour venir sur mon territoire fiston. » lâcha une voix.

Un homme à forte carrure se tenait non loin de lui, l'air sévère renforcé par son impressionnante moustache. Natsuki inspira et expira grandement à deux reprise pour se calmer, et éviter de tuer son interlocuteur. Cela faisait plus de six mois que ce dernier vivait dans la forêt, il était presque revenu à l'état sauvage : inutile d'attendre des politesses de sa part.

« Surtout qu'on n'y vient pas par hasard. »
« Je vous cherchais, Ron. »
« Tu n'es pas le seul. » répondit-il en croisant les bras. « Mais tu es le premier à y parvenir. »
« En effet, vous n'étiez pas facile à retrouver. J'ai passé plus de deux mois sur votre piste, à interroger vos collègues de la scierie et à retracer votre parcours hasardeux. Beaucoup d'efforts pour brouiller les traces et échapper à votre ex-femme, n'est-ce pas ? »

Les traits de Ron se durcirent à l'évocation de sa précédente compagne, et un frémissement de la moustache indiqua à Natsuki qu'il valait mieux de pas en dire plus sur ce versant-là.

« C'est elle qui t'envoie, suppo ? Et bien retourne dire à ta maîtresse qu'elle peut retourner brûler en... »
« Il y a méprise, je ne viens pas de sa part, ni sur un ordre, mais de ma propre initiative. Nous nous sommes déjà rencontré par le passé, il y a une dizaine d'années. J'étais encore un jeune ninja à cette époque, et votre scierie avait fait appel à moi pour découvrir pourquoi autant d'animaux sauvages – et surtout excessivement agressifs – envahissait votre secteur de travail. »

Suspicieux, Ron le dévisagea en silence pendant qu'il fouillait sa mémoire. Mais c'était peine perdue, il ne se donnait en général pas la peine de retenir les prénoms des gens, et rarement leur visage. Selon lui, moins il en savait, mieux il se portait : à titre d'exemple, il travaille depuis plus de huit ans avec certains de ses collègues à la scierie, et ignore encore leur nom.

« Et que me voulez-vous alors ? » lâcha-t-il finalement, son introspection ayant refait surgir une once de civilité.
« Vous m'aviez fait une très forte impression lors de mon séjour à la scierie. Et je ne parle pas seulement de ces deux ours que vous avez terrassé à mains nues. Vous vous êtes révélé être incroyablement doué en travaux manuels et en réparation en tout genre. J'avais beaucoup aimé vos sculptures en bois qui décoraient l'entrée. »
« Cessez les boniments et venez en au fait. Je n'ai pas toute la journée. »
« Je recherche un profil comme le votre pour travailler dans la boite de nuit que je compte ouvrir. Quelqu'un qui soit à la fois efficace pour diriger une équipe de techniciens, et capable d'intervenir rapidement auprès des clients pour neutraliser un conflit / virer les fauteurs de troubles. »

Ron sembla considérer l'offre en se lissant la moustache.

« J'ai déjà un travail fiston. »
« Ah oui ? Celui de vivre planquer dans les bois, à fuir une ex-femme qui vous pourrit la vie peut-être. »
« Tu ne sais pas de quoi tu parles. » bascula-t-il sur le tutoiement à nouveau alors que son visage s'empourprait par la colère.
« J'ai fait mes recherches Ron, et croyez-moi, je sais parfaitement de quoi je parle. C'est pourquoi ce n'est pas qu'un travail que je vous offre, mais une opportunité de laisser à jamais ce problème derrière vous. Konoha est un Village militaire et fortifié, il faudrait bien plus qu'une armée pour en faire tomber les remparts. Et il me suffit d'un seul mot pour que vous soyez assuré que votre ex-femme ne s'en approche pas à moins de deux cent kilomètres... à supposer même qu'elle apprenne que vous décidiez de vous installer là-bas. Aussi doué que vous croyez l'être, je le suis bien plus que vous pour ce qui est d'effacer des traces. »

Ron l'écoutait déjà avec davantage d'intérêt, mais quelques défenses étaient encore dressées.

« C'est mal la connaître. Elle est le diable incarné. »
« Inutile de mentir concernant votre travail à la scierie qui plus est. » reprit Natsuki en ignorant le commentaire. « Je sais que vous détestez cet endroit. Vous avez beau apprécier la menuiserie et le bricolage, vous vous êtes toujours débrouillé pour faire le moins possible à la scierie. »
« Cela ressemblerait presque à de la violation de vie privée là. »
« Vous confondez violation de vie privée et lever la tête pour s'intéresser à ce qu'il se passe en dehors de sa bulle, sur ce point Ron. Alors cessez de chercher des excuses, et faites face à la réalité. Je vous offre un ticket de sortie pour échapper à jamais à un monstre dont le simple rire fait mourir les anges. Vous n'en avez pas assez de vous contenter de survivre, plutôt que de vivre ? Rien ne vous retient ici, alors pourquoi ne pas accepter ? »
« En effet, pourquoi accepterai-je ? »
« Pourquoi ne pas réfléchir à tout cela avec moi autour d'un bon repas ? Je ne sais pas vous, mais personnellement, j'ai très envie d'une grosse tranche de viande saignante, accompagnée d'une sauce à l'ail poivrée à souhait. La cuisinière en chef de mon restaurant sait les préparer avec tant d'attention que chaque part donne l'impression de fondre sur la langue, comme si un millier de petites mains venaient vous caresser les papilles. »
« … Et ce restaurant est loin ? » demanda Ron après un instant de réflexion.
« Juste sous la boite de nuit où je veux vous faire travailler. »
« Dans dix minutes mes affaires seront prêtes pour partir. »
« Ajoutez y le temps de vous raser. La barbe, cela ne va pas le faire. »

Natsuki pénétra dans l'un des nombreux bars qui sillonnaient le port de Chiheisen. Il en avait écumé plus d'un, à la recherche d'un fuyard, mais à force d'informations collectées et croisées, de tuyaux percés et de guet-apens, il touchait au but.

Dès qu'il entra, des yeux se posèrent sur lui, mais il n'en croisa encore, fouillant la fouille de marins et de brigands ivres à la recherche d'un seul. Personne d'autre ne l'intéressait, il n'intéressant donc personne en retour. D'un pas souple, il se dirigea vers le comptoir, évitant les débris, les flaques douteuses et les jambes trainants sur le sol, et prit place à côté d'un homme à l'immense carrure et à la barbe hirsute.

« Deux bières. » commanda-t-il simplement en posant l'argent devant lui.

Les deux bouteilles tintèrent une fois posées, et il en fit glisser une vers le colosse qui accoudé au comptoir semblait plongé dans des pensées inspirées par sa chope vide. Le contact du verre contre son bras le fit émerger, et son regard passa de la liqueur fraîchement arrivée au lanceur.

« Qu'est-ce que vous voulez ? » grogna-t-il après l'avoir jaugé.
« Je n'ai pas le droit de partager un peu de bonheur avec un inconnu ? » répondit le Nara tatoué avec légèreté.
« Personne n'offre de verre sans attendre quelque chose en retour ici. Et vous savez qui je suis. Alors qui voulez-vous que je tabasse pour vous ? » grommela-t-il.
« Tout n'est pas entièrement faux dans ce que vous dites, mais il n'est pas question de cela aujourd'hui. Je ne suis pas venu voir Alph le Fracasseur, mais rencontrer Keitarô Akimichi. »

Le peu de relation que le géant s'autorisait à tisser un employeur de bras musclés, Natsuki le sentit se rompre à ses paroles.

« C'est Konoha qui vous envoie ? » se rembrunit-il. « Je n'ai rien à voir avec eux. Foutez-moi la paix. »

La voix du colosse à l'excès de gras était terriblement las, mais elle ne cachait pas l'étincelle de colère naissante, dont un rien pouvait suffire à la transformer en incendie : Natsuki connaissait ce regard. Malheureusement, il allait devoir courir le risque.

« Rien à voir avec le Village Caché de la Feuille. Je suis ici de ma propre initiative. Il fallait que je vous rencontre, car vous m'intéressez, Keitarô. »

L'homme le toisa d'un regard méprisant, et son sourire cruel ne s'attarda pas longtemps sur ses lèvres.

« Désolé bonhomme, je ne suis pas de ce bord là. Mais appelez-moi encore une fois comme ça, et je vous brise en tant de morceaux que même avec la solution, le meilleur médecin du monde ne saura pas comment reconstituer le puzzle. »
« Vous sous-estimez Yuki. » se contenta de rétorquer Natsuki sans que la moindre once de peur ne traverse son regard. « Mais soit. J'aimerai vous proposer un travail à plein temps. »
« J'ai déjà un travail. »
« Vous appelez cela un travail ? Casser des bouches à des malheureux criblés de dettes pour le comptes de ceux qui ont largement contribué à leur endettement ? Vous valez mieux que cela. »
« Tout le monde ne partage pas votre avis sur la question. »
« Vous ne pensez pas qu'il est temps de dépasser ce conflit avec votre père ? Cela va faire plus de sept ans. Vous manquez à votre sœur et à votre mère. Vos amis aussi. »

Il se prépara à une réaction violente, mais l'Akimichi apparut juste plus las que jamais.

« Vous ne pouvez pas comprendre. »
« Ce que c'est que de ne pas être à la hauteur des attentes de son père et de son clan ? Peut-être. Ce que je sais par contre, c'est que la vie de s'arrête pas à une dispute, aussi graves qu'elle ai pu être. Oui, vous êtes un Akimichi, et oui, vous ne voulez pas être ninja ou cuisinier. Quelle importance ? Ce n'est pas notre sang qui détermine notre avenir, mais ce que l'on veut en faire. Il y a sept, quand vous êtes parti de Konoha parce que vous en aviez assez des remarques et des regards de votre père, il s'en est beaucoup voulu. »
« Comment savez-vous tout ça ? » grogna-t-il, son attention prise malgré lui.
« Cela fait partie de mon travail. Toujours est-il que tout le monde attend votre retour. Ou du moins, de vos nouvelles. »
« Eux n'en n'ont pas demandé. » rétorqua-t-il.
« Peut-être parce que vous ne les avez pas laissé vous retrouver ? »
« Vous y êtes bien parvenu, vous. »
« C'est un fait. Cela a prit du temps, mais j'y suis parvenu. Et maintenant que je vous ai trouvé, j'aimerai que vous considériez mon offre. Peut-être est-il temps pour vous de reprendre votre vie en main plutôt que de la laisser couler. Cette opportunité, je vous l'offre aujourd'hui, en revenant avec moi à Konoha. Je vous trouverai un logement, si c'est retourner vivre dans votre ancien quartier qui vous dérange. »

Keitarô resta silencieux un moment, et Natsuki le laissa avec ses pensées. Il ne manqua toutefois pas le changement dans l'expression du colosse qui se rembrunit à nouveau.

« Je ne comprends pas votre intérêt dans cette histoire. Vous ne m'avez pas tout dit. »
« Et pourtant. Deux faits sont clairs dans cette histoire : je ne fais pas cela par altruisme, et vous méritez mieux que cette existence actuelle. J'ai donc un motif et un moyen, pour joindre l'utile à l'agréable. Comme je vous l'ai dit, je veux que vous travailliez pour moi à Konoha. Il n'y a pas d'autres raisons derrière cela. Si je vous tends la main, c'est parce que j'ai besoin que vous sortiez hors de ce trou. Si vous meniez une vie plus heureuse ailleurs, je m'y serai simplement prit autrement, voire j'aurai abandonné. Mais ce n'est pas le cas. Vous êtes aujourd'hui juste dans un bar miteux à cuver vos bières en attendant de vous salir les mains avec le prochain boulot ingrat. »

Vérité peut-être rude, mais exacte.

« Vous étiez donc dans le juste sur ce point : je ne fais pas cela sans raison, encore moins par pitié : votre égo peut au moins s'accorder cela. »
« Au moins vous êtes honnête. Du coup, je vais vous répondre avec autant de franchise. Je refuse l'offre. Merci pour la bière. »

Natsuki soupira.

« Vous ne me facilitez pas la tâche. Faut-il que je vous fasse concurrence en ville jusqu'à ce que faute de boulot et de notoriété, vous finissiez dans le caniveau ? »

Un voile de colère traversa les yeux de l'Akimichi exilé.

« Vous voulez m'enfoncer jusqu'au fond du trou, juste pour pouvoir m'y attendre et m'aider à remonter là où cela vous arrange ? »
« Pourquoi pas ? »

Keitarô empoigna sa bière d'un geste vif comme s'il s'agissait d'une matraque, et frappa Natsuki d'un mouvement circulaire. Le concerné fit un simple écart sur le côté, et laissa se verre se briser sur l'homme situé juste derrière. Le Nara tatoué désigna l'écroulé du doigt, et plus précisément le couteau que ce dernier avait laissé échapper.

« C'est cette vie que vous voulez ? A moisir dans un bar où vous avez plus d'ennemis que de propositions d'emploi et d'avenir ? Je peux vous offrir mieux que cela, et sans autre dette qu'un contrat d'essai. Un simple mois. Si vous voulez partir ensuite avec votre solde, libre à vous. Réfléchissez un peu à tout cela, et demandez-vous si un élan d'orgueil mal placé vaut vraiment de rester vivre ici plutôt que de profiter du mieux à votre porté. »

Natsuki se leva, et se prépara à partir pour laisser Keitarô mener seul sa réflexion. Toutefois, après avoir enjambé le premier corps, il prit conscience que nombreux étaient ceux dans la taverne qui se préparaient au combat. Le geste du Akimichi avait ouvert le début des hostilités. Et comme si chacun attendait le signal de Natsuki quittant l'endroit pour répondre à l'appel de la violence, le Nara tatoué s'immobilisa au milieu des tables, son regard se promenant sur les différents individus qui le dévisageaient. Son poing partit brusquement dans le visage d'un barbu portant un couteau dissimulé dans sa main, et avant qu'il ne frappe une troisième fois un autre pour le projeter à terre, chacun se jeta dans la mêlée, Natsuki devenant la cible à abattre. Son agilité et sa force lui permirent de tenir bon, mais la masse était compact, et ce n'est que l'intervention de Keitarô qui lui assura un confort de combat bienvenu.

« De quoi vous vous mêlez ? » rugit-il. « C'est après moi qu'il en voulaient. »
« Je défends simplement mes intérêts. »

Keitarô éclata d'un bref rire.

« Vous ne me voyez pas autrement que comme un outil, n'est-ce pas ? »
« Pas plus que vous même à votre propre égard. »

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La bagarre causa beaucoup de dégâts. Keitarô était en sang, Natsuki en sueur, les deux se tenant tous deux au milieux de nombreux inconscients et gémissants, tables chaises et verres renversés à tout va.

« Vous n'êtes pas si mauvais... » articula Keitarô en essuyant un filet de sang de sa lèvre.
« Je ne voulais pas forcer... » assura-t-il en se remuant l'épaule. « Hum, il y a beaucoup plus de monde par terre que l'endroit est censé en tenir. »
« Il faut croire que j'ai beaucoup de succès. »
« Il pourrait être meilleur ailleurs. »
« Décidément, vous n'en démordez pas. »
« Je constate simplement. Chaque bagarre vire en règlement de comptes, et est pire que la précédente. C'est cela votre vision de l'avenir. Vous n'arriverez pas à sortir la tête hors de l'eau si vous vous contentez de cuver des bières et briser des gens jusqu'à trouver plus fort que vous. Au fond de vous, vous savez que tout ceci n'est qu'une fuite de vos véritable problèmes. Même si je ne vous tends pas la main par altruisme, vous devriez vous laisser une chance. Rien de vous attend ici. »
« Et qu'est-ce que vous me proposez comme boulot ? » questionna finalement Keitarô en sortant dans le matin naissant hors du bar, les effluvent de la mer leur agressant les narines.
« Un poste de videur dans une boite de nuit que je vais ouvrir dans quelques temps. »

Keitarô éclata de rire.

« Je comprends mieux pourquoi vous vouliez faire appel à moi. Bon écoutez. Laissez-moi un peu de temps pour faire le point. Okay ? Je vous retrouverai bientôt pour vous donnez ma décision. »

Ce n'était que du cinéma, Natsuki le savait. La lueur qui s'était rallumée dans le regard de l'Akimichi ne trompait pas : il avait déjà fait son choix. En début d'après midi, Natsuki rentrera à Konoha avec lui.