- Namabiiru-chan ! Un autre saké s'il te plait !

10h du matin. Les ruelles du village sont bondés de civils, appréciant les joies du marché matinale. Ils sentent, goûtent, puis achètent ou non les produits qui feront de leur repas du midi, une vraie petite merveille pour les papilles. Il n'y a aucun danger dans les parages, la vie bat son plein. C'est beau, c'est joyeux, c'est pas si mal du tout. Les enfants s'excitent quant aux réjouissances amicales qu'ils pratiquent avec leurs petits camarades. Si jeune, si innocent, leurs parents ayant vécus durant la guerre savent que ces petites têtes blondes réussiront à changer la face du monde.

Mais j'vous parle de ça alors que j'suis bourré. C'pas très cool. J'suis seul dans c'bar à observer les passants et leur jolie petite vie. Accoudé au bar, dégoupillant mon treizième ... Nan ... mon vingt-troisième verre de saké, je m'enivre sur le bois sec du comptoir ayant comme seul moyen d'éponger toute cette horreur, un bol de noix d'cajou.

Nama', de son p'tit surnom, me guette de l'oeil et me soutien, face à ce désespoir moral qui s'abat sur moi depuis quelques jours. La main sur l'épaule, elle me réconforte. Mais elle comme moi savons très bien ce qui pourrait vraiment me réconforter. Malheureusement, elle est mariée. Enfin, c'est c'qu'elle dit. En voilà une autre raison de boire ... Pourquoi toutes les jolies femmes sont déjà prises ? Si j'ai envie d'une bonne tartine, n'm'passe pas l'trognon, ça s'fait pas ...

Et je sombre de nouveau, l'oeil à travers le verre, au milieu des deux autres habitués.

La bouteille à la main, je titube au milieu de la salle ayant pour seul grand objectif de ma vie à cet instant T, atteindre la porte sans tomber. Mais le chemin est difficile, semé d'embûche. Quelques tabourets, deux ou trois tables et Puroppu-san; le pilier d'bar du coin. Bon nombre de personne me connaisse à Kumo pour mes talents d'ivrogne. Mais Puroppu ... est réputé comme indetrônable. Le genre de loustic qui pourrait rester éveillé 24h à s'envoyer verre après verre, la cave de la petite Namabiiru. Comme si boire et décuver était un art ...

Ouais, c'en est un je l'affirme.

Le pied droit venant sur le gauche, le gauche venant sur le droit, mes yeux échangent de place et la simple petite auberge dans laquelle je me trouve se transforme en immense auberge n'accueillent pas trois, mais dix-huit poivrots. L'estoma-k fait des siennes et me renvoit par quelques impulsions répugnante, la texture de mon petit déj'. MAIS J'AI PAS PRIS DE P'TIT DÉJ' !!!

Fermant alors les yeux, j'accélère donc le pas. Esquivant non pas un, non pas deux mais trois tabourets sur mon chemin, m'appuyant alors sur l'épaule de Puroppu, fièrement assit à la table la plus proche de l'entrée et comme dans un saut de désespoir, je recrache ce qui me remplissait le ventre depuis hier soir, dans un bidon, à l'entrée de l'auberge.

La main sur le coin des lèvres, j'm'essuis les restes qui me collent à l'épiderme buccale, crache un bon coup, avant de remettre ce bon vieux chapeau de paille sur ma tignasse rousse.

- BONJOUR KUMO ! Prêt pour une nouvelle journée ??!

Même si j'sais pas trop c'que j'vais faire de c'te journée ...

Sous un toit fait de taule, assombrissant la ruelle marchande, j'me retrouve allongé, une clope à la bouche, ce chapeau de taille me couvrant le visage. Latte après latte, je n'pense à rien. Du moins, rien d'exceptionnel. Cette cuite matinale me laisse encore dans l'flou puis la fumée épaisse des clopes, s'embourbant dans mes poumons, n'aide pas non plus.

Alors, je tousse, tout en gardant ma position, puis je tire sur le reste de tabac, avant d'écraser mon mégot par terre, l'oeil assombrit par le couvre chef, guettant l'action.

Miaou ! ... Miaou ! ...

J'ai faim. Cet arrière goût de vomi qui m'traine au fond d'la gorge me dégoute au plus haut point. Alors j'lâche un molard gros comme tes yeux, avant de m'en griller une autre. Saleté d'addiction ...

Miaou ! ... Miaou ! ...

Puis si j'me lève pas maintenant, j'me lèverais jamais. J'en sais rien. Si ça se trouve, le stand de Yakitori le plus proche est à l'autre bout d'la ville. Raaaaaah, j'commence à avoir la flemme de m'lever rien qu'à cette idée. Mais ces brochettes de boeuf et de fromage ... trempés dans de la sauce épicée aux doux piments du pays me donnent l'eau à la bouche. Une bouche qui d'ailleurs, sans même m'en rendre compte, s'ouvre petit à petit, laissant un filet de bave couler sur mon manteau.

J'ai vraiment faim.

Miaou ! ... Miaou ! ...

- BORDEL MAIS FAITES TAIRE CE CHAT !

Un coup d'oeil, tout en relevant mon chapeau, puis par ma rétine, je scrute la rue passante. Tous me regardent, choqués. Mais s'ils voyaient réellement que j'essaye de me reposer, alors ils auraient fait quelques chose vis-à-vis du matou. De plus, j'aime pas les chats. J'toujours peur qu'ils m'sautent à la gueule et qu'ils me griffent. Ils ont l'air sournois ... Tous autant qu'ils sont.

Mais n'empêche, que la vie continue et chacune des personnes présentes reprend le cours de ses occupations. Mais c'est-à-dire ? Personne ne va faire quelque chose pour ce truc, qui braille sans cesse depuis tout à l'heure ? Si c'est comme ça, en voilà une bonne raison pour me bouger et aller avaler un morceau.

Quelle putain de matinée dites donc ...

- Monsieur aidez-moi s'il vous plait ! Mon chat est coincé dans cet arbre ... !
- OhOhOh ! On m'la fait pas à moi ! Le genre de truc "Aller sauvé le chat d'une vieille dans un arbre", désolé mais vous trouverez bien un bambin de l'académie pour vous aider ... Aller, bonne journée !

Pas folle la vieille.

Arrivé au stand de Yakitori, j'commande trois barquettes de boulettes de viande au fromage, histoire de passer l'temps et d'me rassasier l'estomac avant d'attaquer l'déjeuner. Faut dire que la biture du matin est assez violente. Pas comme celle des autres jours, nan celle-ci passe mal. J'crois bien avoir un problème d'alcool en c'moment. Ou c'est juste cette putain d'vie qui m'rappelle qu'il n'y a rien à quoi s'accrocher dans c'bas monde. Les shinobi, l'ordre, la justice. C'est que des conneries tout ça.

- Hey Ao !

Tiens, v'là Djim-Djim. Vous pourriez lui demander son avis à propos de toutes ces conneries, il vous dira la même chose. Dans tous les cas, on nait, on vit et on meurt. Et ça, Djimy l'avait bien compris. Personne sait si c'est ça petite tête blonde qui force la plus part des gros dur du quartier à lui foutre deux/trois pains à chaque fois qu'ils le croisent dans la rue, mais en tout cas, s'il continuait comme ça, cette putain de grande faucheuse il allait pas tarder à la rencontrer.

- Tu viens faire une partie d'carte ??!

Une partie d'carte ... Nan mais je rêve. Lui qui est accro aux paris et jeu d'argent en tout genre, souhaite faire une partie d'carte.

- Tu t'fous d'ma gueule ?

Ce petit merdeux s'obstine à vouloir jouer à des choses pour lesquelles il n'est pas fait. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il y perd un sacrée paquet d'pognon. Les missions qu'il se voit rendre aux services du Régent actuel, ne servent qu'à éponger les dettes qu'il a au-dessus de la tête. Comme une putain d'épée d'damoclès prêt à lui fendre son joli p'tit crâne. Ah ça pour se foutre dans la merde, Djimy savait y faire.

- Et tu veux parier combien cette fois ?

Car si cet enfoiré vous propose de joueur, croyez pas qu'c'est pour jouer pour de faux et balancer des "pouce j'vais aux toilettes". Il s'croit plus malin qu'la moyenne mais à chaque fois, il y perd. Mais j'l'aime bien, c'est un chic type. J'dois être le seul qui l'autorise encore à m'approcher. Les autres dès qu'ils le voient, ils fuient. Du moins, c'est Djimy qui les fuit. A cause de ses dettes bien évidemment.

- Hum, j'ai une partie organisé avec un type qui fait des trucs de Shukan,Tsuchran ou j'sais pas trop quoi ... Et il nous manque un joueur pour avoir un totale de mise à jouer. Dis-tu veux bien venir jouer ? Pour moi ?
- Shukran ?
- Ouais c'est ça !
- Bordel Djimy, tu sais très bien qu'ces gars là c'est pas des tendres. Et ils savent très probablement ta réputation et vont profiter pour te dépouiller. Et tout ça pour quoi Djimy ? Une poignée de ryos ? Aller, casse toi ...

J'ai encore l'odeur de gnôle qui m'tarode dans les narines et ces Yakitori sont froids.

Bordel Djimy ...