« Celles-ci, elle lui plairont ça ne fait aucun doute. Je vous prend tout le bouquet monsieur. »

Le fleuriste acquiesça d’un mouvement de tête, prit l’argent que je lui tenais, attrapai le lot de rose rouge en question et me le tendit. Un sourire pour le remercier et me revoilà sur les routes. Il fait beau aujourd’hui, c’est chouette. Très peu de nuage, une légère brise pour faire chanter les arbres. C’est assez rare, surtout sur Mizu no Kuni mais après tout, c’est l’été. Pourquoi les autres pays auraient droit à du soleil et nous uniquement à de la brume quatre-vingt pour cent de l’année ? Ce serait quand même injuste. Profitons-en pour bonifier ce petit bronzage. Les yeux clos, le nez vers le ciel et un bon bol d’air.

« Hey ! Regardez un peu où vous allez !

- Oh pardon … »

Bah ouais ma grande, faut quand même regarder où tu vas. Enfin de toute manière on est bientôt arriver. La destination était la place de l’ancienne Kiri, ce qu’il en restait du moins. Après la grotte des Kaguya, puis Shu, me voilà sur l’ile principale de l’archipel. Et oh, mais ça a changé ici ! D’accord ça fait un paquet d’année mais il n’y a quasiment plus de ruine. C’est seulement un grand champ où certains marchants avaient installés leur charrette et leur étalage. L’ancienne grande ville était devenu un immense marché aux puces ! Peu de client, encore moins de vendeur, mais tout de même. Comparé à autrefois, après le passage des Furyous il ne restait que désolation. Ça fait plaisir de voir que la vie revient peu à peu. Très lentement certes, mais tout de même.
Bon, c’est pas pour ça que je suis là moi. Un moment d’observation pour trouver le but initial, puis y aller.

« Coucou maman. » Je m’accroupis devant et balayai quelques petits cailloux. « Excuses-moi pour toutes ces années d’absence, mais je doute que tu aurais réellement souhaitée que je reste indéfiniment cachée dans la forêt, hihi. Tiens, je sais que c’était tes préférés. » Dis-je en déposant les fleurs sur la petite dune de terre, avant de verser une larme. « Tu me manques tellement … »

La petite croix de fortune, en bois mal taillé et plantée devant, commençait à tomber. Les intempéries, les arbres qui poussent, et puis globalement les mouvements du sol avec le temps, tout ça y a contribuer. Comme le fait que le nom gravé y ait presque totalement disparu. Un petit mudra avant de planter un doigt dans la terre, et un os sortit de terre pour remplacer la première pierre tombale ; sur lequel je gravai le nom celle qui était enterrée dessous.

« Voilà, au moins comme ça c’est mieux, plus propre. J’ai bien grandis depuis, tu verrais. Je me suis faite pleins amis, j’ai même une petite copine héhé. Mais mieux encore, je suis maintenant chef de notre clan. Tu te rend compte ? Je n’ai pas chômée, la petite peste de l’époque n’existe plus … Ahahah ! Nan je déconne, tu me connais je n’ai pas changée là-dessus, et c’est comme ça que les gens m’aiment. Ou me déteste, ça dépend des cas on ne peut pas plaire à tout le monde mais au moins je mords la vie à pleine dent, exactement comme tu l’aurais souhaité. Tu sais, j’ai aussi fais partie d’une organisation. Elle s’appelait le Shoraizen. C’était vraiment bien avec beaucoup de bonnes personnes. On voulait libérer les villages cachés de leurs dictateurs, empêcher qu’ils continuent comme ils avaient fait avec vous quand vous vous êtes fait exilé de Kiri à cause d’une erreur de papa … Mais tu t’en doutes, ils ne se sont pas laisser faire … Finalement, la destruction du village par les Furyous aura servit à repartir à zéro. »

Le silence s’installa ensuite. C’était moi qui, après le massacre de Kiri, avait installer ce cimetière improvisé, rassemblant les rares corps que j’avais pu retrouver et sortir des décombres. Il était en lisière de la forêt, donc plutôt à l’écart des nouveaux petits commerces qui avaient élu domicile ici, c’est mieux comme ça.
Je me relevai après plusieurs secondes de recueillement, fis un bisou dans la pomme de ma main avant de souffler dessus, comme pour faire voler le baisé jusqu’à l’esprit de ma défunte mère.

« Je te laisse, j’ai encore beaucoup à faire. Reposes-toi bien, notre famille et Mizu no Kuni sont entre de bonnes mains. »

Il était rare que le temps soit clément à Mizu no kuni. S’en serait presque navrant. Mais Michiki n’était pas aussi râleur non plus. Il venait de quitter le QG du Fumetsu pour se rendre sur les ruines de Kiri. Il avait considérablement augmenté ses visites depuis les derniers évènements alors que se précisait l’avenir de l’archipel. Entre la conquête et la réunion au sommet en compagnie des différents partis, il avait eu de quoi s’occuper.

L’un des plus exténuants avait quand même été le débarquement des troupes du Shûkai. Simple Nukenin, Michiki s’était retrouvé à la tête d’une telle force et chargé du commandement. Certains regards avaient trahis les pensées de ceux qui les jetaient. Un vulgaire mercenaire mis à la tête d’une partie de la puissance impériale, ce n’était que pure sottise et le vieux devait virer cinglé. Ce qui n’avait pas arraché la moindre réaction au Shinda. Si un homme s’était présenté à lui en voulant défier son autorité, il serait alors fortement intervenu. Mais il n’avait pas eu à déplorer d’incident majeur, ou même mineur. L’ensemble des opérations s’étaient déroulés selon les directives données, ce qui avait facilité la tâche des hommes de l’Empire.

Pourtant la bataille avait éclaté un peu à l’improviste. Les troupes Kumojins avaient usés de stratagèmes grossiers pour tenter de duper les troupes adverses. Mais le Fossoyeur avait là aussi usé de ses capacités pour rétablir le problème. Il n’avait par la suite pas hésité une seule seconde pour « sermonner » son supérieur de ne pas avoir prévenu les troupes de la présence quasi certaine des Nuages. Ce renseignement si précieux, offert par Shinji, avait eu une valeur incomparable pourtant. Mais la surprise avait quand même été de mise sur le début. Ce qui n’avait pas empêché les envoyés du Samui de contrecarrer les attaques et de repousser l’ennemi. Là où les combats avaient fait couler du sang, la rencontre de Michiki avait fait plus coulée de mots qu’autre chose puisqu’il y avait rencontré son nouvel allié Goren. C’est suite à leur conversation avec Setsuna et Shinji qu’ils avaient convenus d’un cessez-le-feu pour laisser le temps aux dirigeants de discuter entre eux des modalités.

Une discussion qui avait mené à la victoire sans conteste du Shûkai et de l’Empereur. Il avait ensuite fallut le temps au Shinda de s’expliquer avec le Samui sur ce qui s’était passé lors du fameux évènement. Tout ceci avait au final permis à Michiki de préserver son indépendance et de remporter un allié. Goren et lui avaient perdus momentanément les traces de l’autre. Et c’était également ceux pourquoi le nécromancien se rendait aux restes du village. Il avait bon espoir d’y croiser le colosse.

Déception que de s’apercevoir en arrivant qu’il n’y avait pas trace du membre de la famille Kyu. Un sondage sensoriel avait suffi à faire le travail. Pour autant, l’endroit n’était pas non plus désert. Il y avait là quelques quidams qui avaient pris la liberté de s’installer avec des commerces. Assez surprenant en soit mais encourageant également. La rumeur commençait à se répandre que les défenseurs de Mizu étaient de retour, présageant le retour de la Brume. Au milieu de ce monde, Michiki perçut un chakra d’une personne isolée. Son regard se porta dans la direction où elle se trouvait. A part, il s’agissait d’une jeune fille qui semblait se recueillir sur une tombe improvisée. Il l’observa en silence lorsqu’il la vit de loin. Une nouvelle tombe qui s’érigea face à la demoiselle. Mais cette fois, elle fut toute d’os. Un sourire naissant accompagna Michiki jusqu’à la donzelle. Il reprit son sérieux et s’approcha le plus doucement possible pour ne pas attiser d’hostilités à cause d’une mauvaise surprise. Il finit par briser le silence :

- Il fait bon de revoir une Kaguya de retour au foyer. Même si c’est au prix de condoléances. Je me permets donc de vous souhaiter la bienvenue sur ses terres chère confrère !

Aussitôt dit, je me retournai vers une présence fraichement perçue. Je ne suis pas franchement douée dans tout ce qui est détection et sensorialité - du moins pour le moment - mais quelqu’un qui vous observe plus de dix secondes, vous finissez par le sentir. Comme un pressentiment, ou la preuve qu’on a bien un sixième sens. Ce dernier ne s’était en fait pas tromper, un homme était venu à ma rencontre, grand brun à lunette de soleil ronde sur un nez pointu. Peau clair, style citadin, un sabre à la ceinture. Il ne vient pas du coup c’est certain.

« Il fait bon de revoir une Kaguya de retour au foyer. Même si c’est au prix de condoléances. Je me permets donc de vous souhaiter la bienvenue sur ses terres chère confrère !

- Merci bien. » Répondis-je en inclinant rapidement la tête. « Kiri restera ma patrie, même en ruine. Bonjour, moi c’est Milly. Et vous, vous êtes ? »

La réponse arriva presque toute seule. Je dis presque parce qu’une seconde personne se présenta dans notre champ de vision. Une personne que je n’avais plus vue depuis plusieurs mois.

« Goren, ça alors ! Qu’est-ce que tu fais là, tu t’es perdu ? »

Un petit rire ponctua ma tirade, en croisant les bras. Il portait deux sceaux avec lui. En même temps qu’annoncer avoir apporter de quoi manger, il en sortit deux énormes œufs de l’un, et le cadavre d’un aigle géant de l’autre. Lui c’est soit le père, soit la mère de ces œufs, à tous les coups. Un petit froncement de sourcil dû à la vue du corps inerte sordidement tenu à bout de bras, comme un vulgaire bout de viande. Un peu de respect bon sang, c’est pas un poulet non plus. Quoi que, même un poulet ne mériterait pas d’être exhiber de la sorte.
J’étais tellement perturbée par cet oiseau mort que j’en écoutai à peine ce qu’il raconta ensuite, seulement la partie où il prononça mon nom pour me présenter.

« Hep hep, ça a évolué depuis. J’en suis la chef maintenant. La patronne du clan. La big boss des Kaguya, héhé. Oh mais surtout ne leur dites pas que je m’en vante, ce serait très mal vu … »

Un regard à chacun d’eux, les mains sur les hanches. Ainsi il s’appelait Michiki. Pas banale comme nom. Voyons voir, il devrait avoir dans les vingt-cinq ans, comme moi. Avec quasiment une tête de plus et sa morphologie très athlétique, on pourrait le prendre pour un roseau fragile à côté du colosse que représentait Goren. Mais je doute franchement que ce soit le cas. Ça doit plutôt être le genre de mec qui ne paye pas de mine mais qui vous découpe en trois attaques.
Tss, j’ai tellement l’air d’une gosse à côté d’eux … Le colosse lâcha ce qui allait certainement lui servir de repas très prochainement et claqua dans ses mains avant de prendre à nouveau la parole :

« Bon, on commence par quoi pour la reconstruction de Kiri ? Laissons la parole au futur Mizukage. »

Là, quelle aurait été votre réaction, juste à ce moment-là ? Moi je manquai de m’étouffer en ravalant ma salive, tellement la surprise fut intense.

« Attendez une seconde, quoi ? La reconstruction de Kiri ? Futur Mizukage ? C’est quoi cette histoire ? » Je marquai un temps de pause, les yeux allant de l’un à l’autre. « Va falloir expliquer ça en détail, parce que là j’ai du mal à suivre … »

- Shinda Michiki.

Il s’était présenté très simplement suite à la demande de la Kaguya dénommée Milly. Mais cette discussion prit un tournant tout autre lorsque le nécromancien sentit l’arrivée imminente et rapide d’une connaissance d’il y a peu. Atterrissant à leurs côtés Goren se présenta les bras chargés de ce qui semblaient être des victuailles. Alors que Michiki allait le saluer, il s’étonna tout d’abord de voir la manipulatrice d’os s’adresser directement au colosse par son prénom. Ce ne fut qu’après qu’il fit le lien tout seul.

Goren avait fait valoir ses liens avec le clan Kaguya. Cette jeune femme devait en faire partie. Le hasard avait bien fait les choses puisque le Shinda souhaitait justement rencontrer ses contacts. Et il ne pouvait rêver mieux lorsque la concernée se présenta comme étant la récente chef de la famille caractéristique de Kiri. Encore mieux pour les affaires de Mizu et pour le Fossoyeur. La conversation allait se lancer délicatement mais le Kyu mit les pieds dans le plat dès le début avec sa finesse si particulière.

Le titre de Mizukage fut jeté en plein visage à la Kaguya qui incrédule se mit à poser plusieurs questions. Il en était de même pour la reconstruction de Kiri. La pauvre ne devait pas comprendre grand-chose en effet. La réunion avec le Daimyô du pays de l’Eau s’était soldée il y a peu et la rumeur n’avait pas encore atteint tout l’archipel. Ça ne saurait tarder au vu de ce qui se préparait maintenant. Mais il fallait en effet mettre au courant cette nouvelle intervenante qui pouvait avoir une place importante dans la réalisation de ce projet d’envergure. Au vu de ses agissements auprès de la tombe de ce qui devait être un de ses proches, elle était très attachée à Kiri. Et ses mots par la suite avaient confirmés son patriotisme. Elle était donc plus qu’impliquée dans ce rêve partagé par les deux hommes. L’heure était donc à l’éclaircissement. D’une voix posée et calme, Michiki répondit aux interrogations :

- Comme l’a si finement souligné Goren, la reconstruction de Kiri s’avère être en bonne voie en effet. Je ne vous ai pas tout dit à mon sujet chère Milly. Vous connaissez mon identité mais pas ma fonction.

Là-dessus, il adressa un regard en coin à son homologue Nukenin non sans un petit sourire en coin. Le Golem ignorait encore les aboutissants de sa conversation avec l’Empereur où il lui avait officiellement confié les rênes de l’archipel. Il était donc temps de mettre au courant chaque intervenant.

- Et là par contre notre ami Goren s’est lourdement trompé. Il n’est pas question de Mizukage mais de Gouverneur. L’Empereur m’a fait confiance pour m’attribuer la tâche de relever cet archipel.

Maintenant que tout était clair, il tenait à exposer dans les grandes lignes une partie de son projet :

- N’oublions pas que ces terres sont dorénavant la propriété du Shûkai. Le Daimyô a conclu un accord avec le Kamui, en présence de Goren et de moi-même. Par conséquent, Kiri comme nous le connaissions ne reviendra pas. En revanche, un nouveau pourra s’ériger ici avec le temps. Et cette base militaire de l’Empire devra devenir un pôle important de l’Empire. C’est en tout cas ce que je m’attèlerais à faire. Mais j’ai également besoin de soutien et d’alliés de confiance pour cette entreprise.

Accordant un nouveau regard au colosse, il le reporta ensuite sur la jeune femme. Il lui témoigna tout son sérieux, que ce soit par les yeux ou par la voix :

- Je me permets de vous demander quels sont vos projets concernant Kiri. Je me doute que votre présence ici, et votre lien avec Goren, ont à voir avec le futur du village. Votre avis m’importe car vous êtes la représentante d’un clan important de la Brume.

Le brun maigrelet précisa ces propos pour le moins étranges. Il annonçait également que la reconstruction de Kiri était en bonne voie. Mais pourquoi ? Depuis quand ? Ça fait des années que rien n’a bougé ici, si on ne compte pas les marchands itinérants. Mmh, c’est louche ça, surtout avec leurs échanges de regard et leurs sourires, à Goren et Michiki. Comme s’ils me prenaient pour une débile, et j’espère sincèrement que ce n’est pas le cas.
La suite des explications ne tardèrent pas, et pour illustrer ce qui va se passer, imaginez-vous dans une bande dessinée ; avec donc les trois personnages et un poignard.

« Et là par contre notre ami Goren s’est lourdement trompé. » Continua Michiki. « Il n’est pas question de Mizukage mais de Gouverneur. L’Empereur m’a fait confiance pour m’attribuer la tâche de relever cet archipel. N’oublions pas que ces terres sont dorénavant la propriété du Shûkai. » Hop premier coup de poignard dans le cœur, première surprise et première mauvaise nouvelle. « Le Daimyô a conclu un accord avec le Kamui, en présence de Goren et de moi-même. Par conséquent, Kiri comme nous le connaissions ne reviendra pas. » Deuxième coup de poignard. « En revanche, un nouveau pourra s’ériger ici avec le temps. Et cette base militaire de l’Empire devra devenir un pôle important de l’Empire. » Troisième coup de poignard. « C’est en tout cas ce que je m’attèlerais à faire. Mais j’ai également besoin de soutien et d’alliés de confiance pour cette entreprise.

- D’alliés hein ? C’est ça ouais … » Chuchotai-je pour moi-même.

L’idée que Kiri, que Mizu no Kuni, que mon foyer soit aux mains d’étrangers, ça me révulsait. Pire encore, la personne qui venait annoncer ça se présentait en ami en plus, de quoi bien tourner le couteau dans la plaie. Et Goren, comment est-ce qu’il aurait pu accepter ça ? Je le croyais de mon côté, je le croyais ami et soutien des kirijin.
Finalement Nozomi avait raison, je suis incapable de voir plus loin que le bout de mon nez … Tu parles d’une chef de clan. Si je ne peux même pas me fier à mes propres intuitions, à quoi ça sert ?
Le grand brun à lunettes demanda ensuite mes projets pour Kiri, soit disant parce que j’étais importante et mon clan aussi. Je ne pus cacher un certain rictus, mêlant à la fois dégoût et lassitude.

« Mes projets ? En quoi ce serait bénéfique pour les derniers kirijin, qu’une dictature vienne tranquillement poser son cul ici, souiller notre histoire et marcher sur la mémoire de toutes les personnes disparues ? »

Le ton était donné.
Goren s’expliqua sur la situation, et la partie concernant la trahison de Zennosuke apporta une petite touche de joyeuseté à l’ambiance. Il est toujours bon d’avoir des ennemis communs, même en l’occurrence je ne sais plus trop si je devrais continuer à lui faire confiance, ou non.
Peu importe qu’il se porte garant des Kaguya, qu’il me félicite pour ma prise de fonction, il s’était quand même associer à un tel projet en vendant ma terre natale à cet empereur Samui.

« Non Goren, la preuve que nous soyons tous ici, c’est plutôt que VOUS soyez tous les deux ici. Vous arrivez sur vos grands chevaux – c’est une image – emplit de fierté, sur de vous. Et pourquoi ? Pour réclamer de l’aide auprès du seul clan qui n’ait pas fuit ? Vous vous êtes tous les deux allié à une bonne de lâches égoïstes et prétentieux, pourquoi ? » Mon regard alla successivement de l’un à l’autre, les poings sur les hanches. « Pour vendre Kiri ! Pour vendre Mizu no Kuni à un putain de dictateur ! Est-ce que vous en êtes conscient au moins ? Bande de … de … Rah ! »

Je levai les bras au ciel, de rage, et commençai involontairement à faire les cent pas devant la tombe de ma mère. Du calme, du calme. Ils sont tous les deux immensément plus puissants que moi, les pousser à bout n’amènera rien de moi. Il faut réfléchir, voir plus loin. Aller Milly, utilise ta tête pour une fois.
Le shukai n’est peut-être pas si pourri que ça. Quoi que … si si, jusqu’à la moelle. Mais ils ont des moyens qui pourraient nous être très utile. Ils ont une armée, une structure, un savoir-faire, tout ce qui manque à Kiri pour se reconstruire. Mais l’idée que tout cela appartienne à des types qui ont abandonnés leur pays face aux Furyous, juste pour sauver leurs petites fesses … Non il y a moyen de jouer là-dessus. Oui il y a possibilité de faire quelque chose.
Je relevai les yeux vers les deux hommes, et c’est le cas de le dire étant donné les différences de taille entre nous.

« Je n’approuve pas. Vraiment pas. Mais je souhaite plus que tout au monde revoir Kiri de mes propres yeux. Donc je vous aiderais, mais j’y pose deux conditions. » Je levai la main avec l’index et le majeur levés. « Je veux participer personnellement à cette nouvelle ville, si jamais vous faites des trucs entre vous sans rien me dire ni me poser la question, je me tire et j’emmènerai les Kaguya avec moi. Je veux avoir du coup le droit d’y mettre mes opinions. Nous serions alliés, pas subordonnés. » Mon majeur se baissa. « Et ensuite qu’à aucun moment le Shukai, ou quiconque en faisant partie, ne vienne fourrer son nez dans nos affaires. Pas d’espionnage, pas de chantage, pas de menace. Vous faites vos trucs, nous ferons les nôtres … Tu es inclus dans le lot, Michiki. »

De mon index restant je le pointai du doigt, avant de le pivoter peu après vers Goren.

« Toi, je ne t’oublie pas. J’ai misée sur toi autrefois, je te faisais confiance. Alors ouais t’as peut-être pas eu le choix. C’est sûr qu’entre Kumo avec Zennosuke qui n’a aucune parole, et un dictateur qui lui a au moins le mérite de respecter ce qu’il dit lui-même, j’aurais sans doute choisis la même chose. Mais merde quoi, le Shukai … Avec leur politique d’extension et ce que Michiki raconte maintenant, ça va nous retomber dessus, à tous les coups. » Je jetai un bref coup d’œil à l’intéressé. « Donc je compte sur toi pour ne pas me la jouer à l’envers. Vraiment. J’ai déjà une liste de cibles toutes particulières à éliminer, ce serait dommage que tu te retrouves dessus aussi. »

Spoiler:

Qui connaissait bien le Shinda savait à quel point il fallait le fuir à ce moment précis. Face à la Kaguya qui commença à s’emporter, il resta parfaitement neutre. Son visage était vide de toute expression. Ce qui quand on ne le connaissait pas donnait plutôt l’impression qu’il écoutait avec attention le dialogue enflammé de la jeune fille. Mais à l’intérieur c’était un tout autre spectacle.

Il n’y avait pas d’images pour caractériser le sentiment qui le traversait alors. Mais quelques pensées pouvaient ressortir de ce tumulte émotionnel. Tout d’abord un profond dégoût et une colère noire envers ce qui ressemblait plus au caprice d’une adolescente. Un grognement sourd aurait été approprié même si le nécromancien préféra préserver son mutisme. Il ramena rapidement son regard vers Goren mais il semblait tout aussi plongé dans le discours de la dénommée Milly. Autant la laisser terminer son plaidoyer et garder bien au chaud sa réponse.

Elle n’avait pas hésité un seul instant à tenir tête à deux hommes capables de la rayer de la carte en moins d’une seconde. Elle avait également le culot de poser des conditions en prenant à parti Michiki pour lui faire comprendre qu’il ne devrait pas s’immiscer dans les affaires de son clan. Là encore, aucune réaction notable de la part du Shinda qui observait et attendait. Et alors que le petit caprice de la demoiselle semblait prendre fin, il s’apprêtait à parler mais Goren lui coupa l’herbe sous le pied. Ce n’était pas un souci. Il fit appel à sa patience en attendant que le Kyu s’exprime sur tout ça.

Il semblerait qu’il avait tout aussi bien pris les remontrances de la Kaguya que Michiki. Il faut dire qu’elle n’y avait pas été avec le dos de la cuillère. Elle ne s’était pas privée de se montrer condescendante avec les deux hommes. Le colosse avait même arraché sa chemise pour démontrer qu’il avait un bon vécu niveau batailles. Ce qui n’était pas nécessaire mais c’était dans le style de Goren. Le Fossoyeur gardait ses yeux rivés sur la jeune fille. Elle avait eu le droit à une réponse tout aussi cinglante. Le Kyu s’était montré à la hauteur de sa réputation en matière de finesse. Elle avait eu sa dose en principe. Et si c’était le cas, elle n’en avait pas encore fini. Le plus dur arrivait.

Michiki, qui jusque-là avait gardé les mains dans les poches, retira ses dextres de leurs niches. Poings serrés, ils se relâchèrent soudainement et un sourire bienveillant naquit sur son visage :

- Je ne vous ai pas présenté mes félicitations pour votre nomination à la tête de votre clan ! Par conséquent, mes plus sincères congratulations.

Puis les dents du Fossoyeur disparurent aussi rapidement qu’elles étaient venues pour laisser place à un visage fermé et froid. Au-delà de ça, il laissait transparaître une certaine colère mêlée à de la haine :

- Car cela n’a pas dû être facile de convaincre toute une famille d’élire quelqu’un d’aussi irresponsable. Ainsi accueillir une aide pour tes proches qui se sont retrouvés désunis tout ce temps est d’une futilité déconcertante. Mais je vais te présenter la chose sous un autre angle, peut-être que cela t’aidera à reconsidérer notre « offre ».

Les mains du Shinda s’activèrent. Non pas pour des mudras. Il fouilla une poche et en ressortit un paquet de cigarettes. Alors qu’il s’appliquait à s’allumer un bâtonnet de tabac, il continua :

- Nous sommes venus ici en tant qu’alliés. Tu te sens immédiatement agressée alors que je me suis soucié de tes projets pour Kiri. Je te considèrerais comme une subordonnée que je n’aurais même pas pris cette peine. Mais à supposer que je te considère comme une alliée, il y a un principe que j’aime voir respecter : la réciprocité. Alors remballe-moi tes conditions. Tu refuses toute menace et chantage alors que tu en uses pour nous faire comprendre qu’on a intérêt à aller dans ton sens si nous souhaitons que ton clan fasse partie de ce projet. Si ce que je t’expose-là ne te plais pas, tu es libre de partir. Je serais juste curieux de savoir quel village prendrait le risque de vous accueillir. Nous avons réservés une place aux Kaguya car cela est naturel.

Alors qu’une bouffée de tabac s’échappait de sa bouche, la nicotine emplissait peu à peu son être pour venir apaiser la tension qui sommeillait en lui. Du moins elle essayait. Mais sans grand succès.

- Je ne vais pas présenter en long, en large et en travers ce que j’ai fait pour ma nation. Je ne suis pas là pour ça. Je sais ce que j’ai accompli jusque-là et ça me suffit amplement. Je n’ai pas besoin de me justifier face à quelqu’un qui réagirait de la sorte. Et au cas où la menace m’était également adressée, j’ai une liste d’ennemis sûrement plus longue que celle de tes victimes. Alors une de plus ou de moins ne m’impressionne pas plus que ça.

Surtout lorsqu’il eut jugé de la jauge de chakra de la demoiselle ! Il en arrivait à la fin de sa clope, qu’il avait terminé assez rapidement. Un vain espoir de se calmer par le biais d’une inhalation rapide de tabac. Il restait assez tendu et il n’avait pas perdu son expression si dure sur le faciès. Il venait de laisser une seconde, où il profita de jeter sa cigarette avant de finalement conclure par :

- Je vais réitérer ma demande. Les Kaguya souhaitent-ils participer à la reconstruction de Kiri ? Sachant que dans ce monde, si le Shûkai ne participe pas activement à cette entreprise, personne ne le fera. Et ce ne sont pas trois Nukenins qui refonderont une cité à eux seuls.

Le regard du Shinda passa au-dessus du verre de ses lunettes pour se planter dans celui de Milly :

- Le choix t’appartient.

La contre-attaque ne tarda pas à arriver. Et ce fut Goren qui débuta.
A l’entendre dire, j’étais peut-être aller un peu trop fort dans mes réclamations, il y avait méprise. Car en effet il se défendait d’avoir faire le moins pire des choix entre les deux possibilités proposées, et j’étais tout à fait d’accord là-dessus. Je l’avais dis. Il précisa d’ailleurs qu’il détestait tout particulièrement le Shukaï, c’est toujours bon à savoir. Puis il déchira sa chemise. Wohoho ! Ça devient torride ! La surprise pu se lire sans peine sur mon visage tellement je ne m’y attendais pas.
Tellement de cicatrices sur autant de muscle, un vrai guerrier. Il se servait de cette excuse, certes impressionnante, pour prouver qu’il n’avait pas peur de moi. Avec ou sans ce spectacle sous les yeux, il faudrait de toute manière être dingue pour vouloir s’attaquer à un mec pareil. Mais bon, l’avantage c’est qu’au moins j’ai attirée son attention. Ou leur attention ; Michiki n’avait pas l’air en reste non plus, juste poli de laisser son collègue finir son strip-tease.

« Je ne compte pas sur le Shukai, j’ai parié sur l’homme a côté de moi. » Termina-t-il. « Cependant si l’on veut rebâtir la réputation de Kiri il va encore falloir serrer les dents, accepter certaines choses. Tout le monde n’aura pas la chance que tu as d’avoir une chance de pouvoir confier tes projets pour le future Kiri. Ravale ta fierté et montre toi digne du statut de chef de clan et donne une réponse réaliste et sans insulter nos sacrifices.

- Je m’en doute bien. Et rhabilles-toi mon mignon, les hommes ne me font aucun effet. » Lui répondis-je avec une pointe d’humour. « T’as pas dû bien entendre alors je te le répète. J’aurais certainement fais le même choix que toi, à ta place. Pour des raisons différentes, mais le résultat aurait été le même. Alors refermes-moi ça, c’est pas la peine de jouer sur le volume pectoral avec moi, j’en ai naturellement plus que toi. »

Un rire moqueur ponctua cette tirade. En espérant qu’il comprenne la blague là-dedans, ce n’est pas certain quand les esprits s’échauffent ainsi. Et autant que possible j’aimerais éviter un affrontement avec lui. Ou avec Michiki d’ailleurs, hein. Faut pas l’oublier lui non plus. Ils sont tous les deux extrêmement dangereux.
En parlant de ce dernier, il me félicita pour ma nomination en tant que chef de clan. Un petit mouvement de tête suffit à le remercier. Puis vint les reproches. Irresponsable ? Je suis irresponsable ? Mais merde oh, pourquoi tout le monde me prend pour une sale gosse capricieuse !? Y en a marre qu’on ne me prenne jamais au sérieux ! Qu’est-ce qu’il faut faire pour changer ça ? Je sais pas, vraiment je comprend pas …

Les poings sur les hanches, le sourire maintenant disparu, j’écoutai en gardant du mieux possible mon calme. Il avait raison mais en même temps tord quand il disait être d’accord pour une relation alliée, tout en me reprochant d’imposer mes conditions. Il semblait oublier un détail à la fois minime mais ô combien important dans cet échange. Oui il oubliait complément ce point-ci, car son discours s’orientait bien plus dans le sens où il nous faisait une fleur en souhaitant faire participer les Kaguya dans ce projet. Comme si nous étions à l’agonie et que nous étions prêt à accepter la main bienfaitrice de n’importe qui. Bah voyons !
D’accord le clan meurt à petit feu, mais on a quand même notre fierté. Nous ne sommes pas mort au point d’aller manger la main du pire des individus.
Je le regardai faire apparaitre une cigarette avec une série de mudra et se remplir les poumons de poison par grandes inspirations. Le retour de la fumée me fit d’ailleurs tousser un moment.

« … Et au cas où la menace m’était également adressée, j’ai une liste d’ennemis sûrement plus longue que celle de tes victimes. Alors une de plus ou de moins ne m’impressionne pas plus que ça … Je vais réitérer ma demande. Les Kaguya souhaitent-ils participer à la reconstruction de Kiri ? Sachant que dans ce monde, si le Shûkai ne participe pas activement à cette entreprise, personne ne le fera. Et ce ne sont pas trois Nukenins qui refonderont une cité à eux seuls. » Il inclina un peu la tête pour porter son regard juste au-dessus des verres de ses lunettes. « Le choix t’appartient. »

Je tournai les yeux successivement sur l’un puis sur l’autre. Une situation particulièrement désagréable, sur tous les points. Comment dire ? Deux grands contre une petite. Deux hommes contre une femme. Deux puissants contre une novice. Si si, ne faites pas semblant. Qu’est-ce que pourrait faire contre eux ? Pas grand-chose avant de me faire détruire. Mais ce n’est pas une raison pour se dégonfler. Je suis pas comme Zennosuke moi !

« Vous oubliez un détail les mecs. Je ne suis rien face à vous deux ! Ça se voit quand même … Je ne fais pas le poids et je n’ai quasiment rien sous la main qui pourrait me donner du poids pour équilibrer les forces. » Je marquai une pause, levant les bras comme pour montrer à quel point c’est évident. « Alors venez pas me parler de vous sentir menacer, quoi que je puisse dire, vous ne risquerez rien en terme de puissance combative. Et ça vaut pareil dans l’autre sens. Mizu no kuni est et resta éternellement la terre des Kaguya. Nous sommes ici chez nous et je ne compte certainement pas partir, ni les faire partir. »

Un point d’éclaircit, aux suivants. Et il faut y aller prudemment, Goren est une véritable brute qui pourrait me faire taire en un revers de main. Michiki aussi, certainement, bien que je ne le connaisse pas le moins du monde. En fait c’est sans doute presque lui qui est le plus à craindre. C’est le plus calme, le plus silencieux, et comme on dit il faut se méfier de l’eau qui dort.

« Avec un tel malus, je suis obligée de jouer autrement. Et elles servent à ça mes conditions. Faites pas les surpris, on sait tous que les plus forts dominent toujours les plus faibles. Et c’est ce que je veux éviter. Le Shukaï est déjà un bien assez gros morceau pour que deux types comme vous s’ajoutent dans le lot … Seulement je peux comprendre que mes mots aient été mal choisis. Je vais donc reformuler tout ça. »

Je levai à nouveau mon index et mon majeur, mais sans cette fois le ton provocateur. Seulement un air calme, comme si j’expliquai une leçon à des élèves.

« La première, qu’on soit alliés. Sur le même plan d’égalité. Je sais comment ça se passe dans un groupe, les plus petits finissent toujours par devoir se taire. Donc je veux être certaine que vous deux, vous ne me ferez pas le coup des mecs sympa au début mais qui au final ne bosse qu’entre eux … Vous devriez pouvoir comprendre ça. Ou sinon c’est que le pouvoir vous ait vraiment monté à la tête. »

Et ce serait vraiment dommage car si c’était le cas, ils ne seraient pas des personnes à avoir avec soi. La façon dont ils vont chacun réagir donnera la réponse.

« Et la seconde, elle aussi vous devriez pouvoir la comprendre. On est peut-être un clan de grosses brutes sanguinaires, mais on a aussi nos secrets, notre histoire, nos côtés sombres. On vous aidera à rebâtir Kiri, même si pour ça il faut travailler de concert avec les troupes de Shukaï. Mais c’est là aussi pour s’assurer qu’il n’y aura pas d’abus. Pas qu’une tierce personne utilise ce prétexte d’alliance pour se permettre de venir fouiner. » Une nouvelle pause silencieuse d’une seconde. « Alors ouais ce sont des conditions, mais ça sert plus à nous rassurer, à me rassurer, que réellement à vous restreindre … Je ne veux pas être mise sur la touche alors que ma propre famille sera en train de suer sur le chantier. Je veux absolument éviter que justement vous finissiez par UTILISER les Kaguya. Ils en ont tous suffisamment bavé pour ne pas mériter ça. »

Un petit instant nostalgique me ramena plusieurs mois en arrière, à l’époque où j’avais moi aussi une famille, sans autre manipulateur d’os que moi, avant que tout part en sucette.

« A l’instar de ce qui est arrivé au Shoraïzen, je ne laisserais plus personne s’en prendre à ma famille. C’est aussi le boulot d’une chef de clan, protéger ses membres. Vous n’avez pas le droit de me refuser ces conditions, si vraiment vous voulez de nous dans ce projet. »

C’est simple, s’ils refusent on fera tout ce qui sera en notre pouvoir pour défendre ce qui reste Kiri. Ça passera autant par des sabotages que des embuscades sur des petits groupes isolés. Simples, rapides, efficaces. Mizu no Kuni est notre terre. Avec le départ de tous les autres clans, nous en sommes les gardiens et nous ferons ce qu’il faut pour protéger ces lieux.

Spoiler:

Cependant Goren avait vraiment l’air de ne pas comprendre. Il reprenait chacun de mes points et expliquer pourquoi c’était impossible. En particulier la première, car selon lui c’était beaucoup trop demander que ne pas vouloir se retrouver soumis, de ne pas vouloir être à la botte de n’importe qui. Mince alors, bah ça c’est la meilleure. En gros c’est agenouilles-toi ou bien casses-toi. Je ne pensais pas ça de lui.
Pour le deuxième point aussi il y avait un soucis. Même en disant qu’ils pouvaient « trier les infos » données au Shukaï, ça veut quand même dire qu’eux seront au courant de tout. Vous n’avez pas de jardin secret vous ? Quelque part, quelque chose qui contient tous vos petites cachotteries ? Comme un journal intime, mais en plus important parce qu’ici il s’agirait de l’histoire de tout un peuple. Il a dit détester au plus haut point le Shukaï, mais alors comment réagirait-il s’il apprenait que certains de leurs membres font quasiment partit de la famille ? Et ça ce n’est qu’une des vérités cachées.
S’il n’est même pas capable de comprendre ça, il n’est pas recommandé de lui en apprendre plus.

« Les Kaguya espèrent briller de nouveau. » Continua-t-il. « Avoir un futur autre que celui que vous avez. On te donne cela et la possibilité de protéger les terres que vous dites les vôtres, tu as un titre qui donne de la valeur à tes mots, il te donne un moyen de mettre les Kaguya dans une place des plus respectable. Moi-même ici et maintenant je ne sais même pas quelle place je vais avoir. A l’époque tu te demandais pourquoi combattre contre le Shukaï, votre clan était au plus bas, moi-même j’ai réussi à vous réunifier. Ne gâche pas ça en faisant l’erreur du mauvais choix, car là tu as la possibilité de remettre ton clan au plus bas ou de lui donner une chance.

- Je suis d’accord avec tout ça. C’est très bien mais Goren, comprends-moi. Nous ne sommes qu’une minorité. Je veux juste m’assurer que le Shukaï, ou même vous deux, ne se servira pas de mon clan comme de simples pantins. Je connais la réputation de l’empereur, il fait tellement de bruit d’ailleurs que ce n’est pas difficile de s’en faire une idée. Ça m’a tout l’air d’être une vraie dictature. Hors que fait un dictateur ? Il soumet tous ceux qui ne sont pas de son avis et élimine les plus bavards … C’est tout, c’est pourtant pas compliqué à comprendre que je souhaite simplement le meilleur pour mon clan et ma famille. Nom d’une cacahouète. »

Exaspération, c’est le sentiment majoritaire au sein de mes impressions. C’est pas croyable qu’il ne puisse pas entendre un truc aussi simple. On voit bien qu’il n’a rien à protéger lui …

« Michiki m’a traitée d’irresponsable, je lui prouve le contraire. Les Kaguya sont fort, ils ont une fierté et une histoire. Vouloir de nous pour la reconstruction de Kiri c’est très bien. Ça prouve que vous nous faites un minimum confiance. Mais vous connaissez le monde des ninjas comme moi, voir sans doute mieux encore. Les coups dans le dos, les alliances juste pour mettre en confiance la personne. Tout ça c’est une réalité, t’y as toi-même été confronté avec toutes tes cicatrices, très certainement. Alors tu ne peux pas me reprocher de rester méfiante, de m’attendre à ce qu’il y ait un piège quelque part, car ce projet est tellement beau que ce ne serait pas difficile de s’en servir comme appât … » Je marquai une pause à nouveau, le regard allant d’un homme à l’autre. « Les Kaguya ne sont pas aimés oui, on a une sale réputation et on aime l’entretenir, héhé. Et sachant cela, je ne doute pas que beaucoup souhaiterait nous voir disparaitre. Donc je le répète à nouveau, mes conditions ne sont là que pour une sécurité. Rien de plus. Si l’idée d’avoir une manieuse d’os dans votre conseil décisionnel vous fait autant flipper, je peux concéder à avoir moins d’importance … Responsable de la sécurité à Kiri sera très bien, surtout si mes Kaguya jouent les gardiens et les surveillants. »

Michiki ne cessait de bouillonner intérieurement. Comme précédemment il ne laissait rien paraître malgré toute la rage qui l’habitait. Si un senseur passait par là, il ressentirait nettement le début de malaxage de chakra qui s’opérait en lui. Une simple petite technique, rien de très sorcier, juste histoire de calmer les ardeurs de cette adolescente.

Son discours ainsi que celui de Goren avaient suffi à la calmer pendant un moment. Il y avait donc un espoir pour qu’elle entende raison. Mais elle se contenta de reformuler les mêmes âneries sur un ton plus posé. Elle aurait commencé par-là que ça n’aurait pas dérangé le Shinda de mener des négociations. Mais le fait de répéter les mêmes choses juste en changeant d’attitude les faisait arriver dans une situation énervante. Ils tournaient en rond. Elle tout comme les deux hommes qui perdaient un temps précieux. Le Fossoyeur devait l’admettre : il ne s’attendait pas à une telle réaction mais à quelque chose de plus facile et de plus rapide.

Les autres recommencèrent à exposer leurs points de vue et avis. Il resta toujours silencieux. Son mégot avait rejoint le sol depuis un moment. Et l’envie d’en griller une autre le titillait fortement. Certains fumaient pour se calmer. Il savait qu’à un certain stade, c’était inutile en ce qui le concernait. Et il avait atteint son seuil où la nicotine n’aurait plus qu’un effet de dégradation gratuit pour son organisme. Non pas qu’il n’appréciait pas une clope quand ça le chantait juste comme ça sans raison. Mais l’acte ne se prêtait plus à l’instant présent.

Malgré le fait que Goren avait sollicité l’avis de Michiki à un moment dans son discours, ce dernier n’avait pas répondu, notamment car le colosse avait continué par la suite. Puis il fut rapidement précédé par Milly qui continuait encore à déblatérer de belles bêtises. Le Fossoyeur s’étonnait de son calme. Le clan Kaguya avait une importance historique pour Kiri. D’où le fait qu’il n’avait pas encore craqué. Son but était de rallier dans la mesure du possible les anciennes familles de Kiri afin que chacun y retrouve son ancien foyer. Car en effet, cette nouvelle cité ne serait pas comme l’ancienne, mais il ferait son possible pour que tout un chacun puisse y retrouver une part de son passé en ses murs reconstruits. Et les vociférations de cette demoiselle n’arrangeaient en rien sa tâche. Une fois assuré que toutes ces simagrées étaient terminées, il put en placer une :

- C’est bon on a fini son caca nerveux ? On peut passer aux choses sérieuses ?

Le ton était certes sec mais le Shinda se retenait depuis trop longtemps. Sa voix ne laissait pas transparaître sa colère mais un sérieux inébranlable.

- Tu l’as toi-même dit : tu n’es rien face à nous. Tout comme nous ne représentons pas grand-chose face au Shûkai. Tu penses que j’ai obtenu cette place en imposant mes conditions bien tranquillement ?! Je connais en effet le monde shinobi et Goren aussi il me semble, ce qui fait que nous avons ce discours. Mais tu n’as pas l’air assez expérimentée pour comprendre. Car j’en ai vu des alliances et des coups dans le dos. Et je vais continuer d’en voir jusqu’à ma mort. Le tout est de savoir faire avec. Face à l’Empire, nous avons courbé l’échine mais l’Empereur a su reconnaître notre valeur en nous proposant une place non négligeable dans cette vaste entreprise. Nous sommes venus faire la même avec toi. Et la configuration est en effet la même. Un parti plus puissant qu’un autre.

Le regard azuréen du nécromancien ne quittait pas la Kaguya. Ses yeux étaient plantés dans les siens. Pas un sourcillement, pas un écart. Il tenait à bien se faire comprendre une bonne fois pour toute.

- Ne me parle pas du malheur enduré par ta famille, ça m’en ferait vomir. Si tu penses qu’on s’est royalement tourné les pouces avec Goren dans un hôtel de l’Empire tout compris aux frais de la princesse tu te trompes lourdement. Et je ne laisserais pas quelqu’un, aussi important soit-il, me manquer à ce point de respect. Il n’y a pas que les Kaguyas qui ont leur petite fierté. À la différence que je sais quand la manifester. Et à ce petit jeu, tu n’as pas vraiment d’options à vrai dire. Je vais me répéter une dernière fois donc. Tes conditions sont caduques et n’ont pas lieu d’être. Le Shûkai a accepté que nous fassions appel à ta famille. Tout comme l’Empereur « tyran » a monstrueusement accordé sa confiance à un Nukenin pour la gestion d’un de ses territoires. Alors les histoires de dictateur me font toujours doucement rire.

Un faux sourire avait rapidement traversé son visage comme pour imager son discours. Mais il était vite reparti dans les méandres de ses lèvres.

- Il n’y aura ni filtres d’informations, ni de place préférentielle pour les Kaguyas. Mon objectif est de rallier au mieux les clans de Kiri. Je sais que cela ne sera pas totalement possible et que je devrais me faire une idée à propos de certains. Tu as ici ta seule et unique chance que ton clan fasse partie de cette reconstruction. Si tu acceptes, tu auras le droit au respect que j’accorderais à chacun de mes collaborateurs. Goren ici présent pourra te le confirmer. Mais ça s’arrêtera là. Car je reste responsable de ses terres et j’ai l’obligation d’agir contre ceux s’opposant à l’autorité qui m’a permis d’être ici.

Un de ses doigts remonta à son visage pour pousser légèrement ses lunettes sur l’arrête de son nez. Ce qui marqua la seconde phase de son dialogue :

- Et si tu refuses, j’ai également le devoir de traiter ceux empêchant les actions de l’Empire en vertu de la Loi Martiale qui s’impose sur les terres du Shûkai. Et je ne souhaite pas en arriver là. Sinon ce serait fait depuis longtemps et je ne t’aurais même pas consulté. Goren m’avait assuré avoir votre soutien et je m’attendais très franchement à un tout autre type de dialogue. Mais puisque la fierté Kirjin s’en mêle, je vais parler dans le même langage pour que tout soit bien clair. Et sachant que je me répète déjà une première fois, ce sera la dernière. Ce sera Kiri avec votre aide ou sans. Dans les deux cas, la Brume reviendra. Reste à savoir où vous souhaiterez vous trouver à ce moment-là.

Spoiler:

Michiki intervint ensuite, il avait fini sa cigarette et l’avait écrasé au sol en attendant de pouvoir à nouveau parler. D’ailleurs on sentait quelque peu son exaspération, c’était très léger mais tout de même, ça se devinait. Voilà quelqu’un avec un fort self-control, prends-en de la graine Milly.
Son premier sarcasme passé, il expliqua sur un ton de plus sérieux leur position au sein du Shukaï, comme quoi eux aussi avaient eu à faire des concessions mais que cela avait été relativement récompensé par leur poste au sein de la future Kiri. Mouais, un piston comme un autre quoi. Hélas c’est ainsi que le monde marche, c’est à celui qui se baissera le plus qui en prendra une dans le derrière. En un sens je trouve encore plus insultant, que Kakeshou les remercie en leur offrant un poste. Ça donne vraiment l’impression qu’ils ont été souples et confortables, et qu’ils méritaient un petit cadeau bonus. Ah quelle horreur.
Et pire, je suis contrainte maintenant d’avoir la même chose ! Putain quel monde de merde ! Le nunkenin était catégorique, mes conditions et mes souhaits pour protéger mon clan ne valaient rien. Elles ne méritaient pas la moindre considération et je devais prendre cela en compte pour ma réponse. Je soutenais son regard sans peine, moi aussi je commençai à franchement avoir marre. Cet échange n’amenait à rien, on tournait en rond et malheureusement comme il le précisa à la fin de son monologue, Kiri sera reconstruite, avec ou sans les Kaguya. Ce qui nous met en état de demandeur, de quémandeur. Si l’on ne voulait pas se faire expulser de notre pays après avoir perdu notre ville et foyer, il fallait se soumettre. J’en connais certaines dans le clan qui ne vont pas être content du tout …

« Ça va, elle a été bonne la vaseline au moins ? Ça tire un peu sur la fin, nan ? Punaise … »

Un profond soupire s’échappa de mes lèvres, tandis que les poings sur les hanches je baissai un moment le regard sur le mégot à moitié enfouit dans la terre.

« Quel monde pourri. Bon on a pas le choix hein, c’est ça qu’il faut comprendre de toute manière. » Je relevai les yeux sur l’homme à lunette. « Si on ne veut pas se retrouver à devoir trouver une nouvelle terre d’accueil, chassé par des étrangers. Ça a de quoi provoquer une belle révolte. Hors c’est aussi mon boulot de chef de clan, que d’éviter ça. Donc d’accord Michiki. De toute manière je n’obtiendrais rien de plus de toi. Alors d’accord, mais nous n’intégrerons pas le Shukaï, nous seront techniquement à tes ordres puisque tu répètes encore et encore que tu es le chef, que tu as la responsabilité des lieux, et tout et tout. Mais que ce soit clair, on passe par toi pour les consignes. Si un petit merdeux du Shukaï porte un peu trop ses couilles et vient nous donner des ordres, je ne répondrais plus de ce qu’il lui arrivera. Que ce soit clair. »

Ça ne me plaisait pas. De toute manière, à qui ça pourrait plaire un tel entretien. C’était soit fuir vers un nouveau pays, soit se taire et obéir en attendant une opportunité. Et des opportunités, il y en aura de toute manière. Nous sommes dans un monde de shinobi, ne l’oublions pas, où meurtres et trahisons sont chose commune.

« Laisses-moi juste te donner un conseil, simplement comme ça, entre nous. Change ta façon de faire quand tu te trouve dans une négociation. Les ennemis, ça ne doit pas être ce qui te manque, alors évite de t’en faire d’autres en te comportant ainsi. Je ferais ce qu’il faut pour qu’il n’y ait pas de débordement de mon côté ; mais toi aussi, reste dans tes clous et tout ira bien. Les Kaguya sont bien assez susceptibles et arrogants pour qu’en plus on leur tende la perche. »

Ouais c’est moi qui dis ça ! Tout à fait ! L’hôpital qui se fout de la charité, exactement !

« Ça te servira aussi si tu veux aller recruter d’autres clans. A bon entendeur. »

Spoiler:

hrp:

Toujours dans la provocation, la jeune demoiselle ne changeait pas pour autant. Tout comme le Shinda qui préservait son calme olympien en dépit de la pique qui lui était adressée. La référence à la vaseline le faisait à la fois doucement rire et l’énervait un tantinet malgré le fait qu’il continuait de se montrer calme. Son ton témoignait à chaque fois de son état d’esprit. Craquer psychologiquement en le montrant physiquement n’était qu’une perte d’énergie. Même si l’envie de quelques techniques de haut rang en pleine face l’enchantait agréablement.

Pourtant il n’en faisait rien. Il avait beau s’être montré dur avec la jeune femme, il n’en viendrait pas à de telles extrémités. Le débat semblait clos alors qu’elle acceptait sa position. Elle n’était pas reluisante par rapport à ses revendications c’est sûr. Mais elle faisait le choix de la sagesse au final. Elle avait quand même su se montrer raisonnable en pensant en premier lieu à son clan. C’est que le cas n’était pas désespéré tout compte fait !

La Kaguya y alla de son conseil pour apprendre au Shinda à rallier des gens à sa cause. C’était bien la seule fois qu’il avait eu besoin d’en arriver à de telles extrémités. Quoique, ce n’était pas tout à fait exact. Il avait déjà convaincu certains collaborateurs d’une manière bien pire encore. Par la duperie et le mensonge. Mais face à ce genre de caractère, il valait mieux être trop honnête que fourbe. La ruse n’attirerait qu’un conflit plus tard et pour la perennité de son projet, il ne souhaitait pas ce genre de relations. Celle entre Milly et lui-même ne débutait pas du meilleur pied c’est certain. Mais elle aurait sûrement l’occasion de constater qu’il n’était pas un politicien orgueilleux de son pouvoir personnel. Michiki avait toujours abhorré ces gens. Il avait aujourd’hui un pouvoir certes mais il ne l’exploiterait pas tout à fait de la même manière que les traditionnels puissants de ce monde.

Goren y ajouta donc de sa patte en matière de subtilité. Autant dire que ça rentrait dans le lard. Il ne tarda pas à disparaître par la suite. De là à lui dire de démissionner de son poste, il ne fallait pas non plus exagérer. Mais le Colosse étant parti, le Shinda n’avait pas encore bougé. Il resta donc seul face à l’héritière du clan des manipulateurs d’os. Après un léger silence, il brisa la tension ambiante d’une voix plus posée que précédemment mais toujours sérieuse :

- Je te retourne l’avertissement. Si un Kaguya agresse un Shukajin, je devrais répliquer en tant que Gouverneur du Shûkai. Malgré cette fonction, je reste Shinda Michiki, shinobi de la Brume Sanglante. Je n’ai jamais été un homme de politique. Toujours sur le champ de bataille, j’ai suivi les ordres de celui que tu me soupçonnes d’être. Tu auras amplement l’occasion de te rendre compte que je ne fais pas partie des hommes avides de pouvoir.

Toute cette discussion avait bien méritée une petite cigarette finalement ! Il n’allait pas se priver d’en savourer une pour célébrer sa victoire. Il n’en affichait pas pour autant un sourire béat. Mais le fait de savoir que la Kaguya se rangeait de son côté l’enchantait. Il n’avait pas espéré une telle issue mais elle lui convenait parfaitement. Une fois sa clope allumée, il reprit :

- Je n’ai jamais eu besoin de me comporter comme ici. Tu m’as forcé la main alors j’ai répliqué. Et on dirait que j’ai bien fait. Les secrets de ton clan ne m’intéressent guères, notamment parce que j’en connais assez sur vous.

Une main s’était posée sur l’un des parchemins à sa ceinture. Celui où figurait le nom : Yakushi Hojo. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer sur lancée :

- Goren exagère en te conseillant de démissionner. Tu as agi comme l’aurait fait n’importe quel chef de clan. Le contexte actuel ne permet pas d’imposer des conditions. En tout cas celle que tu réclamais, je ne pouvais te les promettre car elles auraient été transgressées immédiatement. Et je n’en voyais pas l’intérêt. Ton clan aura une place dans cette reconstruction sois en sûre. Mais ma position me force à rendre des comptes au Shûkai. Même si je bataille certains points, je défendrais toujours ma patrie. Des mots bien creux tu dois te dire. Tu verras bien avec le temps quel mauvais personnage je suis alors.

Tirant une nouvelle latte, Michiki expira un plus long nuage de tabac. Rien ne le retenait ici. Même cette discussion n’aurait pas eu besoin d’être abordée. Mais le Shinda savait se comporter malgré tout. Il était venu ici en tant qu’allié et les choses s’étaient envenimées. Pour autant, il restait sur sa position d’allié. Il mettrait à contribution les Kaguyas et il espérait de cette femme et de son clan un soutien en retour. Et qui ne serait cette fois pas motiver par un ultimatum. Le Fossoyeur n’attendait pas forcément de réponse. Il salua donc dignement la jeune femme avant de s’éloigner de sa position en arpentant les ruines. Les choses allaient s’accélérer avec ce nouveau gain et les plans devaient être dressés. Ses projets le pousseraient loin et il devait prévoir les choses en bonnes et dues formes.