Elle avait passé une nuit étrangement reposante. Du moins ce qu’il en restait. La sentence de Demon était tombée et elle s’y était tenue. Enfin … Elle avait d’ores et déjà prononcé son jugement momentané quelques jours auparavant mais enfin le village de Konoha pourrait voir les conséquences de l’expression de la bêtise humaine ici, au Village de la Feuille. La cage était dos à son propre appartement et bien qu’elle se situait en haut de celui-ci et donc loin de toute nuisance sonore, elle s’était demandée si les prochains jours elle entendrait ses plaintes depuis sa chambre avant de s’endormir.

Lendemain matin mouvementé, les gens s’étaient très tôt regroupés autour du gigantesque panneau d’affichage. Elle savait que le problème Demon n’était toujours pas fini. Et pas seulement car son élève le moins aimé allait la harceler le matin même –madame Irma bonjour-, mais parce que lors de la conquête de Nami, on le lui ressortirait probablement encore. Sans compter l’hypothèse où le frère jumeau de sa future victime se pointerait aux remparts pour réclamer le corps de celui qu’elle ferait dévorer par ses nano-insectes. Mais c’était le futur tout ça, pour le moment elle devait vivre le présent et aller filer deux baffes à l’Hayashi qui ne tarderait pas à frapper à la porte de son bureau où elle s’était rendue assez tôt.

Entrez.

Kihran, tout seul, fulminant. Jackpot. Bon, en même temps, elle l’avait quelque peu convoqué pour une raison particulière. Seul point réellement inattendu était sa requête première. Accordez du temps à vos élèves qu’on disait, ils vous le rendront tôt ou tard … Quelles foutaises. Mais Kihran n’était pas arrivé cinq minutes en avance de son vrai rendez-vous pour sa leçon en tant qu’élève. Il était venu pour s’exprimer en tant que Konohajin. Et même si tout cela la blasait particulièrement, elle avait promis d’être à l’écoute concernant le sujet du Jisetsu. Après tout … elle l’avait elle-même fait écrire par Mizuki sur le panneau.

Prend donc un siège.

L’invitant à s’asseoir, elle ne lui propose nul café. Elle n’allait pas se fouler à chaque fois non plus. Où était Mizuki d’ailleurs pour servir les boissons chaudes ce matin ?

Je ne peux défendre la justice appliquée à l’homme que tu as vu hier soir. Un acte de barbarie ? Tout à fait. Pourquoi une punition de ce genre ? Pour son arrogance, ses insultes et la menace qu’il représentait pour le village. Le monde ninja est un monde de cruauté, et bien trop souvent depuis la création de notre village, des gens ont oublié que Konoha faisaient partie intégrante de ce système, nous pensant faibles et lâches.

Elle était bien bavarde. Son côté sensei qui prenait le dessus.

Dis-moi, comment toi aurais-tu réagi face à un Nukenin qui refusait toute alliance alors que tu avais beau courber l’échine pour l’accommoder. En tant que Kage, garant de la réputation et la sécurité des tiens, te serais-tu laissé marcher sur les pieds au risque de couvrir de honte ton village ? L’aurais-tu relâché alors qu’il jurait qu’il serait un obstacle aux Konohajins qui l’avaient initialement invité au village pour négocier leur soutien pour la libération de tout un pays qui souffre de la corruption de ses dirigeants ? La prison ? Et pour quoi ? Qu’y aurais-tu à y gagner ? Aurait-il changé d’avis ? Non. Il aurait passé ses journées à ruminer sa haine, convaincu que tu n’étais qu’un esclavagiste autoritaire. La mort ? Et quoi ? Tout ça pour rien, alors qu’il pouvait être un atout pour venir en aide aux siens et que vous aviez les mêmes objectifs ?

Craquement d’auriculaire.

J’ai choisi de l’exposer ainsi, dévoilé, mis à nu devant le peuple Konohajin. Dans l’espoir que chacun s’y retrouverait. Lui car il réaliserait enfin dans quelle situation il se trouvait et les Konohajins car j’ai juré une transparence quasi-totale des affaires de Konoha. À ses yeux, les Konohajins sont du bétail, des chiens comme il les a appelé. J’avais dans l’espoir qu’il murisse à leur contact, revoit ses positions, ses exigences, pas seulement pour lui mais pour ceux qu’il souhaitait sauver. Oui. Il a été trainé dans la boue, ses cheveux ont été rasés, sa main a été tranchée et sa dignité a été arrachée. Mais les cheveux repoussent, les mains se regreffent grâce au Ninjutsu, la dignité se regagne, mais surtout, la confiance se construit. Et même si tu penses mes méthodes quelque peu extrêmes, elles m’ont semblé être le seul moyen pour que ces fondations d’une confiance mutuelle existent depuis notre entretien et ce même si elles seraient initialement quelques peu branlantes. Une ultime chance pour un homme qui jurait être une menace pour le village.

Craquement de l’annulaire

Mais dis-moi, t’es-tu entretenu avec lui avant de venir me voir ? Qu’as-tu pensé de tout ceci tout seul ? Tu cries à la barbarie, j’ose donc penser que tu as muri toi-même ces différents événements. Donc qu’attends-tu de mes explications ? Qu’elles te persuadent et calment ta liberté de pensée ? Es-tu venu ici pour me convaincre du bienfondé de ta réflexion, ou te laisser convaincre ?

Répond, les Konohajins veulent savoir

- D’autant que, excuse-moi du peu Kihran, mais ce mec se complaisait dans sa médiocrité.

Je n’étais pas en avance, mais un rapide coup d’œil à l’horloge – assez discret pour ne pas paraître provocant, assez ostentatoire pour lui faire comprendre – me fit savoir que je n’étais pas non plus en retard. Juste à l’heure, après deux semaines éprouvantes auxquelles Miko avait mis fin la veille au soir. Ou tard dans la nuit. Ou tôt ce matin. Enfin bref, à un moment où le monde sombre dans la torpeur et où les minutes sont des heures. Je prenais la discussion en cours, mais je pouvais d’ores et déjà deviner les fondements de cette dernière : Jisetsu Demon. Kihran est quelqu’un de droit, de juste et de clément. Enfin, c’est l’idée que je m’en fais en tout cas. Peut-être découvrirai-je un jour qu’il insulte les jeunes filles de tous les noms dès qu’il en a l’occasion, mais dans l’immédiat, c’était un modèle de gentillesse. Au fond, assez contrasté par rapport au climat shinobi actuel, même s’il semblait paisible au premier abord. J’avais la désagréable impression que les ombres nous enveloppaient, et qu’on ne tarderait pas à voir éclater le chaos d’un bout à l’autre du monde.

Machinalement, je me dirigeai vers la machine à café, sortis une tasse tout en enlevant mon manteau et enclenchai la machine.

- Je veux dire, j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots avec lui… Le gars avait sorti sa panoplie de phrases préfabriquées, hein. Et ma fierté, et mon honneur, et ma fille, et mon clan. Je veux dire : elle est Kage, il est Nukenin… Elle lui demande de venir, il vient et voilà. On va pas non plus aller brûler un cierge sous prétexte qu’il a fait du tourisme à Hi.

Le café embauma rapidement le bureau, l’eau chaude coulant à travers les arômes pour donner la couleur noirâtre à la boisson. Je me retournai, le donnai à Miko – qui le prit de son unique main valide en considérant une fois de plus que « Merci Mizuki pour ton travail acharné et ton attention sans faille » était pour le voisin d’en face – et jetai mon manteau (enfin enlevé) sur une table dans un coin. J’étais de bonne humeur, aujourd’hui, encline à – enfin – passer à autre chose que cette tristement célèbre « affaire ». Embarquant une pile de dossier, je pris le siège à côté duquel Kihran était assis, et m’assis à mon tour.

- Pardon, dis-je en poussant légèrement le bras de l’Hayashi pour déposer les dossiers.

J’avais franchement pris la main et l’habitude de bosser ici. On ne me demandait quasiment plus rien – au niveau des tâches habituelles – et je savais ce que j’avais à faire. Remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille, croisant les jambes, j’ouvris le premier dossier pour me mettre à travailler, m’étalant un peu plus sur l’espace vital de mon coéquipier. Je dois vous avouer que pour le coup, j’en profitais parce que je savais que Kihran ne dirait rien quant à mon intrusion et que Miko… s’en foutrait un peu pour le coup vu l’identité de notre invité. Bien sûr, jamais je ne me permettrais telles familiarités avec des gens d’autres acabits.

Mais bon là... C’était Kihran, quoi.

Et nous y viendrons à l’occasion s’il persiste dans sa bêtise.

Fit-elle en guise de réponse à la déclaration sur la mort de Kihran. Mizuki qui avait ouvert la porte entretemps surenchérit, faisant intérieurement soupirer Miko. Elle avait le ton beaucoup trop léger sur ce sujet. Elle l’avait vu lors de sa réunion avec le Jisetsu … mais elle savait également que derrière, la réflexion de la rouquine était plus poussée et mature qu’elle ne le laissait paraître. Quel dommage qu’elle continue à privilégier le sarcasme comme à son habitude. Acceptant son café de bon cœur, elle attrapa la tasse. En espérant que ce matin le goût serait moins amer que d’habitude. Si tous ses élèves s’y mettaient, elle n’était pas sortie de l’auberge.

Et donc? Verdict?

Interrogative, elle regardait Kihran en attente de sa réponse. Elle ne l’avait pas convaincu mais ce n’était apparemment pas le but de sa visite. Elle admettait être toutefois curieuse. Entendant Mizuki renifler de manière moqueuse comme depuis un bon mois, Miko se tourna vers elle à son tour.

Si tu couves quelque chose, soigne-toi. Ça fait plusieurs jours déjà que tu passes tes journées à renifler, c’en devient insupportable.

Finissant son café, l’Aburame regarda ses deux élèves.

Bien, si les reproches sont terminés, je vais enfin pouvoir aborder la raison de ta convocation. Enfin votre convocation. Entraînement au Genjutsu. Vous maîtrisez tous deux plus que les bases, cependant nous nous placerons dans une situation d’opposition. Je devrai briser votre illusion conjointe et vous devrez la maintenir et en garder le contrôle.

S’étant levée de sa chaise, elle avait pris la direction de la porte avant de l’ouvrir. Direction le toit. Où ils seraient d’avantage en condition pour travailler.

Ah et Kihran, avant d’oublier. Une fois l’entraînement fini, tu iras sur la grande place t’entretenir avec Demon. Et je ne te l’ordonne pas uniquement en tant que Kage mais également en tant que sensei. Tu es un shinobi, tu dois être capable de réprimer tes émotions en cas de nécessité. Et ce sera également une leçon importante à d’autres niveaux …

Spoiler:

Je m’arrêtai en plein milieu d’une phrase que j’étais en train de rédiger, figeant mon corps, ne mettant en mouvement que mes yeux, qui se levèrent en direction de Miko. D’où j’étais convoquée ? Et pour un entraînement en plus. Et il ne me semblait pas que Miko était spécialiste du genjutsu pour nous aider dans ce domaine. Ça devait être une blague, si bien que baissai les yeux et continuai le rapport que j’étais en train de rédiger.

Mais non. Ça ne sembla pas gêner Kihran outre-mesure, qui se leva et emboîta le pas de Miko, qui s’était, elle, déjà levée et sur le seuil de la porte. Restant un moment stoïque, mon expression figée dans une espèce de grimace de surprise, je finis tout de même par me lever et d’emboîter le pas des deux autres, faisant de mon possible pour ne pas fulminer devant cette « convocation » - et là elle me répondra qu’elle me demande devenir tous les jours, donc que, dans un sens, si, je suis convoquée. Si c’est pour me taper une vieille réflexion une fois de plus, merci mais non merci.

En plus il faisait froid sur le toit. Le Palais était grand, surplombant tous les autres bâtiments du village ou presque, et dépassant surtout les arbres des alentours. Ce qui fait que rien n’arrêtait le vent frais du début d’Automne, qui nous frappait de plein fouet. Croisant les bras pour tenter de garder la chaleur (je crois que c’est pour ça, sinon on a juste l’air débile à faire quelque chose qui ne sert à rien), j’écoutai Miko redonner les consignes, ne pouvant la voir à cause de mes cheveux qui volaient dans mes yeux. Lui lancer un Genjutsu qu’on devra maintenir. Je ne comprenais pas le projet de me faire subir cet entraînement vu le temps depuis lequel je maîtrisais cette spécialité. ‘fin je veux dire, la différenciation pédagogique, ça ne lui dit rien ? C’est un fait établi, on n’est pas tous doués pour les mêmes choses. Heureusement d’ailleurs, parce qu’en imaginant que tout le monde soit doué en marouflage de tapisserie par exemple, la planète serait peuplée de milliards de décoratrice d’intérieur et ça se finirait très vite en génocide, « mais on a quand même récupéré leurs sourcils pour en faire des abats jours super funs ». Bref. Heureusement qu’on n’est pas tous doués pour les mêmes choses, disais-je : certains peuvent sauver le monde avec une boite de clous rouillée et une branche de céleri et d’autres sont doués pour faire des choses étranges avec leur corps (comme passer ses jambes derrière sa tête, très utile dans la vie de tous les jours. Genre quand tu commandes une boisson. Un « Salut ! Je voudrais un café s’il vous plaît. Dites, ça vous dérange que je passe mon genou derrière ma nuque ? » fait du meilleur effet).

Donc Kihran et moi n’avons pas le même niveau, puisque, sans prétention aucune (bon ok, applaudissez moi…. Oh, vous, arrêtez, vous me gênez), je pratique l’art des illusions depuis bien plus longtemps.

- Et concrètement, on fait quoi pour que tu saches si le Genjutsu est toujours actif ou non ?

La question qui se posait maintenant était : je commençai doucement ou non ? Ma question me permet de capter le regard de ma senseï, lançant la première attaque. Bon, c’était téléphoné, et elle comprendrait vite ce que je faisais puisqu’elle savait que je lançai un genjutsu. Mais… J’avais un plan. J’avais deux idées, en fait, même. J’espère avoir le temps de faire les deux…

Spoiler:

Technique: