Le regard porté vers l’horizon, une légère secousse semblait avoir agité la surface des flots. Un parchemin à la main, Michiki le déposa au sol avant de se relever, mains dans les poches. Il n’avait pas changé la direction que prenaient ses yeux vers l’immensité océanique se profilant sous pieds. Une nouvelle secousse suite à une importante concentration de chakra provenant de sa position puis plus une perturbation en vue. Cet épisode avait dû passer inaperçu étant donné l’endroit où se tenait le Shinda. Il avait d’ailleurs choisi ce lieu pour une bonne raison.

Son isolement était propice à la réflexion et à ce petit test. Il était satisfait d’en conclure le bon déroulement. Sa création était certes pharamineuse mais payante au final. Il aurait bien souri si son esprit ne vagabondait pas déjà loin dans ses plus obscurs songes. Les projets et idées qu’ils continuaient de poursuivre. Plus pour les mêmes raisons. Avant, il œuvrait pour obtenir Kiri. Maintenant l’objectif était de la préserver. Qu’elle puisse être éternelle et fière en regardant son passé. Mais toujours dans le but de s’améliorer et d’exceller là où leurs ancêtres auront été des pionniers. L’idée d’un nécromancien Kirijin plus redoutable que lui-même eut le don de faire sourire le Fossoyeur. Pourquoi pas après tout. Le monde était peuplée de surprises qui se manifestaient de manières aussi diverses que curieuses.

Mais sa séance de méditation fut brusquement interrompue par une émission de chakra étrangère. Cette dernière provenait de la ceinture du Shinda qui abaissa les yeux vers le rouleau en question. Il s’agissait du parchemin confié par le Seigneur de Guerre de Kusa pour qu’il puisse l’appeler en cas de besoin. Ce signal indiquait qu’il pouvait donc procéder à ce voyage éclair de sa propre initiative. Ce qui embêtait bien le nécromancien qui aurait préféré garder cet atout pour un autre moment. Au pop d’apparition de son collègue, il en profita pour laisser échapper un léger soupir alors que l’impérial commença à parler.

Plaçant une petite remarque sur une possible tentative d’assassinat, Michiki ne s’en offusqua pas et préféra écouter la suite de son discours. Cette histoire lui paraissait étrange. Un Yôgan souhaitant se venger des Sunajins l’ayant mené à quitter ses fonctions. Le nom de cet homme lui était parfaitement inconnu de plus. L’Oterashi vint alors à interroger son interlocuteur sur ses compétences en matière post-mortem pour permettre à cet homme de remplir son rêve. Michiki ne portait pas spécialement Suna dans son cœur. Il n’y verrait aucun intérêt en soit. Mais il aimait être au courant précisément de ce pourquoi ses talents étaient demandés.

- Seigneur Oterashi. Je constate que votre petit gadget fonctionne à la perfection. Mais il vous aurait suffi d’une lettre et nous aurions mené cette entrevue dans un lieu plus décent et plus confortable.

Un faux sourire hypocrite ornait alors son visage. Il ne mit cependant pas trop de temps à disparaître pour laisser place au sérieux habituel qu’on pouvait connaître au Shinda :

- Mais nous sommes tous deux des hommes pouvant nous passer de pareilles mondanités. Je vous remercie donc d’en venir directement au but. Mais je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le pourquoi du comment. Si vous vouliez bien m’expliquer depuis le début en quoi ma maîtrise poussée de la Nécromancie pourrait vous être utile, je serais plus à même de répondre à vos exigences.

L’Oterashi semblait insister pour laisser les mondanités de côté entre eux. Le Shinda ne s’y opposait pas. Il respectait les codes moraux en matière de politesse même si ce n’était qu’occasionnellement et qu’en matière de présentation. Sur d’autres points, il n’était pas l’exemple même de la bienséance. Surtout lorsqu’il se retrouvait à faire ses courses parmi les restes d’un cimetière. Les familles voyaient une telle pratique d’un mauvais œil. Amusant quand on y pense puisque ses mêmes cadavres permettaient de défendre les vivants. Dans la Kiri d’autrefois, c’était ainsi que ça marchait. Il déterrait les corps, était mal vu pour ça, mais bienheureux les hypocrites d’être ensuite protégés par ses techniques immorales. Avec le temps, Michiki s’était habitué aux regards de travers et à l’hypocrisie naturelle des populations qu’il protégeait pourtant au péril de sa vie. Et puis ça faisait des petites retrouvailles familiales alors pourquoi se plaindre ?!

Le Seigneur de Kusa en venait au vif du sujet. Il faisait mention de l’arcane suprême de la Nécromancie. Une technique longtemps oubliée qui avait refait surface il y a quelques années de ça, notamment avec l’arrivée au pouvoir du Nidaime Kazekage ou bien par le biais d’Irana, la servante de Makka. Autant de shinobis redoutables qui avaient su repousser les limites de cette technique. Michiki avait par la suite appris ce jutsu auprès de son ancien senseï en la matière, dernier connaisseur du Kinjutsu sur tout l’archipel. Par la suite, le Shinda s’était assuré d’être l’unique utilisateur de tout Mizu à son tour. Sa récente accession au pouvoir et l’utilisation de cette technique pourrait attirer bon nombre de maraudeurs en quête de ce savoir. Même si pour l’instant, ce n’était que rumeurs qui circulaient autour du mystérieux Rokudaime et de sa possible utilisation de la technique de résurrection.

Déposant une main sur un de ses parchemins à sa ceinture, il écouta attentivement le récit de l’Oterashi qui semblait bien déterminé à laisser le Yogan accomplir sa vengeance sur Suna. Un village que le Shinda ne portait pas particulièrement dans son cœur. Ou du moins il s’en méfiait. Leur potentiel offensif était non négligeable au vu des clans qui en faisaient la fierté mais il n’était pas aussi virulent à leur égard qu’il aurait pu l’être vis-à-vis de Kumo. De plus, la traîtrise potentielle de Hasu pourrait lui valoir un séjour dans les geôles du Vent s’il venait à se présenter là-bas. Il avait préféré éviter ses contrées par conséquent. Mais si c’était là le contrat à respecter pour avoir un nouveau cadavre dans sa collection, le jeu en valait clairement la chandelle. Un regard de gourmandise se déposa sur la fiole de sang, porteuse de l’ADN suffisant du défunt.

Le ton avec lequel son interlocuteur l’interrogeait sur ses capacités relevait presque du défi. Un détail qui fit sourire le nécromancien alors que sa prise sur le rouleau à sa ceinture se raffermit. En moins de temps qu’il n’en fallut pour dire « Maîtrises-tu l’Edo Tenseï ô grand Kage de la Brume », un nuage de fumée engloba la scène suite à la libération du contenu du sceau. Depuis cette brume artificielle jaillit un os qui fusa sur l’Oterashi. Ce dernier n’aurait bien sûr aucun mal à esquiver. Lorsque le nuage se dissipa, un homme se tenait aux côtés de Michiki. Ou plus exactement derrière lui, un bras passant par-dessus l’épaule de son marionnettiste. La tête baissée, on distinguait difficilement ses traits sous l’épaisse capuche qui lui recouvrait le crâne. Il ne prononça pas un mot, l’esprit totalement bridé par son invocateur et maître.

Le sourire radieux du Rokudaime illumina son visage trop sérieux jusque-là. Avant même que le Seigneur Shukajin puisse en placer une, il fit volte-face, un scalpel en main, et vint violemment planter la lame à l’emplacement du cœur de son acolyte. Mais ce dernier ne bougea pas, ne broncha pas. Il se contenta de rester le bras en l’air, la dextre tendue vers Yanosa comme un appel à l’aide. Un léger nuage de cendre s’aggloméra là où l’impact de l’arme avait laissé une blessure légère. Plongeant alors ses yeux azurés dans le regard de l’Oterashi, l’Edo Tenseï à ses côtés ôta sa capuche pour dévoiler ses traits et son regard rendu noir à cause d’un voile brumeux recouvrant pupille et iris.

- Cela doit répondre à la question, supposa Michiki non sans un nouveau sourire.

Le cadavre à ses côtés quitta alors le duo pour se rendre un peu plus loin. Il avait reçu par ordre mental d’inspecter les environs et de les surveiller pour ne pas interrompre les deux hommes dans leur conversation laissant présager un accord morbide que beaucoup désapprouverait.

- Je n’ai rien contre le fait d’offrir à un homme une vengeance rondement méritée. Ce que j’ai du mal à comprendre en revanche c’est comment son sang est-il arrivé jusque-là si c’est Suna qui est censé l’avoir sauvagement assassiné. Seriez-vous arrivé après la bataille ? s’étonna le Shinda.

Laissant le soin à son interlocuteur de répondre, il ne put réprimer sa curiosité, plus motivée par une convoitise sans nom, et enchaîna sur une question qui laissa trahir sa soif de nouvelles recrues.

- Vous parliez également de… « cadeaux » du même acabit que celui-ci. Pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

Réceptionnant d’une main la fiole lui étant lancée, les soupçons du receveur étaient fondés. Il y avait bien anguille sous roche dans cette histoire. En tout cas, l’Oterashi s’était chargé de la mise à mort de cet homme qu’il tenait à aider dans sa vengeance. Une intéressante information qui n’avait que peu d’importance d’un point de vue stratégique. L’essentiel étant naturellement l’acquisition d’une nouvelle recrue. Pas mauvaise qui plus est pour être chef de clan. C’était un beau présent que lui offrait déjà le Shukajin. Et il semblait en avoir d’autres en réserve.

Même s’il déclara n’en avoir en réalité qu’un seul en réserve, il semblait mériter des « faveurs » de la part de Michiki envers le Seigneur de Kusa. Le terme étonna le nécromancien qui resta attentif en toute circonstance. Même lorsqu’il évoqua son pays. Un réflexe l’aurait poussé à serrer les dents mais il avait appris à se maîtriser avec le temps. Il était deux fois plus sur la défensive maintenant qu’il avait de telles responsabilités au sein de l’archipel. Avec sa nomination de Mizukage, il y avait des répercussions. Il serait d’ailleurs curieux de recueillir l’avis de son « homologue » sur cette situation. Un pro-impérialiste ou un libéraliste ? Le débat serait tout aussi intéressant même si celui en cours gagnait à être entendu.

Ainsi Yanosa désirait un petit coin de l’archipel où implanter un forum. Un lieu où tout un chacun se verrait former. Une condition qui devenait plus une aubaine pour le Shinda au vu de ses projets pour le pays. Cette conversation était riche de rebondissements et de bonnes nouvelles. Cadavre, renseignements et formateur, il se trouvait dans une de ses journées où l’on sait pourquoi on s’est levé. Il avait donc déjà une réponse toute trouvée à ce sujet. Venait ensuite la deuxième partie de ses réclamations visant à une modification de son utilisation de l’Edo Tenseï. Il souhaitait que les corps invoqués puissent préserver leur personnalité au lieu d’être brider par le Shinda. C’était une deuxième demande plus compliquée à satisfaire tout de suite. Il en aurait presque refusé toute association avec l’Oterashi si le nom qu’il lui avait annoncé n’était pas aussi surprenant.

- Irana. Bien sûr que je la connais. Je lui dois la vie si l’on peut dire. Sans elle je n’aurais pas quitté Kiri pour me perfectionner et je serais resté dans un village destiné aux ruines. J’aurais été le pantin d’un autre nécromancien Mizukage qui sait ! Et puis quand bien même, ce nom est connu de beaucoup de monde.

La nécromancienne de Makka avait longtemps fait parler d’elle dans le Yuukan. Il semblait même qu’elle soit réapparue il y a un an avant de disparaître. Maintenant, le Shinda savait où elle se trouvait. Quelque part dans la poche de cet homme. Ironique quand on y pense. Michiki se surprit soudainement à vouloir en apprendre plus sur ce Shukajin dont les affrontements semblaient plus qu’intéressants et riches en main d’œuvre. Il aurait tout à gagner à le suivre de près ! La Mort suivait son sillage et semait des graines prometteuses.

- Vous m’avez l’air d’être un fervent combattant que les conflits mènent sur des terrains ardus. Mais vous êtes là devant moi pour en témoigner. Je suis impressionné. Vous devez être un guerrier talentueux. Il serait donc plus qu’envisageable de vous réserver un lieu au sein de l’archipel où vous pourriez dispenser vos connaissances. Je pense pouvoir m’arranger pour qu’un tel projet aboutisse.

Le Rokudaime fouilla l’une de ses poches pour en sortir un nécessaire à fumer. Paquet de clopes et briquet s’animèrent sous ses doigts pour loger finalement un fin bâtonnet de tabac entre ses lèvres dont l’extrémité rougeoyante se reflétait sur le verre de ses lunettes. Il prit une grande inspiration suivi d’un nuage qui se dissipa rapidement sous l’air marin alors qu’il reprenait la parole :

- Un conseil de nécromancien, ce n’est jamais arrivé en effet et il vaut mieux à mon humble avis. La réunion de plusieurs personnes comme moi signeraient la fin du Yuukan. Imaginez seulement. Une armée d’immortels ! Même Irana n’avait pas une telle force de frappe à disposition.

Mais c’était quasi équivalent vu les pions qu’elle possédait sur son échiquier. Si le Shinda pouvait déjà entrer en contact avec cette dernière, il aurait au moins la possibilité de partager son savoir et son expérience. Aussi puissant était-il aujourd’hui, il lui restait encore beaucoup à découvrir sur ses obscures arcanes auxquelles il s’adonnait. Chassant cette gourmande idée de sa tête, il continua comme s’il ne s’était pas arrêté :

- Mais nous serions tous d’avis pour statuer que le contrôle d’un Edo Tenseï est chose sensible comme vous l’avez souligné. Si nous prenons l’exemple de votre ami ici présent. Supposons qu’il se rende à Suna pour obtenir vengeance. Je lui laisse libre court à ses envies et il obtient gain de cause. S’il décide ensuite de s’en prendre à vous. Vous conviendrez que c’est chose fâcheuse. Je n’en ai nullement l’envie. Certains de mes « associés » sont peu enclins à satisfaire mes intérêts comme vous en aviez conscience. Aussi, un certain niveau de contrôle est nécessaire, voire indispensable pour que Kiri et l’Empire puissent prospérer. Je pourrais l’alléger dans certains cas mais il y en a où le moindre relâchement n’est pas envisageable.

Sa main se déposa sur le rouleau où figurait un « K ». Celui d’à côté ayant servi à invoqué le défunt Hojo était vide. Celui-ci était encore empli de son invitée d’honneur. Il tapota la pièce de papier enroulé avant de reprendre suite à une nouvelle bouffée de nicotine :

- Le cadavre d’Irana, l’auriez-vous sur vous ? demanda-t-il avec un air de gamin faussement curieux.

Il n’était pas empli de mauvaises intentions mais bien d’une simple curiosité maladive. L’Oterashi refuserait certainement mais il est dit que qui ne demande rien n’a rien.

L’Oterashi se montra intransigeant sur sa condition première. Fort heureusement il avait conscience lui-même de la difficulté de mettre en place la seconde. Mais au vu de la récompense à la clé, Michiki pouvait bien faire au moins la promesse de laisser un peu de mou à ses collaborateurs privilégiés. Surtout si c’était pour récupérer une « alliée » comme Irana. Une telle pièce dans sa collection atteindrait les sommets. Il n’aurait jamais soupçonné que cet entretien puisse à ce point le réjouir. L’Onshi avait réussi à piquer au vif sa convoitise. Lui qui se montrait pourtant si désintéressé d’habitude, il ne le cachait pas aujourd’hui.

Ce serait faire preuve d’hypocrisie. Et du peu que pouvait en voir le Shinda, son interlocuteur n’était pas du genre à fricoter avec les menteurs et les hypocrites. Il était du genre à aller droit au but en prônant la franchise et d’autres belles valeurs. C’était son choix après tout. Tout le monde avait ses défauts. Celui de Michik termina écrasé sous son pied lorsqu’il arriva au bout de cette cigarette, le faisant revenir à ses affaires si intéressantes. Il eut plus de précisions sur la fin d’Irana. Ses pouvoirs, il les connaissait déjà pour y avoir fait face en la personne du Shodaime Mizukage il y a longtemps sur Hai.

Rapidement le Seigneur de Kusa redéfinit ses attentes quant au défunt Yôgan dont il lui avait remis une fiole de sang. Il souhaitait qu’il soit le plus libre possible. Une promesse que le Shinda n’était pas dérangé de tenir. Elle n’était pas très contraignante pour lui en l’état. Et si elle représentait la première marche vers Irana, il le ferait volontiers plusieurs fois sans discontinuer. Puis vint le temps des adieux. Le temps manquait à Yanosa apparemment qui ne se fit pas prier pour prendre congé. D’un hochement de tête respectueux, Michiki le salua une dernière fois :

- Je suis certain que nous parviendrons à une collaboration dont nous serons tirés profit tous deux. Soyez en certain, affirma le Fossoyeur d’un air qui en disait à la fois peu et long.

L’Oterashi disparut sans demander son reste alors que le Shinda en revenait à sa contemplation de la vue. Mains dans le dos, ce dernier fut agité de quelques soubresauts alors qu’un ricanement s’entamait pour devenir un éclat de rire. Le rire du démon solitaire perché sur sa falaise.