J'étais plongée dans ma lecture depuis... Depuis combien de temps déjà ? A dire vrai je n'avais strictement aucune idée de l'heure qu'il était et encore moins du jour même. J'avais perdu toute notion de temporalité au fil des jours, voir des semaines passée enfermée dans cette maison. Là, ainsi recluse. Tous les volets étaient fermés et ne laissaient qu'un mince filet de lumière filtrer par le seuil des bais vitrées. Tout le restant était plongé dans le noir, moi comprise.

Pourtant cela ne m'empêchait en rien de lire des livres, ces derniers tombants à un rythme assez soutenu, ma bibliothèque ne tiendrait pas longtemps et il me faudrait aller faire le plein prochainement. J'étais assise en tailleur sur mon fauteuil avec pour seuls vêtements un t-shirt et un short court. Il s'agissait en quelque sorte de ma tenue décontracté. Honda ma couleuvre jaune reposait docilement sur mes épaules. Je pouvais parfaitement sentir ses écailles lisses glisser sur ma peau, ainsi que la chaleur que dégageai son corps. Cette présence avait quelque chose d'agréable et de rassurant, mais tout de même, il fallait que j'envisage sérieusement de lui faire retirer son venin.

Puis, quelque chose me tira soudainement de ma rêverie, une étrange sensation de familiarité. J’interrompis ma lecture et refermai mon bouquin d'un geste sec. Mon unique œil valide d'Akuma se tourna en direction de la porte.

-Tu peux entrer Kioshi, c'est ouvert. Dis-je avant il ne commence à frapper

La lumière entra pour la première fois de longtemps dans l'appartement. Ses rayonnements m'aveuglèrent si bien que je me cachai l’œil en levant le bras.

-Est-ce que tu peux refermer derrière toi s'il te plaît ? Je n'y vois pas très bien...

Il s'exécuta et il me fallut quelques secondes avant de retrouver convenablement la vue. Je posai mon lire sur la table basse puis marchait pied nue sur le carrelage pour me diriger jusqu'à la cuisine aménagée.

-Veux-tu que je te serves quelque chose à boire ?

Arrivée à sa hauteur je m'arrêtai un instant pour l'aviser de bas en haut, m'attardant même quelques secondes sur son bras absent. La honte et les remords glissèrent le long de mon échine à l'image d'un frisson glacé. Je le revoyais encore m'implorer dans la neige juste avant que ma technique ne lui arrache son membre.

-Installe toi si tu veux. Fis-je en désignant l'ensemble de fauteuil dans le salon. Cette fois-ci n'hésite pas à t'asseoir dessus, ils ne te mangerons pas. Enfin tu préfères le sol libre à toi.

Je m'engouffrai dans la cuisine, le pas léger pour prendre sa commande et me servir un verre de sirop. Honda était toujours sur mes épaules et commençai à s'agiter. Visiblement il n'appréciait guère lorsque je me déplaçai. Avant de rejoindre le Yamada, je rendais mon petit protégé à son vivarium.

-Alors qu'avez-vous... Enfin, que me vaut l'honneur de ta présence ici.

Je retournai à ma position initial, tout en guettant sa réponse buvant ma première gorgée.

Jeudi ! Nous étions jeudi. J'en étais certaine.

Un verre d'eau. Il ne se déciderait donc jamais à profiter de la vie. Pour la peine je me permis de lui servir la même chose que moi : du sirop d'agave. S'il ne pouvait comprendre la notion de confort il pourrait tout de même accepter une denrée essentielle venue du désert. A l'épaisseur et à l'odeur il comprit certainement qu'il ne s'agissait pas de sa commande initial. J'espérai qu'il se servirait, auquel cas cela aurait mal poli de sa part.

-Je fais avec ce que j'ai. Cela pourrait être pire. Cela peut toujours être pire. Donc je ne m'en plaint pas. Tu as vu mon nouveau compagnon ? Dis-je en pointant la couleuvre totalement statique dans son vivarium. Il s'appelle Honda est adore manger des rongeurs décongelés.

Je bus une nouvelle gorgée. Le sucre de mon sirop fut assez galvanisant. Cela comblait une partie de ces dernières semaines sans dormir. Cependant à défaut de réellement me requinquer, cela venait à s'ajouter à mon stresse en m'excitant d'autant plus. Il relevait déjà du miracle que je parviennes à lire des livres.

-Et ton bras... Comment te sens-tu ?

Ce n'était absolument pas pour changer de sujet.

-Est-ce que tu as une sensation de membre fantôme ? Tu sais ce genre d'impression que ton bras est encore là, le tout accompagné de picotement. Il paraît que c'est assez désagréable.

Je parlais avec le même ton que s'il aurait s'agit de la pluie et du beau temps.

-Si tu veux je peux t'aider à t'en débarrasser. J'ai lu un bouquin à ce sujet. Cela t'aiderait à passer le cape. A moins que Yami t'ai déjà montrée comment faire ?

Dans le domaine de la médecine je n'avais pas vraiment mon mot à dire. Seulement, avec la centaine d'ouvrage que j'avais lu depuis mon retour j'étais parvenu à amasser une quantité de savoir inutile telle qu'elle parvenait à tendre vers l'inverse.

-D'ailleurs à ce sujet, comment va-t-elle ? Est-ce qu'elle se remet ? Et les autres ? Ogami ? Tetsui ? Et...

J'avais oublié les prénoms des autres. C'était assez incongru de ma part en sachant qu'ils avaient mit leur vie en danger pour tenter de me sauver...

-Et quelle est la situation de Suna ? Que je sache l'examen chuunin doit bientôt commencer... J'espère que tu ne m'en voudra pas si je n'assure pas personnellement la surveillance à l'instant « T ».

En l'état je ne me sentais capable d'absolument rien. Je voulais simplement rester ici, loin de tout, du monde et surtout de la lumière. Nous étions par ailleurs presque totalement plongé dans le noir. Lui ne devait distinguer que ma silhouette. Moi, je pouvais presque voir les poiles de barbes pousser sur son menton.

-J'aimerai également renoncer à mon post de conseillère durant un temps. Je ne pense plus être en mesure de l'assumer. Je suis désolée.

Le ton de ma voix s'était fait plus bas, plus honteux. Je me grattai nerveusement derrière la nuque avant de replacer la chaîne autour de mon cou. Celle-là même qui liai la plaquette de noms et le pendentif d'Hélios.

Assise sur mon fauteuil je me contentai d'écarter les bras et de hausser les épaules en guise de réponses à sa remarque concernant ma compagnie et le fait que nous étions encore tous les deux en vies.

-Ho... Et bien il se montre plutôt discret. Et tu sais ô combien j'aime la tranquillité n'est-ce pas ? Au moins je ne m'encombre pas d'un compagnon trop gênant.

Et surtout, une seule souris congelée suffisait à le rassasier durant toute une semaine. L'air de rien ce détail avait son importance.

-Dans ce cas, puisque nous sommes tous les deux en vie, j'ose imaginer que tout va pour le mieux ? Enfin, à quelques détails près...

Mon regard insista sur son bras maquant. Je n'étais pas certaine qu'il puisse suivre le fil de mon attention dans le noir complet, mais c'était bien le cas pour-moi. J'y voyais même aussi bien qu'en plein jour. Preuve étant, je sentais mon œil gauche d'Akuma s'activer. Ce dernier captait les moindre photons de lumière présent dans l'espace pour m'accorder cette vision nocturne, un peu à la manière des félidés. J'avais toujours trouvé que mes yeux prenaient la forme de ceux des reptiles, mais peut-être me trompais-je car leur caractéristiques physiologiques semblaient davantage se rapprocher de ceux des chats.

-Je ne lis pas ce genre de livre, je lis tous les genre de livres. Cela m'occupe l'esprit.

Je tendis le bras pour pointer de l'index les cinq énormes piles de livre entassé devant la bibliothèque. Celles-ci faisaient bien un mètre de haut chacune.

-Mais tu n'as toujours pas répondu à ma question très cher. Veux-tu que je te débarrasser de cette mauvaise sensation ou non ? Cela pourrait t'aider à avancer. Surtout que tu ne pourras être efficace pour combattre et protéger autrui avec cet handicap.

Avec Kioshi il fallait savoir taper dans le mille. Seulement même en sachant où se trouvait la cible, il fallait réussir à l'atteindre. Hors, il contre-attaqua en me demandant de but en blanc ce qui n'allait pas. Je fus prise d'un petit sursaut, ne m'attendant pas à cette réaction pourtant parfaitement digne de lui.

-Hum... Trois fois rien. Juste mes pouvoirs d'Akuma qui s'emballent un peu. Je n'ai pas fermée l’œil depuis une vingtaine de jour. Dans un sens c'est un mal pour un bien car, si j'avais été totalement humaine, tous les médecins du monde se seraient accordés pour dirent que je serais déjà morte à partir du dixième. Il paraît même que c'est à cinq que l'on commence à devenir fou.

Je poussais un petit rire nerveux tout en me grattant le haut du crâne.

-Tu comprends donc pourquoi je ne tiens pas nullement à conserver mon post. La Chef de la sécurité totalement insomniaque... Ça pourrait faire désordre et je pourrais commettre de nombreuses erreurs par inadvertance. Ce ne serait pas très responsable de ma part de vouloir occuper un tel post dans un mon étant.

Je riais à nouveau. Cela allait-il passer ou pas ?

-Quand je veux ? Et bien je ne demande qu'à voir ça ! Fis-je en croisant les bras.

Je savais que le pouvais le retourner comme je voulais et quand je voulais. Son bras en moins ne l'aidait en rien. Et puis nos deux derniers affrontements l'avait bien témoigné. L'un dans une illusion avec les autres membres du conseil et l'autre à Yuki même ce qui lui avait valu de justement perdre son bras. Mais la question n'était pas là. Comme toujours il refusait de se laisser aider et passait son temps à courir après les autres. Pour peu il finirait un jour taillé en pièce tout en échouant dans son entreprise.

-Dans tous les cas je m'occuperai de toi, que tu le veuilles ou non. On est tous ici pour s'entraider non ?

C'était une évidence même. J'étais déterminée à lui remettre les pendules à l'heure aussi borné fut-il. Son unique main se posa avec hésitation sur mon épaule. Je pus sentir ses doigts crispés se resserrer sur ma peau. Comprenant que la situation ne le mettais guère à son aise, je tentais quelque chose. Ce faisant j'attrapais sa main entre les miennes pour l’apposer contre-moi.

-Me coucher dis-tu ? Je déteste dormir seule...

Le tout fut accompagné d'un sourire et d'un haussement de sourcil des plus éloquents, avoir s'il serait capable de le deviner dans la pénombre. C'était plutôt vrai, elle s'était entourée de bonne personne, mignonne qui plus cela étant.

Le simple fait d'imaginer sa tête me fendit d'émoi. L'instant d'après j'éclatai d'un rire de bon vivant. Malgré la fatigue et les nerfs à vif j'en étais encore capable. Peut-être même que cette réaction venait de là : des nerfs qui lâchaient tout simplement. Et sans la moindre hésitation je lui sautais au cou pour le serrer contre moi.

-Merci d'être là gros bêta... Ça va aller mieux maintenant...

Les larmes... Toujours ces larmes qui coulaient. Elles me brûlaient les joues...