Plus d'une année s'était écoulée depuis la dernière éclipse. Une année avant que je ne revienne foulée ces terres enneigées. J'avais traversé le pays des neiges du sud jusqu'au nord pour arriver en cette contrée. Ou plus précisément sur cette chaîne de montagne qui servait de frontière entre la civilisation et ce que nous appelions le cap du bout du monde. Avançant au milieu de la tempête je longeai les massifs rocheux vêtue d'un épais manteau de fourrure à capuchon. Il ne m'était pas nécessaire de voir, je savais parfaitement où j'allais. Une heure plus tard, je parvins finalement sur l'autre versant de la chaîne de montagne traçant la limite du monde des hommes. Le vent sifflait lourdement dans mes oreilles, la neige fouettait mon visage, le froid mordait ma chair, mais je demeurais indifférente. Tous ces désagréments et ces bassesses humaines me semblaient si lointaines.

J'avais l’impression de fonctionner de manière automatique comme si mon corps se mouvait de lui-même, inébranlable qu'il fut face à la fureur du nord. Les échos de la tempête m'indiquèrent la présence d'une grande structure de pierre façonnée par l'homme. J'étais finalement arrivée à destination. J'espérai que mon voyage touchait à sa fin. L'imposant édifice n'était autre que les ruines d'un ancien manoir construit dans l'un des lieux les plus hostiles que la terre ai faite. Mais je n'étais pas là pour faire du tourisme. Les fantômes que je cherchai n'étaient pas à l'intérieur. Je trouvais le cimetière à tout juste une centaine de mètre delà. Retirant mon gant je laissai ma main glisser sur les surfaces glacées des tombes. Une à une j'examinai leur relief afin d'y lire les noms gravés dessus. Je m'arrêtai sur celle que je cherchai.

-Je ne comprenais pas pourquoi les gens faisaient cela jusqu'à ce qu'un Mamoru me fasse comprendre qu'il existait quelque chose après la mort.

Parler à une tombe ? Est-ce que cela aidait à passer à autre chose ? A faire son deuil ? Dans le fond quelle importance ? Le mien était fait depuis des années

-J'ose espérer que vous puissiez m'entendre de là où vous vous trouvez mère... Malgré la clameur de la tempête je n'avais aucun mal à distinguer le son de ma voix. Je suis revenue pour mettre un terme à toute cette histoire, mais avant cela je tenais à vous rendre visite. J'aurai souhaité pouvoir le faire plus tôt, mais fort est de constater que j'ai déjà seize ans de retard.

Je me tus durant de longues secondes comme si j'espérai que la tombe puisse me répondre, ce qu'elle ne fit naturellement pas.

-Tout ce qui est arrivé... N'est pas de votre faute. Les hommes n'ont jamais su vous accueillir. Ils ont laissé ce démon corrompre leur cœur ; surtout le sien... Je vous prierai de ne pas en vouloir... De ne pas en vouloir à père. Je ne le reconnaissais pas en tant que tel. Satoshi, malgré la distance qu'il y avait pu avoir entre nous, méritait davantage ce titre. Néanmoins appeler ainsi mon géniteur se prêtait davantage à cette conversation. Je tiens tout de même à vous en faire le serment. Vous serez vengée mère. Chura tombera de ma main.

Un nouveau silence. Je n'espérai toujours aucune réponse.

-Bien... Ils sembleraient que mes hôtes soient arrivés. Je dois vous dire adieu. Je doute pouvoir revenir un jour. Peut-être nous reverrons-nous de l'autre côté.

Je me retournai lentement pour faire face à ces silhouettes flanquées à l'entrée du cimetière. Le climat était toujours aussi hostile. Le vent était toujours plus vif. Une voix s'éleva péniblement par-dessus.

-Que faites-vous ici ? Ce lieu est interdit d'accès. Déclarez-votre identité sur le champ.

Toutes deux l'ignoraient, mais contrairement à elles je savais parfaitement qui j'avais en face de moi. J'hésitai brièvement. Ne sachant pas quelle serait leur réaction si je venais à utiliser mon nom complet. Aussi retirais-je mon capuchon avec une certaine solennité sans savoir si elles étaient en mesure d’apercevoir mon visage au milieu de la tempête.

-Je me nomme Hélios Aozora Saibogu Oniri.

Parce que je ne rejetai pas mes origines et assumaient chacune d'elles, ce qui ne sembla pas être le cas de mes hôtes. Cela je le compris en entendant le son d'une lame que l'on dégainait.

-Vous ? S'écria une deuxième voix plus jeune.

Je pus ressentir chacun de ses déplacements comme si je les distinguais avec mes propres yeux. Mon sunobi tantô dévia l'estoc de sa rapière. Un brutal combat s'engagea au milieu des tombes.

-Monstre ! Tout est de votre faute ! Pourquoi êtes-vous revenue ?

Je n'étais pas ici pour leur faire du mal. Je n'avais aucun intérêt à la tuer.

-Vous devez mourir !

Non aucun. Pourtant j'invoquai une de mes armes à feu sans la moindre hésitation. Je déviai une nouvelle fois sans lame m'apprêtant à plaquer le canon sur son buste. Seulement à cet instant le chakra de la première femme se répandit sous nos pieds. Nous eûmes le réflexe de nous écarter aux derniers instants avant que ce qui semblait être des pieux de glaces ne nous embrochent. Je rangeai aussitôt mes armes consciente que cet affrontement n'irait pas plus loin

-Assez ! Clama d'une voix autoritaire la femme la plus âgée. Vous n'avez effectivement rien à faire ici Oniri. Repartez d'où vous venez et ce sur le champ. Auquel cas je puis vous garantir que vous ne repartirez plus jamais.

Son ton était clairement menaçant et tout me laissait à penser qu'il ne fallait pas la prendre à la légère. Pourtant je restai à ma place, parlant d'une voix calme, empreinte d'amertume.

-Si je devais partir sur le champ. Il me serait alors impossible de vous raconter toute l'histoire. Ne voulez vous pas savoir pourquoi votre famille à été détruite, Aozora Fubuki ? Dis-je pour lui rappeler que nous portions le même nom.

Ce ne fut qu'après leur avoir tout raconté que je portai la tasse de thé tiédie à mes lèvres. Désormais ils savaient tout. Comment Hélios Hairo avait rencontré l'Akuma que fut ma mère. Comment le démon Chura présent dans la montagne était parvenu à le corrompre résultant cette guerre ayant poussée la famille Aozora à l'exile durant plus d'une décennie. J'expliquai également que j'avais été ramené de force à Yuki il y avait plus d'un an de cela et que des Sunajin étaient venus à mon secours. Je racontai notre affrontement contre Chura, le sacrifice d'Hélios qui, après avoir retrouvé ses esprits, avait scellé et enfermé le démon avec lui dans la montagne. Sa disparition avait permit le retour des Aozora ce qui nous ramenait à la situation d'aujourd'hui. Je devinais l'émoi des personnes présentes dans la salle, mais également leur doute. Fubuki ne perdit pas de temps pour les partager.

-Comment pourrions-nous vous croire ? La quarantenaire était la cheffe de famille, mais également la nouvelle comtesse de ces terres. Elle semblait dotée d'un esprit clair et avisé.
-Je n'ai aucune raison de mentir tout comme je n'aurai aucune raison de revenir ici si rien de tout ceci n'était vrai.

On ne pouvait nier qu'en tant que fille d'Aozora Hisaki et d'Hélios Hairo, je me trouvai au cœur de cette tragédie. Ma nature démoniaque n'aidant pas, il était normal que certain Aozora me considèrent comme responsable des événements il y avait seize ans de cela. Ma mère avait jadis été adoptée par la famille Aozora afin de prendre son nom et ainsi pouvoir se marier avec mon père. Autrement dit, je ne partageai pas le même sang que les personnes présentes dans cette salle ce qui ne faisait qu'accentuer cette image de démon usurpateur.

-Si je comprends bien vous cherchez à retrouver ce démon, qu'il fut scellé ou non, afin de l'éliminer.
-C'est exact. Et vous aller m'y aider. Parce qu'il est à l'origine de cette sombre histoire. Par sa faute les vôtres sont morts, par sa faute les survivants ont été condamné à l'exile, par sa faute j'ai perdu mes parents. Je marquai une pause accentuant le regard que je portais sur la comtesse assise dans le fauteuil en face du mien. Les morts réclament justice. Plus qu'une question de vengeance, c'est une question d'honneur. Les Aozora permettraient-ils qu'une telle créature demeure enfouie sous leur terre ? J'en doute. Dans ce cas accompagnez moi. Aidez-moi à le terrasser une bonne fois pour toute. Alors je disparaîtrai en faisant en sorte que vous n'entendiez plus jamais parler de moi. Vous pourrez reprendre le cours de vos existences et redorer l'égide de votre famille. Reposant ma tasse je m'installai confortablement dans mon fauteuil, les doigts joints en pyramide. Mais avant cela cette histoire doit s'achever. Une bonne fois pour toute.

Le silence retomba plus lourd que jamais. Chacun des Aozora ici présent se retrouvait plongé dans une profonde réflexion. La décision final revenait cependant à la matriarche qui, je le pressentais, irait dans mon sens. Ces deux dernières heures de discussions avaient servi à cela.

-Soit. Nous vous soutiendrons. Les légendes parlent d'elles-mêmes. Il a toujours été mention d'une créature présente dans la montagne. C'est pourquoi je suis prête à vous croire. Néanmoins, nous acceptons de vous aider à la condition de nous laisser porter le coup final sur cette créature. Si ce que vous dites est vrai alors cela signifie que nous avons d’avantages de droit sur sa mort que vous.

Le ton de sa voix était glaciale et autoritaire. Il renfermait encore cette pointe de rancœur à mon égard. Naturellement je savais que je ne pourrais jamais faire taire une animosité si ancienne seulement avec des mots. Mais j'étais parvenue à obtenir ce que j'étais venue chercher.

-Les circonstances m'importent peu du moment que le résultat y est. Cette phrase toute faite venait de la Kunoichi. J'aurai besoin d'accéder à toutes les archives, les votre et celles de la ville. Chura a été enfermé par une ancienne civilisation et le sceau le retenant ne cédera pas si facilement. Il y a quelque piste dont je souhaiterai vous faire part...

La discussion fut longue. Durant les jours qui suivirent nous œuvrâmes de concert pour rassembler autant d'informations que possible. L'une d'elle nous mena jusqu'à un parchemin qui fut semble-t-il récemment dérobé dans les archives de la ville. De toute j'étais la personne la plus à même de retrouver le voleur. J'allais une fois de plus devoir me mettre en chasse.

Spoiler: