Le temps était venu pour Ether de quitter Mizu no kuni.
La jeune fille avait obtenu ce qu'elle souhaitait ; des réponses quant à la reconstruction de Kiri et la possibilité de rejoindre celle-ci. Malheureusement, tout n'avait pas été agréable à entendre, et il était urgent de faire part de ses sentiments à son clan. La demoiselle aurait bien souhaité découvrir les îles dans leur ensemble, mais il fallait croire qu'un retour était à envisager. Après avoir salué la Kaguya, tout en la remerciant de l'avoir menée jusqu'ici, la blonde reprit la mer. Le voyage se passa relativement sans encombre, et la nomade fut étrangement calme, sacrément moins emballée qu'à l'aller. Elle qui était si ravie à l'idée de venir ici dans l'optique de trouver un foyer, voilà qu'elle revenait avec des nouvelles plus ou moins mitigées ! Cependant, une légère impatience secouait l'élémentaire. Revoir son désert, ses moines et sa famille... Voilà tout ce qu'elle attendait. Le sable brûlant sous ses pieds, le soleil tapant sur ses épaules, tout ce qui faisait de Kaze le continent qui l'avait adopté. Les jours passèrent et sa destination pointa enfin le bout de son nez à l'horizon. Le visage d'Ether s'éclaira de joie et elle trépigna jusqu'au débarquement. Dès l'instant où le bateau accosta, la Gogyou se jeta à terre, respirant à pleins poumons l'air chaud du désert. Aaaah, enfin, Kaze ! La jeune fille préféra passer la journée ainsi que la nuit sur place, pour se remettre de ses émotions et se préparer mentalement à son retour au sien de la tribu. Bien sûr, elle eut bien du mal à dormir et passa le plus clair de la soirée à regarder les étoiles, comme si elle retrouvait de vieilles amies.
Le lendemain, l'errante prit la route et voyagea en toute sérénité, retrouvant ses marques dans le sable. Après plusieurs jours de marche, les montagnes firent leur apparition et Ether, impatiente, se mit à courir pour les atteindre plus rapidement. Elle jongla entre les pierres, grimpa deux par deux les marches du temple et s'engouffra dans celui-ci. La première silhouette aperçue fut celle de Salem - le moine le plus fifou qui se verrait plus jeune pour botter des culs – et la blonde sauta sur sur lui. Un cri de surprise résonna entre les murs et les autres vieux arrivèrent. Si au départ, ils avaient cru à une attaque, leurs visages se détendirent instantanément en apercevant la jeune Ether.

- Ether ?! Oh, notre petite Ether est enfin revenue !
Mais où diable étais-tu donc passée ? Tes parents étaient très inquiets !

« bah, z'avez pas reçu ma lettre ? J'tais à Mizu pour p'têtre nous trouver une maison ! »

- A... Mizu no kuni ? C'était donc vrai ?
- Mais... Tu veux partir ?

Une certaine tristesse apparut dans le regard des moines. Il faut dire qu'ils s'étaient habitués à voir débarquer la gamine quasiment tous les jours, discuter avec les nomades, boire le thé. La simple idée de ne plus voir la silhouette de la petite blonde dans la lumière de l'entrée leur brisait le cœur. De plus, s'imaginer le départ de cette tribu installée au sommet de la montagne depuis tant d'années, c'était surréaliste. Quitter le sable pour la brume ? Mais pourquoi ? Kaze et Mizu n’avait absolument rien en commun ! Cette enfant qu'ils avaient vu grandir, trouverait-elle réellement le bonheur derrière les remparts d'un village, loin de ce désert qu'elle appréciait tant ? Il serait égoïste de leur part de l'empêcher de partir, la décision lui appartenait à elle et son clan. Mais Ether n'était pas aveugle, et leur silence était révélateur. Alors, à chacun, elle leur fit un câlin pour les rassurer

« Hé, j'suis toujours là hein !
Puis, rien n'est encore décidé. J'vous dirais c'qu'on fera. Vous faites pas d'mouron pour ça ! », elle les regarda affectueusement, « Bon, faut qu'je rentre. J'suis partie depuis trop longtemps ! »

- Va ma petite, ils t'attendent.
… Mais n'hésites pas à revenir hein !

La jeune fille les salua joyeusement avant de disparaître par la porte. Les moines restèrent ainsi quelques minutes, pensifs et soucieux à la fois. Non seulement les nomades risquaient de partir pour Kiri, ce village qu'ils ne sauraient trop déconseiller, mais en plus, ils avaient appris que la petite élémentaire comptait participer à l'examen chûnin international qui allait se dérouler à Suna. Mais que cherchait-elle ? Pendant ce temps, Ether gravissait la montagne, cherchant ses mots pour signifier son retour sans déclencher la colère de son père, mais rien ne vint. Zut, zut, zut ! Et elle arriva enfin à l'entrée du campement. Le guet avait déjà signalé sa présence, ce qui expliqua pourquoi la Gogyou ne fut pas étonnée de voir Hélios, son paternel, les bras croisés sur le torse, patientant dans un calme apparent. La blonde aurait dû se sentir coupable d'être partie de la sorte, mais au contraire, elle n'en était que plus fière. Aux côtés de l'élémentaire de foudre se trouvait sa mère, le visage soulagé. En arrière, toute la tribu s'était rassemblée pour l'accueillir, l'Ancien à leur tête. Ce dernier semblait étrangement serein. Sans trop d'effusion de joie, la gamine se rapprocha de son père et se planta devant lui, ses yeux fixant son regard orangé.

« Nous t'attendions. »

Ok, ça allait douiller.

« Hé coucou papa, ça v… », elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que son père se jeta sur elle.

Instinctivement, Ether ferma les yeux, prête à voir fuser des éclairs de toute part, mais ressentit soudainement une étrange chaleur l’envelopper. Hé oh, normalement lorsque la foudre traversait tout sn corps, bah c’était hyper désagréable et douloureux ! Alors pourquoi c’était tout doux ? La jeune femme rouvrit les yeux pour se découvrir dans les bras de son père, ému aux larmes. Par-dessus l’épaule de celui-ci, elle pouvait également voir sa mère en train de pleurer. Ils avaient été si inquiets… ? La nomade se sentit soudainement coupable de leur avoir infliger une telle souffrance, et devint d’autant plus embêtée lorsqu’elle parcourut les visages de tout le clan. Ils arboraient tous une expression de profond soulagement, comme s’ils avaient attendu chaque nuit qu’elle revienne. La tribu était tellement soudée que l’absence d’un seul de ses membres se faisait toujours ressentir. D’autant plus que sans Ether, ils avaient un peu l’impression de perdre leur rayon de soleil. Chiante le rayon, mais tellement indispensable.

« Tu m’as tellement manqué… J’ai cru que tu n’reviendrais jamais. »

« Mais tu vois, j’suis r’venue. »

« Ne recommence plus jamais ça, c’est compris ? Si tu veux partir loin, très loin, préviens-nous quoi qu’il arrive. Je ne t’empêcherai pas de voir ce que tu veux voir, mais je veux toujours savoir où tu trouves, que si besoin, nous pouvions te retrouver. C’est clair ? »

« Transparent ! »

Une tape derrière la tête.

« Fais pas ta maligne toi. »

« Pardon l’Vieux ! »

Une seconde tape, le tout suivi de quelques rires.

« Un peu de respect pour ses aînés, jeune fille ! »

Elle était enfin de retour à la maison, son véritable chez-elle.
La question ne se posait même plus ; Ces montagnes étaient l’endroit où elle souhaitait rentrer, qu’importe le lieu où elle se trouvait. Il lui faudrait rapporter ce qu’elle avait vu et entendu, ainsi que les propositions pour Mizu no Kuni, mais l’heure n’était pas à ce fichu vote. Il était temps de faire la fête et de s’amuser ! Le reste de la journée passa relativement vite, et celle-ci fut entièrement dédiée aux préparatifs du « banquet » de ce soir. Les cuisinières s’appliquèrent plus que d’accoutumée pour le repas, et les danseurs et chanteurs préparèrent leurs mouvements et autres couplets. Parmi les habiles saltimbanques, Ether. Effectivement, la jeune femme ne savait pas que jouer au Uno et sourire, elle était également une danseuse fort agile. Ses parents en étaient fiers, car si elle s’était appliquée à récupérer les qualités de ses aînés décédés, la danse était le seul point qui lui était véritablement propre. Avec le temps, ils espéraient qu’elle s’épanouisse davantage grâce à cela. Avec ses multiples escapades en solo, peut-être que la maturité était en marche après tout ? Peut-être savait-elle enfin ce qu’elle souhaitait pour son futur ?

Le soleil couchant illuminait les montagnes de ses rayons orangés.
La fête venait de commencer et battait son plein. Pour l’occasion, certains moines étaient venus, dont Salem, Yasaka, Ménandre et Shinran, ses préférés. Malgré leur âge avancé, ils s’amusaient comme lors de leur prime jeunesse. Salem, toujours prêt à en découdre, dansait même avec les saltimbanques, dont Ether. Cette dernière ressentait un bonheur incommensurable à l’idée d’être à nouveau parmi les siens. Elle était chez elle. Autour du feu, les rires et les chansons allaient bon train. Au rythme des instruments, la troupe dansait, emmenant avec elle certains spectateurs, jusqu’à ce que finalement, tous les rejoignent. Après l’effort, le réconfort ! Il était temps de ripailler. A cet effet, les nomades avaient déposés sur le sol des nattes et quelques tapis brodés. En tailleur, à genoux, la position importait peu, tant qu’ils étaient par terre. Comme récipient pour manger, chacun possédait un bol en terre cuite qu’ils remplissaient des plats que tous se passaient. Du poisson, de la viande séchée, cuite, assaisonnée, au miel, des légumes croquants, du riz, des scorpions, des fruits… Il y avait de tout. Ce soir était soir de fête, aucun rationnement ! Ce faisant, ça ripaillait sec ! Et obligation de manger avec les doigts s’il vous plaît !

Ether regardait autour d’elle, s’arrêtant sur les visages de chacun des membres de sa tribu, un sourire sur les lèvres. Depuis combien de temps profitaient-ils d’un réel sentiment de sécurité ? Les premières années furent dures bien sûr, le temps de s’adapter au désert, de trouver un emplacement durable. Mais dès l’instant où ils s’étaient installés dans ces montagnes, rencontrés ces chaleureux moines qui n’avaient que faire des différences de certains des leurs, tout n’avait fait qu’aller dans le bon sens. Certes, au départ ils démontaient tout dès que le guet rapportait la présence de touristes prêts à grimper au sommet, réflexe de survie. Puis petit à petit, ce n’était que les élémentaires qui s’éloignaient le temps qu’il fallait. Et ensuite, plus personne ne bougeait. Ils restaient seulement prudents. Peu de personnes étaient de toute manière capable de démasquer les rares élémentaires de leur clan, il suffisait seulement de ne pas faire preuve d’idiotie et de ne pas montrer leurs capacités aux étrangers. Après tout, ils n’étaient que de simples nomades, saltimbanques et marchands à leurs heures perdues ! Sur leur montagne, ils étaient loin de tout, loin des conflits, loin des médisances humaines.
Pourquoi partir pour Kiri recommencer à zéro, alors qu’ils avaient construit un semblant de vie dans le désert ? Est-ce que le village de la Brume valait le risque de perdre la sécurité qu’ils avaient mis tant d’années à obtenir ? A l’origine, Ether pensait réellement que faire partie d’un village caché ne leur apporterait que de bonnes choses, une vie de citoyen lambda, pas d’ennuis et plus besoin de rester constamment aux aguets. Mais elle avait tort. Se rattacher à un village signifiait la fin de beaucoup de choses ; la fin de leur liberté, de leurs coutumes et surtout, la fin de leur histoire. Effectivement, lorsque l’on devient membre de ce genre de cité, il est nécessaire de s’adapter à leur mode de vie, de se comporter comme eux. Pas question de planter sa tente au beau milieu d’un quartier, de chanter et de danser autour du feu ! Non, fini tout ça. De plus, ceux possédant des capacités devraient forcément devenir ninjas, ce qui signifiait évidemment la fin de leur pacifisme. A la simple idée de devenir une kunoichi, la jeune femme frissonna. Oui, elle avait appris les rudiments du combat, mais ce n’était que pour protéger son peuple et sa vie. Faire la guerre, voler les terres des autres, envahir son voisin, se battre au nom du pouvoir, très peu pour elle.

Au fond, la Gogyou n’avait plus envie de rejoindre un village.
En revanche, elle souhaitait toujours avoir un jour son propre potager !
Mais dans le désert cela-dit, ce n’était pas gagné hein… Puis si l’on suivait leur logique, Suna serait le choix le plus judicieux pour un village étant donné qu’il se trouvait dans le désert. Mais la question ne se posait plus pour Ether ; ils resteraient dans leurs montagnes, libres de tout. Maintenant, il fallait que la décision soit unanime. La fête dura jusqu’au petit jour. Les moines étaient partis depuis bien longtemps se coucher, se plaignant que « ce n’était plus de leur âge tout ça », sauf Salem bien sûr, toujours prêt à démontrer sa fougueuse jeunesse intérieure, et il fallut le pousser vers la sortie pour qu’il daigne rentrer. Lorsque les premiers rayons endormis du matin apparurent, il fut temps de ranger tout ce bric-à-brac. Une fois le campement revenu à la normale, il se tut pour les heures suivantes.

Alors que toute la tribu se reposait pour la réunion à venir, Ether attendait, assise sur son rocher d’observation, le regard vers l’horizon. Et si la décision prise ne lui convenait pas ? Bien sûr, elle aurait son mot à dire et pourtant… Malgré le fait que le voyage avec Milly s’était avéré hautement intéressant, le reste ne l’était pas autant. Non seulement elle avait rencontré un type étrange prénommé Aedran, même si étrangement il ne lui avait pas fait aussi peur que ça, visiblement futur membre de Kiri, le discours de ce Michiki ne l’avait pas rassuré. Pas le moins du monde. Celui-ci voulait faire renaître Kiri la Sanglante de manière à ce qu’elle soit d’autant plus oppressante et crainte. Avide de pouvoir, cet homme ne lui avait pas fait bonne impression. Avoir un homme pareil pour « chef » ne pouvait en aucun cas être une bonne chose, bien au contraire. Il aurait la main mise sur leurs vies, leur avenir, et à l’écouter, tout ce qu’il souhaitait d’eux, c’était de se battre, utiliser leurs capacités pour combattre et asservir les autres. Ils n’étaient pas venus au monde pour cette raison ! Il était hors de question de servir une idéologie contre laquelle ils s’étaient tant battus jusqu’à aujourd’hui. Alors qu’Ether réfléchissait, l’Ancien vint à sa rencontre.

« Tu es soucieuse. De quoi as-tu si peur ? »

« C’est pas qu’j’ai peur, Ancien. », lui répondit-elle comme si elle avait senti sa présence dès l’instant de son réveil, « C’est juste que… J’me demande qu’elle est la meilleure solution pour not’ av’nir. »

Soupirant doucement, le vieil homme vint s’asseoir à ses côtés et observa l’horizon avec elle. Ils restèrent ainsi de longues minutes, n’échangeant pas le moindre mot, jusqu’à ce que l’Ancien décide de briser le silence.

« Comment imagines-tu le futur ? »

« Comment j’l’imagine ou comment j’le souhaite ? », dit-elle en tournant la tête vers son voisin.

Elle n’eut pour seule réponse qu’un simple sourire.

« J’le souhaite radieux ! Plus besoin d’mentir sur not’ nature, des échanges plus nombreux avec les Normaux, une paix durable, la fin d’ces guerres de pouvoir inutiles. Not’ clan s’étendrait et d’nouveaux élémentaires naîtraient ! Une véritable renaissance ! Oui, c’est comme ça qu’j’le souhaite ! Mais… J’l’imagine bien plus sombre. Que tous ces conflits n’soient qu’le début d’une chose bien plus grande, bien plus noire. J’crains que rien n’aille en s’arrangeant. »

Un nouveau silence s’installa durant lequel l’Ancien donna l’impression de réfléchir. Après quelques minutes, il reprit la parole.

« Il y a une grande différence entre ce que l’on souhaite et la réalité. Cependant, il est toujours possible de faire en sorte que cette réalité en question ressemble davantage à celle que tu souhaites. »

« J’comprends pas c’que vous voulez dire… »

Alecto se leva et disparut, avant de revenir une trentaine de secondes plus tard, un bol rempli d’eau entre les mains. Il se rassit doucement aux côtés de la jeune femme et lui montra le récipient. De l’index, il perturba la surface de l’eau, créant ainsi une succession de cercles.

« Regarde… De simples ronds dans l’eau, et voit comme ils se propagent. Mais, il faut savoir faire le premier pas ! », fit-il d’un air énigmatique.

L’élémentaire observa l’eau et sourit d’un air entendu.

« Merci l’Vieux. »

Une tape derrière la tête et l’Ancien se leva.

« Allez viens, on va commencer les préparatifs pour la réunion. »

Le rassemblement n’eut lieu que lorsque le soleil fut haut dans le ciel.
L’intégralité de la tribu était ici, composant plusieurs cercles l’un dans l’autre, le plus restreint se constituant des membres les plus « influents », en l’occurrence l’Ancien, Hélios, une femme d’âge mûr (Yuma) et deux de leurs rares guerriers (Faroh et Syndra). Pour l’occasion, Ether faisait partie de ce dernier, étant celle qui rapportait les nouvelles autour desquelles ils allaient débattre. Le plus grand cercle englobant le premier était donc composé de tout le reste de la tribu. Tous étaient assis en tailleur, patientant dans un silence des plus religieux. Puis l’Ancien brisa enfin le silence. Il se leva doucement et à mesure qu’il parlait, il observait chacun des membres du clan. Tous étaient concernés par cette décision.

« Mes sœurs, mes frères, amis. », il marqua une courte pause.
« Aujourd’hui, nous nous réunissons pour écouter le rapport d’Ether. En effet, comme vous le savez tous, notre jeune élémentaire s’est rendu à Mizu no Kuni pour en apprendre davantage sur Kiri. La raison étant de découvrir si le futur régent accepterait notre présence sur ses terres, quelles étaient ses conditions et ce qui nous attendait si nous nous rangions sous le drapeau du village de la Brume. A présent, écoutons ce que notre fille a à nous dire. »

Avec un sourire affectueux à l’encontre la Gogyou de vent, il s’assit, l’incitant d’un geste de la main à se lever et à s’adresser à son peuple. La jeune femme se leva d’un bond, arrachant quelques sourires à l’assemblée. Décidément, elle ne faisait rien comme les autres cette petite. Ether observa chacun des siens à son tour, souhaitant partager les sentiments qu’elle avait ressenti lors de son interlude avec le fameux Shinda Michiki, future ombre de Kiri. La nomade fit de son mieux pour parler dans un langage clair et précis, même si sa façon de s’exprimer n’avait jamais réellement posé de problème au sein des siens. Au contraire, la plupart utilisait la même façon de parler. Elle leur parla de son voyage jusqu’aux terres brumeuses en compagnie de Kaguya Milly, improvisée mentor pour quelques semaines/mois, de ce qu’elle avait appris et compris sur le monde, sa beauté vénéneuse et du poison qui le détruisait de l’intérieur. Elle n’omit aucun détail, même sa rencontre avec Aedran, frère du défunt Mizukage y passa. Des regards inquiets s’échangèrent lorsqu’elle raconta cet évènement. Etaient-ils anxieux à l’idée de vivre aux côtés d’un être semblable, ou était-ce le fait que leur Ether s’en soit sortie indemne qui les intriguaient ? Sans prendre en compte leur perplexité, la jeune fille continua son récit. Elle raconta l’attrait des lieux, leur harmonie sans oublier de préciser le climat humide et la brume relativement persistante. A ces mots, quelques grimaces circulèrent sur la plupart des visages. De la brume et pas de désert ? Etrange endroit qu’était Kiri ! Puis vint le moment fâcheux, celui de l’échange avec Michiki.

Tous partagèrent la sensation désagréable qu’avait ressentie la demoiselle lorsqu’elle l’avait vu, cette affreuse différence de puissance. Encore une fois, ils embrassèrent la méfiance qu’Ether eut à la question si son clan entier possédait ces facultés héréditaires. Désirait-il créer une armée de leurs probables enfants élémentaires ? Bien sûr, il devait déjà en posséder une, mais comptait-il se servir de leur future progéniture pour grossir ses rangs ? L’affreux sentiment d’être perçu comme rien de plus que des armes se fit sentir dans l’assemblée et des murmures soucieux parcourut également cette dernière. Cette homme ne semblait désirer que pouvoir et influence, rien de plus. Reconstruire ce village ne lui permettrait que d’asseoir davantage son autorité. Pourtant, il semblait avoir quelques nobles raisons, malheureusement ternies par son avidité. Et aux derniers mots qu’il offrit à la nomade, ils eurent un déplaisant frisson. Etait-ce réellement une bonne idée que de se mettre aux ordres de cet homme ? Quel serait leur avenir dans ce village, que deviendraient-ils ? Des armes, des esclaves ou de véritables citoyens ?

La discussion battait son plein. Pourtant, les avis convergeaient exclusivement dans un seul sens ; tous préféraient rester dans le désert. C’était presque comme si la question ne se posait pas.

- Rien ne nous garantit que l’on s’ra bien traités !
- Non, il a bien dit aucun trait’ment d’faveur. C’pas comme si on en voulait un, juste êt’ sûr qu’on nous persécutera pas…
- ça fait pas moins de dix ans que nous sommes ici. Pourquoi quitter ce désert auquel nous nous sommes acclimatés pour aller s’installer parmi la Brume ?
- Dans un village, nous n’serons plus libres d’aller où nous souhaiterons nous rendre !
- J’suis pas la seule à comprendre qu’il veut se servir d’nous pour s’battre ? Si nos enfants naissent élémentaires, ils deviendront des ninjas. On aura pas l’choix si j’comprends bien !
- Papa, j’veux pas partir.
- Moi non plus !
- C’est ici chez nous. Le désert est not’ maison !
- Elle a raison ! Pourquoi partir ? J’aime ces montagnes et ce sable…

L’Ancien finit par se lever et tous se turent. Le respect qu’ils lui vouaient était tel que chacune de ses actions imposait le silence, même s’il n’avait jamais demandé à ce que cela soit le cas. Son visage était calme et serein.

« Je me souviens d’un temps où nous avions peur. Peur d’être persécutés, peur d’être suivis, peur d’être reconnus. Si cette époque n’est pas entièrement révolue, nous ne pouvons nier que ces dernières années ont été certainement les plus calmes de toute notre existence. Rappelez-vous notre arrivée dans ces montagnes ! Les premiers mois, nous passions notre temps à démonter et remonter le campement dès que nous apercevions un étranger. Nous ne faisions confiance qu’à nous-mêmes. Au fil du temps, nous avons seulement fait en sorte que nous autres élémentaires, disparaissions de la montagne le temps que les visiteurs de passage quittent les lieux, aidés par ces moines qui nous acceptent tels que nous sommes. Et maintenant, que faisons-nous ? Nous invitons ces voyageurs à partager le couvert avec nous ! Bien sûr, notre identité n’est jamais révélée, mais est-ce que pour autant nous vivons dans la terreur de ne jamais voir le jour prochain ? Je ne pense pas. Nous restons prudents, certes, car tout peut arriver et personne n’a le cœur vide de toute noirceur. Faut-il partir pour Kiri, s’enfermer entre quatre murs, s’adapter aux mœurs de ces inconnus, oublier les nôtres et se fondre dans la masse ? Une nouvelle fois, je ne pense pas. Comme vous le dites si bien, c’est ici notre maison. »

Alors qu’Alecto prenait une pause pour reprendre son souffle, Hélios en profita pour se lever à son tour et prendre la parole.

« Excusez-moi Ancien, je souhaiterais ajouter quelque chose. », dit-il respectueusement.
« Amis, sœurs, frères. Lorsque j’étais jeune, même si je le suis encore hein ! », il déclencha quelques gloussements dans l’assemblée, « Je ne pensais qu’à notre tribu, à la protéger du monde dans lequel elle évoluait. Je n’imaginais pas un seul instant que je deviendrais père. Ma mère morte à ma naissance, mon père tué lors d’une attaque de Normaux, j’étais dévoré par la haine et encore aujourd’hui, je ne suis pas fière de m’être laissé envahir par ce sentiment détestable… Pourtant, un jour, j’ai rencontré Aura. », il jeta un regard tendre à sa femme assise dans le cercle extérieur.

« Une étrangère à notre clan. Si j’avais su que je tomberais amoureux d’une de ceux que je haïssais tellement ! Alors que je faisais preuve d’un mépris incomparable à son égard, elle m’a considéré comme son égal et a même renié tout ce à quoi elle tenait pour me suivre, moi, un Gogyou. Et un jour, elle m’a donné une fille. Je n’ai jamais eu aussi peur que ce jour-là. J’ai cru que j’allais perdre ma femme comme mon père avait perdu la sienne avant moi… Et pourtant, voilà qu’elle se tient là, parmi nous, et notre enfant à nos côtés. Toutefois, avant sa naissance, j’ai eu une soudaine pensée et j’ai presque souhaité qu’elle ne naisse sans aucune affinité. Oui, je l’avoue… De cette façon, j’ai pensé qu’Ether et Aura pourraient vivre en sécurité dans un village, loin de notre vie incertaine. Et à mon plus grand bonheur, c’est la Gogyou la plus habile que je n’ai jamais vu ! Je ne regrette pas un seul instant sa nature. », Ether sentit une immense fierté l’envahir aux mots de son père.

« Toute ma vie, j’ai pensé que notre don était une tare, mais grâce à elle, j’ai compris que rien de tout ça n’était vrai. Non, nous devons être fiers de ce que nous sommes. Nous ne devons pas nous laisser brider pour ressembler aux autres. Le monde est beau par sa diversité, et n’en déplaise à certains, nous en faisons parti ! Nous avons crus pendant longtemps que faire parti d’un village nous donnerait la réponse de qui nous sommes en réalité. Mais la réponse, nous la connaissions déjà. Nous sommes des Gogyous et nous n’avons pas besoin d’un bandeau pour le savoir ! »

Des applaudissements retentirent à la suite de son discours personnel, et l'Ancien eut un doux sourire sur son visage, fier de retrouver la flamboyante lumière de leur identité retrouvée.

Les applaudissements continuèrent pendant de longues secondes, et Ether en profita pour se lever également. Oui, elle aussi avait quelque chose à dire. Doucement, la tribu se calma et l’Ancien observa la jeune fille d’un air malicieux.

« Depuis qu’j’suis p’tite, j’ai toujours rêvé de faire partie d’un village, d’avoir des voisins. Mon plus grand souhait était d’pouvoir chercher du pain, d’courir dans les rues et d’avoir un potager. Oui, un potager. Ironique dans un désert, hein ? J’ai donc passé la plupart d’mon temps en dehors du camp’ment, à la recherche des Normaux, pour les observer, comprendre leur façon d’agir, les comprendre pour mieux les imiter au détriment des sentiments d’ma famille. Pourtant, depuis l’temps qu’j’les observe, je n’ai jamais réussi à être comme eux. J’fais toujours quelque chose de travers, et au final j’passe pour quelqu’un d’bizarre. Au départ, j’ai pensé que si j’faisais plus d’efforts, j’arriverais à leur ressembler ! Puis un jour j’ai compris. J’sais pas à quel moment ça a été clair dans ma tête mais… J’ai compris qu’jamais j’ne serais comme eux. Pourquoi ? Parce que j’étais déjà moi ! J’suis une Gogyou, j’suis pas une Normaux et jamais je ne leur ressemblerait parce que nous sommes différents. Et c’est en ça que réside not’ force ! C’est c’que nous sommes. Pourquoi vouloir ressembler à quelqu’un d’autre alors que nous savons déjà not’ véritable nous ? Même si les Normaux m’fascinent toujours autant, j’veux plus les imiter parce que j’ai déjà quelqu’un à être. Et ce quelqu’un… C’est moi. »

L’intégralité du clan souriait, comprenant l’immense pas qu’Ether avait fait en avant. Leur enfant avait grandi. Malgré le fait qu’il restait encore du chemin à parcourir, l’élémentaire était en bonne voie. Après tout, elle avait 19 ans à présent. Avant de se rasseoir, la Gogyou de vent tint à rajouter une dernière chose.

« Vous êtes mes voisins, j’cours déjà dans nos rues et l’désert est mon potager. Pourquoi en vouloir davantage ? C’est ici chez nous, et je n’changerais d’endroit pour rien au monde ! »

Même si elle avait grandi, ça ne voulait pas dire qu’elle avait non plus énormément mûri hein, elle restait la même Ether. Lorsqu’elle se rassit enfin, son père l’embrassa tendrement sur le front. L’Ancien reprit finalement la parole.

« Même si la conclusion semble déjà évidente, quelqu’un a-t-il quoi que ce soit à ajouter ? »

Personne ne réagit. Leur visage était déterminé et leur décision prise, cependant, il restait encore le vote à faire ! Après un court silence, Alecto continua.

« Je rappelle qu’une décision qui n’est pas prise à l’unanimité reste nulle. Si nous ne sommes pas tous d’accord, une seconde réunion aura lieu pour débattre des différends, et ainsi de suite pour parvenir à une harmonie parfaite. », il observa tout ce beau petit monde d’un air entendu et tous acquiescèrent.
« Que ceux en faveur de l’exode vers Kiri se fassent entendre ! »

Ether retint son souffle quelques secondes, ne pouvant s’empêcher de craindre un déplacement vers Mizu no Kuni. Pourtant, aucune main ne se leva. Il n’eut même pas un seul battement de cil pour cette option. [/color]

« … Que ceux désirant continuer notre histoire au sein du désert se fassent entendre ! »

[i]Toutes les mains se levèrent, femmes, hommes, enfants, toutes. Sans aucune once d’hésitation. L’Ancien eut un sourire énigmatique et rendit son verdict.

« Nous lions donc la suite de notre existence à cette contrée et offrons au désert notre avenir. Qu’il en soit ainsi. »

Des soupirs de soulagement se firent entendre, puis les effusions de joie envahirent l’atmosphère. C’est bon, ils restaient ici. Dorénavant, plus rien ne les éloigneraient du désert. Ils étaient chez eux. Kaze no Kuni était leur maison et personne ne pouvait à présent en dire le contraire.

RP CLOS