Nous étions pile à la moitié de la semaine de battement. Trois jours s’étaient écoulés depuis la fin de l’épreuve deux, et trois jours restaient à venir avant le début de l’épreuve trois. Avec Kibo, on avait mis les petits plats dans les grands. On pouvait reprocher plein de choses à Suna – la chaleur, le sable partout, les filles un peu trop libertines parfois, la tente du Kage – mais pas le fait qu’ils n’y mettaient pas les moyens. Suna était village hôte, ce qui signifie qu’il assurait tous les coûts de l’organisation – en contrepartie évidemment de l’exposition hallucinante du village sur le plan international. On avait délégué la vente des billets pour le tournoi final et jamais je n’avais vu une telle demande. Bien plus que ce qu’on avait à offrir, alors que l’Arène des Sables était déjà incroyablement immense. Le village du Sable n’avait plus rien à voir avec ce qu’il avait été lorsque j’y suis arrivé. Des tentes sur tous les terrains libres, sans compter les alentours, des gardes sur tous les toits, du monde dans les rues comme jamais… L’examen rassemblait, car de ce qui m’était arrivé aux oreilles, il n’y avait eu aucun incident, hormis quelques bagarres inhérentes de toute façon à notre condition humaine.

Il ne restait que quelques détails à régler : Kibo et moi avions les combats à déterminer, et l’arène à finaliser. Enfin, « nous » : concrètement, on passait voir si c’était cool. Et croyez-moi, j’ai vu les plans, et ça allait être méga-cool. La pression était un peu retombée : au fond, j’avais fait du mieux que je pouvais, la suite ne dépendant plus vraiment de moi. L’épreuve avait été annoncée la veille, créant une excitation rarement vue, entraînant cette cohue vers la vente des billets de l’arène (qui s’est d’ailleurs sûrement faite dans une tente, comme tout ce qui se fait à Suna). J’avais rendez-vous à l’entrée de l’arène avec Kibo pour l’inspection, aujourd’hui, avant qu’on aille se remettre dans les bureaux pour les combats. 31 Genins avaient réussi à passer l’épreuve deux, ce qui signifiait que le tournoi commençait aux seizièmes de finale, avec un candidat repêché. Ça aussi, on devra en discuter, et ce ne sera pas une mince affaire au vu des talentueux Genins qui ont dû malheureusement s’arrêter à la Tour des Mirages. Ne serait-ce que dans les rangs Konohajins avec Yell et Hebi, par exemple.

Je m’habillai simplement : un short, un débardeur blanc et une espèce de gilet en voile, puis me dirigeai vers l’imposant bâtiment construit presque au cœur de Suna. Quand on connaît l’affluence qu’il allait y avoir, ainsi que l’arène en elle-même, on ne pouvait que déclamer l’honneur que ça allait être de combattre en son sein. L’ambiance allait être… magistrale. Saluant brièvement l’homme avec qui je venais de passer ces dernières semaines, nous entrâmes dans ce monument, qui était encore plus impressionnant que je ne l’avais imaginé.

- Tu veux rire. Les Kawaguchi sont des génies.

Je dis ça d’un air détaché, regardant en l’air, bouche bée, devant ce spectacle grandiose. La dernière ligne droite. Voilà qui résumait bien tout mon passage à Suna. Quelques jours après l’épreuve trois, je reprendrais la route de Konoha, pour reprendre ma vie aux côtés de l’Hokage. Je me demandais ce qui avait changé en mon absence du village. Sans doute pas grand-chose, mais dans le doute…

Je fus tirée de mes rêveries de combats épiques par Kibo qui fondit en remerciements. Pourquoi ? Je ne sais pas réagir aux compliments, c’est toujours ridicule. La dernière fois que c’est arrivé, j’ai donné une tape amicale sur le bras du mec, en souriant, comme un bonhomme. Alors que c’était un haut dignitaire d’un pays important. Bonjour l’angoisse. Je le regardai dans les yeux, en attendant qu’il ait fini, et je lui souris.

- Naaaan, t’en fais pas, j’ai pu survivre. Ça ne devait pas être si terrible que ça.

Je lui souris de nouveau, avant d’ajouter :

- Enfin si. Un peu déçue, au final en dehors du premier soir tu ne m’as jamais invité au restaurant. Mais bon, tant pis.

Je lui fis un clin d’œil. Nul doute qu’il réitérera l’opération à la fin des festivités. Muhahaha, à moi le manger gratuit. Mais l’heure n’était pas à la boutade, il fallait redevenir sérieux (comme d’habitude (non je déconne (quoique… (enfin si, je ne suis jamais sérieuse (sauf quand je stresse (pouete pouete)))))). Le chef du chantier s’approchait de nous, un grand sourire aux lèvres.

- Aburame-Sama, Kibo-Sama, c’est un honneur. Sachez que l’arène est finie et que, à quelques détails près, elle est parfaitement opérationnelle. Voulez-vous en visiter les coulisses ?

- Je ne pense pas tarder, ouais. Après, je ferais les derniers rangements et archivages. Je ne partirais sans doute pas en même temps que la délégation de Konoha, mais quelques jours plus tard.

Pour être tout à fait franche, le sable commençait à m’agacer. Là où Konoha était varié, coloré, tempéré, les bâtiments de Suna étaient faits majoritairement en sable et en pierre du désert. Assez terne, au final, et leur originalité résidait surtout dans la forme des bâtiments et leur ampleur. Puis les arbres me manquaient. A part deux-trois palmiers qui se battaient en duel autour d’une oasis, la verdure était assez rare dans cette contrée désertique.

La visite de l’arène commença. Être au centre de l’arène vide était impressionnant, je n’osais imaginer quand des milliers de personnes combleraient les gradins en hurlant pour encourager leurs poulains. J’émis un long soupir de soulagement : tout était au point. Le long tunnel décoré de quelques photographies montrant des combats célèbres de l’Histoire des examens allait ajouter une certaine tension et une certaine pression aux combattants, qui attendraient dans des loges spécialement conçues pour eux. Le contremaître nous amena dans l’une – affirmant que toutes étaient similaires : une salle d’une vingtaine de mètre carré, avec des fauteuils confortables, à la décoration élégante, avec un long miroir, une penderie, et une table sur laquelle seront disposés divers aliments et boissons. Un grand tapis bleu s’étendait sur toute la salle. C’était parfait.

- Vous avez fait un travail formidable. Félicitations.

L’ouvrier me salua en me disant les politesses habituelles, « c’est trop d’honneur Aburame-Sama, blablabla », il me dirait limite qu’il ferait ça gratuitement tellement c’était cool de bosser jour et nuit pour des ninjas. Calme tes ardeurs quand même ou je te prends ou mot et je prends tout l’argent qu’on te donne pour moi. Je me tournai vers Kibo : la phase touristique était terminée, il fallait maintenant retourner au plus compliqué : les combats. Remerciant une dernière fois le contremaitre, nous nous dirigeâmes (n’est-ce pas ?) vers la salle de préparation qui avait moins de ferveur depuis la fin de la seconde épreuve. Le calme avant la tempête, en somme, que constituerait le tournoi final aux yeux du monde entier.

On s’assit à une grande table ronde, autour de laquelle nous avions l’habitude de faire de grandes réunions. Aujourd’hui, personne d’autre que nous deux. Sur la table, disposées pêle-mêle, toutes les fiches des candidats ayant réussi la deuxième épreuve. Ils étaient 31 en tout. Et le premier problème se posa.

- 31 candidats et que des duels… On va devoir repêcher quelqu’un.

Je sortis du dossier quatre fiches : les Genins de chaque nation dont on avait eu le plus de mal à émettre un jugement. Hachi pour Kumo, Riba Yell pour Konoha, Zenzaburô Ema pour Suna, Samui Kirito pour le Shukai.

- Ton avis ?

- Trois, en fait. Sakebi Strike de Konoha est également un Gogyou. Et j’espère que le public de Suna sera clément, parce que même s’il n’est pas sensible, il est très sanguin. Ca m’étonnerait franchement pas qu’il décide de s’attaquer au public plutôt qu’à son adversaire si les insultes fusent.

Je comptais finir par dire : « et puis, si Suna est assez civilisé, il ne devrait pas y avoir de problèmes ». Makka était loin derrière nous, désormais. Et les faits isolés, aussi dramatiques soient-ils, d’une seule personne ne devaient pas catégoriser toutes les autres qui partagent ses dons. Yell et Strike n’avaient rien à voir avec les agissements de Makka. Je suppose que la jeune Ether non plus. Et il faudrait que Suna se mette ça dans le crâne. Je soupirai légèrement : Konoha me manquait de plus en plus.

Le tirage au sort allait donc se dérouler. Nous avions nos 32 Genins restants pour la phase finale. Ils étaient dix fois plus en début d’examens : au fond, l’examen aurait pu s’arrêter là, avec un taux de réussite d’environ 10%. Mais le peuple réclamait du sang : ils n’avaient pas pu assister aux premières épreuves, le spectacle n’était donc pas au rendez-vous malgré toute l’affluence que cet examen avait créée. Alors, cette étape était presque obligatoire, avec tous les inconvénients que cela procurait, au niveau des combats, de la place mais également de la sécurité. On avait lancé les ventes des places quelques jours auparavant, et elles étaient toutes parties en moins d’une heure. Des dizaines de milliers de place achetés en moins d’une heure. L’examen international rassemblait et donnait lieu à une incroyable communion.

Je pris les fiches des 32 Genins, que je mélangeais et disposais sur la table. Kibo prépara un tableau sur lequel on allait afficher un par un les tirés au sort. Je savais que je n’étais pas dedans, et pourtant : mon cœur battait, légèrement stressée pour ceux que je connaissais et qui concourraient. Ma main légèrement tremblante prit la première carte, en plein milieu du tas difforme sur la table.

- Renji Yosuke.

Inconnu au bataillon. L’adversaire que Kibo était un Shukaijin. Le premier Konohajin tiré le fut par Kibo en deuxième : Inaho, le Yamanaka que Miko avait sanctionné par un sceau qui limitait son chakra.

Et le tirage au sort continua. Strike se retrouva contre un Ketsueki, et Kihran contre un Kawaguchi. J’analysai rapidement les adversaires : ils avaient tous les deux leur chance. J’eus un petit sourire, regardant le tableau final. Le tournoi s’annonçait vraiment bien.

- Bon, bah voilà. On n’a plus qu’à at…
- Aburame-Senpaï !!!

La porte s’ouvrit à la volée, un Sunajin venant de faire entrer un Konohajin. Kibo et moi tournions d’un commun mouvement la tête. Ils s’inclinèrent tous les deux, puis le vert prit la parole.

- Hokage-Sama veut vous voir de toute urgence.

Me dirigeant vers la porte, je soupirai légèrement, me tournant vers Kibo.

- Bon… On se voit demain !

Lui adressant un sourire, je passai la porte. Sans savoir que je ne le reverrai pas, le lendemain…

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