Je venais de me réveiller, j'ouvrai maintenant les yeux pour me rendre compte que le monde restait toujours aussi noir. Il me semblait que je sentais un morceau d'étoffe épais sur les yeux. Quelle en était la raison ? Qu'est-ce qui m'avait conduit à cette situation ? Je ne parvenais pas à m'en souvenir. Comme à mon habitude, je restais calme, le fait d'être dépourvu de tout sentiment humain était plus un bonus qu'un malus dans ce genre de situation, cela me permettait d'analyser correctement la situation.

Il y avait pourtant quelque chose que je gardais commun avec le reste de la race humaine. La douleur. Même si mon visage restait insensible à celle-ci comme s'il était figé dans le temps. Mon cerveau savait que j'avais mal et me contraignait donc à ne pas trop me débattre. J'essayais tout d'abord de bouger mon cou dans tout les sens histoire de voir si je parvenais à toucher une paroi ou quelque chose de la sorte, cela me permettrait de définir la pièce dans laquelle je me trouvais. Malheureusement tout autour de moi il ne semblait y avoir que du vide.

Ensuite, je bougeais mes mains, je savais que j'étais attaché par ces dernières, les mains dans le dos, du à la localisation de la douleur. Je ne parvenais pas à les joindre et donc je n'étais pas en mesure de composer le moindre sceau. Ensuite je pouvais affirmé que j'étais suspendu. De combien je ne pouvais le dire, cela pouvait être quelques centimètres comme plusieurs centaines de mètres. Je pouvais le dire car mon ventre ne touchait pas le sol et que le mouvement de mes jambes ne parvenait à toucher aucune surface.

Il semblerait que mes vêtements ne m'ont pas été ôté, j'étais en revanche incapable de dire si j'avais mon épée ou non. Son poids était devenu tellement habituel que je ne parvenais plus à distinguer lorsque je l'avais ou lorsque je ne l'avais pas.

Finalement quelqu'un entra dans la pièce, je pouvais clairement entendre des pas se rapprochant petit à petit de ma personne. Quelques instants plus tard un bruit assez commun, comme lorsque l'on déplace un meuble et puis plus rien. Mais il était toujours là il n'y avait pas eu de bruit de départ. Cette personne voulait certainement quelque chose. Quel serait l'intérêt de capturer quelqu'un si on ne veut rien de lui, autant le tuer dans ce cas, l'action est plus simple. Je n'étais pas bâillonné, par conséquent j'allais forcément en venir à discuter avec cette personne, quel serait le sujet de la discussion ? Je le saurai sous peu. Je m'exclamais donc à l'attention de mon tortionnaire.


« Il semblerait que vous vous êtes donné beaucoup de mal pour me rencontrer. Ai-je l'air si difficile à aborder que cela ? Mais plus que ça ce qui est incompréhensible c'est pourquoi suis-je ici, pourquoi suis-je dans cette situation. Jusqu'à maintenant il me semblait avoir prit des précautions pour qu'aucun grand village ne découvre mes projets. A l'heure actuelle je ne suis personne, tout juste un vulgaire errant à la solde du plus offrant, qui cela intéresserait ? Quelle personne serait intéressée par Al Sa-Her, un jisetsu nomade. A moins que ce soit pour mes yeux ? Mais vous auriez eu une fenêtre assez large pour me les prendre pendant que j'étais inconscient. »


Une simple respiration avant de reprendre.


« Mais plus important encore, où est mon épée ? L'avez vous touchée ? »


Des questions qui auraient certainement des réponses dans les secondes à venir.

Le Jisetsu avait parlé le premier. Il fallait dire que, même si c’était un homme des plus atypiques, sa condition d’être humain ne pouvait le faire ignorer la douleur qu’il devait présentement ressentir. Plus vite il entamait le dialogue, plus vite il aurait une chance de s’en tirer. Et ça, l’homme qui était assis en face de lui le savait. D’ailleurs, il l’écouta à moitié, préférant continuer de lire le dossier qu’il avait entre les mains.

Le Peintre n’était pas réputé pour sa force, sa puissance, son chakra. Mais il possédait une mémoire et une intelligence remarquable. Une seule lecture des feuilles qu’il avait dans les mains et c’était suffisant pour qu’il retienne les informations à jamais. Le septuagénaire le ferma, et le rangea dans son large habit.

« Nous sommes tous quelqu’un, monsieur Jisetsu. J’aimerais bien vous appeler Al Sa-Her mais mon articulation s’est rendue difficile avec les années. Et je n’ai pas non plus envie de vous appeler le Magicien, car vous n’en n’êtes pas un. »

L’homme reposa sa jambe droite sur sa jambe gauche. Sa main droite vint servir d’appui à son visage, tandis que son coude prenait position sur sa canne. Il dévisageait son otage.

« Ce ne sont pas vos yeux que nous voulons, ils ne sont qu’une horreur qui défie les lois naturelles de notre monde. Rassurez-vous, si vous mourrez de ma main, je ferai en sorte de vous les arracher et de les écraser pour que personne ne puisse se vanter d’un pouvoir qui n’a rien à faire parmi les Hommes. »

L’homme marqua une pause avec un soupçon de soupir. Les Jisetsu représentaient, comme les Kadoria, une hérésie selon lui et même selon certains membres de la Corporation.

« Il en va de même pour votre épée, Atiesh. Mais rassurez-vous, elle vous sera remise si jamais vous sortez vivants de notre entrevue. Je vais d’ailleurs me montrer un peu plus explicite sur la raison de votre présence ici. »

Le vieil homme toussa derrière un mouchoir, qu’il laissa ensuite tomber par terre.

« Le groupe que je représente cherche des informations que seul vous détenez. Mais plus que votre entrevue avec Samui Kakeshuou, celle avec Saibogu Oniri ou encore avec Shinda Michiki, c’est vos véritables intentions qui nous intéressent. Car vous n’êtes pas qu’un simple errant qui offrez vos services à ceux qui paient le plus. Mais si c’est le cas, sachez que personne ne possède en ce bas monde plus d’argent que notre groupe. »

Il relâcha ses articulations, avant de se repositionner sur sa chaise. L’homme, à la classe indéniable qui se mariait bien avec son âge avancé, était droit.

« Avant que vous ne m’en disiez plus, laissez-moi vous expliquer pourquoi c’est moi qui suis là et non un de mes compères. Je suis un homme qui a bien vécu, et si vos qualités d’éloquence peuvent marcher sur certains, soyez assuré que ça ne sera absolument pas le cas sur moi. Et ce que j’ai dis sur votre clan devrait également vous montrer que je n’éprouverai aucun remord à vous achever. »

Le Peintre croisa les doigts, tout en regardant la chaine qui reliait le mécanisme de torture.

« Répondez à mes questions. Si je juge que vous êtes francs, vous avancerez vers votre remise en liberté. Mais si vous refusez de parler ou si vous tentez de jouer au plus malin comme les nombreux shinobis que j’ai pu rencontrer ces derniers temps, vos chaines tireront davantage… Et l’homme intelligent que vous êtes sait que tôt ou tard, vos bras s’arracheront d’eux-mêmes du reste de votre corps. »

« Vous recruter ? »

Jisetsu Uji était un homme des plus intéressants. Mais il croyait avoir pour acquis des choses qui, en réalité, ne l’étaient pas du tout. Même s’il avait fait de l’argent son principal critère pour travailler sous les ordres d’une tierce personne, le Peintre n’aurait rien eu à lui proposer. Car après tout, dans l’éventualité d’un partenariat entre son groupe et le Nukenin, la vie était la seule chose qu’il aurait à lui offrir. Et c’était déjà bien assez.

Le vieil homme croisa les jambes. Sa main droite vint se lever jusqu’à sa tête pour remettre son chapeau en place. Puis il joint ses mains pour tapoter ses doigts entre eux. La fin de l’humanité ? Tiens donc, c’était quelque-chose qu’il avait entendu à de nombreuses reprises. Mais il fallait bien reconnaître une chose : Jisetsu Uji ne semblait pas être quelqu’un qui pouvait plaisanter à ce propos. Peut-être n’avait-il pas conscience du manque de pouvoir qui lui faisait défaut pour réussir cette folle entreprise.

« La fin de l’humanité ? Vous savez pertinemment que si elle vient un jour, ça ne sera pas de votre fait. Néanmoins, vous êtes perspicace : nous souhaiterions nous accaparer vos services. »

Ses jambes se décroisèrent alors que le Peintre était pris de toux. Sa main devant la bouche, son dos courbé tarda à se redresser.

« Excusez-moi… Nous savons que vous avez rencontré Samui Kakeshuou. Nous cherchons à connaître ce que l’on pourrait appeler son numéro représentatif. Cela pourrait être sa date de naissance, le nombre d’hommes qu’il dirige… Malheureusement, hormis l’existence de ce nombre, nous ne savons rien. A vous de le trouver, et de nous le rapporter. »

Il marqua une pause qui fut aussi brève que possible. Il ne fallait pas laisser le Jisetsu parler tant qu’il ne connaissait pas toute l’affaire.

« En échange, nous vous laisserons la vie sauve. Et, éventuellement, si vous réussissez, nous serions prêts à discuter d’autres… dédommagements. »

Puis le silence rattrapa la pièce. Un manque de bruit explicite, afin de laisser au dénommé Uji tout le loisir de réfléchir et de répondre à ce qui pouvait bien être la dernière proposition qu’on lui avait faite.

Les paroles s'enchaînèrent, mon interlocuteur au vu de ses réponses, me prenait sans aucun doute pour un fou. Il s'agit là d'une étiquette que l'on me colle bien souvent ces temps-ci. Malgré tout, je n'avais que faire de réagir sur cela. Ou du moins il n'y aurait aucune réaction humaine comme le ferait sans doute tout humain moyen. Pour ma part je me contenterai de répondre de manière assez simpliste à cette première locution qu'il m'avait adressé.


« La fin de l'humanité arrivera et je vous prie de ne pas trop vous inquiéter, mon plan pour écourter la distance entre l'Homme et sa fin inéluctable est déjà en marche. »


Il s'agissait maintenant de traiter la deuxième partie de ce sujet. A savoir mon recrutement dans ce qui semblait être « le projet plus global » de ce groupuscule que l'homme avait évoqué. Une toux succéda à ces propos avant qu'il ne continue en m'expliquant ce qu'il souhaitait obtenir à savoir un numéro concernant Samui Kakeshuou. Soit, si ce n'était que ça, cela pourrait se faire. Mais il y a un mais, il y en a souvent un d'ailleurs. Ce nombre pourrait être n'importe quoi. En somme je devrai chercher un numéro parmi le nombre de possibilités existantes. Ça corsait quand même la donne n'est-ce pas ? Enfin cet homme me laisserait en vie si je venais à accepter sa proposition. J'étais quelqu'un qui trouvait nécessaire d'offrir quelque chose aux deux partis lors d'un marché afin de garder un intérêt à la chose pour ceux concernés. Mais ici rien de tout cela n'était en place. De ce fait je répondis quelque chose comme cela :


« Résumons simplement, vous souhaitez que je découvre un numéro représentant l'empereur Samui, parmi un nombre incroyable de possibilité. Que je vous apporte une réponse tout en ignorant ce que vous souhaitez obtenir de lui. Tout en sachant que cette réponse vu la quantité de nombre pouvant définir cet homme, risque fortement d'être fausse. De plus je dois faire car sinon vous m'ôterez la vie ici-même ? »


Et pour le commun des mortels c'est moi qui dévie de la norme. Je crois qu'ils n'ont jamais rencontré cette personne. Je reprenais donc afin de conclure car il semblerait que cet homme soit déconnecté de la réalité.


« Premièrement, votre marché n'est pas satisfaisant. Je souhaite si j'accepte de travailler pour vous, que vous ôtiez une vie pour moi. En somme, vous vouliez prendre ma vie, et bien je vous propose de me laisser la mienne et d'en prendre une autre. Je souhaite que la vie prise à ma place provoque un conflit important sur le continent. Voici ma proposition. »


Je réfléchissais un instant avant de reprendre.


« Le temps que vous réfléchissiez à ma contre proposition, je souhaite savoir quelque chose. Même dans le cas où j'accepterai de faire votre boulot et que vous me laissiez la vie aujourd'hui, qu'est-ce qui m'empêcherait de vous ôter la votre une fois détaché. Ou bien de ne pas accomplir la mission. Ou même dans le pire des cas, que vous m'éliminiez une fois ma tâche finie. En somme, quelle garantie avons nous l'un envers l'autre. »


Sur ces mots, je laissais mon interlocuteur reprendre la discussion.

Il l’écoutait, mais se doutant de sa réponse. Sa qualité d’orateur était toute trouvée, mais son idéalisme restait à prouver. Comment quelqu’un pouvait désirer si ardemment la fin de l’espère humaine ? Difficile de ne pas faire le parallèle avec celui qui s’était autoproclamé l’Homme Masqué et qui – dans une folie devenue sujette aux comptes pour enfants – avait finalement fini sa vie dans un attentat déjoué à Suna. Le Peintre ne voyait pas d’avenir plus radieux pour Jisetsu Uji.

Et ce fut encore moins le cas lorsqu’il écouta ce qui ressemblait à une contre-proposition. Le vieil homme se leva et attendit que la prise de parole de son otage prenne fin en ramenant à lui une toile qu’il dressa de telle sorte qu’il puisse ensuite peindre à sa guise tout en étant assis.

« Voilà qui est embêtant. Vous me mettez dans une situation plus que délicate. »

L’ossature du Jisetsu était à peine dessinée sur le tableau de son interlocuteur. Le pinceau de ce dernier caressait la toile avec une grande délicatesse… que l’on était loin de retrouver dans les mots du vieil homme malgré un ton somme toute calme.

« Je n’ai pas de temps à perdre, et malgré le flots de paroles que vous avez déversé, je ne suis pas en mesure de dire si vous pouvez accomplir votre mission et pire encore… je n’ai plus envie de simplement vous ôter la vie. »

Son pinceau était plus lent. Le Peintre attaquait à présent le visage de celui qu’il avait en face de lui, les bras attachés dans le dos.

« Vous me rappelez ces jeunes gens comme Kyoshi Rei, bercés dans leur idiotie et leur manque d’expérience. La fin de l’humanité ? Mais qu’est-ce qu’il ne tourne pas rond chez vous, qui pourtant avez encore toute la vie devant vous ? Votre crédulité m’est exaspérante. »

Quelques instants plus tard, le portrait de Jisetsu Uji était terminé. Le membre de la Corporation se leva et s’approcha. Son pas était lent, pour qu’il ait le temps de sortir de sa manche une seringue. Peut-être que son vis-à-vis était réellement insensible à la douleur, mais ce qu’il allait lui introduire était tout sauf quelque-chose qui était fait pour blesser.

Il arriva à mi-hauteur, puis piqua l’abdomen de l’homme qu’il s’était mis à détester.

« C’est la dernière fois que nous nous voyons, fou allié. Lorsque vous vous réveillerez, j’espère que vous saurez être utile à mon compère. Mais rassurez-vous, vous mourrez dans tous les cas, pour mon plus grand plaisir. »

Sur quoi le Peintre regarda celui qui avait inspiré sa dernière oeuvre tomber dans l'inconscience, qui était bien moins emprunte à la folie que sa conscience.

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