Nouvelle équipe atypique [Enko Shigeru]

J’avais reçu un ordre écrit de la part des autorités du village et ce n’était pas une mission. Je ne savais exactement qui avait parmi ceux qui dirigeaient actuellement avait bien pu s’occuper de cela en ces temps troubles mais cela n’avait que peu d’importance sur mon obligation à obéir. J’étais assigné à la gestion d’une équipe. Enfin, un équipe assez particulière puisque je n’avais qu’une seule personne sous mes ordres. Il s’agissait d’Enko Shigeru, le ninja médecin qui avait participé avec Kongoh et moi à la protection du seigneur du pays de la foudre. Je n’avais pas vraiment eu le temps de jauger ses compétences lors de la mission, mais il me semblait à la hauteur pour faire équipe avec moi. Le seul problème était que je ne désirais nullement faire partie à nouveau d’une équipe, surtout depuis l’incident qui avait eu lieu avec ma précédente. Mais comme je l’ai déjà dis, je n’avais pas le choix, je devais respecter les décisions du village.

Je lui avais donc fait porter une lettre de convocation pour un rendez-vous. Il devait être mis au courant de la nouvelle et je devais avoir une conversation avec lui pour mettre au point les détails de notre future collaboration. J’avais fixé l’heure du rendez-vous à 14h, laissant sous entendre dans le message qu’il avait lieu au village. Néanmoins, je décidai de le tester, voir un peu son comportement et sa gestion d’un problème avant de commencer. Ce fut pourquoi je ne donnai pas d’autre indice concernant la localisation du point de rendez-vous. S’il avait réussi à maitriser le ninjutsu médical, cela laissait supposer qu’il n’était pas dénoué d’intelligence, il n’allait donc avoir aucun mal à comprendre qu’il s’agissait d’un test. Un test plutôt injuste puisqu’il n’y avait aucun endroit à trouver, car pendant qu’il allait chercher l’endroit où je l’attendais, je comptais l’observer depuis le ciel.

Ce fut donc sur le dos de Karyuudo que je me postai, une bonne demi-heure avant l’heure fatidique pour chercher mon futur élève. La météo était plutôt bonne ce jour-là et comme le ciel était complètement dégagé, je ne pouvais pas seulement compter sur l’altitude pour me cacher de la vue de tous et particulièrement de la sienne. J’utilisai donc une technique de camouflage visuel pour rendre ma position ainsi que celle de Karyuudo totalement indétectable pour toute personne ne maitrisant pas les techniques sensorielles.

- C’est bien un comportement d’humain !

- Tu peux parler, tu fais exactement la même chose avant de plonger sur une proie, tu restes là dans le ciel à observer pour attendre le moment parfait !

Karyuudo émit alors un petit jappement qui ne voulait pas dire grand chose, comme l’équivalent d’un soupir d’agacement.

- Tu as tout de même l’air de t’amuser à l’espionner, ce n’est pas très correct. Même pour un humain.

Je ne relevai pas sa remarque, je n’en avais pas besoin. Il savait très bien ce que je pensais de ses remarques sur les humains. Pourtant cela ne l’empêchait pas de s’énerver à chaque fois que j’émettais la moindre remarque sur les aigles, sous prétexte que je faisais une généralisation des membres de son espèce.

Enfin bref, j’étais donc sur son dos, camouflé, à plusieurs centaines de mètres de hauteur. Comme j’aimais bien le faire lorsque je montais sur son dos, j’utilisais une technique me permettant d’interchanger la vision de mon oeil gauche avec la sienne. Pour lui, cela ne lui permettait que de se rendre compte du manque d’acuité visuelle des humains, même si la mienne était très développée pour ma race. Pour moi, cela me permettait de profiter de la sienne et ainsi de pouvoir apercevoir tout ce qui se passait en bas, dans le village.

La matinée s'achevait, creuse comme le reste de sa vie. L'incompréhension et le doute ne faisaient que se disputer dans l'esprit du jeune médecin. Les récents événements dans le palais du Daimyo laissaient derrière eux une amertume dont il avait du mal à se défaire. Apprendre qu'il avait été assigné à une équipe ne faisait que rajouter un poids sur sa conscience – l'écrasant progressivement sous l'enchaînement fatidique. Sa noirceur lui avait toujours donné l'impression d'être lent, comme attardé sur ce qu'il se passait dans le monde ; les seules fois où il arrivait à en percer efficacement la protection était lorsqu'il soignait les gens, il n'y avait pas de place pour la passivité à ce moment là. Ses luttes personnelles contre le chagrin, tentatives désespérées et récentes afin de rétablir une utilité pour le village autre que celle de soigner, étaient un autre enchaînement, celui de victoires et de défaites. Méthodiquement, Shigeru notait les fluctuations de son humeur sur son calepin, afin de savoir ce qui les provoquait – cependant il était incapable de décrire ce qu'il ressentait à l'idée d'être intégré à une équipe.

Les idées s'alignaient de façon désordonnée dans son esprit. Avec une équipe, il serait plus efficace pour Kumo et c'était un point positif, cependant c'était Dobutsu Otoke qui devait être son chef – il avait vu l'implication dans le travail d'équipe du shinobi lors de son épisode précédent. Il faudrait certainement redoubler d'effort au jeune médecin si l'autre décidait de n'en faire aucun, et ce scénario l'effrayait quelque peu. Il soupira lourdement. Le rendez-vous avait été fixé à 14h, cependant aucun lieu exacte n'avait été indiqué, sinon un vague sous-entendu qu'il aurait lieu dans le village. Comme quoi, l'étoffe d'un chef d'équipe ce n'était pas exactement ce qu'avait son futur binôme. Il secoua la tête – contester un supérieur n'était pas la bonne solution – et regarda sa montre : 13h. Inspirant profondément, Shigeru se dirigea vers le centre ville. L'énorme aigle qu'il avait vu précédemment devait certainement accompagner le Dobutsu : il se mettrait en hauteur, probablement sur le toit de l'hôpital, afin d'essayer de l'apercevoir. Un animal de cette taille serait certainement visible d'un endroit surplombant Kumo, non ?

13h30. L'idée d'avoir une demi-heure d'avance avait toujours été quelque chose de stricte à quoi il se tenait religieusement. Perché sur le toit de l'hôpital – auquel il avait libre accès, le garçon à l'écharpe rouge attendait sagement, scrutant les horizons au cas où il ne serait pas le seul à arriver en avance. Le rouge de son écharpe tapait certainement à l'œil sur le brun délavé du bâtiment – indiquant ainsi sa position à l'autre ninja. En y pensant pragmatiquement, Shigeru se mettait dans la position de proie afin que l'autre garçon puisse le trouver lorsqu'il arriverait.

Posté sur Karyuudo, je possédais une excellente vue sur tout le village sans pouvoir être vu par ses habitants. Évidement, je me doutais bien que l’équipe de ninja sensoriel qui s’occupait de surveiller Kumo et ses alentours pouvait parfaitement ressentir mon chakra dans le ciel mais ce n’était pas non plus comme si ce que je faisais était interdit. Mon objectif n’était, en plus, même pas de surveiller le village, mais uniquement de repérer Enko Shigeru ainsi que son comportement pour me retrouver. Il s’agissait d’un test, je ne voulais pas savoir s’il était apte à entrer dans mon équipe puisque je n’avais pas vraiment le choix, mais plutôt de connaître un peu sa façon de résoudre le problème que je lui avais imposé et ainsi en apprendre davantage sur lui.

Je le repérai d’ailleurs assez facilement puisqu’il se rendit sur le toit de l’hôpital du village. Il était évident qu’il avait fait ce choix dans le but d’avoir une bonne vue sur le village et ainsi me trouver. Une partie de moi était un peu déçu de ne pas le voir fouiller dans tous les recoins de Kumo, mais j’étais quand même satisfait de sa façon de penser qui se rapprochait un peu de la mienne. Et puis, il était en avance, c’était une chose positive, il s’assurait ainsi de ne pas être en retard, chose qui était fortement déconseillé lorsque l’on avait rendez-vous avec un supérieur, surtout pour le premier jour de l’équipe. Comme je n’avais personne d’autre à attendre et qu’il était donc inutile d’attendre 14h pour commencer la rencontre, je décidai de me montrer à lui.

- Karyuudo, tu pourrais descendre à une hauteur suffisamment basse pour que je puisse sauter. Je préfère encore attendre un peu avant de décider si je lui parle de toi ou pas.

- Comme tu veux, mais lorsque tu ne seras plus sur mon dos, ton camouflage ne fonctionnera plus sur moi et il pourra me voir.

- Il m’entendra peut-être tomber, mais tu partiras à ce moment-là et de toutes façons, il t’a déjà vu lors de notre dernière mission.

- Je te laisse décider alors !

Comme je lui avait demandé, il se dirigea vers l’hôpital. Lorsque la distance qui me séparait du toit du bâtiment devint suffisamment faible pour ne pas risquer une blessure lors de l’atterrissage, je sautai. La chute fut assez courte mais le choc de l’arrivée fut suffisamment bruyante pour ne plus laisser de doute sur ma présence. Je désactivai donc ma technique de camouflage, qui devenait donc totalement inutile. Je m’approchai alors d’Enko, la rencontre allait donc se dérouler sur ce toit où personne ne risquait de nous déranger.

- Bonjour Enko, je suis ravi de voir que tu as pris de l’avance pour notre rendez-vous !

Un bruit de chute sorti brusquement le médecin de ses réflexions obscures. Il n'était pas spécialement alerte – le toit de l'hôpital ne présentait aucun intérêt s'il s'agissait d'une attaque et le risque d'être dérangé par du personnel hospitalier lambda était proche de zéro compte tenue de l'heure – et voir Dobutsu Otoke apparaître de nulle part lui fit à peine un quelconque effet. Au moins, pensa-t-il intérieurement, il n'était pas le seul à être en avance. C'était certainement mieux que l'autre pitre de Kadoria Saito, abonné à tous les retards et malheurs possible. Comment était-il arrivé là ? Cette question ne regardait que peu l'iryonin : c'était sa liberté de le dire, aucune curiosité médicale ne pouvait en résulter à priori. Il avait de plus sa petite idée, mais n'était pas un brusque qui sauterait dans la vie des autres à la moindre occasion.

Shigeru inspira profondément et se dirigea vers son chef d'équipe - fièrement debout non loin de lui – tout en faisant taire la grimace instinctive qui se dessinait lorsqu'il entendit le surnom qui lui avait été d'office attribué. Trop de gens semblaient considéré plus rapide de l'appeler par son nom de famille, et si cette manie avait été trouvée dans ce même hôpital sur le toit duquel ils se tenaient, le jeune brun ne pouvait être qu'étonné de la vitesse à laquelle elle s'était répandue – c'était pire que la peste. Ce-dit chef avait également pris le temps de venir en avance par ailleurs – cela ne pouvait laisser que trois possibilités dans l'analyse vulgaire du brun. Soit il s'était rendu compte de son oubli et voulait être présent en avance pour ne pas se faire attendre, soit il avait l'habitude d'être en avance et son oubli n'y avait rien à voir, soit finalement il avait préparé ce stratagème pour piéger son subordonné. De ces trois options, Shigeru était incapable de choisir celle qui l'enchantait le plus – aussi décida-t-il de ne pas relever sa réflexion. On ne lui avait rien demandé.

"Bonjour Dobutsu-san. Je n'aime pas faire attendre les gens, c'est plus une habitude qu'un effort de ma part. Vous n'avez pas eu trop de mal à me trouver ?"

L'amorphisme du jeune homme lui permettait d'omettre les remarques importantes qui s'entassaient dans son esprit sans même sourciller. Aucune défiance n'était présente dans sa voix éteinte - remettre en question un supérieur hiérarchique n'était certainement pas une bonne chose à faire, surtout dès les premiers jours à être en équipe ensemble. Shigeru toisa rapidement le Dobutsu des yeux, vérifiant dans un réflexe irrépressible l'état de santé du Chuunin – il avait sauté, ce qui ne le mettait pas à l'abri d'une éventuelle entorse. Après tout, il s'en était faite une en tombant dans les montagnes il y a quelques jours seulement, et si grâce à ses propres soins sa cheville n'en portait presque plus aucune séquelle, la pensée y était toujours. Enfin, s'il avait été promu c'était certainement la marque qu'il était capable de sauter sans se fouler toutes les articulations de son corps. Il ne lui restait plus qu'a espérer que son regard analyste n'irait pas jouer en sa défaveur.

Je fus un peu surpris du stoïcisme de Shigeru lorsqu’il se rendit compte de mon arrivée soudaine. C’était une bonne chose, je ne voulais pas faire équipe avec un individu trop émotif. De plus, je savais déjà, grâce à la mission que nous avions déjà faite ensemble, qu’il ne s’agissait pas d’un problème de réactivité de sa part. De plus, lorsqu’il annonça qu’il avait l’habitude de ne pas faire attendre les gens, je fus encore plus rassuré, cela faisait déjà un problème de moins à gérer, tant qu’il gardait cette bonne habitude. Il me demanda alors si je n’avais pas eu de mal à le trouver, j’esquissais alors un sourire.

- Non, je n’ai pas eu de problème, on peut dire que trouver des gens, c’est ma spécialité.

Il devait avoir compris que je possédais des capacités sensorielles. Je sentais qu’il m’observait, c’était très discret, il ne laissait pas facilement transparaître ses émotions, mais je le sentais bien. Cela ne me dérangeait pas, il était parfaitement logique pour une personne de vouloir jauger son nouveau chef. Je m’étais d’ailleurs permis de faire la même chose juste avant.

Maintenant que la rencontre était commencée, on pouvait entrer dans le vif du sujet. Je n’avais aucune raison de perdre notre temps avec des présentations inutiles alors qu’il savait déjà le nécessaire sur moi et que j’avais lu son dossier. Évidement, ce n’était pas suffisant pour être totalement performant en tant qu’équipe, mais c’était suffisant pour ne pas s’attarder dessus. Je lui posai toutefois une question pour m’en assurer et mettre les choses au clair en même temps.

- Alors, lorsque l’on m’a prévenu de la création de l’équipe, on m’a joint ton dossier, donc je ne vais pas te demander de te présenter. Mais il n’est pas très rempli donc je me demandais si tu avais des informations qui te semblent importantes à me donner.

Ce n’était pas vraiment que sa vie m’intéressait et même si j’étais quelqu’un de curieux, ce n’était pas le moment de raconter les détails de sa vie, mais il arrivait de temps à autres que les dossiers de certains shinobis ne soient pas complets. Les compétences d’un ninja étaient bien plus utiles à savoir que l’histoire de sa famille ou de la mort de son animal de compagnie.

- De plus, si cela ne te dérange pas, j’aimerais connaître tes motivations actuelles pour pouvoir diriger l’équipe vers un projet qui nous satisfera pleinement tous les deux.

Comme nous étions présents pour se préparer à travailler ensemble, il était également important de savoir quels étaient ses projets, non pas son rêve de gosse ou son idéal de vie, mais plutôt ses objectifs à court terme. J’avais bien l’intention de l’entraîner également, nous ne pouvions pas partir en mission périlleuse sans s’être préparé au préalable un minimum.

- D’ailleurs, je trouve cela plus correct que tu ne sois pas le seul à te révéler aujourd’hui, j’ai lu ton dossier mais tu ne dois pas savoir beaucoup de choses sur moi, alors si tu as des questions, sur moi ou sur l’équipe, pose les.

Shigeru hésita un instant devant la première question du Dobutsu. Le sous-entendu concernant les capacités en sensorialité de l'autre ninja était quelque chose qu'il n'avait que facilement compris – à quoi d'autre pouvait-on s'attendre de la part de quelqu'un qui était accompagné d'un aigle ? Des choses à révéler qui étaient potentiellement importantes, il y en avait une quantité tellement faramineuse – pourtant, peu d'entre-elles se démarquaient au point de devoir les expliciter dès le début. Les rares qui remplissaient ce critère, d'ailleurs, étaient celles qu'il garderait volontiers pour soi-même – sinon que l'expérience lui avait prouvé qu'un ninja sensoriel savait les retrouver. Le jeune médecin secoua la tête, écoutant patiemment la suite du discours de son supérieur pour ne pas l'interrompre. Cela lui laissait tout le loisir de penser sa réponse.

"Je me suis fait une luxation de la cheville il y a quelques jours. C'est rétabli par mes soins mais il me faudrait encore deux ou trois jours de convalescence avant un effort physique intense. La médecine-ninja a ses propres limites."

Levant la tête pour croiser le regard du Chuunin, il inspira profondément. C'était peut-être l'occasion rêvée d'être forcé par le concours des événements à amener un changement à sa vie ? Il ne le saurait que s'il tentait de toute façon. Rien qu'un pas qui pouvait le propulser dans son propre univers dénué de gravité, tout comme ancrer définitivement ses pieds sur terre. Il soupira.

"J'ai volontiers orienté mes différents entretiens médicaux en donnant les réponses qu'il fallait, non pas les vraies. Je souffre d'une dépression profonde contre laquelle je lutte."

Il adressa une tentative échouée de sourire à son supérieur avant de faire un brusque demi-tour sur son pied sain et de s'approcher dangereusement de la bordure du toit.

"Cela ne devrait normalement avoir aucun impact sur nos missions. A moins que je ne perde la lutte – suite à quoi…"

Il hésita à enlever son haut afin de montrer les séquelles laissées sur son corps pas sa maladie, mais se ravisa finalement. Il n'était pas là pour pleurer, encore moins pour se faire passer pour une victime de la société.

"… je risque de volontairement blesser mon corps afin de vider mon esprit. Et si je le fais, ce sera mon choix. Mon erreur. Je ferais en sorte qu'elle n'impacte pas mon utilité."

Un poids venait de lui tomber du cœur. Le jeune médecin ignorait jusqu'à quel point il devait se confier au chef de l'équipe : si celui-ci voulait en savoir plus, il le dirait certainement. L'assurance que c'était là la meilleure méthode pour ne plus fuir devant son problème venait et partait sans se stabiliser, mais s'il fallait être honnête pour le fonctionnement de l'équipe… Lascivement, il décida d'enchaîner sur les réponses qu'il lui devait.

"Ma motivation… Je veux être utile au village. Peu importe ce qu'il faudra faire, je le ferais."

Shigeru se retourna calmement vers son supérieur hiérarchique, lui adressant un sourire plus sincère déjà que le premier qu'il avait arboré. Le poids de sa dépression ne pouvait tenir s'il s'ouvrait volontairement afin de l'affaiblir plus encore. Peut-être bien que cette nuit, il trouverait le sommeil reposant.

"Ma vie n'est utile que s'il y a des gens autours, sans cela je pourrais tout aussi bien me laisser emporter par le vide. Je ne veux pas en venir à cette éventualité, combien même il me faille me baigner dans une foule d'inconnus malveillants."

Il ignora volontairement sa quête de toujours améliorer sa science – c'était une évidence pour n'importe quel médecin qui tenait à se respecter soi-même, aussi il jugea inutile de le préciser.

"Quant à vous… Je n'aurais qu'une seule question – je pense trouver le reste de mes réponses dans les cartothèques de l'hôpital. Puis-je vous tutoyer également ?"

Sciemment, il refusa de s'immiscer dans la vie de son supérieur malgré l'ouverture qui lui était faite. Seule cette question importait réellement de toute façon, non ? C'était certainement le moment qui l'avait le plus marqué pendant son repas avec Kongoh – l'autorisation de tutoyer. Immédiatement, cela provoquait un sentiment de proximité avec les gens : au vue des informations qu'il avait données sur lui-même, cela ne lui semblait que naturel.

J’écoutai alors les dires du genin avec intérêt. Toute information le concernant était bonne à prendre, ce qui semblait être un simple détail pouvait se révéler très important lors d’une mission. Il se livra d’ailleurs bien plus que je ne l’espérais et sa réponse fut bien plus personnelle que je ne le pensais capable de divulguer. Je remarquai immédiatement qu’il n’était pas un shinobi ordinaire, son esprit était meurtri, tout comme l’était son corps. Si les blessures physiques guérissaient toutes seules avec le temps et du repos, celles de l’âme demandaient un effort particulier pour disparaître. Sur le coup, je fus suffisamment surpris pour ne pas savoir quoi répondre à cela. Je pensai d’abord que ce n’était pas mon problème s’il souffrait d’une dépression mais je me rendis alors compte que je ne pouvais pas non plus l’ignorer.

- Pour ta blessure à la cheville, je trouve déjà cela bien que tu aies pu t’en occuper seul même si la guérison n’est pas parfaite. Nous n’avons pas encore de missions de prévues, par conséquent, cela te laisse encore quelques jours pour t’en remettre. Pour le reste, je ne peux pas grand chose pour toi, tu es maître de ton esprit, toi seul pour résoudre ce genre de problème. Par contre, si tu veux être utile au village, cette équipe sera peut-être un bon moyen de trouver ce que tu cherches.

Quand je lui proposai de me poser les questions qu’il souhaitait, il ne me demanda que la permission de me tutoyer, prétextant qu’il pouvait trouver par lui-même les réponses aux autres questions. Je n’appréciai pas trop l’idée qu’il voulait faire des recherches sur moi alors que j’étais prêt à y répondre, mais je ne lui en tins pas rigueur. Je pouvais comprendre qu’il n’osait pas parler de certains points avec un supérieur hiérarchique.

- Tu as ma permission pour me tutoyer, ce genre de concept m’est un peu étranger à vrai dire, mais je te demanderai toutefois de ne pas le faire en présence de l’un de mes supérieurs, cela ne serait bénéfique ni pour toi ni pour moi. Certaines personnes restent très attachées à cela pour des raisons qui me sont inconnues. Par contre, j’espère que tu n’attends pas trop de réponses de la part des cartothèques de l’hôpital, les informations dont disposent le village à mon sujet sont assez limitées et la plupart sont limitées aux autorités.

J’avais dis ce que j’avais à dire, le rendez-vous n’était qu’une simple formalité pour mettre les choses au clair avant de commencer à travailler ensemble. Il n’y avait donc que peu de raison de le continuer.

- C’était tout ce que j’avais à te dire, si tu as autre chose à ajouter, c’est le moment. Sinon, je te demanderai de venir dans une semaine aux terrains d’entraînements à l’aube et repose ta cheville d’ici là, je ne voudrais pas repousser cela à nouveau et nous devons nous entraîner au moins une fois avant de partir en mission.

La compréhension condescendante et dénuée de tout jugement dont faisait preuve son chef d'équipe était l'équilibre parfait qui était nécessaire au jeune médecin. Il était pleinement conscient que c'était son combat et qu'il était le seul à pouvoir le mener, néanmoins ses connaissances lui permettaient également de savoir que moins ce combat serait secret, plus il serait simple de le gagner. Oui, cette équipe serait le bon moyen d'être utile au village – à chaque instant, la certitude qu'il portait à ces propos ne faisait que croître. Si les choses se déroulaient comme il le fallait, ce serait certainement une excellente occasion de stimuler son état mental. Un bénéfice potentiellement infini, surtout combiné à un chef qui s'en tenait à l'essentiel. Les discussions incessantes n'étaient pas le fort de Shigeru – obéir à des ordres concis était déjà bien mieux.

Il adressa un sourire sincère à l'autre ninja lorsque ce dernier l'autorisa à le tutoyer. Pour lui, c'était établir un nouveau lien, une nouvelle proximité dont il fallait désormais s'occuper afin qu'elle ne se dégrade pas – un coup de plus infligé aux nuages brumeux qui envahissait son esprit. Bien sûr, le jeune médecin comprenait la hiérarchie et saurait s'y tenir selon les recommandations d'Otoke - le respect était une notion bien ancrée en lui de toute façon.

"Je n'espère y trouver rien de plus que les principales informations médicales vous… te concernant. Que je sache dans quoi je m'aventure si le jour où mes mains auront le besoin de te soigner arrive."

Il n'y avait rien que du professionnel dans la requête, mais Shigeru ne savait que trop bien que s'il y avait un endroit en particulier à l'hôpital qui lui était fermé, c'était les dossiers des patients limités aux autorités – seule une nécessité médicale absolue nécessitant la consultation immédiate du dossier afin de sauver la vie d'un shinobi permettait un accès à ce genre de document. Le stratagème à mettre en place était trop complexe – il préparerait les questions séparément et les poserait à leur prochaine rencontre, ce serait plus simple.

Concis, condescendant, compréhensif – tellement différent de l'impulsion qui l'avait traversé lors de la mission chez le Daimyo… Le jeune médecin secoua la tête : les réponses à ses questions concernant son chef d'équipe arriveraient certainement avec le temps, il n'y avait strictement aucun intérêt à les poser maintenant. Une semaine était plus qu'assez pour sa cheville d'après ses observations. Il hocha la tête devant l'ordre de son chef et le salua platement avant de se diriger vers la porte qui l'amènerait vers l'intérieur du bâtiment. Lorsqu'il arriva à celle-ci, il se retourna pour lancer un dernier au revoir au Dobutsu, mais celui-ci avait déjà disparu.

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